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🔊 “Peintres femmes, 1780-1830” Naissance d’un combat, au MusĂ©e du Luxembourg, Paris, du 19 mai au 4 juillet 2021

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“Peintres femmes, 1780-1830”
Naissance d’un combat

au Musée du Luxembourg, Paris

du 19 mai au 4 juillet 2021

Musée du Luxembourg

PODCAST - Interview de Martine Lacas, Docteure en histoire et thĂ©orie de l’art, auteure, chercheuse indĂ©pendante et commissaire de l’exposition, par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 18 mai 2021, durĂ©e 20’09. © FranceFineArt.

PODCAST –  Interview de Martine Lacas, Docteure en histoire et thĂ©orie de l’art, auteure, chercheuse indĂ©pendante et commissaire de l’exposition,

par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 18 mai 2021, durĂ©e 20’09,
© FranceFineArt


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Peintres femmes; 1780-1830; Naissance dÕun combat
Peintres femmes; 1780-1830; Naissance dÕun combat
Peintres femmes; 1780-1830; Naissance dÕun combat
Peintres femmes; 1780-1830; Naissance dÕun combat
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Peintres femmes; 1780-1830; Naissance dÕun combat
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Peintres femmes; 1780-1830; Naissance dÕun combat
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Peintres femmes; 1780-1830; Naissance dÕun combat
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Peintres femmes; 1780-1830; Naissance dÕun combat
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Peintres femmes; 1780-1830; Naissance dÕun combat
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© Anne-Frédérique Fer, visite presse, le 18 mai 2021.

AimĂ©e Brune, Une jeune fille Ă  genoux, 1839. Huile sur toile, 116 x 89 cm. Ville d’OrlĂ©ans, musĂ©e des Beaux-Arts. © OrlĂ©ans, MusĂ©e des Beaux-Arts. © Christophe Camus.
AimĂ©e Brune, Une jeune fille Ă  genoux, 1839. Huile sur toile, 116 x 89 cm. Ville d’OrlĂ©ans, musĂ©e des Beaux-Arts. © OrlĂ©ans, MusĂ©e des Beaux-Arts. © Christophe Camus.
Constance Mayer, Autoportrait, vers 1801. Huile sur toile, 116 x 89 cm. Boulogne-Billancourt, bibliothĂšque Paul-Marmottan – AcadĂ©mie des beaux-arts, Institut de France. © Fine Art Images/Bridgeman Images.
Constance Mayer, Autoportrait, vers 1801. Huile sur toile, 116 x 89 cm. Boulogne-Billancourt, bibliothĂšque Paul-Marmottan – AcadĂ©mie des beaux-arts, Institut de France. © Fine Art Images/Bridgeman Images.
Hortense Haudebourt-Lescot, Le Jeu de la main chaude, 1812. Huile sur toile, 75 x 100 cm. Paris-La-Défense, dépÎt du Centre national des Arts plastiques, achat en 1813, auprÚs du musée des Beaux-Arts de Tours depuis le 10 février 1942 © Domaine public / Cnap / crédit photo : Yves Chenot.
Hortense Haudebourt-Lescot, Le Jeu de la main chaude, 1812. Huile sur toile, 75 x 100 cm. Paris-La-Défense, dépÎt du Centre national des Arts plastiques, achat en 1813, auprÚs du musée des Beaux-Arts de Tours depuis le 10 février 1942 © Domaine public / Cnap / crédit photo : Yves Chenot.
Jeanne Elisabeth Chaudet, Portrait d'une dame en novice, 1811. Huile sur toile, 81 x 64,5 cm. Paris, Galerie Michel Descours. © Galerie Michel Descours.
Jeanne Elisabeth Chaudet, Portrait d’une dame en novice, 1811. Huile sur toile, 81 x 64,5 cm. Paris, Galerie Michel Descours. © Galerie Michel Descours.
Marie-Denise Villers (Nisa Villers), épouse Lemoine, Portrait présumé de madame Soustras laçant son chausson, 1802. Huile sur toile, 146 x 114 cm
Paris, dépÎt du musée du Louvre, département des Peintures, auprÚs du musée international de la Chaussure, Romans-sur-IsÚre. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / photo Maxime Chermat.
Marie-Denise Villers (Nisa Villers), épouse Lemoine, Portrait présumé de madame Soustras laçant son chausson, 1802. Huile sur toile, 146 x 114 cm
Paris, dépÎt du musée du Louvre, département des Peintures, auprÚs du musée international de la Chaussure, Romans-sur-IsÚre. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / photo Maxime Chermat.
Marie-Gabrielle Capet, L'atelier de Madame Vincent en 1800, 1808. Huile sur toile, 69 x 83,5 cm. Munich, Bayerische, StaatsgemÀldesammlungen, Neue Pinakothek, Leihgabe des PinakotheksVereins. © BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / image BStGS.
Marie-Gabrielle Capet, L’atelier de Madame Vincent en 1800, 1808. Huile sur toile, 69 x 83,5 cm. Munich, Bayerische, StaatsgemĂ€ldesammlungen, Neue Pinakothek, Leihgabe des PinakotheksVereins. © BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / image BStGS.
Marie-JosĂ©phine-AngĂ©lique Mongez, ThĂ©sĂ©e et Pirithoüs dĂ©livrent deux femmes des mains de leurs ravisseurs, 1806. Craie noire, blanche, bleue, et ocre sur papier ivoire, 59,5 x 75 cm. Minneapolis, The Minneapolis Institute of Art, The Richard Lewis Hillstrom Fund. © Minneapolis Institute of Art.
Marie-JosĂ©phine-AngĂ©lique Mongez, ThĂ©sĂ©e et Pirithoüs dĂ©livrent deux femmes des mains de leurs ravisseurs, 1806. Craie noire, blanche, bleue, et ocre sur papier ivoire, 59,5 x 75 cm. Minneapolis, The Minneapolis Institute of Art, The Richard Lewis Hillstrom Fund. © Minneapolis Institute of Art.

