đ âGlobal(e) Resistanceâ au Centre Pompidou, Paris, du 29 juillet 2020 au 4 janvier 2021
âGlobal(e) Resistanceâ
au Centre Pompidou, Paris
du 29 juillet 2020 au 4 janvier 2021
PODCAST – Interview de Alicia Knock, conservatrice au MusĂ©e national dâart moderne – service CrĂ©ation contemporaine et prospective, et co-commissaire de l’exposition,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 28 juillet 2020, durĂ©e 25â11, © FranceFineArt.
© Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, visite de l’exposition en fin de montage, le 28 juillet 2020.
Extrait du communiqué de presse :
Commissaires :
Christine Macel, conservatrice en chef, cheffe du service Création contemporaine et prospective
Alicia Knock et Yung Ma, conservateurs au MusĂ©e national dâart moderne, service CrĂ©ation contemporaine et prospective
Lâexposition « Global(e) Resistance » dĂ©voile pour la premiĂšre fois les oeuvres de plus dâune soixantaine dâartistes rĂ©unies au cours de la derniĂšre dĂ©cennie. Dans la lignĂ©e de lâexposition « Une histoire : art, architecture, design des annĂ©es 80 Ă nos jours », elle prĂ©sente une majoritĂ© dâartistes issus des « Suds » (Afrique, Moyen-Orient, Asie, AmĂ©rique latine) et se donne pour ambition dâexaminer les stratĂ©gies contemporaines de rĂ©sistance. «Global(e) Resistance» pose Ă©galement des interrogations thĂ©oriques qui vont de lâarticulation de lâesthĂ©tique et du politique au rapport mĂȘme du musĂ©e au politique au sein des mondes de lâart.
RĂ©sister Ă travers une pratique Ă la fois artistique et politique, voire activiste, a souvent Ă©tĂ© lâapanage dâartistes vivant dans des situations dâoppression ou dâinĂ©galitĂ©s. La fin de la colonisation a fait jaillir de nombreuses voix qui se sont Ă©levĂ©es pour entamer de nouveaux chemins de rĂ©sistance, que ce soit sur un plan purement politique ou pour questionner les histoires, les mĂ©moires trop tenaces ou menacĂ©es de dĂ©litement. La rĂ©sistance sâest Ă©galement organisĂ©e grĂące Ă lâart lui-mĂȘme, de maniĂšre poĂ©tique ou discursive.
Le projet fait la part belle Ă la place de la contestation politique Ă lâheure des dĂ©colonisations et de lâeffondrement des idĂ©ologies communistes aprĂšs 1989 tout en abordant les relectures actuelles de lâhistoire Ă travers lâexcavation et la mise en mĂ©moire. Il prend pour point de dĂ©part deux oeuvres fondatrices des annĂ©es 1990 issues de la collection du Centre Pompidou : le film The Couple in the Cage (1993), dans lequel Coco Fusco et Guillermo GĂłmez-Peña questionnent la persistance contemporaine de rĂ©flexes coloniaux, ainsi que la vidĂ©o Partially Buried (1996), de RenĂ©e Green qui met au jour le rĂŽle de la mĂ©moire subjective dans lâĂ©criture de lâhistoire. Dans une Ă©poque de tumulte et dâurgence, il sâagit dâexplorer comment ces contestations participent Ă la transformation des systĂšmes de pensĂ©es et modifient le regard sur le monde.
Le visiteur est accueilli dans le forum par la sculpture RĂ©demption de BarthĂ©lĂ©my Toguo, exposĂ©e pour la premiĂšre fois depuis son acquisition. Lâoeuvre Ă©voque la rencontre Nord-Sud, le panafricanisme et la question de la rĂ©demption et du salut des peuples. Le projet se dĂ©ploie ensuite au quatriĂšme Ă©tage des collections permanentes (Galerie du musĂ©e, Galerie dâart graphique et Galerie 0) sur prĂšs de 1500m2. Le parcours est ponctuĂ© de slogans imprimĂ©s sur les murs, rĂ©alisĂ©s Ă partir dâoeuvres de BarthĂ©lĂ©my Toguo. Des oeuvres-manifestes ouvrent lâexposition : Khalil Rabah Ă©voque la situation palestinienne, Teresa Margolles la frontiĂšre mexicaine, Yin Xiuzhen les conflits armĂ©s et Nadia Kaabi-Linke lâerrance des migrants et des sans-abris.
