“A la pointe de l’art” Le timbre, un geste d’artiste, au Musée de La Poste, Paris, du 19 mai au 1er novembre 2021 (prolongée jusqu’au 1er décembre 2021)
“A la pointe de l’art“
Le timbre, un geste d’artiste
au Musée de La Poste, Paris
du 19 mai au 1er novembre 2021 (prolongée jusqu’au 1er décembre 2021)
Texte de Sylvain Silleran :
De Jeanne d’Arc au Chat de Philippe Geluck, du pont du Gard aux drôles d’animaux de Nicolas De Crécy, artistes et graveurs créent des tableaux de quelques centimètres, de minuscules toiles prêtes à voyager aux quatre coins du monde. Ces timbres capturés comme des papillons, épinglés dans des vitrines, se laissent admirer un instant, avant, sans doute, de reprendre leur envol. Montrer la création du timbre, son cheminement du dessin à la gravure, nous permet de rencontrer des artistes singuliers et d’entrer dans leurs vastes univers.
Un paquebot France majestueux inspiré du Normandie de Cassandre, le fier Vercingétorix de Michel Ciry sont prêts à sortir de leur cadre. La Marianne de Paul-Pierre Lemagny, au contraire, si elle nous regarde bien en face de ses grand yeux, ne compte pas bouger du beau pays qu’elle habite. Elle est si fraîche, estivale, l’oreille ornée de deux enfantines cerises en guise de bijoux. La France est alors un beau jardin. Une autre Marianne est un couple de profil, les cheveux au vent, tout en vitesse et en élégance art déco, dessinée avec une délicatesse de crayons de couleur par Clément Henri Serveau. Celle si libre de Jean Cazou ou la déesse grecque de Pierre Gandon sont autant de déclinaisons d’une allégorie réconfortante.
Les univers d’artistes très divers se rencontrent. Henry Lucien Cheffer fait figure de patriarche avec son art enraciné. La puissance monumentale du littoral breton évoque un pays immortel. Rodin puissant comme un roc ou Jean Mermoz héros légendaire ne sont pas seuls à exprimer la grandeur d’une terre. Une Goémoneuse, des vendeuses de pommes : voilà d’autres figures, anonymes mais s’incarnant aussi fortement que leurs célèbres concitoyens. Le quotidien s’adoucit dans un après-midi ensoleillé à la plage, vaporeux et presque impressionniste.
A l’opposé, le monde dessiné de Ciou est un folklore très coloré. Le manga, l’art vernaculaire mexicain, le tatouage, le fantastique, le gothique de série B se mélangent dans un grand chaudron de sorcière avec comme bande-son un garage-rock kawaii. Dans son pays étrange, la famille Addams a adopté plein de mignons petits monstres sucrés. Thierry Mordant a un univers plus cinématographique. Une jungle de fantasy laisse place à un cirque fantasmagorique métal. Des clowns et jongleurs plutôt inquiétants errent sans fin dans une immensité galactique de space opéra.
Pierrette Lambert peint de petites icônes intimistes : un rouge-gorge déjeunant de quelques mûres, une jeune fille plongeant innocemment dans ses songes. S’inspirant de l’art de l’enluminure médiévale, elle illustre le Sonnet à Hélène de Ronsard. Elle dessine aussi de divins billets de banques de 500 francs à l’effigie d’Anne de Bretagne. La Pièta d’Enguerrand Quarton, une Vierge à l’enfant, une dame aux cygnes du XVéme siècle, l’histoire nous est contée avec le talent poétique d’une trobairitz. Toujours médiéval mais plus moderne, on lisait jadis les bandes dessinées de Pierre Forget dans les pages du magazine Bayard. Les récits héroïques des troubadours se poursuivent dans les kiosques à journaux, des aventures de gamins courageux et de chevaliers. Son trait est fluide, s’envole dans un mouvement aérien. Des patineurs, un balbuzard et même la tignasse d’Hector Berlioz tourbillonnent, libres et indomptables.
Le timbre est avant tout le travail de graveurs exceptionnels. Admirons le splendide ours au burin d’Elsa Catelin, puis comment elle réussit à habiter la tendre ironie de Sempé. Les mendiants de Rembrandt par Claude Jumelet, le vitrail de la cathédrale d’Auch par Jacky Larrivière, le timbre est plus qu’une reproduction talentueuse. Ces artistes d’exception honorent la gravure en taille douce, ils nous rappellent la valeur de ce patrimoine immatériel. Pourvu que ça dure, écrivons des lettres !
Sylvain Silleran
Extrait du communiqué de presse :
Mettant à l’honneur la création artistique derrière la réalisation des timbres, les visiteurs sont invités, pour la première fois, à découvrir la dimension créative et les métiers d’art permettant de donner vie à ces pièces uniques.
Du dessin de l’artiste aux savoir-faire mis en oeuvre pour leur fabrication, ce sont tous les secrets de l’art du timbre qui seront dévoilés, aussi bien le côté technique qu’artistique. Le visiteur suivra un parcours présentant l’origine des timbres-poste, les commandes, les différentes maquettes et artistes, la gravure via des démonstrations de techniques particulières, notamment la gravure en taille-douce, et enfin l’impression des timbres.
Il lui sera présenté des artistes incontournables ayant activement participé à la création de timbres, comme Albert Decaris et Henry Cheffer, deux artistes français très prolifiques. À travers les oeuvres exposées, le visiteur pourra également découvrir des esquisses inédites jusqu’alors inconnues du public.
L’artiste Ciou et son univers fantasmagorique seront tout particulièrement mis à l’honneur, le Musée de La Poste lui ayant commandé une fresque. Entre rêve et réalité, à la fois sombre et merveilleux, elle met en scène des créatures étranges venues d’un monde folklorique plein de couleurs chatoyantes et de nombreux détails.
Parmi ces originaux, À la pointe de l’Art dévoilera la Marianne de Dali, des maquettes comme celles dessinées par Philippe Geluck et Sempé, des timbres anciens comme celui créé pour le XIIe Congrès de l’Union postale universelle par Pierre Gandon…
Au total, ce sont plus de 450 oeuvres qui seront exposées, avec un focus sur 9 artistes dont les diverses activités artistiques ont nourri leurs créations philatéliques : Henry Cheffer ― peinture et gravure / Pierrette Lambert ― miniature sur ivoire, billets de banque / Pierre Albuisson ― gravure / Jacques Jubert ― gravure, sculpture / Pierre Forget ― bandes dessinées / Jean Delpech ― peinture, médailles, dinanderie / Thierry Mordant ― peinture / Sarah Bougault ― gravure héraldique / Ciou ― peinture.
Privilégiant l’accessibilité à tous, l’exposition allie expériences, démonstrations, présentations, et explications, accompagnant les visiteurs dans un voyage inédit qui séduira les grands comme les petits.