Texte de Sylvain Silleran :



“Ni l’un ni l’autre” dit une jeune femme se bouchant les oreilles entre deux hommes lui offrant qui des bijoux, qui de l’argent. Le combat des peintres femmes pour exister dans la peinture et – plus tard – dans son histoire est une rĂ©volution Ă  part entiĂšre, une rĂ©volution heureuse et colorĂ©e, gracieuse. La printaniĂšre Marie-Antoinette en robe de mousseline de Elisabeth-Louise VigĂ©e Le Brun n’est pas la seule reine peinte ici. L’autoportrait de Rosalie Filleul de Besnes est tout aussi princier. Une douceur d’ange nous contemple, Ă©thĂ©rĂ©e dans la lumiĂšre descendue d’un ciel olympien. Une dĂ©licate main tient pinceaux et brosses comme le faisceau des flĂšches d’un Cupidon. Deux femmes qui connaitront le mĂȘme Ă©pouvantable destin sur l’Ă©chafaud rĂ©volutionnaire.

La grĂące hollandaise de Marguerite GĂ©rard avec son ElĂšve intĂ©ressante froisse avec virtuositĂ© les Ă©toffes au drapĂ© argentĂ©, le chiffonnement des papiers, les ors, les boiseries, le reflet de la piĂšce dans une bonbonne de verre. Et au milieu un visage angĂ©lique, simple de bergĂšre, noble de duchesse, un profil dĂ©terminĂ© Ă  rĂ©ussir. Marie-Guilhelmine Benoist se reprĂ©sente peignant, vĂȘtue  telle une dĂ©esse grecque, la chevelure de VĂ©nus botticellienne flottant avec lĂ©gĂšretĂ©. Dans le coin de sa toile, le front et l’arĂȘte du nez d’un vieil homme. La jeune peintre copie un tableau de la renaissance mais repousse vers le bord du cadre l’homme et ses dogmes patriarcaux.

