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“Marie-Laure de Decker” à la Maison Européenne de la Photographie, du 4 juin au 28 septembre 2025

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“Marie-Laure de Decker” L’image comme engagement

à la Maison Européenne de la Photographie, Paris

du 4 juin au 28 septembre 2025

Maison Européenne de la Photographie


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Marie-Laure de Decker
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©Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 3 juin 2025.

Texte Sylvain Silleran

Marie-Laure de Decker, Vietnam, 1971. © Marie-Laure de Decker.

Marie-Laure de Decker, Vietnam, 1971. © Marie-Laure de Decker.

Marie-Laure de Decker, Valéry Giscard d’Estaing devant sa télévision, le soir de son élection comme président de la République française, Paris, 19 mai 1974. © Marie-Laure de Decker.

Marie-Laure de Decker, Valéry Giscard d’Estaing devant sa télévision, le soir de son élection comme président de la République française, Paris, 19 mai 1974. © Marie-Laure de Decker.

Marie-Laure de Decker, Simone de Beauvoir lors du rassemblement de la Foire des femmes, Vincennes, 16-17 juin 1973. © Marie-Laure de Decker.

Marie-Laure de Decker, Simone de Beauvoir lors du rassemblement de la Foire des femmes, Vincennes, 16-17 juin 1973. © Marie-Laure de Decker.

Marie-Laure de Decker, Da Nang, Vietnam, 1971-1972. © Marie-Laure de Decker.

Marie-Laure de Decker, Da Nang, Vietnam, 1971-1972. © Marie-Laure de Decker.

Marie-Laure de Decker – l’image comme engagement

MEP


Voici un retour quelque peu nostalgique dans les années 70, ses luttes politiques et sociales sur fond de guerre froide. Marie-Laure de Decker participe au sein de l’agence Gamma à cet alors âge d’or du reporter photo. Loin du stéréotype du baroudeur, son autoportrait dans le miroir d’une salle de bains la montre, le crâne rasé, l’œil cerné, sombre, sortie d’un film expressionniste ou d’Apocalypse Now.


Notre histoire commence au Vietnam, un soldat pose en short devant son hélicoptère, un chien dans les bras. Presque une photo de vacances sauf que sur la carlingue de tôle quelques silhouettes peintes à la hâte montrent le décompte macabre des viet-congs tués. La mort s’invite tout de même dans ces photos de l’arrière, loin des combats, de la terreur et du sang. Ce qui frappe dans la photographie de Marie-Laure de Decker, c’est la proximité avec son sujet. Ce n’est pas juste un effet de focale, si la photographe se rapproche ainsi, c’est pour venir effleurer l’humanité de celui dont elle fait le portrait. C’est Noël, même au Vietnam, on se repose, on fume et on lit des livres, on pourrait presque croire à un banal pique-nique si ce n’était pour l‘acier noirci des armes et les hélicoptères qui survolent le campement.


En ville, les soldats vont dans les bars, des bordels glauques aux enseignes peintes de jolis lettrages, ici un grand Spirou orne l’entrée. Des gamins jouent dans les rues, ils jouent à la guerre ou ouvrent les vannes d’eau pour se rafraichir comme le feraient les mômes de Brooklyn. Si elle cède parfois à l’image facile, un vieux vietnamien devant un immense panneau publicitaire Coca-Cola, Marie-Laure de Decker crée un lien de confiance, laisse son Leica se faire oublier, et les regards se mettent à parler, à raconter les douleurs et les espoirs, la fatigue, les petites joies fugaces, le mélange de maturité et de candeur qui s’accroche malgré tout.