InspirĂ©e par Robert Smithson, lâoeuvre de RenĂ©e Green structure dans un premier temps une stratĂ©gie de rĂ©sistance polysĂ©mique pensĂ©e Ă lâĂ©chelle du paysage comme du territoire, mais aussi rattachĂ©e Ă une mĂ©moire intime. Lâimaginaire complexe de certaines villes comme Braddock (LaToya Ruby Frazier), Johannesburg (Subotzsky et Waterhouse), Dakar (Cheikh Ndiaye), marquĂ©es par le dĂ©clin Ă©conomique, la contestation socio-politique ou la recomposition urbaine, hantent plusieurs oeuvres.
ParallĂšlement, les artistes accompagnent la ferveur et les inquiĂ©tudes surgies des dĂ©colonisations (Kiluanji Kia Henda, Abdoulaye KonatĂ©) et surtout en Afrique du Sud oĂč persiste lâapartheid jusquâen 1991 (Penny Siopis, Kemang Wa Lehulere, Sue Williamson). La mise en question de lâhypothĂšse communiste, abordĂ©e par The Propeller Group, et la progression dâun monde autoritaire, reflĂ©tĂ©e par lâinstallation de Pratchaya Phintong, sont le point de dĂ©part dâoeuvres engagĂ©es qui tentent de rĂ©concilier rĂ©cits individuels et traumatismes collectifs. Les oeuvres de Chim Pom et Yin Xiuzhen, elles, dĂ©noncent la menace Ă©cologique. Dans une section plus contemplative, la littĂ©rature et la philosophie servent de rĂ©ceptacles Ă une rĂ©sistance plus souterraine comme dans le travail de Mohssin Harraki ou Mâbarek Bouhchichi ou dans lâoeuvre emblĂ©matique Facing the Wall de Song Dong mĂȘlant zen et combat spirituel.
Dans un second temps, dans la lignĂ©e de la mascarade amĂ©rindienne de Fusco et GĂłmez-Peña, certains rĂ©sidus du monde colonial, en attente dâune recomposition multiculturelle, sont mis en lumiĂšre : le « cirque » ethnographique du « bon nĂšgre » au BrĂ©sil (Jonathas de Andrade) est mis en nĂ©gociation dans un monde qui ploie sous le poids des cicatrices (Otobong Nkanga). Plus loin, il sâagit dâenvisager la question de la mobilitĂ© au coeur du systĂšme capitaliste contemporain : les migrations (YounĂšs Rahmoun, Halil Altındere), le corps comme outil de rĂ©sistance (Evelyn Taocheng Wang, Ming Wong) viennent nourrir une sĂ©rie dâoeuvres pensĂ©es comme des traversĂ©es. Les luttes fĂ©ministes sont enfin activĂ©es dans le travail de Susan Hefuna et de Marcia Kure, tout autant que de nouveaux questionnements sur les questions de genre.
Afin de rendre compte des engagements et stratĂ©gies des artistes, un salon et des vitrines documentaires envisagĂ©s comme un espace discursif accueillent le visiteur Ă lâentrĂ©e du niveau 4 du MusĂ©e. Ils valorisent Ă©galement les engagements de certains « lieux » de lâactivisme basĂ©s en France.
Un catalogue est réalisé avec des essais de Christine Macel, Alicia Knock et Yung Ma autour des problématiques entre esthétique et politique, à partir des oeuvres de la collection.
Cette exposition est réalisée grùce au soutien des amis du Centre Pompidou qui ont fait don au Centre Pompidou des oeuvres de trente-six artistes montrées dans « Global(e) Resistance ».
Parcours de lâexposition
Lâexposition « Global(e) Resistance » dĂ©voile une centaine dâoeuvres de plus dâune soixantaine dâartistes entrĂ©es dans les collections du MusĂ©e national dâart moderne au cours de la derniĂšre dĂ©cennie, dont beaucoup acquises grĂące au soutien des amis du Centre Pompidou. Elle prĂ©sente une majoritĂ© dâartistes issus des « Suds » (essentiellement lâAfrique de lâOuest et du Sud, le Moyen-Orient, lâAsie du Sud-Est et lâAmĂ©rique latine) et se donne pour ambition dâexaminer les stratĂ©gies contemporaines de rĂ©sistance.