AdĂ©laĂŻde Labille-Guiard peint Elisabeth Philippine Marie HĂ©lĂšne de France, sƓur de Louis XVI. Une magnifique chevelure d’argent encadre un visage tendre. Des fils prĂ©cieux, des herbes, un jardin, une marine : il y a tant de vies dans cette coiffure, tant de libertĂ© soyeuse que les reflets d’or de l’habit, la dentelle d’Ă©cume s’envolent, laissant resplendir une femme matin, une femme lac, une femme automne. Plus terrienne est la femme tenant un agneau par Jeanne-Louise Vallain. La voici assise, narrant un Ă©pisode biblique; elle pourrait ĂȘtre toscane si un je ne sais quoi du ruban dans ses cheveux ne la rendait si simplement française.

HĂ©las, la condition de femme est encore difficile. En tĂ©moigne avec Ă©lĂ©gance Marie-Nicole Vestier. Son l’Auteur Ă  ses occupations la reprĂ©sente soulevant la tenture du berceau de son mignon bĂ©bĂ© tandis que de l’autre main elle tient sa palette et ses pinceaux. Pourtant des ateliers s’ouvrent aux femmes. L’atelier studieux de Catherine-Caroline Cogniet-ThĂ©venin semble d’une rigueur toute protestante. Celui peint par Adrienne-Marie-Louise Grandpierre-Deverzy, l’atelier de son Ă©poux Abel de Pujol est lui colorĂ©, Ă©clatant, sensuel; on y travaille avec assiduitĂ© certes mais la passion qui anime ces femmes l’Ă©claire d’une heureuse lumiĂšre. Les yeux pleins d’espiĂšglerie de Julie Duvidal de Montferrier montrent cette tranquille effronterie, la rĂ©solution, la confiance. Un turban oriental laisse quelques boucles encadrer un visage, y faire briller la juvĂ©nile innocence et la foi.

Il y a des voyages en Italie, d’autres chez les dieux classiques, des empereurs et des anges… Et la MaternitĂ© de Marguerite GĂ©rard. La mĂšre a encore la grĂące inimitable du XVIIIĂ©me mais la lumiĂšre, les couleurs annoncent dĂ©s sa premiĂšre annĂ©e le XIXĂ©me siĂšcle qui vient. L’allĂ©gorie n’a plus besoin d’ailes, d’angelots ou d’ors, la beautĂ© peut naitre dans un appartement. Marie-Victoire Lemoine peint Marie-GeneviĂšve avec sa petite fille : une simple couronne de fleurs rouges devient celle d’une impĂ©ratrice. Tout se mĂ©lange, le contemporain et la renaissance. Madame Soustras par Marie-Denise Villers lace son chausson comme HermĂšs. Le ruban blanc nacrĂ© contre la robe noire aux reflets Ă  peine aubergines, le teint champĂȘtre d’une femme Ă  la jeunesse Ă©ternelle, le visage troublĂ© par un fin voile : la peintre brouille toutes les pistes, s’affranchit des rĂšgles en mĂ©langeant les genres. 

La Jeune fille Ă  genoux de AimĂ©e Brune est Ă©purĂ©e de tout artifice, elle resplendit de pieuse timiditĂ© dans un minimalisme monacal sur fond violet. Les couleurs de la peinture sur porcelaine vibrent dans une rĂȘverie d’antiquitĂ© fluorescente de Marie Victoire Jaquotot. Les roses Ă©clatants, les ors, les pourpres et le vert de la MĂ©diterranĂ©e sont divinement Ă©clairĂ©s. Sa Sainte Famille d’aprĂšs RaphaĂ«l, s’il fallait encore prouver sa virtuositĂ©, a dĂ» faire naitre nombre de vocations, dans la peinture ou dans les ordres. 

Elisabeth-Louise VigĂ©e Le Brun contemple les peintre qui la suivent : Marie-AdĂ©laĂŻde Durieux accoudĂ©e sur son carton Ă  dessins, Hortense Haudebourt-Lescot si rembrandtesque, Constance Mayer s’offrant la grĂące poĂ©tique d’une muse… Ces combattantes de la peinture rafraichissent les murs du musĂ©e du Luxembourg avec beautĂ© et Ă©lĂ©gance, en attendant de rĂ©intĂ©grer avec autant de bonheur les livres d’histoire.