Plus tard au Yemen, elle y photographie les deux moitiés d’un pays en guerre: le nord figé dans les traditions d’un autre âge, semblant impassible à un monde en pleine ébullition, et le sud socialiste, érigé en modèle d’émancipation autour de la figure du leader. Une femme brandit une Kalashnikov! Chouette! Voici la modernité! Au Tchad aussi, c’est la guerre civile. L’armée rebelle faite de bric et de broc ressemble à des bandits mexicains d’un vieux western. Sauf qu’un guerrillero lit un livre d’Ho Chi Minh. Marie-Laure de Becker tend un drap blanc sur le flanc rocheux et, dans ce studio improvisé, compose une formidable galerie de portraits. Avec leurs pétoires bon marché, les rebelles deviennent des héros de cinéma, une série B pleine de panache. Le reportage photo devient narration, aujourd’hui on dirait storytelling.


En Europe elle documente les luttes sociales, suit les manifestations. Mai 68 bien entendu, mais tous les combats de l’époque, le droit à l‘avortement, le MLF, l’abolition de la peine de mort, la révolution des œillets au Portugal… On est en plein dans l’agit-prop marxiste, débordante d’étoiles, de faucilles et de marteaux festifs. Beaucoup plus dangereuse est sa plongée dans la résistance à la dictature chilienne de Pinochet en 1974, ses photos des opposants luttant dans la clandestinité, la vraie, celle où on risque torture et assassinat.


Ses portraits de travailleurs couvrent le monde entier: travailleuse du sexe en Allemagne, ouvriers textiles en Afrique, en France chez Renault ou la rédaction et l’imprimerie du journal Libération.


On y trouve aussi des vendeuses sur un marché kolkhozien d’URSS, leurs quelques pommes au milieu d’étals vides. Des paysannes récoltent des oignons ou du coton au Mozambique, d’autres travailleurs beaucoup plus malchanceux sont prisonniers d’un camp de rééducation mais, nous indique le cartel, c’est parce que le pays a entamé « un chemin difficile vers la construction du socialisme ». Ca va, alors.


Quel est donc le point commun entre un vietnamien souriant transportant un cochon sur son vélo, des lépreux parias, un jeune révolutionnaire du Mozambique et son livre de Marx, des moscovites dansant l’hiver dans un parc, un mariage à Las Vegas, une petite vendeuse d’oranges d’Equateur ou Catherine Deneuve endormie à l’arrière d’un taxi? L’humanisme de Marie-Laure de Decker et son courage. Le courage de tenir son objectif devant les foules débordantes de la colère et de la sauvagerie de l’histoire se nourrit du talent d’établir une relation de confiance si désarmante. C’est ainsi que s’écrit une œuvre photographique unique.



Sylvain Silleran


Extrait du communiqué de presse :

Commissaire :

Victoria Aresheva, MEP assistée par Elisa Monteillet, chargée de production, MEP.


 

L’exposition Marie-Laure de Decker — L’image comme engagement, présentée à la MEP du 4 juin au 28 septembre 2025, est la première grande rétrospective consacrée à cette figure majeure du photojournalisme. En réhabilitant son oeuvre, la MEP lui rend hommage en mettant en lumière son regard et son approche, capables de faire dialoguer l’Histoire et l’intime, et dont la résonance trouve aujourd’hui une portée particulière.

Marie-Laure de Decker a traversé l’histoire de la seconde XXe siècle avec son appareil photo, capturant les grands bouleversements de son époque au gré de ses rencontres et de ses engagements. Elle s’est imposée dans un milieu largement masculin, où exercer ce métier relevait – et relève toujours – d’un véritable choix de vie, porté par la passion, l’adrénaline, les risques et les renoncements. À une époque où peu de femmes osaient s’engager sur ce terrain, elle l’a fait avec une détermination farouche et un courage hors du commun.

Dès les années 1970, elle se distingue par son approche unique du photojournalisme. Ses reportages, couvrant des conflits majeurs comme la guerre du Vietnam, l’apartheid en Afrique du Sud ou la dictature chilienne, se caractérisent par une profonde humanité. Plutôt que de rechercher l’image choc, elle préfère capter la dignité des individus, explorant les hors-champs de la guerre. Ses photographies ne montrent pas la violence de façon frontale, mais la donnent à voir autrement – à travers les visages et les histoires de celles et ceux qui la traversent, comme en témoigne sa poignante série sur les combattants tchadiens et ses portraits de militantes yéménites.

