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“Marguerite Bornhauser” Étoile Rétine, à la Galerie Madé, Paris, du 4 novembre au 22 décembre 2021 (prolongée jusqu’au 24 février 2022)

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“Marguerite Bornhauser” Étoile Rétine

à la Galerie Madé, Paris

du 4 novembre au 22 décembre 2021 (prolongée jusqu’au 24 février 2022)

Galerie Madé
Marguerite Bornhauser


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© Sylvain Silleran, visite de l’exposition, le 4 novembre 2021.

Marguerite Bornhauser, Étoile Rétine, 2020. © Marguerite Bornhauser.
Marguerite Bornhauser, Étoile Rétine, 2020. © Marguerite Bornhauser.
Marguerite Bornhauser, Étoile Rétine, 2020. © Marguerite Bornhauser.
Marguerite Bornhauser, Étoile Rétine, 2020. © Marguerite Bornhauser.
Marguerite Bornhauser, Étoile Rétine, 2020. © Marguerite Bornhauser.
Marguerite Bornhauser, Étoile Rétine, 2020. © Marguerite Bornhauser.
Marguerite Bornhauser, Étoile Rétine, 2020. © Marguerite Bornhauser.
Marguerite Bornhauser, Étoile Rétine, 2020. © Marguerite Bornhauser.

Texte de Sylvain Silleran



Etoile Rétine, ce sont d’abord des couleurs primaires, profondes. Elles brûlent les murs blancs de la galerie Madé comme des flammes, consumant tout sur leur passage. Les couleurs de Marguerite Bornhauser sont concrètes, argentiques, elles sentent bon le celluloïd et la chimie. Trois citrons sur une banquette rouge se découpent dans un carré de lumière, des coussins verts et bleus sont barrés de l’ombre d’un balcon. La lumière entre par l’encadrement d’une fenêtre : les rayons du soleil viennent comme des mots écrire des petits tableaux abstraits dans un appartement silencieux.

L’ombre d’une plante dessine sur un dos nu une arborescences de chemins et de routes. Des baies rouges en sont villages et hameaux, créent la cartographie d’une région voisine. En vis-à-vis le bleu d’un drap crucifié par les battants d’une fenêtre se froisse d’ombres noires. Un lit défait où le souvenir s’attarde en petites vagues. Jusqu’ici le minimalisme reste dans un domaine plutôt familier. C’est dans le face à face qu’il se passe quelque chose : deux photographies entrent dans un dialogue coloré. Le bleu, le rouge, l’ocre jaune d’une peau dorée s’opposent en couleurs complémentaires, en directions symétriques. On dirait un de ces vieux clichés polaroïds que l’on ouvrait en deux pour les révéler. L’image s’ouvre comme un fruit, libérant ses arômes.

Un visage endormi disparait dans l’ombre d’une fougère, un camouflage brun auquel répond un tissu vert turquoise. En brouillant les pistes photographiques Marguerite Bornhauser s’attache à séparer les couches mystérieuses qui composent une image, elle plonge dans leurs entrailles. La couleur est son sujet, elle a un goût, une odeur plus qu’une forme. On pense au gourou du Bauhaus, Johannes Itten cherchant à déconstruire l’image pour en extraire la substantifique moelle. Dans un architecture abstraite à la texture poudreuse on distingue un escalier dévoré par une ombre noire. Un exercice géométrique qui évoque le palais du Roi et l’Oiseau. Des empreintes de feuilles et leurs boucles bien régulières forment une courbe mathématique prise dans l’optique d’un microscope. En dehors du cercle de lumière tout et bleu, le jour devient nuit américaine.

Une tranche de pastèque rouge et luisante est en train d’être dévorée. La bouche qui la mange, les mains qui l’empoignent, se colorent de cette teinte artificielle. Le vocabulaire de la mode est chic, et  il y a en plus un petit quelque chose de banal, de maussade, l’atmosphère d’un quotidien ennuyeux, pire, un dimanche. Le monde photographié se dérobe, l’objectif n’est pas allé le chercher jusqu’à ses profondeurs. On regrette la sensualité, l’engagement de la chair et de l’âme qu’il y a chez Lucile Boiron, qu’on a pu admirer sur ces mêmes murs.

