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🔊 “Giacometti / Morandi” Moments immobiles, Ă  l’Institut Giacometti, du 15 novembre 2024 au 2 mars 2025

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“Giacometti / Morandi”
Moments immobiles

Ă  l’Institut Giacometti, Paris

du 15 novembre 2024 au 2 mars 2025

Institut Giacometti


Entretien avec Françoise Cohen, directrice artistique de l’Institut Giacometti, et commissaire de l’exposition, par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 25 novembre 2024, durĂ©e 27’50, © FranceFineArt.visite de l'exposition avec Françoise Cohen, le 25 novembre 2024.

PODCAST –  Entretien avec Françoise Cohen, directrice artistique de l’Institut Giacometti, et commissaire de l’exposition,


par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 25 novembre 2024, durĂ©e 27’51,
© FranceFineArt.


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Giacometti / Morandi
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©Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, visite de l’exposition avec Françoise Cohen, le 25 novembre 2024.

Extrait du communiqué de presse :

Giorgio Morandi, La Cour de la via Fondazza,1954. Huile sur toile, 55 x 40 cm. Settore Musei Civici Bologne, Museo Morandi. © Adagp, Paris 2024.

Giorgio Morandi, La Cour de la via Fondazza,1954. Huile sur toile, 55 x 40 cm. Settore Musei Civici Bologne, Museo Morandi. © Adagp, Paris 2024.

Giorgio Morandi, Nature morte, 1956. Huile sur toile, 35,8 x 35,4 cm. Settore Musei Civici Bologne, Museo Morandi. © Adagp, Paris 2024.

Giorgio Morandi, Nature morte, 1956. Huile sur toile, 35,8 x 35,4 cm. Settore Musei Civici Bologne, Museo Morandi. © Adagp, Paris 2024.

Alberto Giacometti, La Montagne (Lunghin), c. 1930. Huile sur toile, 60,1 x 50,4 cm. Fondation Giacometti. © Succession Alberto Giacometti / Adagp, Paris 2024.

Alberto Giacometti, La Montagne (Lunghin), c. 1930. Huile sur toile, 60,1 x 50,4 cm. Fondation Giacometti. © Succession Alberto Giacometti / Adagp, Paris 2024.

Alberto Giacometti, La ClairiĂšre, 1950. Bronze, 61 x 66 x 53 cm. Fondation Giacometti. © Succession Alberto Giacometti / Adagp, Paris 2024.PrĂ©sentation de l’exposition

Alberto Giacometti, La ClairiÚre, 1950. Bronze, 61 x 66 x 53 cm. Fondation Giacometti. © Succession Alberto Giacometti / Adagp, Paris 2024.

Commissaire de l’exposition :

Françoise Cohen, directrice artistique de l’Institut Giacometti




L’exposition Giacometti / Morandi. Moments immobiles propose la rencontre inĂ©dite des oeuvres de deux artistes majeurs de l’aprĂšs-guerre. Alberto Giacometti (1901-1966) et Giorgio Morandi (1890-1964), bien que contemporains, ne se sont jamais croisĂ©s, cependant de nombreux traits essentiels les rapprochent. Cette exposition est la premiĂšre occasion d’interroger ces proximitĂ©s : leur pratique singuliĂšre de l’atelier, l’attachement Ă  un environnement et des modĂšles familiers, et une recherche originale nĂ©e de l’attention portĂ©e au rĂ©el.

Alberto Giacometti (1901-1966) et Giorgio Morandi (1890-1964) sont des contemporains. Tous deux ont fait de leur atelier, chambre-atelier Via Fondazza Ă  Bologne pour Morandi, atelier de la rue Hippolyte-Maindron dans le quartier du Montparnasse pour Giacometti, la matrice d’une oeuvre dominĂ©e par la continuitĂ© d’une seule et mĂȘme recherche dont le dĂ©veloppement exprime le sens mĂȘme de leur vie. Ils partagent la rĂ©currence des mĂȘmes modĂšles : les objets collectĂ©s par Morandi pour ĂȘtre peints, les figures centrales d’Annette et Diego, parmi un cercle Ă©troit de personnalitĂ©s qui va s’élargissant pour Giacometti.

