“Munch“
Un poème de vie, d’amour et de mort
au Musée d’Orsay, Paris
du 20 septembre 2022 au 22 janvier 2023

PODCAST – Interview de Estelle BĂ©guĂ©, ChargĂ©e d’études documentaires au musĂ©e d’Orsay,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 19 septembre 2022, durĂ©e 24’26.
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :
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Commissariat :
Claire Bernardi, Directrice du musée de l’Orangerie
Avec la collaboration d’Estelle Bégué, Chargée d’études documentaires au musée d’Orsay
Cette exposition est organisée par le musée d’Orsay, Paris, en partenariat exceptionnel avec le MUNCHMuseet, Oslo.
« On ne doit plus peindre d’intérieurs, de gens qui lisent et de femmes qui tricotent. Ce doit être des personnes vivantes qui respirent et s’émeuvent, souffrent et aiment – Je vais peindre une série de tableaux de ce genre. Les gens en comprendront la dimension sacrée et ils enlèveront leur chapeau comme à l’église. » Edvard Munch, 1889-1890
On peut être célèbre et pourtant méconnu : force est de constater que la réception de l’oeuvre de Munch souffre de l’effet réducteur produit par sa cristallisation autour d’une seule image : Le Cri. Son élévation au rang d’icône en a fait une sorte d’écran derrière lequel s’efface l’oeuvre qui l’a permise et lui donne son sens. L’ambition de cette manifestation est de montrer l’ampleur de la production artistique de Munch, en explorant son itinéraire – soixante ans de création— dans toute sa durée et sa complexité. Près d’une centaine d’oeuvres seront exposées, dont environ cinquante peintures majeures et un ensemble important de dessins et d’estampes.
Cette exposition s’inscrit naturellement dans un des grands axes de programmation du musĂ©e d’Orsay qui s’attache, depuis sa crĂ©ation, Ă faire dĂ©couvrir ou redĂ©couvrir les grandes figures qui ont tracĂ© la voie de la modernitĂ©, française mais aussi internationale. Plusieurs manifestations ont Ă©tĂ© ainsi consacrĂ©es Ă l’art du Nord de l’Europe, comme, en 2012, au grand peintre finlandais Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), ou, plus rĂ©cemment, au symbolisme dans les pays baltes (Č‚mes sauvages, 2018). En 1991 dĂ©jĂ , une première exposition avait Ă©tĂ© consacrĂ©e Ă l’artiste norvĂ©gien. IntitulĂ©e Munch et la France, elle s’attachait plus particulièrement Ă ses annĂ©es parisiennes. La dernière exposition qui lui a Ă©tĂ© consacrĂ©e en France (Centre Pompidou – MusĂ©e national d’art moderne, 2011) abordait sa crĂ©ation en prenant pour prisme son « oeil moderne ». Cette prĂ©sentation d’ampleur, plus de dix ans plus tard, assume une dimension rĂ©trospective, et embrassera l’ensemble de la carrière de l’artiste.
L’oeuvre de Munch occupe dans la modernitĂ© artistique une place charnière. Elle plonge ses racines dans le XIXème siècle pour s’inscrire pleinement dans le suivant. Plus encore, son oeuvre tout entière, des annĂ©es 1880 Ă sa mort, est innervĂ©e par une vision du monde singulière lui confĂ©rant une puissante dimension symboliste.Â
Le symbolisme chez Munch ne se rĂ©duit pas en effet aux quelques chefs-d’oeuvre qu’il a créés dans les annĂ©es 1890. L’historiographie traditionnelle a eu tendance Ă Ă©lever au rang d’icĂ´nes indĂ©passables ces quelques oeuvres, quitte Ă dĂ©nigrer parfois sa production plus tardive, ou au contraire Ă voir en elles un expressionnisme prĂ©coce. PlutĂ´t que d’opposer un symbolisme fin-de-siècle Ă un expressionnisme qui ancrerait Munch dans la scène moderne, sera proposĂ©e une lecture globale de son oeuvre mettant en avant sa grande cohĂ©rence.
C’est pourquoi le parcours proposĂ© ne s’astreindra pas Ă une logique chronologique ; il se construira plutĂ´t sur le principe du cycle, qui a jouĂ© un rĂ´le clĂ© dans sa pensĂ©e et son art. FascinĂ© par le concept de mĂ©tabolisme, Munch exprime en effet frĂ©quemment l’idĂ©e que l’humanitĂ© et la nature sont inexorablement unies dans le cycle de la vie, de la mort et de la renaissance. Dans ce cadre, il Ă©labore une iconographie inĂ©dite, en grande partie inspirĂ©e par les philosophies vitalistes de Friedrich Nietzsche et d’Henri Bergson. Munch l’a lui-mĂŞme soulignĂ© en parlant de sa Frise de la Vie : « ces toiles, il est vrai relativement difficiles Ă comprendre, seront […] plus faciles Ă apprĂ©hender si elles sont intĂ©grĂ©es Ă un tout. » On peut relire dans une perspective analogue les grands projets qui l’ont occupĂ© Ă d’autres moments de sa carrière, comme le dĂ©cor rĂ©alisĂ© pour la nouvelle UniversitĂ© d’Oslo (alors Kristiana).
La notion de cycle intervient ainsi à plusieurs niveaux dans l’oeuvre de Munch. Elle est un outil essentiel pour la compréhension globale de sa peinture, mais elle intervient aussi dans la construction même de ses toiles, où certains motifs reviennent de façon régulière. Seule cette lecture permet d’appréhender pleinement son processus créatif singulier, qui le conduit à réaliser régulièrement de nombreuses déclinaisons d’un même motif, mais aussi plusieurs versions d’un même sujet, passant sans rupture d’un médium à un autre.
L’exposition invitera donc à revoir dans sa globalité l’oeuvre de Munch en suivant le fil d’une pensée picturale toujours inventive : une oeuvre à la fois foncièrement cohérente, voire obsessionnelle, et en même temps constamment renouvelée.
« Dans mon art, j’ai cherché à m’expliquer la vie et son sens – j’ai aussi eu l’intention d’aider les autres à comprendre leur propre vie. J’ai toujours mieux travaillé avec mes peintures autour de moi – je les ai arrangées ensemble et j’ai senti que certaines des images étaient liées les unes aux autres dans le contenu – lorsqu’elles étaient placées ensemble, il y avait immédiatement une résonance entre elles […]. C’est devenu une symphonie. » Edvard Munch, 1930-1934
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