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“Notre monde brûle”

au Palais de Tokyo, Paris 

du 21 fĂ©vrier au 17 mai 2020 (prolongĂ©e jusqu’au 13 septembre 2020)

www.palaisdetokyo.com

Le Palais de Tokyo accueille à nouveau le public à partir du 15 juin 2020. Les visiteurs sont invités à découvrir l’œuvre de l’artiste Futura et à voir ou revoir, dans les meilleures conditions de sécurité sanitaire possible, les expositions prolongées jusqu’au 13 septembre 2020.

Interview de Fabien Danesi, co-commissaire de l'exposition

PODCAST –  Interview de Fabien Danesi, co-commissaire de l’exposition

par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 20 fĂ©vrier 2020, durĂ©e 13’13. © FranceFineArt.

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©Anne-FrĂ©derique Fer, Ă  Paris, le 20 fĂ©vrier 2020, durĂ©e 13’13 ». © FranceFineArt.

Wael Shawky, Al Araba Al Madfuna III, 2016. Installation vidéo, 27’02’’. Courtesy de l’artiste.
Wael Shawky, Al Araba Al Madfuna III, 2016. Installation vidĂ©o, 27’02’’. Courtesy de l’artiste.
Basim Magdy, No Shooting Stars, 2016. Super 16mm and GIF animations transferred to Full HD. 14 min. 25 sec. (co-commissioned by Jeu de Paume, Paris, Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques and CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux).
Basim Magdy, No Shooting Stars, 2016. Super 16mm and GIF animations transferred to Full HD. 14 min. 25 sec. (co-commissioned by Jeu de Paume, Paris, Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques and CAPC musĂ©e d’art contemporain de Bordeaux).
Aslı ÇavuĹźoÄźlu, The Place of Stone, 2018. Fresque de 22 panneaux aerolam, 125 x 125 cm chacun. DĂ©tail du panneau n°5. © photo : Can Küçük. Courtesy de l’artiste.

texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

Des mots sculptĂ©s dans du bĂ©ton par Mustapha Akrim : « droit », « liberté », « égalité » piĂ©gĂ©s dans une armature de fers de chantier de construction. On dirait une cage emprisonnant ces beaux et nobles concepts, attendant de les noyer dĂ©finitivement dans un mur ou un poteau comme un tĂ©moin gĂŞnant dans un film de mafia new yorkaise. Notre monde brĂ»le et tout est tiède, l’information continue de circuler dans un Ă©cheveau de fibre optique se fondant dans une table de Mounir Fatmi. Les obus de la guerre de 14 servant de pots pour des plantes du Katanga d’ou a Ă©tĂ© extrait leur cuivre forment un petit jardin un peu rachitique. Si Sammy Baloji interroge par lĂ  la colonisation, son installation mĂ©riterait beaucoup plus de surface et d’ampleur pour ĂŞtre un tant soit peu efficace.

Younès Rahmoun remplit des sacs poubelles de son propre souffle d’artiste, souffle divin, spirituel. Ces sacs alignĂ©s par 5, orientĂ©s vers la Mecque et leurs opposĂ©s, sacs roulĂ©s et ficelĂ©s bien serrĂ©, vides de tout air, sont l’aboutissement de l’engagement spirituel et Ă©cologique de l’artiste. Plus beau, les tĂŞtes de forage pĂ©trolier en impression 3d de Monira Al Qadiri ressemblent Ă  de la cĂ©ramique irisĂ©e, cassante, prĂ©cieuse comme des perles, scintillante d’Ă©toiles. Mandibules d’insectes gĂ©ants, pièces de robots de science-fiction, ces sculptures racontent la croissance fulgurante du Koweit passĂ© grâce au pĂ©trole de villages de pĂ©cheurs et marchĂ© de perles Ă  l’opulence; et annoncent l’inĂ©vitable fin de cette euphorie. Au Qatar, Sophia Al Maria lutte Ă©galement contre cette accĂ©lĂ©ration du temps. reprenant la forme des tĂ©trapodes, blocs de bĂ©ton brise -vagues, symboles du dĂ©veloppement portuaire, des Ă©changes et du marchĂ© du pĂ©trole. Son tĂ©trapode lumineux en fibre de verre sort de Blade Runner, il est joli comme un luminaire de salon.