Ils ont volontairement peu voyagĂ©. La vie de Morandi se rĂ©partit entre Bologne, sa ville natale et Grizzana, village des Apennins oĂč il va principalement l’étĂ©. Giacometti, installĂ© Ă  Paris depuis 1922, se rend presque chaque annĂ©e Ă  Stampa et Maloja, les maisons de son enfance dans le Val Bregaglia.

Artistes majeurs du xxe siĂšcle, ils apparaissent comme des voix singuliĂšres qui, ayant traversĂ© les avant-gardes, renouvellent des formes classiques : la nature morte et le paysage pour Morandi, la figure humaine pour Giacometti, l’un et l’autre incarnant dans les annĂ©es de l’aprĂšs-guerre une vision de la condition humaine universelle.

Au moment oĂč les dĂ©bats entre figuration et abstraction font rage, oĂč les artistes sont sommĂ©s de se ranger dans un camp ou l’autre, tous deux dĂ©veloppent un art reliĂ© au rĂ©el, mais non rĂ©aliste et qui, Ă  partir de la transcription du monde visible, vise Ă  l’essence.

Cette exposition rĂ©unit les collections de la Fondation Giacometti Ă  des prĂȘts du Museo Morandi, Bologne et de collections privĂ©es europĂ©ennes.

Elle propose une traversĂ©e de leurs carriĂšres de 1913 Ă  1965 en quatre chapitres : L’Atelier ; Le Familier ; La traversĂ©e des avant-gardes ; Regarder le rĂ©el.

La Fondation Giacometti remercie chaleureusement Franck Giraud et la Ruth Stanton Foundation pour leur généreux soutien.



#catalogue #GiacomettiMorandi co-édité par la Fondation Giacometti et FAGE éditions, Lyon.


PrĂ©sentation de l’exposition

L’Atelier

Alors que Dada, le futurisme, le surrĂ©alisme promeuvent dans les premiĂšres dĂ©cennies du XXe siĂšcle de nouvelles formes artistiques oĂč thĂ©Ăątre, musique, danse, arts plastiques se marient, c’est par leur travail Ă  l’atelier que Morandi comme Giacometti ont opĂ©rĂ© la synthĂšse de l’art et de la vie. Ces espaces uniques ont offert aux artistes une mĂ©moire et un catalyseur Ă  leur crĂ©ation. Modeste chambre dans l’appartement petit bourgeois oĂč Morandi rĂ©side avec sa mĂšre et ses soeurs, l’atelier de la via Fondazza Ă  Bologne abrite les objets et les dispositifs, simples plateaux recouverts de papier, qui ont accompagnĂ© sa crĂ©ation sur plusieurs dizaines d’annĂ©es. L’atelier d’Alberto Giacometti, reconstituĂ© Ă  l’Institut Giacometti Ă  partir des nombreuses photographies prises de son vivant, tout aussi modeste, y tĂ©moigne de l’oeuvre et des rĂ©fĂ©rences de l’artiste. DĂšs l’entrĂ©e de l’exposition, le visiteur est accueilli par une photo de l’atelier de Morandi prise en 1980 par Paolo Ferrari, qui fait face Ă  l’atelier de Giacometti. Contrairement Ă  Giacometti qui laisse deviner l’espace de l’atelier dans ses portraits peints, ou l’évoque dans des dessins centrĂ©s sur les sculptures de toutes pĂ©riodes qui s’y entassent, Morandi n’a jamais reprĂ©sentĂ© son atelier et l’a peu laissĂ© photographier. Mais pour l’un et l’autre, l’atelier est un espace Ă  la fois fixe et toujours en mouvement, oĂč s’élaborent les rĂšgles qui permettent Ă  l’artiste d’installer sa rencontre avec un rĂ©el soigneusement prĂ©parĂ©. En tĂ©moignent les feuilles de fond oĂč Morandi inscrit les contours des objets, vĂ©ritable memento des compositions en cours, et le viseur dĂ©coupĂ© dans du carton qui lui sert Ă  cadrer ses paysages, ou la marque tracĂ©e au sol par Giacometti de l’emplacement de la chaise du modĂšle. Éclairage diurne ou simple ampoule, le cours de la lumiĂšre rythme les sĂ©ances de travail : peinture dans l’aprĂšs-midi, dessin le soir pour Morandi, travail d’aprĂšs modĂšle le jour, puis travail de mĂ©moire dans la nuit pour Giacometti. Les murs de l’atelier sont des espaces d’essais. En 1972, Annette, veuve de Giacometti, fit dĂ©tacher les esquisses et graffitis des murs de l’atelier d’origine, replacĂ©s maintenant Ă  l’Institut. Via Fondazza, des tableaux en cours sont accrochĂ©s sur les murs comme en Ă©valuation.


