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🔊 “Théodore Rousseau” au Petit Palais, du 5 mars au 7 juillet 2024

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“Théodore Rousseau” La Voix de la forêt

au Petit Palais, Paris

du 5 mars au 7 juillet 2024

Petit Palais


Interview de Servane Dargnies-de Vitry, conservatrice peintures au musée d’Orsay, et commissaire scientifique de l'exposition, par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 4 mars 2024, durée 16’15, © FranceFineArt.

PODCAST –  Interview de Servane Dargnies-de Vitry, conservatrice peintures au musĂ©e d’Orsay, et commissaire scientifique de l’exposition,


par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 4 mars 2024, durée 16’15,
© FranceFineArt.


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©Anne-Fréderique Fer, présentation presse, le 4 mars 2024.

Extrait du communiqué de presse :

Commissariat :

Annick Lemoine, conservatrice générale du patrimoine, directrice du Petit Palais, commissaire générale.
Servane Dargnies-de Vitry, conservatrice peintures au musée d’Orsay, commissaire scientifique.




Le Petit Palais présente une exposition inédite consacrée à Théodore Rousseau (1812-1867), artiste bohème et moderne, qui a fait de la nature le motif principal de son oeuvre, son monde et son refuge. Admiré par les jeunes impressionnistes comme par les photographes qui suivent sa trace en forêt, Rousseau prouve à lui tout seul la vitalité de l’école du paysage, au milieu d’un siècle marqué par la révolution industrielle et l’essor des sciences du vivant. Véritable écologiste avant l’heure, il porte un regard d’artiste sur la forêt de Fontainebleau et élève sa voix pour alerter sur la fragilité de cet écosystème. L’exposition rassemble près d’une centaine d’oeuvres venant de grands musées français comme le Louvre et le musée d’Orsay, européens comme le Victoria and Albert museum et la National Gallery de Londres, la Collection Mesdag de La Haye, la Kunsthalle de Hambourg entre autres, ainsi que de collections privées. Ces oeuvres montrent combien l’artiste mérite une place de premier plan dans l’histoire de l’art et du paysage, mais aussi à quel point son oeuvre peut guider, aujourd’hui, notre relation à la nature.

Le parcours de l’exposition suit le fil de la carrière de cet artiste singulier qui s’est toujours positionné à rebours de ses contemporains. La première section évoque son renoncement à la voie académique notamment par le refus d’effectuer le traditionnel voyage en Italie pour parfaire son apprentissage. Rousseau souhaite en effet peindre la nature pour elle-même et non comme décor pour des scènes mythologiques. Il préfère sillonner la France comme en témoignent ses oeuvres de jeunesse : Paysage d’Auvergne,1830 (musée du Louvre) ; Village en Normandie,1833 (Fondation Custodia, Collection Frits Lugt) ; Le Mont-Blanc, vu de la Faucille. Effet de tempête, 1834 (Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague). Il rapporte de ses voyages de nombreuses études qui montrent son observation attentive du visible : études de troncs, rochers, sous-bois, marais…

L’exposition montre toute la singularité de l’oeuvre de Rousseau dont le travail au plus près du motif fait partie intégrante de son processus créatif. Le peintre a besoin de s’immerger dans la nature. Il renonce à toute perspective géométrique et place le spectateur non pas en surplomb du paysage mais au coeur de cet écosystème. Il retouche ensuite ses tableaux en atelier parfois pendant plusieurs années.

Eugène Cuvelier, Étang de Franchard, forêt de Fontainebleau, vers 1863, photographie (épreuve sur papier salé à partir d’un négatif papier, contrecollée sur carton), 20×25,8 cm. Musée d’Orsay, Paris, France. Photo © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski.

Eugène Cuvelier, Étang de Franchard, forêt de Fontainebleau, vers 1863, photographie (épreuve sur papier salé à partir d’un négatif papier, contrecollée sur carton), 20×25,8 cm. Musée d’Orsay, Paris, France. Photo © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski.

Théodore Rousseau, Sortie de forêt à Fontainebleau, soleil couchant, 1848-1850. Huile sur toile, 142×198 cm. Musée du Louvre, Paris, France. Photo © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Gérard Blot.

Théodore Rousseau, Sortie de forêt à Fontainebleau, soleil couchant, 1848-1850. Huile sur toile, 142×198 cm. Musée du Louvre, Paris, France. Photo © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Gérard Blot.

Théodore Rousseau, Intérieur de forêt, autre titre : Le Vieux Dormoir du Bas-Bréau, forêt de Fontainebleau, entre 1836 et 1837. Huile sur toile, 65×103 cm. Musée d’Orsay, Paris. Photo © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Sylvie Chan-Liat.

