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“Eugène Boudin” au musée Marmottan Monet, du 9 avril au 31 août 2025

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“Eugène Boudin”
Le père de l’impressionnisme : une collection particulière

au musée Marmottan Monet, Paris

du 9 avril au 31 août 2025

Musée Marmottan Monet


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©Sylvain Silleran, vernissage presse, le 8 avril 2025.

Texte Sylvain Silleran

Eugène Boudin, Venise, le campanile, le palais Ducal, 1895. Huile sur toile, 49,4 x 73,3 cm. Collection Yann Guyonvarc’h. © Studio Christian Baraja SLB

Eugène Boudin, Venise, le campanile, le palais Ducal, 1895. Huile sur toile, 49,4 x 73,3 cm. Collection Yann Guyonvarc’h. © Studio Christian Baraja SLB

Eugène Boudin, Saint-Valéry-sur-Somme, effet de lune sur le canal, 1891. Huile sur toile, 40,5 x 55,8 cm. Collection Yann Guyonvarc’h. © Studio Christian Baraja SLB.

Eugène Boudin, Saint-Valéry-sur-Somme, effet de lune sur le canal, 1891. Huile sur toile, 40,5 x 55,8 cm. Collection Yann Guyonvarc’h. © Studio Christian Baraja SLB.

Eugène Boudin, Marine. Les lamaneurs, dit aussi Pleine mer, les lamaneurs, 1887. Huile sur toile, 92 x 132,3 cm. Collection Yann Guyonvarc’h. © Studio Christian Baraja SLB.

Eugène Boudin, Marine. Les lamaneurs, dit aussi Pleine mer, les lamaneurs, 1887. Huile sur toile, 92 x 132,3 cm. Collection Yann Guyonvarc’h. © Studio Christian Baraja SLB.

Eugène Boudin, Vaches au pâturage, 1880–1885. Huile sur toile, 41 x 55 cm. Musée Marmottan Monet. © Musée Marmottan Monet.

Eugène Boudin, Vaches au pâturage, 1880–1885. Huile sur toile, 41 x 55 cm. Musée Marmottan Monet. © Musée Marmottan Monet.

Eugène Boudin, le père de l’impressionnisme

Une collection particulière

musée Marmottan



Depuis son premier tableau acheté à la foire de Maastricht, La plage de Deauville, huile sur toile peinte en 1893, Yann Guyonvarc’h a assemblé une collection extraordinaire d’œuvres d’Eugène Boudin. Dans cette toile qui ouvre l’exposition, il y a déjà tout: l’urgence de peindre la marée descendante sous la menace d’un ciel menaçant, les promeneurs sur le sable encore humide, rapidement brossés mais si présents, leurs robes qui prennent le vent comme des voiles, deux enfants qui jouent, l’heureuse liberté de l’autodidacte.

Boudin a bien peint quelques « Tableaux de salle à manger », des natures mortes pour salons bourgeois, un bouquet de fleurs fanant doucement dans un vase de porcelaine. Mais la lumière de la belle journée dehors nous attire irrésistiblement. Il faut sortir arpenter les collines où paissent les moutons et les vaches. L’herbe verte, fraîche, roule comme une vague. La plage et son air si particulier appelle la peinture. Celle-ci est caractérisée par une rapidité d’exécution, elle ne s’embarrasse pas des détails futiles, va à l’essentiel: les sardiniers qui appareillent ont la même fugacité dans leurs voiles grises que leurs reflets dans l’eau scintillante.

Un couchant rappelant les couleurs de Turner, une falaise d’Étretat dévorant la toile de sa masse, calme crépusculaire presque immobile, le trait musculeux de Jongkind laisse place à une Bretagne aux rochers organiques, matière vivante, habitée. Le ciel ou plutôt les ciels, c’est là le personnage central, l’origine du monde selon Boudin. Gris, humide, lourd, le voilà qui s’éclaircit, sa lumière colore la surface de l’océan, lui rendant ses bleus vifs. Le turquoise des vagues contre le ciel lavande, le rivage du Croisic est tranché par des rochers gris agrémentés d’ocre et de brique.

