đ âUn exil combattantâ Les artistes et la France 1939-1945, au musĂ©e de lâArmĂ©e, hĂŽtel des Invalides, du 26 fĂ©vrier au 22 juin 2025
âUn exil combattantâ Les artistes et la France 1939-1945
au musĂ©e de lâArmĂ©e, hĂŽtel des Invalides, Paris
du 26 février au 22 juin 2025

PODCAST –Â Entretien avec
Vincent Giraudier, chef du dĂ©partement de lâhistorial Charles de Gaulle – musĂ©e de lâArmĂ©e,
et Sylvie Le Ray-Burimi, conservatrice en chef du patrimoine, cheffe du dĂ©partement Beaux-arts et patrimoine – musĂ©e de lâArmĂ©e, commissaires de l’exposition,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 3 mars 2025, durĂ©e 17â55,
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :

Revue France Forever, vol. &, n°2, paru aux Ătats-Unis, diffusĂ© en Australie, Nantes, Archives du ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres. ©Archives du ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres, France.

Natacha Carlu, Affiche «Liberté⊠LibertĂ© chĂ©rieâŠ/Conduis soutiens nos bras vengeurs», vers 1942-1943. Paris, musĂ©e de lâOrdre de la LibĂ©ration. ©MusĂ©e de lâOrdre de la LibĂ©ration.
![Marcita Bloch (1903- ?), Desde el Ă” Junio 1940 Francia sufre, lucha y espera [«Depuis le ñ± juin 1940, la France souffre, se bat et attend»], non datĂ©, Paris, musĂ©e de lâOrdre de la LibĂ©ration. ©MusĂ©e de lâOrdre de la LibĂ©ration.](https://im-francefineart.com/agenda/icono-3501-3650/3598_Un-exil-combattant_3.jpg)
Marcita Bloch (1903- ?), Desde el Ă” Junio 1940 Francia sufre, lucha y espera [«Depuis le ñ± juin 1940, la France souffre, se bat et attend»], non datĂ©, Paris, musĂ©e de lâOrdre de la LibĂ©ration. ©MusĂ©e de lâOrdre de la LibĂ©ration.
Commissariat, musĂ©e de lâArmĂ©e â Invalides
Vincent Giraudier, chef du dĂ©partement de lâhistorial Charles de Gaulle
Sylvie Le Ray-Burimi, conservatrice en chef du patrimoine, cheffe du département Beaux-arts et patrimoine
avec le soutien de Carine LachĂšvre, adjointe au chef du dĂ©partement lâhistorial Charles de Gaulle
assistĂ©s de Anne-Sixtine Clevenot, Louise Le Bars, Diane de Vignemont, dĂ©partement de lâhistorial Charles de Gaulle
Nombreux sont les artistes, intellectuels et combattants qui, aux prĂ©misses de la Seconde Guerre mondiale, quittent leur pays pour diffĂ©rents exils. Quâils soient persĂ©cutĂ©s, juifs, opposants au fascisme et au nazisme, militants ou responsables politiques, intellectuels ou artistes, français ou Ă©trangers, ils quittent le territoire mĂ©tropolitain pour dâautres destinations, fuyant lâOccupation et la France de Vichy pour lâexil. Lâexposition Un exil combattant. Les artistes et la France 1939-1945, propose un voyage Ă©mouvant Ă travers les arts et lâhistoire, rĂ©vĂ©lant comment les artistes et les intellectuels en exil ont mis leur crĂ©ativitĂ© au service des valeurs de libertĂ©.
Cette exposition sâinscrit dans le cadre des commĂ©morations nationales des 80 ans de la LibĂ©ration. Ă travers le prisme des arts, de la communication, de lâĂ©ducation et des sciences, lâexposition met en lumiĂšre un combat culturel intense visant Ă gagner les coeurs et les esprits des pays neutres et alliĂ©s. Elle souligne Ă©galement la persistance de la libertĂ© dâaction et de crĂ©ation dans les territoires ralliĂ©s. Un «certain esprit français», dĂ©fendu aussi par des artistes Ă©trangers soutenant ces valeurs, comme le sculpteur et peintre amĂ©ricain Alexander Calder.
