âLe design pour tousâÂ
de Prisunic à Monoprix, une aventure française
au MAD, musée des Arts Décoratifs, Paris
du 2 décembre 2021 au 15 mai 2022

PODCAST – Interview de Marianne Brabant, assistante de conservation au dĂ©partement moderne et contemporain et commissaire de lâexposition,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 1er dĂ©cembre 2021, durĂ©e 14â31.
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :








Commissariat
Marianne Brabant, assistante de conservation au département moderne et contemporain
Le MusĂ©e des Arts DĂ©coratifs cĂ©lĂšbre lâhistoire du design pour tous Ă travers deux des plus grandes enseignes de distribution dâobjets du quotidien qui ont su dĂ©mocratiser le design : Prisunic puis Monoprix.
Lâexposition « Le design pour tous : de Prisunic Ă Monoprix, une aventure française » retrace dans les collections permanentes du musĂ©e, Ă travers plus de 500 oeuvres (mobilier, objets et affiches publicitaires), cette aventure crĂ©ative et engagĂ©e, que rĂ©sume le slogan devenu culte : « Le beau au prix du laid ».
Elle revient sur les plus grands succĂšs des collaborations initiĂ©es dans les annĂ©es 1960 par Prisunic et poursuivies par Monoprix, avec des designers de renom comme Terence Conran, Marc Held, India Mahdavi, Constance Guisset ou Ionna Vautrin, mais aussi des graphistes, photographes et illustrateurs parmi les plus crĂ©atifs de leur Ă©poque, tels Roman Cieslewicz, Friedemann Hauss et des stylistes, tel Alexis Mabille. La scĂ©nographie a Ă©tĂ© confiĂ©e Ă lâarchitecte et designer India Mahdavi, qui a elle-mĂȘme collaborĂ© Ă deux reprises avec Monoprix.
NĂ©e en 1931, la chaĂźne de magasins Prisunic introduit en France, dĂšs 1946, le marketing selon le modĂšle amĂ©ricain grĂące Ă son nouveau directeur Jacques Gueden et a su dĂ©mocratiser, dĂšs la fin des annĂ©es 1950, le mobilier et lâhabillement contemporains de qualitĂ©. « Le beau au prix du laid » devient le slogan officiel, créé par Denise Fayolle, directrice du bureau de style de 1957 Ă 1967. Lâenseigne impulse les premiĂšres collaborations avec des crĂ©ateurs. Sây cĂŽtoient les grands noms du design et du graphisme parmi lesquels Terence Conran, qui participe au premier catalogue de vente en 1968 prĂ©sentant mobilier, luminaire et vaisselle que lâenseigne, pionniĂšre par sa formule de vente par correspondance, met habilement en scĂšne. En 1997, Prisunic fusionne avec Monoprix, animĂ© par une volontĂ© Ă©gale de rendre le design accessible Ă tous : lâenseigne, qui rĂ©affirme « le plaisir de vivre Ă la française », occupe dĂšs lors une place de choix dans le quotidien des consommateurs.
Lâexposition, thĂ©matique et chronologique, est conçue en deux parties : la premiĂšre, consacrĂ©e Ă Prisunic, sâillustre par des collaborations majeures initiĂ©es avec des graphistes et designers que les catalogues de vente par correspondance diffusent entre 1968 et 1976. Le second volet met en lumiĂšre les rĂ©alisations phares de crĂ©ateurs invitĂ©s par Monoprix en reprenant un thĂšme cher Ă lâenseigne â lâobjet du quotidien â Ă travers lâart de la table, lâassise et lâhabillement. PrĂ©sentĂ© dans les collections modernes et contemporaines, le parcours propose un dispositif original de « ready-made » (mobilier et prĂ©sentoirs de magasin utilisĂ©s comme systĂšmes de prĂ©sentation) qui Ă©voque lâunivers de la grande distribution, servi par une scĂ©nographie colorĂ©e et lumineuse.
Au palier du niveau 3, la visite sâouvre sur des piĂšces de design emblĂ©matiques de Monoprix, montrĂ©es avec fantaisie dans des rĂ©frigĂ©rateurs rĂ©utilisĂ©s en vitrines : reproduites dans une finition dorĂ©e, elles sont signĂ©es Marion Lesage, India Mahdavi ou Ionna Vautrin. Des films publicitaires et des interviews filmĂ©es animent cet espace. Dans lâenfilade de salles, une chambre et un salon Prisunic sont reconstituĂ©s en deux period rooms. Les designers rĂ©alisent pour lâenseigne un mobilier simple, accessible et fonctionnel Ă partir de matĂ©riaux colorĂ©s en mĂ©tal ou polyester. Certaines piĂšces, comme le lit en polyester moulĂ© rĂ©alisĂ© par Marc Held (1970) ou bien lâensemble de mobilier en tĂŽle Ă©maillĂ©e créé par le plasticien Jacques Tissinier (1973), conservĂ©s dans les collections du MusĂ©e des Arts DĂ©coratifs, sont aujourdâhui devenues des icĂŽnes du design des annĂ©es 1970.
