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🔊 “Lisa Sartorio” En rémanence, à la galerie binome, Paris, du 14 octobre au 28 novembre 2021

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“Lisa Sartorio“ En rémanence

à la galerie binome, Paris

du 14 octobre au 28 novembre 2021

galerie binome


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Lisa Sartorio
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©Anne-Fréderique Fer, visite de l’exposition avec Lisa Sartorio, le 15 octobre 2021.

Interview de Lisa Sartorio,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 15 octobre 2021, durée 22'57". © FranceFineArt.

PODCAST –  Interview de Lisa Sartorio,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 15 octobre 2021, durée 22’57.
© FranceFineArt.

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Extrait du communiqué de presse :


Lisa Sartorio, sans titre 1 (voie du camp de Sobibor), série Angle Mort, 2019. Tirages jet d’encre pigmentaire sur papier Awagami Murakamo Kozo, déchirures, montage en mille-feuille, encadrement plexiglas, pièce unique - 29 x 33,5 x 23,5 cm.
Lisa Sartorio, sans titre 1 (voie du camp de Sobibor), série Angle Mort, 2019. Tirages jet d’encre pigmentaire sur papier Awagami Murakamo Kozo, déchirures, montage en mille-feuille, encadrement plexiglas, pièce unique – 29 x 33,5 x 23,5 cm.
Lisa Sartorio, sans titre 5 (R 504 Road of Bones), série Angle Mort, 2021. Tirages jet d’encre pigmentaire sur papier Awagami Murakamo Kozo, déchirures et moulage sur branches de bouleaux encadrement plexiglas, pièce unique - 50 x 40 x 10 cm.
Lisa Sartorio, sans titre 5 (R 504 Road of Bones), série Angle Mort, 2021. Tirages jet d’encre pigmentaire sur papier Awagami Murakamo Kozo, déchirures et moulage sur branches de bouleaux encadrement plexiglas, pièce unique – 50 x 40 x 10 cm.
Lisa Sartorio, Gysophila Panicula, série Les Mutantes, 2021. Tirages jet d’encre pigmentaire sur papier Awagami Murakamo Kozo, découpes et tissage, encadrement plexiglas sur socle en bois, caisse américaine chromée miroir, pièce unique - 73 x 57 cm.
Lisa Sartorio, Gysophila Panicula, série Les Mutantes, 2021. Tirages jet d’encre pigmentaire sur papier Awagami Murakamo Kozo, découpes et tissage, encadrement plexiglas sur socle en bois, caisse américaine chromée miroir, pièce unique – 73 x 57 cm.
Lisa Sartorio, Prunus Triloba, série Les Mutantes, 2021. Tirages jet d’encre pigmentaire sur papier Awagami Murakamo Kozo, découpes et tissage, encadrement plexiglas sur socle en bois, caisse américaine chromée miroir, pièce unique - 73 x 57 cm.
Lisa Sartorio, Prunus Triloba, série Les Mutantes, 2021. Tirages jet d’encre pigmentaire sur papier Awagami Murakamo Kozo, découpes et tissage, encadrement plexiglas sur socle en bois, caisse américaine chromée miroir, pièce unique – 73 x 57 cm.
Lisa Sartorio, La bataille d’Angleterre, série Légendes, 2021, d’après l’archive des volumes de la collection La deuxième Guerre Mondiale, éditions Time-Life, 1980 gommage et résidus, coffret-chevalet à tiroir entoilé et dorure à chaud cuivrée pièce unique - 31 x 29 x 8 cm & ampoules - 17,5 x 1,7 cm
Lisa Sartorio, La bataille d’Angleterre, série Légendes, 2021, d’après l’archive des volumes de la collection La deuxième Guerre Mondiale, éditions Time-Life, 1980 gommage et résidus, coffret-chevalet à tiroir entoilé et dorure à chaud cuivrée pièce unique – 31 x 29 x 8 cm & ampoules – 17,5 x 1,7 cm

En 2020, la résidence de création qui installe Lisa Sartorio en forêt de Rambouillet a réveillé des mémoires enfouies. Comme des prélèvements d’écorces ou de branches, les images sculptées de la série Angle mort façonnent des reliques, matière tangible pour réhabiliter des destins sacrifiés. Dans la série Légendes, Lisa Sartorio encapsule des pelures d’images gommées dans les livres d’une collection sur la Seconde Guerre mondiale, manière de rendre au lecteur la page blanche d’un imaginaire de plus en plus circonscrit. Dans Les Mutantes, série en miroir des préoccupations de l’artiste sur la défiguration, les portraits tissés avec des bandelettes d’images opèrent telle une chirurgie réparatrice à la surface de ces visages martyrisés.

Sous les doigts de l’artiste, le réveil de la conscience du regard est à l’oeuvre.






C’est un battement(1) –
par Claire Luna

A force de circuler, les images entre nos mains se sont lissées, de leurs empreintes libérées. Elles font écran à la réalité. Elles sont l’écran pour la réalité. Ecran noir, bruit blanc, numérique, sourd et muet. Nos mots sont devenus des images. Plates au carré(2). Tapies dans l’infra mince, elles ne disent plus ce qu’on a pu leur raconter. Lisa Sartorio, elle, les cherche pour les incarner, leur donner une nouvelle peau, un second souffle. Elle prélève dans leur flot pour faire sourdre les histoires qu’elles retiennent, resurgir les désastres silencés, figurer l’identité blessée ou la réparer. Lisa Sartorio dit aussi que les images sont « grégaires » – avec ce mot elle leur donne déjà un corps : elles s’attroupent et se ressemblent, rassemblées, dans leur défilé, elles font masse. On n’y voit toujours rien. Vidées de leur substance, la matière qui leur donnait du sens s’est dissipée dans l’épiderme arrimé.

