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“La vie des tables” le Crédac, Centre d’art contemporain d’Ivry, du 20 septembre 2020 au 19 mars 2021

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“La vie des tables”

le Crédac, Centre d’art contemporain d’Ivry

du 20 septembre 2020 au 19 mars 2021

Crédac


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© Sylvain Silleran, visite de l’exposition, le 26 janvier 2021.

Vue de l’exposition La vie des tables avec les oeuvres de 49 artistes, Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac, 2020. Du premier au dernier plan : Ana Jotta, Amador profissional, Courtesy de l’artiste ; Boris Achour, News from Friends, 2016, © Boris Achour / Adagp, Paris 2020 ; Flora Bouteille, De fausses armes dans la vie, de vraies armes dans les images, 2020, Courtesy de l’artiste ; Raphaël Zarka, Étude pour une première construction de Peter Halt, 2019, Courtesy de l’artiste et galerie Michel Rein, Paris ; Sheila Hicks, Je voudrais être une vague, 2020, © Sheila Hicks / Adagp, Paris, 2020, Courtesy Atelier Sheila Hicks ; Jean-Charles de Quillacq, Boyself (la collaboration), 2020, Courtesy galerie Marcelle Alix, Paris ; Véronique Joumard, Wood, Magnets and Iron Dust (Table), 2016–2020, © Véronique Joumard / Adagp, Paris, 2020, Courtesy de l’artiste. Photo : Marc Domage / le Crédac.
Vue de l’exposition La vie des tables avec les oeuvres de 49 artistes, Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac, 2020. Du premier au dernier plan : Ana Jotta, Amador profissional, Courtesy de l’artiste ; Boris Achour, News from Friends, 2016, © Boris Achour / Adagp, Paris 2020 ; Flora Bouteille, De fausses armes dans la vie, de vraies armes dans les images, 2020, Courtesy de l’artiste ; Raphaël Zarka, Étude pour une première construction de Peter Halt, 2019, Courtesy de l’artiste et galerie Michel Rein, Paris ; Sheila Hicks, Je voudrais être une vague, 2020, © Sheila Hicks / Adagp, Paris, 2020, Courtesy Atelier Sheila Hicks ; Jean-Charles de Quillacq, Boyself (la collaboration), 2020, Courtesy galerie Marcelle Alix, Paris ; Véronique Joumard, Wood, Magnets and Iron Dust (Table), 2016–2020, © Véronique Joumard / Adagp, Paris, 2020, Courtesy de l’artiste. Photo : Marc Domage / le Crédac.
Vue de l’exposition La vie des tables avec les oeuvres de 49 artistes, Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac, 2020. De gauche à droite : Raphaël Zarka, Étude pour une première construction de Peter Halt, 2019, Courtesy de l’artiste et galerie Michel Rein, Paris ; Jean-Charles de Quillacq, Boyself (la collaboration), 2020, Courtesy galerie Marcelle Alix, Paris. Photo : Marc Domage / le Crédac.
Vue de l’exposition La vie des tables avec les oeuvres de 49 artistes, Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac, 2020. De gauche à droite : Raphaël Zarka, Étude pour une première construction de Peter Halt, 2019, Courtesy de l’artiste et galerie Michel Rein, Paris ; Jean-Charles de Quillacq, Boyself (la collaboration), 2020, Courtesy galerie Marcelle Alix, Paris. Photo : Marc Domage / le Crédac.
Vue de l’exposition La vie des tables avec les oeuvres de 49 artistes, Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac, 2020. Au premier plan : Jorge Satorre, Mes poissons, 2020, Courtesy de l’artiste. Photo : Marc Domage / le Crédac.
Vue de l’exposition La vie des tables avec les oeuvres de 49 artistes, Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac, 2020. Au premier plan : Jorge Satorre, Mes poissons, 2020, Courtesy de l’artiste. Photo : Marc Domage / le Crédac.
Vue de l’exposition La vie des tables avec les oeuvres de 49 artistes, Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac, 2020. Au premier plan : Sheila Hicks, Je voudrais être une vague, 2020, © Sheila Hicks / Adagp, Paris, 2020, Courtesy Atelier Sheila Hicks. Photo : Marc Domage / le Crédac.
Vue de l’exposition La vie des tables avec les oeuvres de 49 artistes, Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac, 2020. Au premier plan : Sheila Hicks, Je voudrais être une vague, 2020, © Sheila Hicks / Adagp, Paris, 2020, Courtesy Atelier Sheila Hicks. Photo : Marc Domage / le Crédac.
Vue de l’exposition La vie des tables avec les oeuvres de 49 artistes, Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac, 2020. Du premier au dernier plan : Dominique Ghesquière, Océan, 2020, Courtesy de l’artiste et la galerie Chez Valentin, Paris ; Anne Bourse, Wish July is still up so August can come soon, 2020, Courtesy de l’artiste ; Thomas Teurlai, P.A.P.R. Powered Air Purifying Respirator, 2020 [Bâton de peste (prothèse auto-désinfectante), Baise-en-ville, Googles, Piège-à-rat], Courtesy de l’artiste. Photo : Marc Domage / le Crédac.
Vue de l’exposition La vie des tables avec les oeuvres de 49 artistes, Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac, 2020. Du premier au dernier plan : Dominique Ghesquière, Océan, 2020, Courtesy de l’artiste et la galerie Chez Valentin, Paris ; Anne Bourse, Wish July is still up so August can come soon, 2020, Courtesy de l’artiste ; Thomas Teurlai, P.A.P.R. Powered Air Purifying Respirator, 2020 [Bâton de peste (prothèse auto-désinfectante), Baise-en-ville, Googles, Piège-à-rat], Courtesy de l’artiste. Photo : Marc Domage / le Crédac.

