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“Années 80” au MAD, musée des Arts Décoratifs, Paris, du 13 octobre 2022 au 16 avril 2023

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“Années 80” 
Mode, design et graphisme en France

au MAD, musée des Arts Décoratifs, Paris

du 13 octobre 2022 au 16 avril 2023

musée des Arts Décoratifs


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© Sylvain Silleran, vernissage presse, le 12 octobre 2022.


Texte de Sylvain Silleran

Le Palace Magazine, N°12, 1982. © DR.
Le Palace Magazine, N°12, 1982. © DR.
Claude Montana, Robe en cuir très épaulée à boutonnage pressionné. Collection prêt-à-porter. Printemps-Été 1979. L’Officiel de la couture et de la mode. Février 1979. © Photo : Michel Picard / Éditions Jalou.
Claude Montana, Robe en cuir très épaulée à boutonnage pressionné. Collection prêt-à-porter. Printemps-Été 1979. L’Officiel de la couture et de la mode. Février 1979. © Photo : Michel Picard / Éditions Jalou.
Jean-Paul Goude, Royaume-Uni : Londres multiethnique sous la pluie. Carnet du bicentenaire de la Révolution française, 1989. Stylo à bille et feutre sur papier. Collection Jean-Paul Goude. © Jean-Paul Goude.
Jean-Paul Goude, Royaume-Uni : Londres multiethnique sous la pluie. Carnet du bicentenaire de la Révolution française, 1989. Stylo à bille et feutre sur papier. Collection Jean-Paul Goude. © Jean-Paul Goude.
Michel Bouvet, Affiche Faites de la Musique, 1987. © Les Arts Décoratifs / Photo : Christophe Dellière.
Michel Bouvet, Affiche Faites de la Musique, 1987. © Les Arts Décoratifs / Photo : Christophe Dellière.

L’iconique affiche électorale de Mitterrand, La force tranquille, donne le ton. Les unes de Libération accompagnent cette révolution culturelle des années 80 qui fusionne tout, la publicité, le graphisme, Le marketing et la politique. Les affiches de Grapus pour la Villette, le TEP, le logo du secours populaire, une seule affiche de Speedy Graphito montrent bien cette nouvelle ère des arts graphiques que l’ordinateur va encore bouleverser.

Entre commandes publiques du gouvernement et libéralisation des médias, un vent de liberté souffle sur les arts. La star Philippe Starck, Jean-Michel Wilmotte créent du mobilier pour l’Elysée, Jean-Jacques Beinex réalise un spot contre le SIDA. A l’opposé de ce mécénat, les radios libres explosent, NRJ côtoie les anarchistes de Radio Libertaire. A côté d’affiches anars sont projetés des pubs, la musique des nouvelles chaines de télévision privées. ERAM, il faudrait être folle pour dépenser plus, les produits laitiers sont nos amis pour la vie… Les refrains de Gotainer, l’imagerie si stylée de Jean-Paul Goude, couturier d’images, et de sa muse Grace Jones.

Tout est mode, tout est à la mode, le détournement et la récup’, le manteau de serviettes de bains et gants de toilette de Popy Moreni, les fantaisies de Castelbajac. Le groupe Totem prend la suite du Memphis de Sottsas ou de l’esthétique B.D. de Javier Mariscal. Place aux couleurs primaires, aux formes simples, on déconstruit tout jusqu’à un aplat, telle la chaise de François Bauchet réduite à sa plus simple expression, presque de l’absurde.

Les designers mélangent tout: la bande dessinée, le cinéma de l’âge d’or de Hollywood, les codes de l’aviation, la science-fiction. Sylvain Dubuisson et sa table composite au plateau sans épaisseur est issue d’une technologie futuriste. Le manteau de plastique rouge soudé d’Elisabeth de Senneville ou son ensemble en toile cirée propulsent les punks de Londres habillés par Vivienne Westwood vers les étoiles. Tom Dixon sculpte, soude un mobilier d’acier patiné, animal, sauvage; Ron Arad récupère échafaudages, pièces automobiles pour bricoler un mobilier sorti de Mad Max aux câbles emmêlés dans un chaos chic.

Le roi incontesté est Jean-Paul Gaultier, ses bustiers coniques, ses costumes d’alien toréador, sa robe de princesse d’un tableau de Goya ont un glamour musical et érotique, rock. Car cette effervescence trouve sa source dans la nuit. Tout ce monde du design, de la pub, de la mode se rencontre au Palace ou aux Bains Douches. Au son de la new wave, de Joy Division, Taxi Girl, Marquis de Sade, Elli & Jacno, Les Rita Mitsouko, on danse, on se montre, on s’amuse, et dans ce chaudron se cuisinent les nouvelles idées, les nouvelles lignes façon potion magique. Le label New Rose lance La Souris Déglinguée, The Cramps. Les pochettes de vinyles et des fanzines, voilà la culture populaire, des images joyeusement découpées et collées, faut que ça aille vite.