Ce parcours inĂ©dit, structurĂ© en quatre volets gĂ©ographiques qui retracent diverses formes dâexil, sâintĂ©resse tant aux combattants de la France libre quâaux rĂ©fugiĂ©s exilĂ©s hors dâEurope. Comme le gĂ©nĂ©ral de Gaulle et son gouvernement, les combattants et intellectuels de la France libre rejoignent Londres pour y mener des actions culturelles et dâinformation. Ă Marseille, lâamĂ©ricain Varian Fry se charge dâexfiltrer des artistes dâavant-garde et des intellectuels vers les Ătats-Unis. De Londres Ă Sydney, en passant par New York, Brazzaville, Buenos Aires, Cuba ou encore Alger, les visiteurs dĂ©couvrent les parcours variĂ©s et les engagements courageux de nombreuses personnalitĂ©s. Parmi elles, des figures marquantes comme RenĂ© Cassin, Germaine Krull, AndrĂ© Masson, Wifredo Lam, Marie Helena Vieira da Silva, Henry Valensi, Fernand LĂ©ger, Jean HĂ©lion, Anna Marly, Micheline Rosenberg, Georges Duthuit, Jean Gabin, et bien dâautres.
La scĂ©nographie de lâexposition invite le visiteur Ă partager les destins, les Ă©motions, les luttes et les espoirs notamment Ă travers la reconstitution de deux lieux emblĂ©matiques de la France aux Etats-Unis : lâatelier new-yorkais du sculpteur Ossip Zadkine â exilĂ© dĂšs 1941 â vĂ©ritable sanctuaire de crĂ©ativitĂ© et de rĂ©sistance, ainsi que la cĂ©lĂšbre librairie newyorkaise Gotham Books, Ă lâatmosphĂšre vibrante oĂč lâesprit français sâĂ©panouissait en pleine guerre.

Knopf (dates inconnues), Un seul combat pour une seule patrie, 1942, Paris, musĂ©e de lâOrdre de la LibĂ©ration. ©MusĂ©e de lâOrdre de la LibĂ©ration.

Henry Valensi (1883-1960), La Marche des AllieÌs, 1942. Paris, museÌe de lâArmeÌe. © Paris – MuseÌe de lâArmeÌe, Dist. GrandPalaisRmn.

France dâabord, n°15, 6 septembre 1941, Paris, musĂ©e de lâArmĂ©e, fonds France libre, don Laignel.©Paris â MusĂ©e de lâArmĂ©e, Dist. GrandPalaisRmn / Anne-Sylvaine Marre-NoĂ«l.
L’Exposition
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la persistance de cette «pensĂ©e française» face Ă lâoccupant et au rĂ©gime collaborationniste de Vichy ne sâest pas seulement exercĂ©e dans le cadre de la RĂ©sistance intĂ©rieure. DĂšs lâĂ©tĂ© 1940, partout dans le monde restĂ© libre, des artistes, des Ă©crivains, des intellectuels et des scientifiques français et francophones, engagent un combat culturel, pour gagner les coeurs et les opinions publiques des pays neutres ainsi que des pays alliĂ©s Ă la cause de ceux qui refusent dâaccepter la dĂ©faite de la France. Lâexposition Un exil combattant. Les artistes et la France 1939-1945, retrace les parcours de ces individus dont les vies ont Ă©tĂ© profondĂ©ment marquĂ©es par lâexil. Cette rĂ©sistance culturelle a aussi cours dans les territoires ralliĂ©s Ă la France libre, dâAfrique, dâAsie et du Pacifique, oĂč se maintient, grĂące aux actions volontaires dâune poignĂ©e dâhommes et de femmes, cet hĂ©ritage des valeurs de la RĂ©publique : une tradition française de libertĂ© dâaction et de crĂ©ation.
1 âą En transit
Au dĂ©but de lâoccupation allemande en juin 1940, Marseille devient le lieu de refuge des exilĂ©s. La citĂ© phocĂ©enne est le passage obligĂ© pour toute personne venue dâEurope et souhaitant quitter la France. Entre juillet 1940 et juin 1941, des milliers de personnes attendent dâobtenir les autorisations nĂ©cessaires pour le pĂ©riple qui les attend. Le plus souvent, le voyage se fait par bateau pour des destinations transatlantiques, ou par voie ferrĂ©e, ou encore Ă pied vers lâEspagne et le Portugal. Marseille devient la «contre-capitale» intellectuelle dâune France qui plonge dans le chaos. Rarement autant dâartistes, Ă©crivains, rĂ©volutionnaires, universitaires, quâils soient juifs ou non, se seront retrouvĂ©s rĂ©unis en un mĂȘme endroit. Dans le quartier de la Pomme, la villa Air Bel â qui abrite les bureaux de lâEmergency Rescue Committee de Varian Fry â sâanime dâune brĂšve et intense activitĂ© artistique, le temps de la prĂ©sence des surrĂ©alistes Max Ernst, AndrĂ© Masson, Wifredo Lam, Marcel Duchamp, Jacques Herold et Victor Brauner, comblant leur attente dans la crĂ©ativitĂ©.