Théodore Rousseau, Intérieur de forêt, autre titre : Le Vieux Dormoir du Bas-Bréau, forêt de Fontainebleau, entre 1836 et 1837. Huile sur toile, 65×103 cm. Musée d’Orsay, Paris. Photo © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Sylvie Chan-Liat.

Théodore Rousseau, La Campagne au lever du jour, 1859. Huile sur bois, 33×61 cm. Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, France. © Paris Musées / Petit Palais.

Théodore Rousseau, La Campagne au lever du jour, 1859. Huile sur bois, 33×61 cm. Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, France. © Paris Musées / Petit Palais.

Théodore Rousseau, Le Mont-Blanc, vu de la Faucille. Effet de tempête, commencé en 1834. Huile sur toile 146,5×242 cm. Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague, Danemark». © Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague.

ThĂ©odore Rousseau, Le Mont-Blanc, vu de la Faucille. Effet de tempĂŞte, commencĂ© en 1834. Huile sur toile 146,5Ă—242 cm. Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague, Danemark». © Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague.

Théodore Rousseau, Arbre dans la forêt de Fontainebleau, 1840-1849, huile sur papier marouflé sur toile, 40,4x54,2 cm. Victoria and Albert Museum, Londres, Royaume-Uni. Photo © Victoria and Albert Museum.

ThĂ©odore Rousseau, Arbre dans la forĂŞt de Fontainebleau, 1840-1849, huile sur papier marouflĂ© sur toile, 40,4×54,2 cm. Victoria and Albert Museum, Londres, Royaume-Uni. Photo © Victoria and Albert Museum.

Sa technique très personnelle, qui contraste avec celle des autres artistes de son temps, lui vaut d’être refusé aux Salons plusieurs années de suite avant de choisir lui-même de ne plus rien envoyer, découragé. Paradoxalement, ce rejet qui lui vaut le surnom de « grand refusé » lui permet d’acquérir une notoriété et un véritable succès critique et commercial en France comme à l’étranger.

Le parcours met ensuite en lumière ses oeuvres peintes en forêt de Fontainebleau et son rôle décisif joué auprès des artistes et photographes qui comme lui fréquentent le village de Barbizon où il s’installe à partir de 1847. Autour de lui, se rassemblent des peintres comme Narcisse Diaz de la Peña, Charles Jacque, Jean-François Millet qui deviendra son ami le plus proche mais aussi des photographes tels Eugène Cuvelier, Charles Bodmer ou encore Gustave Le Gray. Ils arpentent inlassablement la forêt de Fontainebleau et dressent de véritables portraits d’arbres qui deviendront la signature de Rousseau. L’artiste scrute leur structure organique, la ligne de leurs branches, la forme de leurs noeuds. Il les individualise et situe précisément ses tableaux : Le Pavé de Chailly, vers 1840 (Musée départemental des peintres de Barbizon), ou encore Le Vieux Dormoir du Bas-Bréau, 1836-1837 (dépôt du Musée du Louvre au musée d’Orsay).

En parallèle, une conscience aigĂĽe de la mise en danger des forĂŞts se dĂ©veloppe chez les artistes, les critiques et les Ă©crivains dans un contexte d’industrialisation croissante. Les peintres sont les tĂ©moins de coupes massives d’arbres et s’en font l’écho. Rousseau souhaite dĂ©noncer ces « crimes Â» Ă  travers ses oeuvres. Il choisit notamment un titre qui frappe les esprits en reprenant l’épisode biblique du Massacre des innocents,1847 (Collection Mesdag, Pays-Bas) qui reprĂ©sente une scène d’abattage d’arbres en forĂŞt. En 1852, Rousseau se fait le porte-voix de la forĂŞt au nom de tous les artistes qui la peignent et Ă©crit au comte de Morny, ministre de l’IntĂ©rieur de l’époque. Son combat trouve sa rĂ©solution dans la crĂ©ation, en 1853, de la première rĂ©serve naturelle au monde, sous le nom de « rĂ©serve artistique », officialisĂ©e en 1861. En fin de parcours, une frise chronologique retrace l’histoire de la forĂŞt de Fontainebleau et de sa sauvegarde du dĂ©but du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, rappelant l’apport dĂ©cisif de Rousseau, au nom de l’art, dans l’émergence d’une conscience Ă©cologique europĂ©enne.




#catalogue de l’exposition, sous la direction de Servane Dargnies-de Vitry, conservatrice peintures au musĂ©e d’Orsay, et commissaire scientifique de l’exposition. PrĂ©faces : Anne Hidalgo, maire de Paris
Annick Lemoine, directrice du Petit Palais. Textes de : Sandra Buratti-Hasan, Servane Dargnies-de Vitry, Dominique de Font-RĂ©aulx, Chantal Georgel, Simon Kelly, Edouard Kopp, Asher Miller, Michel Schulman, Renske Suijver, Greg M. Thomas, Pierre Wat.