L’élégance de Christian Lacroix, une robe bonbon de conte de fées, un néoclassicisme signé Lagerfeld ou Mugler rencontrent un gilet d’assiettes cassées de Martin Margiela. Il faut s’amuser, piocher dans toutes les époques pour ensuite déconstruire dans un grand éclat de rire. Un ensemble denim de Chantal Thomass, une silhouette noire perlée de Patrick Kelly sont faits pour se rencontrer malgré leurs différences. How to do that chante Gaultier dans un clip de Mondino.

La haute couture renouvelée par Laroche, Ferré ou Lagerfeld se fait doubler par le matelot de Gaultier. Un costume de super-héros de Mugler, un ensemble veste et jean par Marithé François Girbaud, la mode se démocratise. Bientôt arrivent des collections pour tous: t-shirts Fiorucci, combinaison Naf Naf, des vêtements d’Issey Miyake ou Elisabeth de Senneville vendus sur le catalogue des 3 Suisses. La fête semble ne jamais devoir finir. Un jour pourtant, le mur de Berlin est finalement abattu, marquant la fin de la décennie, la fin d’une époque. Il reste la nostalgie d’une certaine légèreté où tout semblait possible.

Sylvain Silleran

Pierre & Gilles, Étienne Daho et Bibic, 1983. © Photo : Pierre et Gilles.
Pierre & Gilles, Étienne Daho et Bibic, 1983. © Photo : Pierre et Gilles.
Affiche de l’exposition © Helmo. Agence RSCG, affiche La Force tranquille. Mitterrand président, 1981 © Les Arts Décoratifs / Photo : Christophe Dellière — Michel Quarez, affiche Marche pour la paix. Appel des 100, 1982 © Les Arts Décoratifs / Photo : Christophe Dellière © Adagp, Paris, 2022 — Pierre Sala, chaise Piranha, 1983, édition Furnitur © Centre national des arts plastiques / Yves Chenot — Edwige Belmore et Farida Khelfa au Palace, 1980 © Photo : Philippe Morillon.
Affiche de l’exposition © Helmo. Agence RSCG, affiche La Force tranquille. Mitterrand président, 1981 © Les Arts Décoratifs / Photo : Christophe Dellière — Michel Quarez, affiche Marche pour la paix. Appel des 100, 1982 © Les Arts Décoratifs / Photo : Christophe Dellière © Adagp, Paris, 2022 — Pierre Sala, chaise Piranha, 1983, édition Furnitur © Centre national des arts plastiques / Yves Chenot — Edwige Belmore et Farida Khelfa au Palace, 1980 © Photo : Philippe Morillon.

Communiqué de presse :

Commissaires :

Amélie Gastaut, Conservatrice en chef au musée des Arts décoratifs, département design graphique et publicité
Karine Lacquemant, Attachée de conservation au musée des Arts décoratifs, département des collections modernes et contemporaines
Mathilde Le Corre, Commissaire indépendante
Sébastien Quéquet, Attaché de conservation au musée des Arts décoratifs, département des arts graphiques, collections photographiques
Assistés de Madeleine Jacomet





Le musée des Arts décoratifs célèbre les années 1980 à travers une grande exposition présentée dans la nef du 13 octobre 2022 au 16 avril 2023.

Cette décennie historique résonne en France comme un tournant à la fois politique et artistique dans les domaines de la mode, du design et du graphisme, depuis l’élection de François Mitterrand en 1981 jusqu’à la chute du mur de Berlin en 1989.

700 oeuvres – objets, mobilier, silhouettes de mode, affiches, photographies, clips, pochettes de disques et fanzines – retracent cette époque frénétique synonyme d’éclectisme, où le postmodernisme ouvre tous les possibles artistiques.

Les années 80 voient naître une nouvelle génération de designers – Olivier Gagnère, Elizabeth Garouste et Mattia Bonetti, Philippe Starck, Martin Szekely… – dans un contexte propice à la liberté d’expression. La silhouette, elle aussi, se libère des injonctions de style et certains créateurs de mode sont élevés au rang de « superstars » comme Jean Paul Gaultier ou Thierry Mugler. La publicité, le design graphique et l’audiovisuel connaissent leurs années fastes avec Jean-Paul Goude, Jean-Baptiste Mondino et Étienne Robial. De la musique newwave au post-punk en passant par le hiphop : c’est toute une histoire de la fête qui s’écrit dans des lieux mythiques fréquentés par les noctambules du Tout-Paris.

La scénographie de l’exposition, conçue comme un carambolage de formes et de couleurs, a été confiée au designer Adrien Rovero.

L’exposition est rythmée par trois thématiques qui reflètent le grand télescopage des idées et des formes propres à la décennie : une nouvelle ère politique et culturelle, le design en effervescence et le look des années 80.