Des tableaux sont accrochés sur des murs rayés de blanc et de rouge, des airs de cabine de plage pour évoquer des scènes balnéaires: Juliette sous la tente à Deauville croise deux femmes sur la plage de Trouville par Monet. Boudin peint les familles sur la plage, elles prennent des airs de noce. Dans ces petits formats peints rapidement, qu’il offre aux modèles et amis, Boudin pratique son magnifique art de l’essentiel. Deux filles jouent au premier plan, les taches rose clair de leurs robes éclosent comme des fleurs. Une promenade sur la plage déserte s’enracine pourtant dans les classiques hollandais. Une grande toile plus travaillée montre une précision chirurgicale. La composition s’articule autour du vide, la mise en scène est complète, orchestrée telle une partition, avec chevaux, carrioles, deux chiens s’ébattant dans un coin.

Une formidable toile esquissée sur le motif, que Boudin n’a pas eu le temps de travailler à l’atelier:

On y lit toute l’énergie de peindre, la rapidité du regard et de la main pour saisir avec un instantané non pas photographique mais sensible. Il n’y a pas que les nuages qui bougent, qui filent comme du sable entre les doigts du peintre, la mer, jusqu’aux rochers, tout est un organisme vivant, respirant.

Dans l’Eté à Villers, le sable prend des accents abstraits, racontant le mouvement de la marée. Sur le sable une écriture: les pierres et les galets, les algues, tout ce que l’océan y a laissé s’étale en phrases un peu traînantes. Au loin, deux femmes marchent sous leurs ombrelles.

Près de là, des scènes de vie, une sortie de messe, une noce, un jour de marché. Des femmes en coiffes à la blancheur immaculée, amidonnée, fleurs d’été. Boudin regarde tout, les pierres des bâtiments, la chaux des murs qui chauffe au soleil, la banalité de volets bleus, la chaume et l’ardoise des toits, le petit bonheur du dimanche.

Parfois le port de Trouville prend des accents hollandais, un ciel parsemé de nuages légers. Ou alors la marée basse laisse sous les jetées des miroirs métalliques. Les maisons de front de mer à la découpe précise, ciselées par un orfèvre, resplendissent, et puis le temps se gâte et tout se défait, la mer se déchaîne, le ciel de vapeur brûlante brouille tout.

Sur les bords de la Touques des laveuses travaillent, le linge entassé derrière elles forme un second paysage multicolore, le fleuve se confond avec le ciel, laissant flotter au loin un horizon de bosquets, de maisons et de clochers. Quelques touches ont suffi à donner vie à ces femmes, à donner corps à leur labeur, à faire entendre jusqu’à la petite musique joyeuse de leurs bavardages.

Le gris de la ville, Rouen, semble loin. Des vaches sont accablées par un ciel qui se fait orageux, le bord de la rivière se fait soudain silencieux. Et puis à Berck la vie reprend sa danse. Les pêcheuses aux tissus trempés, sombres, lourds comme des tentures se tiennent bien droites, prennent la pose devant l’artiste. Des bateaux appareillent dans une lumière transparente, portés par des vagues légères et cristallines. Demain le rivage chantera encore.


Sylvain Silleran

Eugène Boudin, Réunion sur la plage, 1866. Huile sur toile, 73,5 x 104 cm. Collection Yann Guyonvarc’h. © Studio Christian Baraja SLB.

Eugène Boudin, Réunion sur la plage, 1866. Huile sur toile, 73,5 x 104 cm. Collection Yann Guyonvarc’h. © Studio Christian Baraja SLB.

Eugène Boudin, Petite métairie aux environs de Honfleur, 1856-1860. Huile sur panneau, 29,5 x 40 cm. Collection Yann Guyonvarc’h. © Studio Christian Baraja SLB.