2 âą Lâexil vers la Grande-Bretagne
Quitter la France envahie pour rejoindre le territoire de lâalliĂ© britannique ne fut pas une Ă©vidence pour les Français lors de ces moments tragiques. Rallier Londres en juin 1940 implique non seulement de croire en la victoire malgrĂ© une dĂ©faite militaire, mais aussi de dĂ©sobĂ©ir au gouvernement en place et de rompre avec son milieu, sa carriĂšre et sa famille. Rares sont donc les Français de mĂ©tropole qui cherchent Ă agir et Ă trouver une opportunitĂ© de transport pour quitter le pays. Quant aux Français dĂ©jĂ prĂ©sents en Grande-Bretagne, quâils soient civils, blessĂ©s, soldats ou marins Ă©vacuĂ©s des ports de lâAtlantique ou des combats de NorvĂšge, ils sont peu nombreux Ă faire le choix de rallier la France libre. Au 15 aoĂ»t 1940, ils sont moins de 3000. Ces quelques femmes et hommes, que le gouvernement de Vichy appelle les «dissidents», sont tous des volontaires, engagĂ©s pour la durĂ©e de la guerre au sein dâun mouvement qui se veut «ĂȘtre la France», pour reprendre les termes de leur chef, le gĂ©nĂ©ral de Gaulle et non une lĂ©gion de combattants au service des Britanniques.
3 ⹠Les territoires ralliés
AprĂšs lâAppel du 18 juin 1940 prononcĂ© Ă la BBC de Londres, le gĂ©nĂ©ral de Gaulle cherche Ă rallier lâempire colonial français afin dây organiser le combat. Mais la grande majoritĂ© de lâempire colonial, dont lâAfrique du Nord et lâAfrique occidentale, reste fidĂšle au gouvernement français de Vichy. Seuls les comptoirs de lâInde et lâessentiel des territoires du Pacifique rallient la France libre entre juillet et septembre 1940. Le ralliement le plus important est celui de lâAfrique Ă©quatoriale française qui bascule, du 26 au 28 aoĂ»t 1940, grĂące Ă lâaction combinĂ©e dâenvoyĂ©s de Londres, comme le futur gĂ©nĂ©ral Leclerc, et de ralliements locaux, comme celui de FĂ©lix EbouĂ©, gouverneur du Tchad. LâĂ©chec militaire des Britanniques et des Français libres devant Dakar (Afrique-occidentale française), en septembre, bloque lâextension des ralliements de lâempire colonial français et donne lieu Ă des combats fratricides, qui font finalement basculer le Gabon, la Syrie et le Liban dans le camp des AlliĂ©s. Les territoires ralliĂ©s apportent Ă la France libre la possibilitĂ© dâexercer sa souverainetĂ©, des ressources pour lâeffort de guerre ainsi que des combattants pour Ă©toffer les rangs de ses armĂ©es. ComposĂ© des gouverneurs des territoires, de chefs militaires et de personnalitĂ©s civiles, le Conseil de dĂ©fense de lâEmpire, créé Ă Brazzaville (Afrique-Ă©quatoriale française) le 27 octobre 1940, est le premier organe consultatif de la France en guerre.
4 âą Partir
Quitter la France est un parcours difficile qui nĂ©cessite financements, rĂ©fĂ©rences et contacts, mais aussi patience, tĂ©mĂ©ritĂ©, courage et⊠chance. Les candidats Ă lâexil â en transit entre un pays quâil faut quitter et un autre qui doit accueillir â sont confrontĂ©s Ă des «murs de papier» selon lâexpression de lâhistorien amĂ©ricain David Wyman (1929-2018). Dans ce capharnaĂŒm administratif, des organismes ou des personnes tentent dâapporter leur soutien, tel lâEmergency Rescue Committee qui vient en aide Ă prĂšs de 1200 personnes; ou encore le biochimiste français dâorigine juive, Louis Rapkine qui, grĂące Ă son propre rĂ©seau, permet Ă une trentaine de scientifiques de trouver une affectation sur le continent amĂ©ricain. Pour atteindre lâAmĂ©rique, la filiĂšre dite «martiniquaise» au dĂ©part de Marseille et Casablanca est la plus empruntĂ©e. Environ 5000 personnes quittent la France entre juillet 1940 et juin 1941 depuis lâune de ces deux villes. Souvent rudimentaire, dans des cargos davantage que dans des paquebots, le voyage ne garantit pas la destination prĂ©vue ; circuler dâun territoire Ă lâautre est un parcours du combattant. Un point commun unit cependant les exilĂ©s français : lâinstallation Ă long terme nâest pas un projet, lâobjectif demeure le retour en France dĂšs la victoire.