Texte de Sylvain Silleran

49 tables. Des tables de bureau, de jeu, de salon, des tables de cuisine sur lesquelles 49 artistes ont été invités à s’exprimer. L’artiste s’est assis à sa table de cuisine devenue, comme pour beaucoup d’autres n’ayant pas d’autre option abordable, l’unique atelier. Le confinement a accentué cette contraction de l’espace, et en même temps l’a ouvert : tout le monde a une table de cuisine donc tout le monde dispose désormais d’un atelier où créer. On y trouve tous les médias, des dessins au dos de petits papiers, des vidéos sur des tablettes, un pistolet dans un petit enclos, une étrange machine-robot vrombissante qui ne semble absolument rien faire. Il y a une grappe de raisins dont les grains ont été mangés, laissant une tige blanche et stérile comme un os. Des sablés faits maison sont alignés sur du formica, gardés par un gros chat de peluche noir.

Des poupées troubles, malsaines, fixent le néant de leurs visages malades, leurs formes molles de viscères sont alanguies comme des chairs mortes. Une bombe en bois est tombée du plafond, quelque jeu d’enfant morbide sorti de sa caisse noire. Des mains sont jointes pour recueillir un peu d’eau. Et puis Nour Awada est venue et a violemment brisé une table de verre. Ses coups de marteau ont dispersé des éclats partout, emportant les assiettes de riz, des fourchettes. Il reste une assiette en suspens au bord d’une arête acérée de verre, moitié posée, moitié dans le vide, une menace ou une promesse, le deuil de son père.

Ana Jotta a posé un écriteau « amador profissional » – amateur professionnel – sur une table couverte de feutre. Entre tapis vert de jeu et bureau d’une ancienne administration quelconque, les règles sont désormais renversées. Le jeu de cartes de Gaëlle Choisne étalé comme pour une divination présente des dos tous différents : les dos deviennent les faces d’un nouveau jeu, une inversion du sens du recto et du verso. De ce nouveau tarot la carte qui a été tirée est un joker, tout est donc possible, rien n’est défini. De même l’échiquier de Jonathan Lopin est un étrange jeu composé de billes blanches de toutes les tailles.

Boris Achour s’envoie des cartes postales de ses amis artistes hélas disparus. News from friends est une boîte contenant ces cartes, des fausses cartes puisqu’elles ont été inventées, des non-cartes. Comme si le confinement finissait par définitivement renfermer les êtres en eux-mêmes, il entre dans l’auto-communication. Jean-Charles de Quillacq procède de la même manière : les moulages de son sexe dans tous ses états sont une masturbation confinée, recluse. N’ayant plus de monde à contempler, d’autre à rencontrer, il se regarde et se moule dans un dialogue avec lui-même qu’il emballe dans du plastique.

Heureusement d’autres n’ont pas abandonné espoir. La Ribot envoie une par une par la poste des photos en gros plans reconstituent objet par objet la table de son atelier. Ses cartes postales de Suisse sont autant d’épisodes d’un feuilleton coloré. Le petit monde de Hugues Reip, une planète peuplée de minuscules choses de bois, de tiges de métal, de plâtre se met à exister sur quelques dizaines de centimètres carrés. Des sculptures miniatures suffisent à créer une narration, un univers fantaisiste, comme le théâtre d’Ethan Assouline et ses deux oiseux perchés.

Sheila Hicks présente de belles vagues textiles bleues, un océan de fils. La nature, voilà ce qui nous manque dans nos petites cuisines. L’immensité et les embruns naissent sur un coin de table. Les forces magnétiques sont utilisées par Véronique Journard pour donner vie à des oursins colonisant la surface du meuble comme une plage de sable. D’autres meurent, comme les oiseaux peints à l’aquarelle par Ali Cherri. Ils sont raides, cadavériques. Au centre de la composition un vrai oiseau, un moineau taxidermisé est attaché avec un fil, absurde ceinture de sécurité. Une étiquette attachée aux pattes en fait un cadavre de morgue, une ex-chose déjà classée qu’il ne reste plus qu’à ranger dans un tiroir.

