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“Jan Vičar – Un coeur dans la rivière” au Pavillon Comtesse de Caen, Palais de l’Institut de France, Paris, du 20 mai au 13 juin 2021

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“Jan Vičar – Un coeur dans la rivière”
lauréat du Prix 2018 – Prix de Gravure Mario Avati – Académie des beaux-arts

au Pavillon Comtesse de Caen, Palais de l’Institut de France, Paris

du 20 mai au 13 juin 2021


Académie des Beaux-Arts
Jan Vicar


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© Sylvain Silleran, visite de l’exposition, le 21 mai 2021.

Jan Vičar, du cycle J’ai voulu être général, mais la guerre a été trop courte, Le cavalier, linogravure, 215 x 246 cm, 2014.
Jan Vičar, du cycle J’ai voulu être général, mais la guerre a été trop courte, Le cavalier, linogravure, 215 x 246 cm, 2014.
Jan Vičar, La fille et l'épine, linogravure - PVC relief, 200 x 350, 2017.
Jan Vičar, La fille et l’épine, linogravure – PVC relief, 200 x 350, 2017.
Jan Vičar, La baignade dans la rivière, linogravure, 90 x 120 cm, 2017.
Jan Vičar, La baignade dans la rivière, linogravure, 90 x 120 cm, 2017.
Jan Vičar, du cycle Hold, Héron, linogravure, 220 x 300 cm, 2017.
Jan Vičar, du cycle Hold, Héron, linogravure, 220 x 300 cm, 2017.
Jan Vičar, J'ai vu un homme dans la grotte de la Montagne du Diable, 220 x 340 cm, gravure sur bois, 2003.
Jan Vičar, J’ai vu un homme dans la grotte de la Montagne du Diable, 220 x 340 cm, gravure sur bois, 2003.
Jan Vičar, Un cœur dans la rivière, linogravure, 210 x 400 cm, 2008.
Jan Vičar, Un cœur dans la rivière, linogravure, 210 x 400 cm, 2008.

Texte de Sylvain Silleran

Une figure mythologique, un déploiement d’ailes symétrique comme un Rohrschach – à moins que ce soit un poisson – ouvre une fenêtre et voici notre imaginaire qui s’envole. Cette gravure rouge, orangée, verte, un peu érotique aussi, voire beaucoup, est un entrelacs inextricable de traits, de hachures. Couche après couche les motifs se superposent, collage multicolore sérieux comme un billet de banque, effronté comme un tatouage. La vie telle qu’elle s’est imprimée sur l’écorce d’un tronc d’arbre : des siècles sont passés, le vent et la pluie, les cœurs scarifiés par le couteau d’un amoureux, et l’énergie de la terre qui monte dans la sève collante.

Jano garde trois bœufs, c’est une chanson populaire, une histoire sombre, parsemée de trèfles, de grandes images tristes d’un tarot d’Europe centrale. Une bohémienne te prend la main et raconte une colline avec des vaches, des brigands avec des fusils, un cerf qui s’enfuit, la mort qui vient emporter sa proie. Et un père, une mère, un amour noir, gratté, dessiné avec une lame, un outil de paysan, de la ferraille trouvée dans une grange. Le papier à force d’être imprimé, d’être pressé contre la matrice de bois ou de lino finit par se tanner comme un vieux cuir. Il est sec, balafré, creusé de tant de sillons qu’il devient matrice à son tour. La grande impression du cavalier se confond avec la plaque qui l’a imprimée. Les deux images exposés côte à côte se reflètent l’une dans l’autre, images miroirs dont on ne sait plus très bien quelle est la source. Des petits détails : personnages, groupes entrant dans une caverne, un soleil de dentelle noire, des motifs de textiles indiens, de robes tziganes s’ancrent dans un folklore a la fois lointain et familier.

Jan Vičar grave des petits lapereaux morts, 8 petits formats. Il grave vite, une course contre la putréfaction de ses modèles. Dans le papier sont incorporés des poils de lapin et du sang. Les petits lapins sont des momies aliens, une surface grise de plis, un drapé de peau luisante et métallique. La lumière blanche envahit la peau sombre, dissout le corps grotesque dans la feuille de papier, et emporte cette apparition vers ses enfers de Jérôme Bosch. Une petite fille dans une église vide regarde un arbre dehors. Ses cheveux blonds attachés par un nœud rose sont joliment dessinés, doux comme du crayon de couleur, mais la poupée qu’elle tient dans son dos nous regarde fixement, elle semble hurler. Les enfants ne sont pas sages, d’ailleurs en grandissant ils deviennent des maîtresses qui fouettent, qui le fessier d’une suppliciée, qui un jeune homme à l’air ecclésiastique visiblement ravi. Ils délaissent une balançoire pendue à un arbre solitaire pour des plaisirs pervers et quelque peu douloureux sortis d’un tome de Sade