Parcours de l’exposition




Introduction

Une génération avant les peintres impressionnistes, Théodore Rousseau (Paris, 1812-Barbizon, 1867) est l’un des artistes les plus controversés de son temps. Archétype de l’artiste bohème, rebelle et moderne, il est écarté du Salon, événement central de la vie artistique, par un jury académique sévère, tout en étant acclamé comme le « plus grand paysagiste d’Europe » par la critique progressiste. Il prouve à lui tout seul la vitalité de l’école du paysage au milieu du XIXe siècle, suscitant des débats féroces qui deviennent politiques et même, déjà, écologiques. Car dans un siècle marqué par les découvertes scientifiques, la révolution industrielle et l’exode rural, le rapport de l’homme à la nature est en pleine mutation. Rousseau en est le témoin privilégié, sensible et engagé. Il cherche inlassablement à restituer sur sa toile l’harmonie qu’il éprouve dans la nature, tout à l’étude des arbres et des forêts, ainsi que de l’air et de la lumière qui y circulent. Mû par cet amour inconditionnel pour le vivant, celui qui disait entendre la voix des arbres sera l’un des premiers à élever sa propre voix pour alerter sur la fragilité de cet écosystème. C’est pourquoi il est temps de se pencher à nouveau sur cette figure révolutionnaire et singulière, en montrant combien l’artiste mérite une place de premier plan dans l’histoire de l’art et du paysage, mais aussi à quel point son oeuvre peut guider, aujourd’hui, notre relation à la nature.



Section 1 : RĂ©volutionner la peinture de paysage

Théodore fait son apprentissage dans l’atelier du maître du « paysage historique », Jean-Charles-Joseph Rémond. En 1829, prêt à passer à son tour le concours du Prix de Rome, Rousseau se rebelle et renonce pour toujours à la voie académique. Il veut peindre la nature pour elle-même, et non comme un simple décor pour des scènes mythologiques ou bibliques. Inspiré par les paysagistes hollandais du XVIIe siècle et par l’Anglais John Constable, il pose comme principe de son art l’étude attentive du réel et des phénomènes naturels. Il part alors en Auvergne. Ce voyage solitaire sera le point de départ de nombreux autres à travers la France : Normandie, Jura, Vendée, Landes, Pyrénées, Berry, mais jamais l’Italie, comme la tradition l’y invitait. On peut le suivre grâce aux oeuvres qu’il en rapporte : études à l’huile, dessins et aquarelles. Son ambition étant de fouiller le visible, tout devient sujet pour le peintre : marais, sous-bois, rochers, vieux arbres ou simples branches de bois mort peuplent alors ses études comme ses tableaux plus aboutis.



Section 2 : « Le grand refusé », Rousseau l’indiscipliné

Rousseau travaille d’abord en plein air, au plus près du motif, puis il retouche longtemps ses oeuvres dans l’atelier, parfois pendant plusieurs années. « Finir » a été le grand tourment de sa vie, à cause d’une tension fondamentale entre son désir de saisir le réel et celui d’y mêler son âme. « C’est un naturaliste entraîné sans cesse vers l’idéal », résume Charles Baudelaire. Rousseau est un artiste libre et indiscipliné à tous points de vue, y compris technique : il crée des oeuvres hybrides, entre dessin et peinture, et efface la frontière entre esquisse et tableau. On le lui reproche : à partir de 1836, ses oeuvres sont systématiquement refusées au Salon officiel. Même son Allée des Châtaigniers, qui devait être acquise par l’État, est refusée par le jury. Découragé, l’artiste n’enverra plus rien au Salon, jusqu’à ce que l’avènement de la République, en 1848, ne fasse prendre à sa carrière un nouveau tour. Soutenu par le Gouvernement, il reçoit une commande officielle et expose à nouveau au Salon, après treize ans d’absence. Ce mythe du « grand refusé », né de son intransigeance et du soutien indéfectible de certains critiques, comme Théophile Thoré, lui a paradoxalement profité sur un plan commercial. Ses oeuvres obtiennent un succès croissant auprès des collectionneurs et d’un public en quête d’authenticité.