Sylvain Silleran

Isabelle Pinson, L'attrapeur de mouche, 1808. Huile sur toile, 39 x 30 cm. Notre Dame (IN), Snite Museum of Art, University of Notre Dame. Bequest of Dr. Paul J.
Vignos Jr. © Collection of the Snite Museum of Art, University of Notre Dame.
Isabelle Pinson, L’attrapeur de mouche, 1808. Huile sur toile, 39 x 30 cm. Notre Dame (IN), Snite Museum of Art, University of Notre Dame. Bequest of Dr. Paul J.
Vignos Jr. © Collection of the Snite Museum of Art, University of Notre Dame.
Louise-Joséphine Sarazin de Belmont, Vue du Forum le matin. Huile sur toile, 60 x 82 cm. Tours, Musée des Beaux-Arts de Tours. © Musée des Beaux-Arts de Tours.
Louise-Joséphine Sarazin de Belmont, Vue du Forum le matin. Huile sur toile, 60 x 82 cm. Tours, Musée des Beaux-Arts de Tours. © Musée des Beaux-Arts de Tours.
Elisabeth Louise VigĂ©e Le Brun, Autoportrait de l'artiste peignant le portrait de l'impĂ©ratrice Maria FĂ©odorovna, 1800. Huile sur toile, 78,5 x 68 cm. Saint-PĂ©tersbourg, musĂ©e d’État de l’Ermitage. © Saint-PĂ©tersbourg, MusĂ©e de l'Ermitage.
Elisabeth Louise VigĂ©e Le Brun, Autoportrait de l’artiste peignant le portrait de l’impĂ©ratrice Maria FĂ©odorovna, 1800. Huile sur toile, 78,5 x 68 cm. Saint-PĂ©tersbourg, musĂ©e d’État de l’Ermitage. © Saint-PĂ©tersbourg, MusĂ©e de l’Ermitage.

Extrait du communiquĂ© de presse :



commissariat : Martine Lacas, Docteure en histoire et thĂ©orie de l’art, auteure, chercheuse indĂ©pendante




Parcours du demi-siĂšcle qui s’étend entre les annĂ©es prĂ©-rĂ©volutionnaires jusqu’à la Restauration, l’exposition Peintres femmes 1780-1830. Naissance d’un combat comprend environ 70 oeuvres exposĂ©es provenant de collections publiques et privĂ©es françaises et internationales. L’exposition s’attache Ă  porter Ă  la connaissance du public une question peu ou mal connue : comment le phĂ©nomĂšne alors inĂ©dit de la fĂ©minisation de l’espace des beaux-arts s’articule Ă  cette Ă©poque avec la transformation de l’organisation de l’espace de production artistique (administration, formation, exposition, critique) et une mutation du goĂ»t comme des pratiques sociales relatives Ă  l’art.

Entre le XVIIIe des LumiĂšres et le second XIXe siĂšcle, celui du Romantisme puis de l’Impressionnisme, la perception de la pĂ©riode est phagocytĂ©e par les figures de David et celles des « trois G. » (GĂ©rard, Gros, Girodet). En ce qui concerne les peintres femmes, il en va de mĂȘme : aprĂšs le « coup de thĂ©Ăątre » de la rĂ©ception Ă  l’AcadĂ©mie royale de peinture d’Elisabeth VigĂ©e-Lebrun et AdĂ©laĂŻde Labille-Guiard en 1783, les noms le plus souvent citĂ©s sont ceux de Marie-Guillemine BenoĂźt (et son cĂ©lĂšbre Portrait d’une nĂ©gresse — c’est le titre original), AngĂ©lique Mongez pour ces grandes machines historiques davidiennes, Marguerite GĂ©rard qui a survĂ©cu stylistiquement au goĂ»t Rococo et Ă  la renommĂ©e de Fragonard, dont elle fut l’élĂšve puis la collaboratrice ou bien encore Constance Mayer dont le suicide semble l’avoir sauvĂ©e de l’oubli davantage que son oeuvre souvent rĂ©attribuĂ©e Ă  Prud’hon, son compagnon de vie et d’atelier. Or, si on se plaĂźt Ă  rapporter souvent cet Ă©pisode tragique, c’est qu’il offre une explication commode Ă  l’ « absence des femmes » et une occasion de s’en indigner pour ne pas pousser plus loin l’analyse historique de la pĂ©riode.