RĂ©sister Ă travers une pratique Ă la fois artistique et politique, voire activiste, a souvent Ă©tĂ© lâapanage dâartistes vivant des situations dâoppression ou dâinĂ©galitĂ©. Lâeffondrement de lâancien Bloc communiste et la fin de la colonisation ont par exemple fait jaillir de nombreuses voix qui se sont Ă©levĂ©es pour explorer de nouveaux chemins de rĂ©sistance, purement politiques, ou pour questionner les histoires collectives et individuelles, les mĂ©moires demeurĂ©es Ă vif ou menacĂ©es de dĂ©litement. Lâart peut ĂȘtre par ailleurs en lui-mĂȘme un acte de rĂ©sistance, esthĂ©tique et Ă©thique, voire la matrice mĂȘme de leur rencontre, selon, entre autres, la pensĂ©e postcoloniale.
DĂšs lâentrĂ©e, le visiteur est invitĂ© Ă parcourir un salon/espace discursif reflĂ©tant les engagements des artistes en dehors de leurs pratiques artistiques et de certains « lieux » de lâactivisme basĂ©s en France.
Lâartiste camerounais BarthĂ©lĂ©my Toguo, dĂ©jĂ prĂ©sent dans le Forum avec sa sculpture RĂ©demption, rythme le parcours de lâexposition rĂ©partie sur 1500 m2, grĂące Ă des empreintes de tampons aux slogans de rĂ©sistance, courant sur les murs des diffĂ©rents espaces.
Dans la partie 1 de lâexposition sont prĂ©sentĂ©s des artistes qui sâemparent des problĂ©matiques environnementales et se consacrent aux luttes politiques, aux questions liĂ©es Ă lâhistoire et Ă la mĂ©moire, ainsi quâĂ lâart comme alternative et rĂ©sistance spirituelle.
Plusieurs oeuvres sâemparent tout dâabord de problĂ©matiques environnementales. Puis, Ă partir de la vidĂ©o Partially Buried de RenĂ©e Green, matrice historique de lâexposition rĂ©alisĂ©e dans les annĂ©es 1990, sâĂ©lĂšve une stratĂ©gie de rĂ©sistance polysĂ©mique pensĂ©e Ă lâĂ©chelle du paysage comme du territoire, de luttes collectives mais aussi rattachĂ©es Ă une mĂ©moire intime. Lâimaginaire complexe de certaines villes comme Braddock, Johannesburg ou Dakar, marquĂ©es par le dĂ©clin Ă©conomique, la contestation socio-politique ou la recomposition urbaine, hantent plusieurs oeuvres. ParallĂšlement, les artistes accompagnent la ferveur et les inquiĂ©tudes surgies des dĂ©colonisations, notamment en Afrique du Sud oĂč persiste lâapartheid jusquâen 1991. La mise en question de certains rĂ©gimes politiques et la progression dâun monde autoritaire sont Ă©galement le point de dĂ©part dâoeuvres engagĂ©es qui tentent de rĂ©concilier rĂ©cits individuels et traumatismes collectifs. Dans une section plus contemplative et spirituelle, lâart, la littĂ©rature et la philosophie deviennent des modes de rĂ©sistance en soi.
Dans la partie 2 de lâexposition sont prĂ©sentĂ©s des artistes qui se consacrent aux rĂ©cits post-coloniaux et aux dynamiques migratoires, ou dĂ©livrent une rĂ©flexion sur le corps et le genre. Dans la lignĂ©e de la mascarade amĂ©rindienne de Coco Fusco et Guillermo GĂłmez-Peña, Ćuvre majeure de la collection rĂ©alisĂ©e dans les annĂ©es 1990, les artistes mettent en lumiĂšre certains rĂ©sidus du monde colonial, en attente dâune recomposition pluriculturelle et poĂ©tique. Dâautres envisagent les questions posĂ©es par les mobilitĂ©s et les migrations au coeur des prĂ©occupations contemporaines. Les luttes fĂ©ministes et la redĂ©finition du genre irriguent enfin plusieurs oeuvres oĂč le corps et ses reprĂ©sentations deviennent des outils dâaffirmation comme de rĂ©invention de soi.