Comment les rendre opérantes ces images devenues des surfaces criblées par le vide ? Témoigner et informer, c’est crever la face. Cette peau des êtres et des choses, Lisa Sartorio s’y attache, l’ausculte, la pétrie, pour la rendre membrane à dire et pores dilatés. Les nouvelles peaux qu’elles fabriquent avec la douleur des autres dont elle prend acte(3) font rémanence. Avec les trois nouvelles séries Légendes, Angle mort et Mutantes, il s’agit pour Lisa Sartorio de raviver des mémoires ou des sentiments échoués, en rejouant le chemin de la survivance.

Que reste-t-il lorsque les images disparaissent ?
Des légendes.
Elles sont souvent à côté, pour les accompagner. On le sait, les images sont alors emportées par les mots qui fabriquent d’autres images. C’est aussi comme cela que l’on raconte l’Histoire. Par les mots que l’on se plait à clamer ou murmurer, la rumeur que l’on fait gonfler au goût de fumée(4). Inquiète par nos imaginaires menacés, Lisa Sartorio gratte, gomme jusqu’à faire disparaître l’image. La réduire en poussière et l’en-tuber. Le carré blanc restant témoigne de l’apparition. L’artiste nous offre le vide, pas celui que les images jusque là dessinaient, celui que l’on peut désormais habiter avec nos croyances, nos regrets, nos miracles, nos secrets. C’est ce dont parle Légendes, ces quelques volumes de la collection La deuxième Guerre Mondiale(5) que l’artiste a glanés pour en supprimer certaines de ses images et sceller le reste de ses pages.

Sur les ossements des morts(6)
Notre histoire a des zones de blancs, invisibles, produits de l’effacement. Si Légendes peut les rejouer, Angle mort les révèle avec les écorces de bouleaux(7) et les confie au silence du Murakamo(8). Pour l’artiste, ces arbres sont comme des relais ou des témoins d’un paysage d’ombres aux fantômes traversant. Passeurs d’histoires, ils renferment des chapitres entièrement bâillonnés à faire vrombir les charniers. Lisa Sartorio reprend leur peau, imite leur chair, pour dire ce à quoi leurs veines se sont abreuvées : la sève des morts à leurs pieds. Par le truchement du déplacement, l’artiste leur érige un monument.

Réincarnation
Si « les philosophes de l’idée pure, (…) ne pensent la surface que comme un maquillage, un mensonge : ce qui cache l’essence vraie des choses », on préfère « penser que la surface est ce qui tombe des choses : ce qui en vient directement, ce qui s’en détache, (…), comme les lambeaux d’une écorce d’arbre »(9). Tues elles aussi par l’effacement, les Mutantes sont des femmes qui ont été défigurées par le vitriol qu’on leur a jeté au visage. Il est question ici de l’image que l’on a de soi, de celle que l’on nous renvoie, et de celle que l’on veut ou peut donner. Surfaces, dit-on, l’artiste les répare à l’image et par son geste, elle retisse leur peau altérée avec des plantes dont elles portent désormais le nom. Lisa Sartorio procède au recouvrement partiel pour transformer le silence – ou le cri –, de la défiguration à la trans-figuration par l’hybridation.

En Rémanence : c’est un reflux, un soubresaut, la tentative d’insuffler aux images ce qu’elles ont perdu, de créer ces images qu’il nous reste(10), faire apparaître celles qui persistent. Une sorte de battement.


Claire Luna
historienne de l’art, critique d’art et commissaire d’exposition indépendante

 



(1) Georges DIDI-HUBERMAN, Phalènes. Essais sur l’apparition, 2, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Paradoxe », 2013, p.9. Utilise la métaphore du battement des ailes du papillon de nuit pour parler de la fragilité ou de la fugacité de l’image, soit de l’image comme apparition.
(2) Don Delillo, Le silence, Actes Sud, 2021.
(3) Susan Sontag, Devant la douleur des autres, « En quoi protester contre la douleur se distingue-t-il d’en prendre acte ?», Christian Bourgeois éditeur, 2003, p.48.
(4) Don Delillo, « Le nuage en suspend », in Bruits de fond, Babel, 2018.
(5) La deuxième Guerre Mondiale, 12 volumes, éditions Time-Life, 1980.
(6) Olga Tokarczuk, Sur les Ossements des morts, éditions Noir sur blanc, 2012.
(7) Dans Ecorces, Georges Didi-Huberman commence et finit son récit de voyage à Auschwitz II-Birkenau avec l’écorce des bouleaux, les seuls survivants et témoins de Birkenau, dont il a rapporté quelques morceaux lui aussi. Birkeneau signifie le lieu des bouleaux.
(8) Murakamo signifie masse de nuages en japonais et c’est aussi le nom du papier qu’utilise Lisa Sartorio pour la série Angle Mort.
(9) Georges Didi-Huberman, Ecorces, Les éditions de minuit, 2011, p.68.
(10) Georges Didi-Huberman, La survivance des lucioles, Les éditions de minuit, 2009.