Eugène Boudin, Petite métairie aux environs de Honfleur, 1856-1860. Huile sur panneau, 29,5 x 40 cm. Collection Yann Guyonvarc’h. © Studio Christian Baraja SLB.


Extrait du communiqué de presse :

Commissariat :

Laurent Manoeuvre, historien de l’art et ingénieur de recherche au service des musées de France


Le musée Marmottan Monet présente du 9 avril au 31 août 2025 l’exposition « Eugène Boudin – Le père de l’impressionnisme : une collection particulière ». Cet événement, sous le commissariat de l’historien de l’art Laurent Manoeuvre, réunit 80 œuvres provenant de la prestigieuse Collection Yann Guyonvarc’h, 10 toiles de l’institution parisienne ainsi que plusieurs prêts du musée des Beaux-Arts d’Agen et du musée d’art moderne André Malraux du Havre.

Son parcours en 8 sections permet de découvrir l’évolution de la carrière de Boudin (1824-1898), depuis ses premiers paysages normands jusqu’aux ultimes marines du Midi ou de Venise, et de le suivre en Bretagne, à Bordeaux, dans le Nord, en Belgique ou aux Pays-Bas, au travers d’esquisses comme de peintures ambitieuses destinées au Salon.

Les oeuvres de la collection Guyonvarc’h sont mises en correspondance avec le fonds du musée Marmottan Monet, afin de mettre en lumière le dialogue entre Boudin et celui qui fut son principal élève et ami Claude Monet. Grâce à la participation des archives Durand-Ruel, les relations des deux artistes avec celui qui fut leur principal marchand sont également évoquées.

Connu pour ses marines et ses scènes de plage, Eugène Boudin fut l’un des premiers artistes français à poser son chevalet hors de l’atelier pour réaliser des paysages. Dans ses nombreux tableaux, il s’est tout particulièrement attaché au rendu des éléments et des effets atmosphériques. Il a ainsi été l’un des initiateurs d’une vision renouvelée de la nature, précédant dans cette démarche les impressionnistes et Claude Monet, qui écrivait à la fin de sa vie : « Je dois tout à Boudin ».

Catalogue de l’expositionEugène Boudin, le père de l’impressionnisme. Une collection particulière – Sous la direction de Laurent Manœuvre. Avec les contributions de Anne-Marie Bergeret, Flavie Durand-Ruel et Laurent Manœuvre Coédition musée Marmottan Monet / Éditions In fine


Parcours de l’exposition

Eugène Boudin naît à Honfleur en 1824. Cette même année, Charles X accède au trône de France et l’Académie reconnaît l’adjectif « romantique ». Deuxième enfant d’une famille extrêmement modeste et traditionnellement tournée vers la mer, Eugène embrasse tardivement la carrière artistique, en 1846. Avant cela, il bénéficie d’expériences qui ont certainement compté pour sa formation artistique. À l’âge de dix ans, sa connaissance du milieu maritime et des navires l’entraîne d’abord vers le métier de mousse sur une barque de pêche. Il travaille ensuite pendant six ans pour le compte de deux imprimeurs havrais, en plein âge d’or de la lithographie. Son parcours professionnel aboutit enfin à l’ouverture de sa propre boutique de papetierencadreur au sein de laquelle il fera la connaissance d’artistes comme Eugène Isabey, Constant Troyon, Thomas Couture ou encore Jean-François Millet. Un musée a été créé, au Havre, en 1845. Dans ce contexte, Boudin bénéficie de l’amitié de son premier conservateur, qui organise d’importantes expositions auxquelles participent de nombreux artistes parisiens. En 1849, il se rend dans le Nord de la France et en Belgique, afin de placer les billets d’une souscription nationale en faveur des gens de lettres et artistes nécessiteux. C’est pour lui l’occasion de visiter de nombreuses villes et leurs musées. Puis, boursier de la ville du Havre, il doit exécuter au Louvre des copies de peintures destinées au musée, activité éminemment formatrice.