Le familier

Giacometti et Morandi ont peu voyagĂ©. À l’exception d’un voyage en Suisse Ă  Winterthur en 1956, Morandi n’a jamais accompagnĂ© ses nombreuses expositions internationales. Sa vie s’est dĂ©roulĂ©e principalement entre Bologne, sa ville natale, et Grizzana, petit village des Apennins, oĂč il se rend en villĂ©giature avec sa famille Ă  partir de 1913 et oĂč il fait construire une maison avec un atelier en 1959-1960. Giacometti s’installe Ă  Paris Ă  partir de 1922. TrĂšs proche de sa famille, il retourne rĂ©guliĂšrement dans les maisons familiales de Stampa et de Maloja, en Suisse Italienne, oĂč il travaille dans les anciens ateliers de son pĂšre. Lui non plus n’aime pas voyager, prĂ©fĂ©rant rester concentrĂ© dans son atelier. Grizzana et ses environs, comme Stampa et Maloja, sont les sujets rĂ©currents des paysages rĂ©alisĂ©s par les deux artistes. NĂ© dans une famille d’artistes, Giacometti profite des enthousiasmes de son pĂšre peintre pour l’impressionnisme ou le fauvisme, comme de sa solide culture en histoire de l’art. C’est au travers des livres et des revues que Morandi se forge une culture poussĂ©e de l’art français, particuliĂšrement Seurat, Monet, CĂ©zanne, Chardin, mais aussi Picasso ou le Douanier Rousseau. Au fait des derniĂšres rĂ©alisations de l’art, Morandi se saisit Ă  24 ans du vocabulaire cubiste et du futurisme, dont on lira la prĂ©sence dans ses premiĂšres natures mortes entre 1914 et 1916 (Nature morte, 1914, MNAM Centre Georges Pompidou). Un vocabulaire que Giacometti dĂ©couvre en arrivant Ă  Paris au dĂ©but des annĂ©es 1920 et qui marquera ses premiĂšres expĂ©rimentations personnelles. S’agissant de leurs rĂ©fĂ©rences, trois noms dominent le panthĂ©on commun de Morandi et Giacometti : Giotto, Rembrandt, CĂ©zanne. Le travail exigeant de Paul CĂ©zanne nourrit les expĂ©rimentations de gĂ©nĂ©rations d’artistes qui cherchent Ă  sortir de l’instantanĂ© colorĂ© de l’impressionnisme. L’attachement de Giacometti se traduit dans les copies qu’il dessine Ă  partir d’oeuvres de CĂ©zanne sur des feuilles volantes ou dans les livres comme le Paul CĂ©zanne d’AndrĂ© Lhote. Du rendu minutieux et construit, attentif aux effets de lumiĂšre, que l’on trouve chez Giacometti dans le Portrait d’Ottilia (vers 1920), sƓur de l’artiste, et Montagne, Lunghin (vers 1930), ou chez Morandi dans l’Autoportrait de 1930, Ă  leurs dessins et peintures d‘extrĂȘme maturitĂ©, tous deux manifestent une dĂ©fĂ©rence continue Ă  CĂ©zanne comme Ă  un artiste, qui, de son atelier, interroge infatigablement la question de la transposition du rĂ©el en peinture. Les Primitifs Italiens sont une autre rĂ©fĂ©rence. À l’occasion d’un voyage en Italie avec son pĂšre en 1920, Giacometti dĂ©couvre les fresques de Giotto Ă  l’Arena de Padoue. Morandi est lui aussi trĂšs intĂ©ressĂ© par Giotto et Masaccio, qu’il dĂ©couvre lors d’un voyage Ă  Florence en 1910, et qui lui enseignent la force des formes simples.


