âFĂŒssliâ entre rĂȘve et fantastique
au Musée Jacquemart-André, Paris
du 16 septembre 2022 au 23 janvier 2023

PODCAST – Interview de Andreas Beyer, titulaire de la chaire dâHistoire de lâart des dĂ©buts de la pĂ©riode moderne Ă lâUniversitĂ© de BĂąle, et co-commissaire de l’exposition,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 15 septembre 2022, durĂ©e 17â51.
© FranceFineArt.

Extrait du communiqué de presse :



Commissariat :
Christopher Baker, directeur des dĂ©partements dâart europĂ©en et Ă©cossais et des portraits aux National Galleries dâĂcosse
Andreas Beyer, titulaire de la chaire dâHistoire de lâart des dĂ©buts de la pĂ©riode moderne Ă lâUniversitĂ© de BĂąle
Pierre Curie, conservateur général du patrimoine, conservateur du musée Jacquemart-André
Le MusĂ©e Jacquemart-AndrĂ© prĂ©sente, Ă lâautomne 2022, lâoeuvre du peintre britannique dâorigine suisse, Johann Heinrich FĂŒssli (1741-1825). Ă travers une soixantaine dâoeuvres issues de collections publiques et privĂ©es, le parcours illustrera les thĂšmes les plus emblĂ©matiques de lâoeuvre de FĂŒssli, artiste de lâimaginaire et du sublime. Des sujets shakespeariens aux reprĂ©sentations du rĂȘve, du cauchemar et des apparitions, en passant par les illustrations mythologiques et bibliques, FĂŒssli dĂ©veloppe une nouvelle esthĂ©tique qui oscille entre rĂȘve et fantastique.
Fils dâun pĂšre peintre et historien de lâart, Johann Heinrich FĂŒssli fut un temps pasteur et commença une carriĂšre artistique assez tardivement, lors dâun premier voyage Ă Londres, sous lâinfluence de Sir Joshua Reynolds, prĂ©sident de la Royal Academy. AprĂšs un long sĂ©jour en Italie, au cours duquel il est fascinĂ© notamment par la puissance des compositions de Michel-Ange, il revient sâinstaller Ă Londres Ă la fin des annĂ©es 1770. Artiste atypique et intellectuel, FĂŒssli puise son inspiration dans les sources littĂ©raires quâil passe au filtre de son imagination. Il dĂ©veloppe dans sa peinture un langage onirique et dramatique, oĂč se cĂŽtoient sans cesse le merveilleux et le fantastique, le sublime et le grotesque.
OrganisĂ©e thĂ©matiquement, lâexposition explore lâensemble de lâoeuvre de FĂŒssli Ă laquelle aucune exposition monographique nâavait Ă©tĂ© consacrĂ©e Ă Paris depuis 1975. Elle sâouvrira sur la reprĂ©sentation du théùtre shakespearien, en particulier de Macbeth, puis elle sâattachera aux rĂ©cits mythologiques et bibliques avant de se pencher sur la figure fĂ©minine dans son Ćuvre graphique. Se succĂšderont enfin les thĂšmes du cauchemar, vĂ©ritable crĂ©ation fĂŒsslienne, puis du rĂȘve et des apparitions.
FĂŒssli dĂ©veloppe une veine fantastique relativement marginale pour lâĂ©poque car elle contourne les rĂšgles acadĂ©miques. Câest en 1782 quâil prĂ©sente sa premiĂšre version du Cauchemar, Ćuvre emblĂ©matique de son imaginaire qui assoit vĂ©ritablement sa carriĂšre de peintre. Ălu membre associĂ© de la Royal Academy en 1788, puis acadĂ©micien en 1790, FĂŒssli, tout en travaillant de maniĂšre sĂ©rielle, incarne une recherche du sublime qui sâimpose Ă lâAngleterre de son Ă©poque.
Lâexposition du MusĂ©e Jacquemart-AndrĂ© permettra de redĂ©couvrir lâoeuvre saisissante de cet artiste rare dans les collections françaises, peintre trĂšs original qui dĂ©veloppe une oeuvre paradoxale, alimentĂ©e par une imagination oĂč terreur et horreur se marient, Ă lâorigine esthĂ©tique du romantisme noir.
Parcours de lâexposition
Introduction
Peintre de lâĂ©trange, Johann Heinrich FĂŒssli, dâorigine suisse mais londonien dâadoption, laisse derriĂšre lui une oeuvre saisissante conjuguant le sublime, le mystĂšre et le fantastique. Initialement destinĂ© Ă ĂȘtre pasteur, FĂŒssli rĂȘve pourtant dâune carriĂšre littĂ©raire ou artistique. EncouragĂ© par Joshua Reynolds, prĂ©sident de la Royal Academy, il dĂ©cide rapidement de sâorienter vers le dessin et la peinture. FĂŒssli puise son inspiration dans des sources littĂ©raires variĂ©es, quâil interprĂšte avec sa propre imagination. PersonnalitĂ© complexe et fascinante, il se forme en autodidacte et dĂ©veloppe une esthĂ©tique trĂšs atypique pour