Au début des années 1850, il note : « Trois coups de pinceau d’après nature valent mieux que deux jours de travail au chevalet. » En réalité, il ne fait qu’ébaucher sur nature, le travail de finition dans l’atelier n’intervenant que dans un second temps. Contrairement à ses prédécesseurs, Boudin fait tout pour conserver à ses peintures une apparence spontanée. En cela, il annonce l’impressionnisme, dont il est l’un des pères. À ce titre, il reçoit très tôt le soutien des critiques défenseurs de l’impressionnisme et Paul Durand-Ruel, le marchand des impressionnistes, promeut ses oeuvres, que l’on trouve dans plusieurs grandes collections de peinture impressionniste. En 1874, il participe à la première exposition impressionniste, à l’invitation de Claude Monet. Il ne réitèrera pas l’expérience, préférant exposer au Salon. Camille Pissarro apprécie peu sa peinture, au contraire d’Edgar Degas et de Henri Fantin-Latour, mais ceux-ci ne sont pas impressionnistes. S’il est fier d’avoir été le maître de Monet, Boudin se défie de ce courant auquel il reproche d’avoir permis le développement d’une peinture négligente. Sous une apparente facilité, sa peinture se caractérise par la rigueur de l’observation, l’équilibre des compositions, l’exactitude des formes et la justesse des couleurs. Son oeuvre pourrait se résumer à travers l’expression suivante : liberté acquise à force de travail.

La collection réunie par Yann Guyonvarc’h offre un parfait résumé de la carrière de Boudin. Le musée Marmottan Monet a souhaité faire dialoguer ces oeuvres avec ses propres collections, ainsi qu’avec celles du musée d’art moderne André Malraux du Havre et un prêt du musée d’Orsay.

Premières années de papetier-encadreur à artiste peintre

Boudin subit très tôt l’influence de la peinture néerlandaise ancienne et celle des peintres de l’école de Barbizon, dont il a fait la connaissance alors qu’il était papetier-encadreur au Havre. Dès ses débuts, il tente de synthétiser cette double filiation. Il emprunte aux uns les scènes maritimes (représentations de pêcheurs sur les plages), aux autres les scènes de la vie rurale (troupeaux ou chaumières dans la campagne). Cette synthèse est facilitée par le fait que ces deux écoles ont choisi le réel pour credo. À son tour, Boudin s’engage sans hésiter dans cette voie. Ce choix est courageux, à une époque ou triomphent académisme et romantisme. Sa peinture reçoit un accueil extrêmement réservé. Son frère, Louis, rapporte les remarques d’un collectionneur havrais : « quel bonheur éprouve-t-il à se flanquer les pieds dans le fumier, dans la bourbe, pour saisir de pareilles saletés ? … Des fossés, c’est ignoble, c’est puant ». […]

Monet vous êtes doué, ça se voit (Boudin à Monet)

Boudin adopte une démarche pleine d’humilité à l’égard de la nature. De cette modestie naît une approche originale, qui porte en germe l’impressionnisme. La météorologie de l’estuaire de la Seine est particulièrement changeante et les effets lumineux y sont extrêmement fugitifs, ce que Boudin recherche – et réussit – à capter. Baudelaire, qui découvre dans l’atelier honfleurais de Boudin « ces études si rapidement et si fidèlement croquées d’après ce qu’il y a de plus inconstant, de plus insaisissable dans sa forme et dans sa couleur, d’après des vagues et des nuages » est immédiatement frappé par la modernité du propos. À l’inverse, le paysage classique se voulait intemporel et immuable. […]

Scènes de plages Longchamp en bord de mer

En 1858, le docteur Olliffe présente au duc de Morny, demi-frère de Napoléon III, un pauvre village de pêcheurs perdu au milieu des dunes, Deauville. Habitué à mener des opérations foncières hardies, Morny décide d’y créer une station balnéaire. La gare est inaugurée en 1863, le casino et le champ de courses en 1864, puis l’église Saint-Augustin est consacrée en 1865. Des proches de l’Empereur se font également construire des villas en bordure de mer. […]