Retrouvons un peu d’humanitĂ© avec Mounira Al Solh. Ses portraits de rĂ©fugiĂ©s, dessins plutĂ´t naĂŻfs et enfantins sur papier bon marchĂ©, feuilles de bloc-notes jaune Ă  lignes sont simples et Ă©mouvants. On retrouve un art vernaculaire, un art sans artiste qui parle de vraies personnes, de leur expĂ©rience, avec parfois un peu de couleur, des paillettes de collĂ©gienne, du feutre d’Ă©colière. NĂ© en France, Bady Dalloul regarde la Syrie d’oĂą sont venus ses parents et son histoire non pas comme quelque chose de personnel puisqu’il n’y a jamais vĂ©cu, mais comme une construction publique, une mĂ©moire commune Ă  tous par le rĂ©cit mĂ©diatique. Ses minuscules dessins dans des tiroirs de boites d’allumettes sont une bande dessinĂ©e peuplĂ©e de tyrans ou de hĂ©ros moustachus, de mitraillettes et de lances roquettes, on dirait un film d’action, une sĂ©rie B des annĂ©es 80… on attend que Chuck Norris vienne sauver ce monde en flammes.

Dans le musĂ©e de Michael Rakowitz, les Ĺ“uvres volĂ©es ou disparues des musĂ©es d’Irak lors des guerres amĂ©ricains et de l’Etat Islamique sont remplacĂ©es par des artefacts de papier, de carton d’emballage de biscuits, de thĂ©, de dattes. Le patrimoine culturel refabriquĂ© Ă  partir de l’archĂ©ologie de l’Ă©picerie du coin de la rue prend une dimension nouvelle, vive et joyeuse. L’histoire, l’identitĂ© peuvent enfin ĂŞtre rĂ©appropriĂ©s par tous.

La très impressionnante cabane faite de bonbonnes de gaz prĂŞtes, sans doute, Ă  exploser de Amal Kenawy fait peser un danger sur toute la pièce, une tension qui se fait encore plus palpable par la bande son de bonbonnes roulant sur le sol. L’artiste Ă©gyptienne montre un rĂ©el courage artistique lorsqu’elle est prise Ă  partie lors d’une performance dans la rue par une foule haineuse, prĂŞte Ă  la lyncher. Notre monde brĂ»le aussi des allumettes des crĂ©tins et des censeurs.

Au sous-sol, dans une pĂ©nombre propice aux mystères et aux illusions, une construction jaune Ă©merge d’une dune de sable. InvitĂ©s Ă  marcher dans ce petit bout de dĂ©sert, on quitte le palais de Tokyo pour une planète de Star Wars, une architecture nous regardant de ses yeux de poteries incrustĂ©es dans les murs, un yellow submarine psychĂ©dĂ©lique des Beatles. Wael Shawky crĂ©e des lĂ©gendes, des histoires oĂą les mythes mĂŞlent le vrai et le faux : des projections en nĂ©gatif se reflètent dans un bassin, des cruches cassĂ©es sont un cimetière et ce jaune trop jaune, si jaune qu’il ne faut pas le toucher se met Ă  rayonner dans l’obscuritĂ© comme si il Ă©tait radioactif. Un terrier d’Alice orientale loin des vanitĂ©s qui se consument, c’est plutĂ´t sympathique.

Sylvain Silleran


extrait du communiqué de presse :

Exposition conçue en collaboration avec le MATHAF (Arab Museum of Modern Art)
Commissaire : Abdellah Karroum
Co-commissaire : Fabien Danesi




L’exposition Notre monde brĂ»le propose un regard engagĂ© sur la crĂ©ation contemporaine depuis le Golfe Persique oĂą les guerres et les tensions diplomatiques n’ont cessĂ© de dĂ©terminer l’histoire de ce dĂ©but de XXIe siècle. Le titre fait explicitement rĂ©fĂ©rence aux drames humains que gĂ©nèrent les conflits successifs dans cette rĂ©gion tout en intĂ©grant de manière plus large les catastrophes Ă©cologiques incarnĂ©es par les immenses feux de forĂŞt destructeurs de l’Amazonie Ă  la SibĂ©rie en passant par la Californie. Mais le feu n’est pas uniquement l’affirmation d’un pĂ©ril. De façon ambivalente, il est aussi le symbole du formidable Ă©lan dĂ©mocratique que connaĂ®t cette mĂŞme rĂ©gion Ă  travers les Printemps arabes.