5 âą LâAmĂ©rique du Nord
DĂšs 1940, le gĂ©nĂ©ral de Gaulle Ă©voque lâimportance de lâindustrie amĂ©ricaine dans son appel du 18 juin. Cependant, lâaide espĂ©rĂ©e ne se matĂ©rialise pas immĂ©diatement. Le gouvernement amĂ©ricain, centrĂ© sur la réélection de son PrĂ©sident, est figĂ© dans sa volontĂ© de ne pas agir et adopte une position conciliatrice vis-Ă -vis du rĂ©gime de Vichy. Entre 1940 et 1942, 8000 Ă 9000 Français sâexilent vers les Ătats-Unis. Parmi eux, certains sont favorables au gouvernement de Vichy, ce qui complique encore la perception de la France libre par les autoritĂ©s amĂ©ricaines. En 1941, lâindustriel RenĂ© Pleven parvient Ă organiser une dĂ©lĂ©gation reprĂ©sentant la France libre aux Ătats-Unis, mais celle-ci manque nĂ©anmoins de reconnaissance officielle. Cette dĂ©lĂ©gation cherche par ailleurs Ă Ă©tablir des liens avec des personnalitĂ©s amĂ©ricaines influentes, sâappuyant sur des intellectuels, des artistes, des mĂ©dias ainsi que sur le mouvement France Forever. La sympathie envers la France libre croĂźt peu Ă peu. Le Canada, qui devait quant Ă lui jouer un rĂŽle crucial aux yeux de De Gaulle, pensant que la communautĂ© francophone lui porterait un soutien massif, choisit finalement de ne pas rompre avec Vichy.
6 âą Une ambition mondiale
Environ 500 comitĂ©s de la France libre ont Ă©tĂ© formĂ©s dans une cinquantaine de pays pour mobiliser des fonds, des volontaires et gagner la sympathie des opinions. Ces comitĂ©s, en dehors de la Grande Bretagne, se concentrent principalement en AmĂ©rique latine et dans lâensemble Afrique-Asie oĂč la propagande sâadapte aux conditions locales, sous la direction des dĂ©lĂ©gations françaises libres. Chaque comitĂ© de la France libre publie, organise des Ă©missions de radio, des tournĂ©es de confĂ©rences ou des expositions convoquant des figures emblĂ©matiques françaises. En AmĂ©rique latine, ce sont les Ă©lites francophiles et les personnalitĂ©s telles Albert GuĂ©rin, Albert Ledoux ou Jacques Soustelle qui jouent un rĂŽle clĂ©. AprĂšs 1942, lâĂ©picentre de la propagande passe de lâArgentine au Mexique. En Afrique et en Asie, les comitĂ©s sont liĂ©s Ă la prĂ©sence militaire. En Ăgypte, ils organisent lâaccueil des militaires ralliĂ©s; la propagande y est facilitĂ©e par une forte prĂ©sence française historique. En Inde, la dĂ©lĂ©gation de New Delhi publie, sous le contrĂŽle britannique, des brochures diffusĂ©es Ă un large public, alors que la revue France-Orient reprend la formule de la revue La France libre publiĂ©e Ă Londres.
Ăpilogue
Au sein de la RĂ©sistance, la crĂ©ation scientifique, culturelle et artistique, quâelle soit source ou expression dâengagement, ou encore lâaffirmation dâune identitĂ©, nâa jamais cessĂ© de sâĂ©panouir entre 1939 et 1945. LâhĂ©ritage de la RĂ©sistance française, se mesure aujourdâhui Ă lâaune de sa participation Ă la construction dâun socle de valeurs françaises communes. Elle participe Ă©galement de la modernisation des structures culturelles, Ă©ducatives et de recherche de la France, devenues aujourdâhui essentielles. En dĂ©pit de difficultĂ©s de la France Ă sâimposer comme un acteur du concert diplomatique en 1945, la France accueille Ă Paris lâUNESCO Ă Organisation des Nations Unies pour lâĂducation, les Sciences et la Culture â fondĂ©e le 16 novembre 1945 et contribue Ă la rĂ©daction puis Ă lâadoption de la dĂ©claration universelle des droits de lâhomme en 1948.