Un des enjeux majeurs de l’exposition est celui de la mĂ©thode historique, de l’interrogation de cette mĂ©thode et de la conscience critique que doit en avoir l’historien (comme le commissaire d’exposition) pour ne pas rompre le contrat de vĂ©ritĂ© qui le lie Ă  son lecteur. Pour Ă©crire et mettre en scĂšne une histoire qui n’a pas Ă©tĂ© racontĂ©e (celle des peintres femmes), il apparaĂźt essentiel de se doter de moyens nouveaux et, plus humblement d’interroger sans relĂąche ceux qui ont Ă©tĂ© mobilisĂ©s jusque-lĂ  pour Ă©crire une histoire de l’art « sans femmes ».

On a souvent posĂ© la question de l’absence des « grandes » femmes artistes et trouvĂ© une rĂ©ponse historique Ă  cette absence et Ă  l’ « empĂȘchement » : l’interdiction faite aux femmes de pratiquer le nu et donc la peinture d’histoire, leur niveau moindre de formation, le numerus clausus Ă  l’acadĂ©mie royale, la vocation matrimoniale, maternelle et domestique que leur attribuent les critĂšres de genre, leur minorisation sociale et politique, la limitation de leur pratique Ă  des genres « mineurs ». Tous ces arguments sont documentĂ©s, il n’est pas question de le nier. Le problĂšme est qu’ils sont ceux-lĂ  mĂȘme (arguments et documents) et seulement ceux que fournissent l’histoire de l’art traditionnelle et le rĂ©cit historique dominant. Dans ce rĂ©cit, on ne parle pas des peintres femmes parce qu’il n’y en a pas ou peu qui sont « grandes ». Parce que le « grand » (grand homme, grand genre, grande oeuvre, grande Histoire) y est un prĂ©supposĂ© tout autant qu’une intention esthĂ©tique et politique qui dĂ©termine des choix, des omissions et des exclusions dans la recherche documentaire.

Un des intĂ©rĂȘts de l’exposition est d’avoir dĂ©placĂ© l’origine du point de vue sur les productions des artistes femmes. Les livrets des salons (avec les commentaires des oeuvres, les noms des exposant-e-s), les articles de la presse en pleine expansion Ă  cette Ă©poque, les oeuvres elles-mĂȘmes (par qui ont elles Ă©tĂ© commandĂ©es ? achetĂ©es ? etc.), les tĂ©moignages contemporains constituent un paysage totalement diffĂ©rent de celui que l’histoire de l’art traditionnelle nous a transmis : il est beaucoup plus complexe, et le sort des artistes femmes y apparaĂźt moins tributaire qu’on a voulu le dire du schĂ©ma manichĂ©en opprimĂ©es/ oppresseurs, empĂȘchĂ©es / favorisĂ©s, fĂ©minin /masculin. Il s’est donc agi de redonner toute sa place aux tĂ©moins et aux acteurs de l’époque dont la parole avait Ă©tĂ© occultĂ©e mais aussi aux oeuvres, Ă  la dĂ©marche artistique.

Car Ă  ne considĂ©rer les oeuvres des artistes femmes qu’à la lumiĂšre de leur statut de femme, qu’il s’agisse de dĂ©montrer comment elles en pĂątirent, comment elles le transgressĂšrent ou comment elles le revendiquĂšrent, on ne fait que corroborer et maintenir les prĂ©supposĂ©s et les valeurs qui ont conduit le modĂšle historiographique dominant Ă  oublier leur rĂŽle, leur apport et leur place dans l’espace des beaux–arts entre 1780 et 1830 comme dans les importantes mutations que celui-ci enregistre alors — mutations dĂ©terminantes pour la seconde moitiĂ© du XIXe siĂšcle. L’exposition est aussi un combat contre l’oubli.