De la destruction des trĂ©sors irakiens (Michael Rakowitz) au sort des rĂ©fugiĂ©s syriens (Monira Al Solh) en passant par le financement des Talibans Ă  travers l’exploitation du lapis lazuli en Afghanistan (Asli Cavusoglu), Notre monde brĂ»le prĂ©sente un maillage complexe d’évènements auxquels les oeuvres d’art se rĂ©fèrent tout en offrant de multiples Ă©chappĂ©es poĂ©tiques. L’exposition ouvre d’ailleurs sa rĂ©flexion Ă  la problĂ©matique de l’Anthropocène (John Akomfrah, Yto Barrada, Raqs Media Collective) et Ă  la question de l’usage des ressources naturelles (Monira Al Qadiri, Sammy Baloji, Fabrice Hyber) afin de participer au dĂ©bat sur la nĂ©cessitĂ© de changer notre rapport exclusivement utilitariste Ă  l’environnement.

Elle affirme justement que les oeuvres ont une puissance d’intervention en prenant position face aux dĂ©sordres du monde. Le feu revient alors Ă  l’intensitĂ© de la crĂ©ation artistique – Ă  l’image des oeuvres qui s’inscrivent dans la lignĂ©e des soulèvements populaires du monde arabe (Shirin Neshat, Amal Kenawy, Bady Dalloul) et tĂ©moignent d’un profond dĂ©sir de justice sociale (Mustapha Akrim, Danh Vo, Faraj Daham, Kader Attia). Dans une visĂ©e post-coloniale, la dĂ©multiplication des rĂ©cits historiques (Amina Menia, Bouthayna Al Muftha, Wael Shawky, Dominique Hurth) est alors une façon d’affirmer des narrations alternatives et par lĂ  mĂŞme de tracer les prĂ©misses d’une sociĂ©tĂ© pluraliste, aux structures moins hiĂ©rarchiques et plus horizontales.

Notre monde brĂ»le est une exposition d’Abdellah Karroum, fondateur de l’Appartement 22 Ă  Rabat en 2002, curateur de la Triennale aux cĂ´tĂ©s d’Okwui Enwezor en 2012, et actuellement directeur du MusĂ©e Arabe d’Art moderne et contemporain (MATHAF) Ă  Doha. FondĂ© en 2010 Ă  partir de la collection privĂ©e du Sheikh Hassan Bin Mohamed bin Ali Al Thani, le MATHAF se concentre plus particulièrement sur les pratiques artistiques du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et de sa diaspora en prĂ©sentant une Ă©criture de l’histoire de l’art polyphonique qui propose une autre lecture que celle dĂ©terminĂ©e par le point de vue occidental. EngagĂ© dans une approche post-coloniale, le MATHAF insiste sur les Ă©changes culturels et interroge l’hĂ©ritage artistique du Qatar en lien avec la globalisation. PrĂ´nant l’essor de la modernitĂ© dans les pays arabes, il dĂ©veloppe ses activitĂ©s dans le domaine Ă©ducatif et se veut une institution Ă  la fois localisĂ©e et ouverte dans un monde aux multiples centres. Le MATHAF se dĂ©finit ainsi comme un musĂ©e non hĂ©gĂ©monique et non normatif qui appelle de « nouvelles relations de pouvoir et des traductions culturelles » dans la lignĂ©e de la pensĂ©e d’Okwui Enwezor.


Les artistes :
John Akomfrah, Mustapha Akrim, Francis Alÿs, Kader Attia, Mounira Al Solh, Bouthayna Al Muftah, Monira Al Qadiri, Sophia Al Maria, Sammy Baloji, Yto Barrada, Aslı Çavuşoğlu, Faraj Daham, Bady Dalloul, Inji Efflatoun, Khalil El Ghrib, Mounir Fatmi, Fabrice Hyber, Dominique Hurth, Amal Kenawy, Amina Menia, Shirin Neshat, Otobong Nkanga, Sara O’Haddou, Michael Rakowitz, Younes Rahmoun, Wael Shawky, Oriol Vilanova, Danh Vo, Raqs Media Collective.