La partie 3 est un espace documentaire qui accueille des textes, ouvrages, archives, musiques et vidĂ©os proposĂ©es par les artistes Ă lâinvitation des commissaires. OrganisĂ© autour de lâescalier central, lâespace permet de dĂ©couvrir les engagements sociopolitiques des artistes au-delĂ de leurs oeuvres et met en lumiĂšre des dĂ©marches de rĂ©sistance basĂ©es en France ou ailleurs. Onze vitrines disposĂ©es autour du salon invitent Ă se plonger dans la grande variĂ©tĂ© des pratiques et des actions sociales voire militantes de certains artistes de lâexposition. Des assises sont disponibles pour parcourir textes, livres et revues, une table audio permet dâĂ©couter lâalbum Par les damnĂ©.e.s de la terre du musicien RocĂ© invitĂ© par Bouchra Khalili et un moniteur diffuse une confĂ©rence enregistrĂ©e Ă La Colonie, lieu culturel parisien dont Kader Attia est lâun des fondateurs. Des exemplaires de la revue Chimurenga â en Ă©cho Ă lâinvitation de son crĂ©ateur Ntone Edjabe pour le projet Chimurenga Library dans le cadre de la saison Africa 2020-21 â et dâautres revues engagĂ©es, telles Afrikadaa, PĂ©tunia et Terremoto, sont Ă©galement visibles dans les vitrines. Enfin, le philosophe Paul B. Preciado, invitĂ© de lâannĂ©e au Centre Pompidou, prĂ©sente ses ouvrages et archives sur les Ă©tudes du genre.
Marcos Ăvila Forero, laurĂ©at du 21e Prix Fondation dâentreprise Ricard
Depuis 2000, le Centre Pompidou accueille, chaque annĂ©e, le Prix Fondation dâentreprise Ricard qui rĂ©compense un artiste Ă©mergent de la jeune scĂšne française. Un jury de collectionneurs, de professionnels et dâartistes a attribuĂ© le 21e Prix Fondation dâentreprise Ricard 2019 Ă lâartiste Marcos Ăvila Forero pour son installation « ThĂ©orie du vol des oies sauvages, notes sur les mouvements ouvriers ». Le prix a Ă©tĂ© dĂ©cernĂ© Ă lâoccasion de lâexposition « Le fil dâalerte », conçue par Claire Le Restif, Ă la Fondation dâentreprise Ricard, en 2019.
Le MusĂ©e national dâart moderne a sĂ©lectionnĂ© trois oeuvres de la sĂ©rie « Alpargatas de Zuratoque ». Pour rĂ©aliser ce projet, Marcos Ăvila Forero sâest rendu entre 2012 et 2013 dans le bidonville de Zuratoque, en Colombie, oĂč sont cantonnĂ©s des milliers de paysans dĂ©possĂ©dĂ©s de leurs terres et dĂ©placĂ©s massivement par le conflit armĂ© qui ravage le pays. Lâartiste a proposĂ© Ă plusieurs familles dâĂ©crire sur des sacs de jute leurs tĂ©moignages et revendications, lâexpĂ©rience de leurs vies passĂ©es, les choses quâelles ont possĂ©dĂ©es et perdues. Il leur a ensuite demandĂ© de dĂ©tricoter les sacs et de transformer les traces de leurs souvenirs afin dâen rĂ©cupĂ©rer les fils pour crĂ©er une paire dâ« alpargatas ». Ces chaussures traditionnelles paysannes, mĂ©tamorphosĂ©es en un outil de rĂ©silience, symbolisent lâerrance des familles et mettent en lumiĂšre les expulsions et les dĂ©placements forcĂ©s en Colombie.
Les trois piĂšces de la sĂ©rie « Alpargatas de Zuratoque » seront prĂ©sentĂ©es dans le cadre de lâexposition « Global(e) Resistance ».