“Itinérance 2022” Artistes de la Casa de Velázquez – Académie de France à Madrid 2020-2021, à l’Académie des beaux-arts – Pavillon Comtesse de Caen, Paris, du 20 janvier au 6 mars 2022
“Itinérance 2022”
Artistes de la Casa de Velázquez – Académie de France à Madrid 2020-2021
à l’Académie des beaux-arts – Pavillon Comtesse de Caen, Paris
du 20 janvier au 6 mars 2022
© Sylvain Silleran, présentation presse, le 19 janvier 2022.
Texte de Sylvain Silleran
Des vidéos, des traits noirs à la large brosse répétés encore et encore sur des toiles, des carrés bleus et cuivrés, des papiers punaisés au mur comme un devoir étudiant, des feuillets que personne ne lira mais qui inventorient et classent, de l’architecture, de la géographie, on oubliera bien vite. Des photos de femmes collées l’une au-dessus de l’autre pour faire une règle verticale mesurant le un mètre soixante de l’artiste. 18 portraits en noir et blanc, des photos trouvées, comme Vivian Maier! Chouette! Ah non, là ce sont des photos-souvenir, des portraits en pied, dames bien droites devant une balustrade, un bosquet ou un mur anonyme, un souvenir d’un parent, d’une amie. Toutes les femmes que cette artiste porte en elle, cette diversité de robes claires et sombres d’il y a longtemps, le sourire et les yeux un peu plissés par le soleil forment un petit bout de pellicule, trop court pour qu’il s’y passe quelque chose. Ces pensionnaires de La Case de Velázquez sont bien ennuyeux.
Rudy Ayoun a peint les espaces intérieurs de la villa comme de petits appartements vides. Il mélange les éléments des ateliers de ses collègues à des objets anciens, des œuvres laissés par des pensionnaires aujourd’hui oubliés. Le tableau d’un voisin au mur, le fauteuil de l’atelier de l’artiste, un meuble des années 30… l’intérieur devient une nature morte. Ces éléments disparates réunis peinent à raconter quoi que ce soit, c’est dommage parce que la peinture est maitrisée. Liza Ambrossio mélange sa culture mexicaine et le folklore pop japonais. Ses femmes sorcières, les brujas se métissent avec les yôkai de mangas. Il s’agit de dénoncer la culture du féminicide du patriarcat. Pour cela elle pend des poissons séchés en un mobile macabre. Cela ressemble à des personnages monstrueux, des aliens avec de longues queues, des peaux séchées, momifiées dont on voudrait humer le parfum d’enfers.
Bravons la bande-son psycho-acoustique, composition en stéréo aux accents conceptuels mais tout de même agaçants pour plonger dans l’univers des cowboys de Compton de Bianca Argimon. Des afro-américains de ce quartier pauvre de Los Angeles ont récupéré des chevaux destinés à l’abattoir et se baladent entre une station Texaco, un Liquor store et un Fried Chicken. Une bande d’indiens, d’amazones, des héros enfin! Ils rendent à la ville de la poésie, en élargissent l’horizon, permettent à chacun de s’éloigner de la misère et du crime, de rêver à nouveau. Le dessin est naïf, malhabile, un collage enfantin brut de formes découpées, mais l’histoire est prenante et ces cowboy-indiens folkloriques plutôt sympathiques.
Parmi ces travaux qui se donnent tant de mal à atteindre le graal de l’originalité peu parviennent à l’atteindre. Il y a Julien Deprez et ses machines, Des robots graveurs qui créent des images d’une autre planète. Des paysages industriels, une terre griffée de sillons, quadrillée, scannée, sont imprimés dans des couleurs jaunes, rouges, vertes, des couleurs vives et sales, graisseuses. Le monde est vu par l’œil du Terminator, un monde du bord des villes, de nature et de ciment, un nulle part. La machine nous fait douter, est-elle au bord de la dislocation, en proie à un bug informatique, ou est-ce le paysage qu’elle reproduit qui est un paysage défunt? Et puis Xie Lei nous offre de la peinture, de la vraie, de celle qui parle de l’homme, de la vie, de la mort. Des personnages flottent dans les limbes, paisibles et lumineux. Le peinture toute en transparence est d’une magnifique sensibilité. Le travail de Xie Lei est empreint d’histoire et de culture, de sa rencontre avec Velázquez, Goya, Rimbaud. Il regarde l’âme et la peint, patiemment, couche après couche, courageusement. C’est une entreprise hasardeuse, une démarche de funambule. Il est bien le seul à oser.