Le dessin est fait de traits qui se croisent, se recroisent, zigzaguent, l’œil s’égare dans tant de complexités, se noie dans un jeu de piste brumeux. Des plaques de lino sont accrochées ici et là :  une aile d’oiseau ou d’ange, des motifs, des rectangles rayés, des quadrillages comme des écritures penchées, illisibles, des champs balayés par le vent, des petites marionnettes. Au milieu sont entassées des planches noircies par un feu d’encre. Ces sont les matrices gravées qui, mises côte à côte, créent l’image complète. Sur le mur elles forment une palissade de bois, immense. Les dimensions, le poids de la matière sont impressionnants, on mesure l’effort physique nécessaire pour produire ces dessins. Jan Vičar grave comme un charpentier, il imprime tel un paysan qui fauche ou moissonne son champ, y engageant toutes ses forces, la sueur biblique de son front. Dans cette puissance se trouve un rapport à la terre et à ses énergies, une compréhension des forêts et des plaines, la transmission de ces récits que les ruisseaux chuchotent aux hommes.

Une silhouette noire percée de deux yeux, des animaux ou des démons, un arbre tentaculaire appartiennent au monde des contes et des légendes. Un enfant trouve une pierre dans la rivière, une pierre en forme de cœur, striée de lignes rouges comme des vaisseaux sanguins. C’est un miracle, mais un miracle un peu inquiétant, on ne sait jamais. derrière chaque miracle se cache une malédiction. Qui sait ce que renferment vraiment les bois ?

Sylvain Silleran

Extrait du communiqué de presse :


Du 20 mai au 13 juin 2021, Jan Vičar, lauréat du Prix de Gravure Mario Avati – Académie des beaux-arts en 2018, présentera au Pavillon Comtesse de Caen de l’Académie des beaux-arts une sélection de ses principales oeuvres réalisées depuis 20 ans.

Jan Vičar, né en 1967 à Svitavy (Tchéquie), occupe une place spécifique sur la scène artistique de son pays. Il a suivi une formation académique classique, à l’Académie des beaux-arts de Prague notamment.

Influencé par les formes d’art ethniques régionales et notamment celles de sa région natale, il incorpore également dans son oeuvre diverses influences acquises lors de ses séjours dans d’autres pays, en particulier l’Afrique.

Son travail se caractérise par la combinaison de techniques traditionnelles (gravure sur bois, linogravure, burin) avec des procédures moins conventionnelles, voire expérimentales.

Il transforme sans cesse son langage artistique et y mélange librement des éléments conceptuels, figuratifs et abstraits. La plupart de ses oeuvres ont un caractère narratif, ancré dans une histoire vécue, qu’il incorpore dans son travail comme une couche contextuelle sous-jacente. Ses planches et matrices sont d’une très grande richesse de textures et les estampes monumentales produites relèvent de la prouesse physique.

Jan Vičar vit et travaille entre deux pays : la France et la République tchèque. Il est actuellement en résidence à La Fileuse, friche artistique de Reims. Il dispense également des cours de gravure en prison et auprès de jeunes en situation de handicap.

Jan Vičar a remporté en 2020 le prix Vladimír Boudník, décerné depuis 1995 par la ville de Prague.




Le Prix Mario Avati – Académie des beaux-arts

Attribué pour la première fois en 2013 à Jean-Baptiste Sécheret puis en 2014 à Christiane Baumgartner, en 2015 à Devorah Boxer, en 2016 à Agathe May, en 2017 à Wendelien Schönfeld et en 2018 à Jan Vičar, le prix a été créé en hommage au graveur Mario Avati, grâce à la donation d’Helen et Mario Avati, sous l’égide de l’Académie des beaux-arts et le parrainage de CAFAmerica.

D’envergure internationale, le prix a vocation à encourager les artistes qui, par la qualité de leur oeuvre contribuent à faire progresser l’art de l’estampe, à laquelle Mario Avati a consacré sa vie et sa carrière. Il récompense un artiste confirmé, de toute nationalité, pour son oeuvre gravé, quelle que soit la technique d’impression utilisée. Il est doté d’un montant de 40.000 dollars américains.

L’exposition de la lauréate 2019 du Prix, Jenny Robinson, aura lieu du 8 septembre au 17 octobre 2021 au Pavillon Comtesse de Caen.