Au niveau 5 du Pavillon de Marsan, lâexposition apporte un Ă©clairage sur lâhistoire de chaque enseigne. Elle dĂ©voile des documents dâarchives rares et objets de « merchandising » tels des sacs de courses, pinâs et porte-clĂ©s publicitaires, ainsi que des caddies, prĂ©sentĂ©s avec originalitĂ© sur des caisses enregistreuses.
Ă travers une sĂ©lection dâaffiches issues du musĂ©e, la Galerie dâactualitĂ©s revient sur le marketing des deux enseignes, dont lâimage graphique forte est portĂ©e par les grandes agences de publicitĂ© et leurs graphistes. Parmi eux, Friedemann Hauss, Roman Cieslewicz pour MAFIA (MaĂŻmĂ©, Arnodin, Fayolle, International AssociĂ©s), qui participe activement, mais Ă©galement les publicitaires T.B.W.A. (Tragos, Bonnange, Wiesendanger, Ajroldi) et R.S.C.G. (Roux, SeguĂ©la, Cayzac, Goudard) qui ont su singulariser lâidentitĂ© visuelle de Prisunic. Plus rĂ©cemment, câest lâagence FCB (Denis Garcia Garcia & Lily Van der Strokker) qui collabore avec Monoprix puis ClĂ©o Charuet avec lâAgence Havas City devenue Rosapark, qui relance lâidentitĂ© avec ses lettres capitales et ses bandes de couleurs. En 2021, pour accompagner les diffĂ©rentes pĂ©riodes de confinement, Monoprix choisit lâagence DDB pour rĂ©aliser ses campagnes publicitaires.
La seconde partie de lâexposition revient sur les collaborations qui ont marquĂ© ces deux derniĂšres dĂ©cennies. La visite se poursuit, toujours au niveau 5, Ă travers le prisme du rĂȘve et de la fantaisie en rĂ©vĂ©lant les dimensions les plus oniriques de certaines crĂ©ations telles que la robe de mariĂ©e du couturier Alexis Mabille qui dialogue avec le mur dâassiettes signĂ©es G by Gien, ou bien la collection dâassiettes DominotĂ© par Antoinette Poisson qui redonne vie aux techniques ancestrales et au savoir-faire artisanal.
Le parcours est Ă©galement rythmĂ© par une period room qui prĂ©sente une sĂ©lection dâobjets conçus pour les activitĂ©s quotidiennes : manger, sortir ou se vĂȘtir. Il met aussi en avant des monographies telles que Maison ChĂąteau Rouge, dont la collection de 2018 a cĂ©lĂ©brĂ© le travail de lâentreprise sociale de femmes en Inde Creative Handicrafts.
Le Pavillon de Marsan accueille Ă©galement des monographies de crĂ©atrices parmi les plus emblĂ©matiques de Monoprix (India Mahdavi, Paola Navone, Ionna Vautrin, Constance Guisset et Nadia Gallardo). Les crĂ©ations artisanales rĂ©alisĂ©es en Inde et en Afrique se mĂȘlent aux collections permanentes, Ă©voquant la scĂšne internationale. Dans la mĂȘme salle, les visiteurs replongent dans lâenfance, terrain dâexploration fĂ©cond pour les crĂ©ateurs, illustrĂ© par des vĂȘtements dâenfants et des jouets des collections du musĂ©e.
Dialoguant avec des rĂ©alisations majeures dâicĂŽnes du design, les Petites Robes Noires par Alexis Mabille, Hussein Chalayan, Yiqing Yin, Anne ValĂ©rie Hash et Giles Deacon (2013) habillent la chambre de Jean ProuvĂ© pour la CitĂ© Universitaire dâAntony tandis que la cuisine de Le Corbusier, rĂ©alisĂ©e dâaprĂšs un projet de Charlotte Perriand pour la CitĂ© radieuse de Marseille, est investie dâobjets et ustensiles du quotidien.
Lâensemble des catalogues Prisunic qui ont marquĂ© des gĂ©nĂ©rations, complĂ©tĂ© par des lithographies alors vendues en « libre-service » entre 1967 et 1973 Ă lâinitiative de Jacques Putman, achĂšvent le parcours dans la bibliothĂšque du MusĂ©e des Arts DĂ©coratifs. Cette derniĂšre partie interroge la notion de la couleur â vĂ©ritable manifeste chromatique des deux enseignes â au regard des collections de la bibliothĂšque.
Ă travers « Le design pour tous : de Prisunic Ă Monoprix, une aventure française », le MusĂ©e des Arts DĂ©coratifs, qui consacre pour la premiĂšre fois une exposition Ă lâunivers de la grande distribution, fait revivre une aventure crĂ©ative et graphique qui a marquĂ© lâhistoire du design en France. Elle apporte un nouveau regard sur le parcours permanent, qui prĂ©sentait dĂ©jĂ , depuis 2018, une sĂ©lection de piĂšces Prisunic issues des collections du musĂ©e.