Corentin Canesson présente une pile de dessins dont le feuilletage a été interrompu, il en reste tout un paquet à retourner et regarder. Mais un petit écriteau ‘ne pas toucher’ l’interdit. Dans ce musée absurde comme dans une nouvelle de Serge Brussolo, l’œuvre est bien là mais elle est inaccessible, invisible, n’existant que parce qu’on ne peut pas la voir. Pierre Ardouvin met à profit son petit rectangle de table pour monter une kermesse, une fête populaire. Un petit agneau, un petit lapin blanc tout mignons et un guirlande lumineuse kitch forment un tableau adorable, un instant chaleureux.

Sous une table deux petits escarpins d’or sont bien soigneusement rangés, des chaussures d’enfant. Où est-il parti ?

Sylvain Silleran


Extrait du communiqué de presse :

 

commissaire de l’exposition :
Claire Le Restif, Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac




Les idées naissent souvent d’une marche, d’une nage dans l’eau claire des lacs, en mangeant une tartine de confiture, pendant une insomnie, en jouant au Memory, en lisant des textes inspirés où se développent des idées nouvelles solidement charpentées. Lorsqu’elles apparaissent, il faut les pincer suffisamment fort pour les retenir jusqu’à la table de travail. Qu’elles soient de cuisine, d’atelier ou de bureau, les tables incarnent l’endroit où les intuitions prennent forme.

L’envie d’inviter des artistes à exposer des oeuvres pensées pour autant de plateaux a germé il y a quelques temps déjà. Elle prolonge la lecture des textes de Lucy R. Lippard (1), où l’écrivaine et historienne de l’art américaine, activiste et féministe, fait le constat que les artistes, notamment femmes, bénéficient trop peu d’espaces physiques nécessaires à leur création et sont amenées à devoir travailler dans des espaces domestiques et principalement sur leur table de cuisine. Cette idée s’est également nourrie d’une oeuvre de Hugues Reip intitulée 0,25 (1990-91) (2), composée d’une série de 25 minuscules sculptures réalisées spontanément à partir de mie de pains, de gomme, de trombones, de clous, présentée au public sur une table de cuisine en formica, icône domestique des années 1950.

Cette exposition nous semble nécessaire après ce printemps privé de convivialité, d’échanges et de proximité. Elle a valeur de projet de résistance et d’attention portée aux pratiques artistiques intimes et domestiques. Ce moment de repli sur soi a conduit les créateurs à retrouver des pratiques artistiques modestes et bricolées, quand pour d’autres il s’agit bien d’une pratique régulière. Se concentrant sur la relation que les artistes entretiennent avec leurs « tables de travail » – refuge, terrain de jeu ou passage obligé – nous invitons les artistes à nous envoyer leurs propositions comme on envoie une lettre. Elles peuvent avoir été pensées pendant la période récente de confinement ou en réponse à cette invitation, elles peuvent être spontanées, modestes, construites ou sophistiquées.

La vie des tables s’adapte aussi à la réalité. Ce projet s’accommode des contraintes liées aux distances et il actualise par jeu et par nécessité le mail art, né en 1962 avec la création par Ray Johnson de la New York Correspondance School of Art. Comme son nom le suggère, le mail art se diffusait principalement par voie postale et de manière spontanée. Ce « mouvement » a annoncé la notion d’attitude comme objet, idée fondatrice de l’art contemporain des années 1970 et qui reste aujourd’hui un enjeu valide.

Les oeuvres envoyées par les artistes sont exposées au Crédac sur une multitude de tables glanées en pensant à chacun d’entre eux : de cuisine, de travail, en formica, en bois, en contreplaqué, peinte ou à l’état brut, carrée, rectangulaire ou circulaire. De formes simples, ces tables sont autant d’îlots qui cohabitent et forment un archipel, composant un paysage évocateur du travail de la pensée et de l’intimité, de la maquette, de l’esquisse ou de la forme aboutie.


1. Lucy Lippard, Get the message ? A decade for Social Change, NY, Ed.Dutton, 1984

2. Présentée lors de l’exposition personnelle de Hugues Reip, L’Évasion, au Centre d’art contemporain d’Ivry — le Crédac en 2018.






Les artistes invités

Boris Achour, Pierre Ardouvin, Ethan Assouline, Marcos Ávila Forero, Nour Awada, Eva Barto, Eric Baudart, Katinka Bock, Roxane Borujerdi, Simon Boudvin, Anne Bourse, Flora Bouteille, Tiphaine Calmettes, Corentin Canesson, Ali Cherri, Gaëlle Choisne, Delphine Coindet, Mathis Collins, Morgan Courtois, Koenraad Dedobbeleer, Mimosa Echard, Aurélien Froment, Dominique Ghesquière, Louise Hervé & Clovis Maillet, Sheila Hicks, Ana Jotta

Véronique Joumard, Kiösk, Kapwani Kiwanga, Jonathan Loppin, Liz Magor, Paul Maheke, Charlotte Moth, Gyan Panchal, Estefanía Peñafiel Loaiza, Nelson Pernisco, Jean-Charles de Quillacq, Hugues Reip, Soraya Rhofir, La Ribot, Bojan Šarčević, Jorge Satorre, Shimabuku, Noé Soulier, Thomas Teurlai, Sarah Tritz, Francisco Tropa, Victor Yudaev et Raphaël Zarka.

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