Sylvain Silleran
Extrait du communiqué de presse :
L’exposition collective ITINÉRANCE rassemble les oeuvres de la promotion 2020-2021 des artistes résidents de l’Académie de France à Madrid, section artistique de la Casa de Velázquez. Elle sera ouverte du 20 janvier au 6 mars à l’Académie des beaux-arts à Paris.
En septembre 2020, arrivait à la Casa de Velázquez la 91e promotion d’artistes de l’Académie de France à Madrid. Quinze artistes, sept pays, dix disciplines qui pendant une année se sont nourris de l’expérience même de la résidence pour affirmer leur pratique ou explorer de nouvelles pistes.
Quinze voix aussi prometteuses que puissantes qui, surtout, ont dû faire face à une année où les doutes et les incertitudes ont été des compagnons quotidiens. Après la stupeur de voir se déployer une crise sanitaire sans précédent, au sortir de plusieurs mois de confinement, les artistes de la promotion 2020-2021 ont su – individuellement et collectivement – aborder leur aventure madrilène comme un défi constant, entre résilience et capacité d’adaptation, au cours d’une année où créer, se déplacer et montrer son travail n’a jamais été un fait acquis.
Ainsi, si l’étape parisienne d’ITINÉRANCE – exposition inaugurée à Madrid en juin 2020 – est toujours un événement marquant de la post-résidence, elle prend cette année un sens tout particulier. Plus que la restitution d’une année de travail, elle est synonyme d’espoir, de force mentale et de capacité d’adaptation comme de résistance. En somme : elle devient, plus que jamais, la célébration de cet invincible feu qui anime la jeune création contemporaine.
Peinture, dessin, vidéo, photographie, architecture, création sonore… Cette année encore, la diversité des pratiques sera le point d’exergue d’ITINÉRANCE, tout autant que la multitude d’approches et de préoccupations qui a mis en effervescence la Casa de Velázquez durant l’année 2020-2021 : réflexions environnementales autour de l’eau et l’exploitation de minerais ; questions liées aux représentations sociales, à l’(in)hospitalité et à la mémoire ; nouvelles visions plastiques autour du féminisme ; réexploration du concept d’allégorie ou réactivation des signes pour générer de nouvelles formes poétiques ; imaginaires post-pandémiques…
Moment de rencontre entre le public et la création contemporaine en résidence, l’étape parisienne d’ITINÉRANCE est également le témoignage des liens vibrants qui unissent l’Académie des beaux-arts et la Casa de Velázquez.
Soutien tutélaire de l’Académie de France à Madrid depuis plus d’un siècle, l’Académie des beaux-arts tient en effet un rôle actif dans l’accompagnement des artistes résidents, en participant notamment à la sélection des promotions entrantes et en assurant le suivi des projets au cours de l’année.
Les artistes
Liza AMBROSSIO. 1991 /// Mexique /// Photographie – Arts visuels
Bianca ARGIMON. 1988 /// France-Espagne /// Dessin
Laía ARGÜELLES. 1986 /// Espagne /// Arts visuels. Boursière annuelle de la Diputación de Zaragoza
Rudy AYOUN. 1992 /// France /// Peinture
Iván CASTIÑEIRAS. 1980 /// Espagne /// Vidéo – Cinéma
Julien DEPREZ. 1981 /// France /// Gravure
Guillaume DURRIEU. 1980 /// France /// Peinture
Emma DUSONG . 1982 /// France /// Vidéo
Francisco FERRO. 1981 /// France-Brésil /// Composition musicale
Silvia LERÍN. 1975 /// Espagne /// Arts plastiques. Boursière annuelle de l’Ayuntamiento de Valencia
Clara MARCIANO. 1990 /// France /// Dessin
Callisto MC NULTY. 1990 /// France /// Cinéma
Alessandra MONARCHA SOUZA E SILVA FERNANDES. 1988 /// Italie- Brésil /// Architecture
Adrian SCHINDLER. 1989 /// France – Allemagne /// Arts visuels
XIE Lei. 1983 /// Chine /// Peinture