Bretagne ombres et lumières

Boudin se rend en Bretagne en 1857. S’il est déçu par les paysages, il acquiert la conviction que « les gens, c’est le côté intéressant du pays ». Il assiste notamment à des pardons (cérémonies religieuses typiquement bretonnes) ou à des noces au cours desquels il réalise quantités d’études. Il rapporte également de ce voyage une caisse de costumes traditionnels. […]

Trouville – Deauville variations météorologiques

De tous les lieux fréquentés par Boudin, Trouville est celui qu’il préfère. À partir du début des années 1860, il y passe chaque été et une partie de l’automne et y retrouve souvent des amis peintres parisiens pour profiter de la proximité de la mer qui semble favorable à sa santé et à celle de son épouse. Il aime « la saine odeur de l’algue marine » et « la fraîcheur de l’humidité saline de nos grèves ». […]

Le Havre la ville de la désillusion

En 1835, la les parents d’Eugène Boudin (qui comptent désormais quatre enfants) s’installent au Havre. Le Havre est alors le second port de France, après Marseille, et compte près de cinquante mille habitants. Les Boudin habitent Grand Quai, au port. Même s’il travaille chez un imprimeur, puis dans une papeterie, Eugène a donc quotidiennement sous les yeux l’activité portuaire. Après s’être décidé à embrasser une carrière artistique, il suit les cours de l’école municipale de dessin, puis il se voit octroyer une bourse d’étude à Paris. En refusant d’entrer dans un atelier parisien à la mode, et en suivant obstinément sa voie originale, l’artiste déçoit la municipalité. Confronté à un manque de reconnaissance, Boudin se montre sévère à l’encontre de ses concitoyens. Il ne vient plus au Havre que pour voir sa famille et quelques amis intimes. [..]

De bordeaux à Dordrecht d’autres ciels

La guerre de 1870 contraint Boudin à se réfugier en Belgique qui a jusqu’alors travaillé exclusivement en Normandie et en Bretagne. Sa production belge est appréciée : à Anvers, il peint La flotte anglaise qui vient prendre les restes des soldats enterrés dans la citadelle. Malgré l’importance accordée au paysage dans sa production, il s’agit ici d’une peinture d’histoire, la seule réalisée par Boudin. Les marchands et collectionneurs, soucieux de voir Boudin peindre d’autres ciels, l’encouragent à voyager. Il se rend d’abord à Bordeaux, qu’il n’apprécie guère, mais dont il laisse de belles vues du port, dans des tons de gris très sensibles. En revanche, il apprécie Berck, dont l’immensité de la plage et du ciel, ainsi que l’activité des pêcheurs, l’inspirent. […]

Midi-Venise réécrire la lumière

Alors qu’il peine dans son atelier parisien, Boudin rêve du « pays bleu des hirondelles ». Au cours de l’hiver 1892, il réalise enfin ce rêve. Le mois de février le trouve à Villefranche-sur-Mer : « dans une délicieuse villa qui regarde la mer et qui est adossée à la montagne, nous y sommes au paradis et pour un prix si doux ! ». Pour cet adepte de la peinture sur nature, c’est un lieu idéal : « je travaille tous les jours sous mon parasol ». Cependant, il rencontre une difficulté qu’il peine à surmonter : « combien peu nous approchons de l’intensité lumineuse du pays. C’est à désespérer et à jeter au feu palette et pinceaux ». Rarement il s’est avoué à ce point impuissant face au motif. La plupart de ses confrères qui se sont trouvés confrontés à ce défi, y compris Monet, ont pris le parti d’accentuer leur gamme chromatique, mais Boudin s’y refuse. Sa palette, toutefois, devient plus chatoyante, mais il conserve des harmonies sobres. Notre oeil n’étant pas immédiatement attiré par les habituels grands ciels nuageux, les vues du Midi nécessitent une approche plus lente pour qui veut en percevoir la justesse et la beauté. […]