La proposition de Marguerite Bornhauser trouve une autre dimension dans Chimera, crée avec Léa Dumayet. La photographie est imprimée sur un carré de soie. L’image floue s’écoule en un souple drapé d’eau, à peine tenue par des fils de métal noir serpentant jusqu’au sol. Ce voile transparent, fragile, flotte dans une demi présence, un halo bleuté de tube cathodique, une solitude au milieu de la nuit. L’image se dématérialise enfin, elle s’envole éthérée, gracieuse, rendue à la couleur.




Sylvain Silleran


Extrait du communiqué de presse :


À l’occasion de la sortie du livre « Percevoir» aux Éditions de La Martinière et dans le cadre de PhotoSaintGermain, la galerie Madé présente l’exposition Étoile Rétine de Marguerite Bornhauser.



«L’une cendre dans sa cannette de boisson énergisante, les yeux rivés sur le poignet de l’autre.

Elles avaient mélangé les vols d’hirondelles à la chaleur des cigales en doppler, changeant leurs iris en globes d’ivoire. Les points ondulaient dans une invisible étuve. L’ombre se dérobait aux surfaces, la mémoire vive alors exposée, grillait sous le même astre qui l’avait vue naître.

L’autre sort sa main par la fenêtre. Le métal brûle sa paume, mais en se concentrant sur le contact du vent, elle parvient à la laisser posée sur la carrosserie, s’habituant graduellement à cette sensation contadictoire.

Assa, museau nacré, était abonnée aux drames aoutiens, prisonnière de son palindrome prophétique. Son nom refléterait toujours son visage de chat. Chaque été, elle traversait une fracture caniculaire, comme gravée dans la lave d’une seconde, pendant laquelle le bras d’orion s’allongeait imperceptiblement.

La main se détache du volant pour atterrir doucement sur la nuque de l’autre, à l’orée des cheveux, le pouce contre la carotide. Elle sent la pompe du coeur se confondre avec les vibrations du moteur.

Virgule ne suivait plus les caprices des signes. Elle était passé à autre choses, elle avait fait la mise à jour. Ses sillons tactiles étaient noircis d’une infinité de hyéroglyphes magnétiques. Elle caressait la peau des parchemins virtuels, braille charnel des images sarcophages. Ses pulpes étaient les juges d’une réalité capacitive.

Elle croyait ce qu’elle touchait.

L’espace sonore de l’habitacle est saturé par le vent, les differents spectres se remplissent comme par tranches de couleur. Elles ne parlent plus depuis longtemps, presque ivres du battement régulier dans leurs tympans. Le véhicule décélère, un panneau indique : étoile rétine.»

Flavien Berger, 2021. Texte écrit pour le livre Marguerite Bornhauser, Éditions de la Martinière




Le livre

« Les Éditions de La Martinière encouragent les nouveaux talents de la photographie et des arts visuels à travers « Percevoir», une collection de livres qui porte un autre regard sur l’image : mouvante, fragmentaire et multiple, comme le monde qui nous entoure. À chaque artiste, une réponse singulière.

Marguerite Bornhauser aime nous promener à la surface du monde : textures, détails et, bien sûr, couleurs, sa signature la plus évidente à qui contemple ses photographies pour la première fois. Une image d’ici évoquera un ailleurs, une image lointaine nous semblera familière. Et toutes ces pistes brouillées nous conduisent sur le chemin de la fiction… L’ouvrage proposera un parcours au fil de ses séries When Black is burned, Journal de confinement, Moisson rouge, le Bruit des cactus, Plastic Colors… Le musicien et compositeur Flavien Berger offre à cet opus un poème, Étoile rétine, qui vient résonner avec l’univers coloré de Marguerite Bornhauser.»

https://www.editionsdelamartiniere.fr/livres/marguerite-bornhauser/




Chimera
Marguerite Bornhauser x Léa Dumayet

1. (Mythologie) monstre fantastique dont le corps est un hybride de différents animaux.

2. Idée sans rapport avec la réalité.

Chimera est le fruit d’une collaboration entre la photographe Marguerite Bornhauser et la sculptrice Léa Dumayet. Chaque pièce est constituée d’une photographie imprimée sur soie légère laissant apparaître l’image de chaque côté du tissu par transparence. Celle-ci est étirée, distendue, tenue par des matériaux industriels. Des lignes de métal noires et tordues évoquant la colonne vertébrale d’un animal parfois chimérique, monstrueux lumineux et fluide.

De l’air, de l’eau, du végétal comme matière à la contemplation. Toujours à la marge entre matières et couleurs, tensions et flottements, distorsions, reflets, cette conversation de deux médiums est une invitation à la rêverie et aux divagations.