La traversée des avant-gardes

Entre 1918 et 1920, Giorgio Morandi rĂ©alise une douzaine de peintures « mĂ©taphysiques ». Il se rapproche alors de Carlo CarrĂ  et de Giorgio De Chirico. Cette courte pĂ©riode scelle dans son oeuvre la prĂ©sence d’objets du quotidien, parfois vieillots : cale-porte en bois tournĂ©, baguette, boĂźte en bois (Nature morte (avec une boĂźte), 1918), mannequin de modiste, balle. Peints dans une facture lisse aux tons dĂ©licats, baignĂ©s d’une lumiĂšre diffuse dans un espace Ă  la profondeur rĂ©duite, ces objets semblent offerts au regard comme une scĂšne muette. BasĂ©es sur des formes simples, ces peintures annoncent les natures mortes aux objets simplement alignĂ©s des annĂ©es 1920 et 1930 (Nature morte, 1931, collection particuliĂšre). Le rĂ©alisme, les tons rompus, interprĂ©tĂ©s comme preuves d’ « italianitĂ© » dans le cadre du mouvement artistique Novecento avec lequel Morandi expose dans le contexte politique du fascisme, seront lus comme une transcription de l’« esprit de l’époque », dĂ©signĂ© en France par Jean Cocteau comme un « rappel Ă  l’ordre » en 1926. Ils anticipent la quĂȘte particuliĂšre de Morandi des quelques trente annĂ©es suivantes de maintenir la cohĂ©sion d’un univers dont les acteurs (bouteilles, vases, grelots, 
) se rapprochent, s’éloignent, se superposent dans un jeu sans fin. Un univers Ă  la fois trĂšs tranquille et menacĂ©. D’abord influencĂ© par Zadkine et Laurens, Giacometti rejoint le mouvement surrĂ©aliste de 1931 Ă  1935. De la Figure cubiste I (1926) Ă  Femme qui marche (1932) l’exposition accompagne les mutations de Giacometti depuis l’analyse gĂ©omĂ©trique des volumes puis les stĂšles animĂ©es de quelques signes qui le mĂšnent Ă  la presque abstraction (TĂȘte qui regarde, 1928-1929), suivis par les « objets immobiles et muets » aux connotation sexuelles et violentes, jusqu’à la rĂ©apparition d’une figure en pied. ComplĂ©tĂ©e de bras et d’une tĂȘte en hampe de violon, cette figure fĂ©minine apparaĂźt sous forme du mannequin et non encore d’humain Ă  part entiĂšre, Ă  l’exposition surrĂ©aliste Ă  la galerie Pierre Colle en 1933. Comme les peintures mĂ©taphysiques de Morandi, ces oeuvres sont empreintes de silence. Elles marquent l’éloignement de tout rĂ©cit, de toute mythologie autobiographique et prĂ©parent la plongĂ©e dans la seule attention au rĂ©el.