Extrait du catalogue de l’exposition aux Ă©ditions de la Rmn – Grand Palais, Paris 2021 – introduction gĂ©nĂ©rale

[…] Quelle histoire se raconte donc entre les murs du MusĂ©e du Luxembourg, entre ces deux limites temporelles des annĂ©es 1780 et 1830 ? La naissance d’un combat. Celui des peintres femmes. Certaines sont connues. Louise-Élisabeth VigĂ©e Le Brun, qui fit l’objet d’une grande exposition monographique au Grand Palais en 2015, sa contemporaine AdĂ©laĂŻde Labille-Guiard, admise elle aussi le 31 mai 1783 Ă  l’AcadĂ©mie royale de peinture et dont le monumental Autoportrait avec deux Ă©lĂšves, Marie-Gabrielle Capet et Marie-Marguerite Carreaux de Rosemond, fut Ă©galement prĂ©sentĂ© sur les cimaises du Grand Palais en 2015. Marie-Guillemine Benoist et son iconique Portrait d’une femme noire – prĂ©sentĂ© au Salon de 1800 comme Portrait d’une nĂ©gresse et, au printemps 2019, comme Portrait de Madeleine Ă  l’exposition « Le modĂšle noir de GĂ©ricault Ă  Matisse », au musĂ©e d’Orsay. Enfin Marguerite GĂ©rard, que le musĂ©e Cognacq-Jay Ă  l’automne 2009 a rĂ©vĂ©lĂ©e Ă  un public Ă©largi. Mais si l’on excepte ces quelques rares figures, la majoritĂ© des peintres rĂ©unies au MusĂ©e du Luxembourg sont mĂ©connues voire inconnues du grand public. Ce sont plus de trente-cinq autres noms auxquels cette exposition aspire Ă  redonner une place dans notre mĂ©moire artistique.

Car il s’agit bien de la redonner : en effet, nombre d’entre elles jouissaient alors d’un succĂšs et d’une reconnaissance publique et institutionnelle qui contredit l’invisibilitĂ© et la minoritĂ© dont l’histoire de l’art les a frappĂ©es jusqu’à une pĂ©riode rĂ©cente. La vogue de l’éducation artistique et des arts d’agrĂ©ment qui saisit dans les annĂ©es 1780 tant la haute sociĂ©tĂ© que la classe moyenne, l’accroissement corrĂ©latif des amateurs dont le cercle s’élargit notoirement Ă  la bourgeoisie, l’ouverture d’ateliers « de demoiselles » par des artistes mĂąles de premier plan – Jean-Baptiste Greuze, Jacques-Louis David, Joseph-BenoĂźt SuvĂ©e, Jean-Baptiste Regnault, François GĂ©rard, LĂ©on Cogniet, etc. –, les mutations qu’enregistrent les structures du monde de l’art, avec notamment la crĂ©ation du statut d’artiste libre en 1777 (Ă©mancipĂ© des contraintes tant de la corporation que de l’AcadĂ©mie royale), et celle du Salon Libre en 1791 qui Ă©rige Paris au centre de l’Europe artistique, mais aussi, plus largement, un systĂšme capitaliste qui, en s’imposant, s’avĂšre ĂȘtre, sans avoir Ă  le revendiquer, un facteur de transformation des mentalitĂ©s et des comportements d’autant plus puissant qu’il semble ne relever que de la seule sphĂšre Ă©conomique : entre les derniĂšres dĂ©cennies du XVIIIe siĂšcle et la monarchie de Juillet, ces conditions ont concouru Ă  l’émergence de peintres femmes professionnelles et Ă  ce que leur nombre atteigne une proportion digne d’ĂȘtre considĂ©rĂ©e en regard de celle de leurs homologues masculins. […]

par Martine Lacas, commissaire de l’exposition