Marie-Laure de Decker a fait de son oeuvre un véritable combat pour la justice et l’égalité. Elle s’intéresse aux conditions de travail de la classe ouvrière, et documente également de nombreuses luttes sociales comme les révoltes de 1968 en France, les manifestations féministes en faveur de l’avortement à Paris et à Rome dans les années 1970, ainsi que les résistances aux régimes autoritaires au Chili et en Afrique du Sud entre 1980 et 1990.

Faisant du portrait son format de prédilection, elle capture avec la même intensité les anonymes et les figures publiques comme Valéry Giscard d’Estaing, Catherine Deneuve ou encore Man Ray.

Dans un domaine encore largement marquée par un regard masculin, sa démarche singulière demeure essentielle et trop peu reconnue. Cette exposition revient sur la trajectoire d’une femme inclassable, à la fois par son approche artistique audacieuse, ses choix de vie résolus et les personnes et sujets qu’elle a choisis de mettre en lumière. Pour elle, la photographie était plus qu’une profession, c’était une nécessité, un moyen de transcender le réel, un engagement total.

Grâce au travail de recherche mené par la MEP au sein des archives de la photographe, cette exposition propose un regard intime et renouvelé sur un héritage photographique unique. Fruit d’une collaboration étroite avec Pablo Saavedra de Decker, fils de l’artiste, elle témoigne du lien entre une oeuvre et sa mémoire, entre une artiste et ce qu’elle transmet.

À l’occasion de cette exposition, un catalogue est publié aux Éditions La Martinière en partenariat avec la MEP.





Biographie

Marie-Laure de Decker (1947 – 2023) était une photographe et photoreporter française dont la carrière s’est étendue sur plus de quarante ans. Elle a documenté de nombreux conflits armés ainsi que des bouleversements sociaux et politiques majeurs du XXe siècle. Parmi ses reportages les plus marquants figurent la guerre du Vietnam, la lutte anticoloniale au Tchad, l’apartheid en Afrique du Sud ou encore la résistance à la dictature au Chili. Elle s’est également illustrée par ses portraits emblématiques de figures du monde de la culture – tels que Marcel Duchamp, Federico Fellini, Françoise Sagan ou Catherine Deneuve – ainsi que de personnalités politiques comme les présidents François Mitterrand, Valéry Giscard d’Estaing ou Nelson Mandela. À partir des années 1980, elle élargit son champ de création à la photographie de mode et de cinéma. Son travail a largement été diffusé dans les médias. D’abord membre de l’agence Gamma, puis photographe indépendante, elle a collaboré avec la presse généraliste nationale – Paris Match, Le Monde, Libération, France- Soir, Le Nouvel Observateur, L’Express – tout comme avec la presse internationale, du New York Times à l’illustré allemand Stern, en passant par The Sunday Times au Royaume-Uni, Corriere della Sera en Italie, Panorama aux Pays-Bas ou encore Le Matin en Suisse. Ses photographies de mode et ses reportages sociétaux ont également été publiés dans de nombreux titres français et étrangers tels que Elle, Marie-Claire, Glamour, Biba, Vogue, Esquire ou Harpers & Queen. Son travail figure aussi dans la presse spécialisée comme Grands Reportages, Photo-Reporter ou Photographies Magazine. Marie-Laure de Decker est l’autrice de plusieurs ouvrages monographiques, notamment Pour le Tchad (1978), Apartheid (2010) ou Vivre pour voir, catalogue de sa première exposition personnelle à la MEP en 2001. Ses oeuvres font aujourd’hui partie de collections publiques prestigieuses, parmi lesquelles celles du Centre Pompidou, de la Bibliothèque nationale de France, du CNAP, ainsi que de la MEP.