Section 3 : Barbizon, le village des artistes

Lorsque Rousseau s’installe Ă  Barbizon en 1847, le hameau ne compte qu’une seule rue. Derrière les maisons, la plaine s’étend Ă  perte de vue, ponctuĂ©e de quelques bosquets. Ă€ l’est, s’étale la spectaculaire forĂŞt de Fontainebleau. Depuis le dĂ©but du siècle, celle-ci attire des dizaines de peintres, qui logent Ă  l’auberge du Père Ganne. L’ouverture de la ligne de chemin de fer Paris-Melun favorise l’essor de ce que l’on nommera bientĂ´t la « colonie » des peintres de Barbizon, Ă  dĂ©faut d’être une vĂ©ritable Ă©cole. Une communautĂ© se forme autour de Rousseau : les peintres Narcisse Diaz de la Peña, Karl Bodmer, Jean-François Millet et Charles Jacque, ou encore le photographe Eugène Cuvelier, comptent parmi ses intimes. D’autres leur rendent rĂ©gulièrement visite, tels Constant Troyon, HonorĂ© Daumier, le sculpteur Antoine-Louis Barye, sans oublier les critiques, les collectionneurs et les marchands. Entre Millet et Rousseau, l’amitiĂ© est totale, fondĂ©e sur la communautĂ© de goĂ»ts et l’entraide. Cependant, ils ne peignent pas ensemble : Millet se fait le chroniqueur des terres agricoles cĂ´tĂ© plaine, tandis que Rousseau se tourne vers la forĂŞt, prĂ©fĂ©rant la solitude des bosquets denses.



Section 4 : Fontainebleau, une forĂŞt refuge

Rousseau arpente la forêt en solitaire du matin jusqu’au soir. Ses oeuvres y sont toujours précisément situées, et le spectateur peut le suivre dans ses promenades au fil des saisons, du pavé de Chailly à la Gorge aux Loups, en passant par le plateau de Bellecroix, les sous-bois du Bas-Bréau, les déserts de Macherin et d’Apremont, les rochers de Franchard ou encore la Mare aux Fées. Sa grande ambition est de peindre « la manifestation de la vie », de faire « qu’un arbre puisse réellement végéter ». Cela le conduit à étudier sans relâche les formes, les matières, les couleurs et, surtout, la lumière et l’air qui donnent forme au chaos. Ses tableaux sont composés de telle manière qu’ils donnent l’impression de ne pas l’être. En renonçant à toute perspective géométrique, Rousseau place l’homme à l’intérieur de cet écosystème, et non face à lui. Rousseau affiche ainsi une conception organique de la nature et du vivant, typique du panthéisme romantique. En immergeant le spectateur dans la nature, il aspire à montrer qu’elle est un tout et que l’homme fait corps avec ce tout, dans une harmonie retrouvée.



Section 5 : La voix des arbres

La forêt de Fontainebleau compte de nombreux « arbres remarquables », chênes et hêtres grandioses et séculaires, signalés et nommés par les guides de Claude-François Denecourt. « Le Charlemagne » peint par Corot, « le Rageur » par Barye, « le Braconnier » par Diaz : ces portraits d’arbres deviennent le passage obligé de l’artiste, peintre ou photographe, qui fréquente la forêt. L’exercice est plus ardu qu’il n’en a l’air : sans récit ni allégorie, l’artiste doit se confronter à la matérialité de l’arbre. Les portraits d’arbres constituent en quelque sorte la signature de Rousseau. L’artiste observe minutieusement leur structure organique et l’entrecroisement de leurs branches, il scrute leur musculature, leurs noeuds. Les figures humaines sont réduites au minimum, et ce sont les arbres qui font office d’acteurs principaux. Rousseau les appréhende non en tant qu’espèces, mais comme des individus, dont il faut dévoiler « tout le système de vie ». Il les écoute, entend leur voix, comprend leur langage, cherchant à percer le secret de leur puissance et de leur énergie sereine.



Section 6 : Rousseau Ă©cologiste ?

Dès les annĂ©es 1840, artistes, critiques et Ă©crivains se prĂ©occupent du sort de la forĂŞt. D’une part, elle est saccagĂ©e par les coupes massives d’arbres pour l’industrie ; de l’autre, le dĂ©veloppement du tourisme et les amĂ©nagements de Denecourt altèrent profondĂ©ment son paysage. Rousseau cherche Ă  susciter la compassion du spectateur pour ces arbres innocents tombant sous les coups des forestiers. Si dans la plupart de ses tableaux, il met en avant l’unitĂ© organique entre l’homme et la nature, il peint aussi parfois des abattages d’arbres, pour Ă©veiller les consciences. En 1852, Rousseau se fait le porte-voix de la forĂŞt. Il Ă©crit au ministre de l’IntĂ©rieur, le duc de Morny, au nom de tous les artistes qui peignent la forĂŞt. Les lieux qui leur servent de modèle et d’inspiration doivent ĂŞtre prĂ©servĂ©s et mis Ă  l’abri des coupes intempestives. Cet appel passionnĂ© trouve un Ă©cho. En 1853 naĂ®t la toute première rĂ©serve naturelle au monde, sous le nom de « rĂ©serve artistique », officialisĂ©e en 1861. Au nom de l’art, Rousseau participe Ă  l’émergence occidentale d’une conscience Ă©cologique.