Regarder le réel

Alberto Giacometti oppose la crĂ©ation « automatique », sous dictĂ©e intĂ©rieure, de sculptures entiĂšrement pensĂ©es avant leur rĂ©alisation de la pĂ©riode surrĂ©aliste, au moment de 1935 oĂč il dĂ©cide d’affronter les problĂšmes de reprĂ©sentation qu’il avait connus lors de son apprentissage et qu’il entreprend de construire sa vision face au rĂ©el. Ce nouveau processus de travail face au modĂšle est lent et sujet Ă  multiples reprises. Les oeuvres emblĂ©matiques du style figuratif de Giacometti crĂ©Ă©es de l’aprĂšs-guerre Ă  son dĂ©cĂšs en 1966, tĂ©moignent de cette reprise constante dans la reprĂ©sentation des mĂȘmes modĂšles, jamais suffisamment accomplie Ă  ses yeux. Dans les peintures qu’il dĂ©veloppe durant cette mĂȘme pĂ©riode, l’oeuvre peut ĂȘtre chaque jour effacĂ©e et recommencĂ©e, au point qu’il dira Ă  Jean Clay en 1963 que son but n’est plus l’Ɠuvre finie. Cet intĂ©rĂȘt pour la crĂ©ation en train de se faire trouve un Ă©cho dans son amitiĂ© avec Jean-Paul Sartre et la sensibilisation Ă  la phĂ©nomĂ©nologie qui en dĂ©coule. Face Ă  ses modĂšles, gĂ©nĂ©ralement les mĂȘmes, Giacometti se dĂ©crit pratiquant un vĂ©ritable exercice d’épistĂ©mologie visuelle. Pour Morandi Ă©galement, l’art est une expĂ©rience. Rendus anonymes, sans Ă©tiquette ni marque, peints Ă  l’intĂ©rieur ou parfois Ă  l’extĂ©rieur, couverts d’un voile de poussiĂšre, ses objets apparaissent comme un rĂ©el « prĂ©parĂ© » dont le rĂ©glage du positionnement appartient dĂ©jĂ  Ă  l’oeuvre. Loin du fini lisse des Ɠuvres mĂ©taphysiques, dans ses peintures rĂ©alisĂ©es Ă  grandes touches, portant une signature souvent surdimensionnĂ©e, il ne recherche pas la perfection de la description mais travaille inlassablement de nouvelles combinaisons de la peinture, dans une pratique presque sĂ©rielle surtout Ă  partir des annĂ©es 1950 (Nature morte, 1956, Museo Morandi, Bologne et collection particuliĂšre). Alberto Giacometti a dit combien l’expĂ©rience de la distance nourrit sa vision. Dans un rĂ©cit mythologisĂ© souvent rĂ©itĂ©rĂ©, il fait ainsi remonter tout son systĂšme de reprĂ©sentation, – figures minuscules tout d’abord, puis trĂšs minces ensuite -, Ă  un moment prĂ©cis : la vue de loin de son amie Isabel Rawsthorne sur le boulevard Saint-Michel. On peut de mĂȘme imaginer l’expĂ©rience quotidienne de Morandi Ă  la fenĂȘtre, regardant la cour de la via Fondazza, bientĂŽt partiellement bloquĂ©e par la construction d’un mur dont le plan ocre tire ce paysage familier vers l’abstraction. Ou encore, Ă  Grizzana, son regard se projetant dans les lointains grĂące Ă  une fenĂȘtre dĂ©coupĂ©e dans une feuille de carton. Pour l’un comme pour l’autre, cette conscience de la distance se traduit Ă  l’intĂ©rieur de l’oeuvre par la nĂ©cessitĂ© de composer ensemble plusieurs Ă©lĂ©ments et d’en travailler les limites. En 1956, Morandi dĂ©laisse la gravure, une technique qu’il a appris Ă  maĂźtriser en autodidacte Ă  partir de l’étude des gravures de Rembrandt, et se tourne vers l’aquarelle. Ses aquarelles, comme les dessins des annĂ©es 1950 aux contours vacillants, jouent sur le plein et le vide dans un effet de densitĂ© inversĂ©e entre l’objet et son environnement. La discontinuitĂ© des tracĂ©s et de la couleur apparaĂźt aussi dans les paysages des annĂ©es 1950 rĂ©alisĂ©s par Giacometti Ă  Stampa, comme dans ses dessins au crayon ponctuĂ©s de larges coups de gomme. InterrogĂ© en 1955 par Peppino Mangravite sur l’abstraction, Morandi dit : « Pour moi, il n’y a rien d’abstrait ; il n’y a rien de plus surrĂ©el, et rien de plus abstrait que le rĂ©el », actant d’un art de recherche oĂč le mĂȘme acte, celui d’observer des Ă©lĂ©ments simples : une bouteille, une boĂźte, un bol, est sans cesse rĂ©interrogĂ©, comme l’est pour Giacometti la vision d’une femme, un homme, ou une tĂȘte.