Inaugurant le parcours dans les galeries côté Tuileries, l’élection de François Mitterrand en 1981 annonce un changement décisif. L’affiche au slogan « La force tranquille » du publicitaire Jacques Séguéla, commandée par Mitterrand ouvre une nouvelle ère de communication visuelle globale et signe l’arrivée du marketing électoral. Les « grands travaux » architecturaux sont accompagnés d’identités visuelles : des commandes sont passées à Grapus pour la Villette et le Louvre, et à Jean Widmer pour le musée d’Orsay.

Pour promouvoir le mobilier contemporain, le nouveau président fait appel à cinq architectes d’intérieur pour aménager les appartements privés de l’Élysée : Marc Held, Ronald Cecil Sportes, Philippe Starck, Annie Tribel et Jean- Michel Wilmotte.

C’est sous l’impulsion de l’emblématique ministre de la Culture Jack Lang qu’est inaugurée la Fête de la musique le 21 juin 1982. Il oeuvre aussi à une reconnaissance publique de la mode avec la création de l’Institut français de la mode (IFM) en 1986, l’organisation de défilés dans la Cour carrée du Louvre, les Oscars de la mode…

Les médias et l’audiovisuel connaissent un essor sans précédent. Étienne Robial crée le concept d’habillage télévisuel pour Canal+ puis pour M6 ou encore la 7. Cette multiplication des chaînes de télévision entraîne l’âge d’or du film publicitaire avec des réalisateurs emblématiques tels Étienne Chatiliez, Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino. La presse écrite se transforme : Claude Maggiori repense les couvertures de « Libération » et l’« art » du slogan investit tous les domaines.

La section consacrée au design prend place au coeur de la nef. Dans cette période d’effervescence, le créateur des années 80 brasse plusieurs esthétiques, tout comme le monde de la mode. Un design moderniste aux accents hightech côtoie des univers néo-baroques et primitifs qui exaltent les savoir-faire.

L’action du VIA (Valorisation de l’Innovation dans l’Ameublement), initié en 1979 par le ministère de l’Industrie, attribue des « Cartes blanches » à toute une génération de jeunes créateurs. Contrairement aux décennies passées, plutôt que des écoles ou des courants, ce sont de brillantes individualités qui sont mises en lumière : François Bauchet, Martine Bedin, Sylvain Dubuisson, Olivier Gagnère, Andrée Putman, mais aussi Philippe Starck ou Martin Szekely. Le VIA entraîne dans son sillage l’ouverture de lieux d’avantgarde dédiés à la création contemporaine : les galeries Perkal, Néotù, Yves Gastou, En attendant les barbares, Avant-Scène et Gladys Mougin. Alors que l’état favorise une création hexagonale, les commandes privées ne sont pas en reste. Restituées sous forme de period rooms le décor de la maison de couture de Christian Lacroix par Elizabeth Garouste et Mattia Bonetti et le bureau du commissaire-priseur et collectionneur Maître Binoche par Pucci de Rossi sont deux décors emblématiques de la décennie.

Un vent de fête et de liberté souffle sur les années 1980 : les défilés se muent en shows spectaculaires, ouvrant la voie aux folles soirées dans des lieux devenus mythiques : Le Palace et les Bains Douches. Dans ces clubs où le paraître est capital et l’excentricité, la règle, le Tout-Paris danse sur de la musique new wave, rock et hip-hop. La jeunesse diversifie ses groupes d’appartenance, faisant naître une multiplicité de sous cultures possédant leurs propres looks.

De l’Antiquité aux années 30, un phénomène de revival s’empare de la mode. Thierry Mugler ou Claude Montana s’inspirent alors des silhouettes historiques quand Jean Paul Gaultier, Vivienne Westwood ou Chantal Thomass les parodient. À l’inverse, Martin Margiela ou Rei Kawakubo pour Comme des Garçons tentent de déconstruire la notion de vêtement. Les corps athlétiques des mannequins sont moulés dans les créations d’Azzedine Alaïa ou de Marc Audibert quand les formes amples d’Issey Miyake ou d’Anne-Marie Beretta se veulent architecturales et deviennent un véritable support d’expression pour Elisabeth de Senneville et Jean-Charles de Castelbajac.

La mode s’empare du vestiaire masculin à l’instar de la célèbre marinière de Jean Paul Gaultier. Les marques grand public inondent l’espace urbain de leurs campagnes publicitaires comme Naf Naf, Kookaï ou Benetton. Le grand défilé anniversaire de la Révolution française en 1989, à qui Jean-Paul Goude donne tout son éclat, conclut le parcours.

Le musée des Arts décoratifs, en retraçant les moments forts d’une période qui a bouleversé les codes, rend honneur à sa propre histoire : le musée de l’Affiche et de la Publicité, créé en 1982, et le musée des Arts de la mode, en 1986 – collections aujourd’hui rattachées au musée des Arts décoratifs –, sont une émanation de la politique des années Mitterrand et Lang. L’exposition rappelle combien les années 80 sont celles du carambolage des styles, de la spontanéité et de la liberté.