lâĂ©poque. Bien quâil ait Ă©tĂ© Ă©lu acadĂ©micien, puis professeur de peinture de la Royal Academy, FĂŒssli sâĂ©loigne des rĂšgles acadĂ©miques et introduit dans son oeuvre un imaginaire onirique trĂšs personnel. PeuplĂ©e de crĂ©atures hybrides, de personnages terrifiants et mystĂ©rieux, sa peinture, qui marque une rupture entre le classicisme et le romantisme, est aussi spectaculaire quâinquiĂ©tante. FĂŒssli crĂ©e des tableaux en clair-obscur avec un goĂ»t prononcĂ© pour le drame. Amateur de théùtre, il sâinspire des jeux dâacteur et des mises en scĂšne de lâĂ©poque, et rĂ©ussit Ă donner Ă son oeuvre une dimension dramatique et une intensitĂ© Ă©motionnelle inĂ©galĂ©es. Les portraits de lui peints par ses contemporains font apparaĂźtre une personnalitĂ© contrastĂ©e et Ă©nergique. Son Autoportrait, au regard profond et pĂ©nĂ©trant, rĂ©vĂšle aussi bien le gĂ©nie crĂ©ateur que lâinventivitĂ© du personnage. Artiste Ă©rudit et Ă©clectique, il cherche aussi Ă intĂ©grer Ă sa peinture lâidĂ©e du sublime, tel que dĂ©veloppĂ© par le philosophe Edmund Burke (1729-1797), pour qui terreur et horreur peuvent ĂȘtre aussi sources de dĂ©lices. TantĂŽt dĂ©criĂ©e, tantĂŽt admirĂ©e, lâoeuvre de FĂŒssli dit aussi bien sa folie que son gĂ©nie et exercera une influence dĂ©cisive sur toute une gĂ©nĂ©ration dâartistes.
Fascination et appropriation des tragédies shakespeariennes
FĂŒssli sâintĂ©resse dĂšs son plus jeune Ăąge Ă la dramaturgie anglaise, et en particulier Ă certains auteurs comme Shakespeare et Marlowe. DĂšs son arrivĂ©e Ă Londres en 1764, il frĂ©quente assidĂ»ment les théùtres, non seulement pour perfectionner sa diction anglaise, mais aussi par intĂ©rĂȘt pour lâexpression des passions. Les nouveaux effets de la scĂšne théùtrale britannique de lâĂ©poque lâinspirent, tant par les jeux de lumiĂšre, les costumes que par les mises en scĂšne elles-mĂȘmes. Le jeu dâacteur le fascine, et câest au Théùtre Royal de Drury Lane â seul théùtre officiel Ă lâĂ©poque avec celui de Covent Garden â quâil dĂ©couvre le cĂ©lĂšbre acteur et metteur en scĂšne David Garrick (1717-1779). Ce dernier, dont les performances artistiques inspireront dâautres peintres comme William Hogarth, John Hamilton Mortimer ou Johann Zoffany, construit sa renommĂ©e sur un jeu moderne, passionnĂ© et vibrant qui enthousiasme FĂŒssli. Ă cette Ă©poque, Shakespeare, dont les oeuvres ne sont pas censurĂ©es par le Licensing Act de 1737, est trĂšs rĂ©guliĂšrement jouĂ© sur la scĂšne londonienne. Ces nombreuses reprĂ©sentations â les piĂšces de Shakespeare constituent prĂšs dâun quart du rĂ©pertoire des théùtres londoniens â ont une incidence directe sur le dĂ©veloppement des mises en images de ces piĂšces. FĂŒssli, qui sera considĂ©rĂ© comme lâinterprĂšte de Shakespeare en peinture, emprunte au dramaturge la puissance expressive de ses textes pour construire des images Ă la forte singularitĂ© et en faire un genre théùtral en soi. Dans une quĂȘte constante de lâeffet dramatique, il compose ses tableaux, en sâinspirant toujours de la gestuelle, de la force Ă©motionnelle et de la mise en lumiĂšre du jeu des comĂ©diens, comme David Garrick, Sarah Siddons (1775-1831) ou Hanna Pritchard (1711-1768), les plus cĂ©lĂšbres de lâĂ©poque.
Macbeth
Dans la deuxiĂšme moitiĂ© du XVIIIe siĂšcle, Macbeth devient lâune des piĂšces de Shakespeare les plus populaires et les plus reprĂ©sentĂ©es en Angleterre. FĂŒssli, qui sâĂ©tait familiarisĂ© trĂšs tĂŽt avec les textes du dramaturge, avait mĂȘme entrepris une traduction de Macbeth en allemand lorsquâil vivait encore en Suisse, mais celle-ci ne fut cependant jamais publiĂ©e. Cette piĂšce illustre la fulgurante ascension dâun rĂ©gicide : aprĂšs que trois sorciĂšres prĂ©disent Ă Macbeth quâil deviendra roi dâĂcosse, celui-ci, encouragĂ© par son Ă©pouse Lady Macbeth, Ă©labore un plan diabolique pour sâemparer du trĂŽne. Leur sentiment de culpabilitĂ© et la paranoĂŻa plongeront alors les deux protagonistes dans la folie. FĂŒssli sâintĂ©resse Ă diffĂ©rentes scĂšnes de la piĂšce. Travaillant de maniĂšre sĂ©rielle, il exĂ©cute plusieurs reprĂ©sentations de ses thĂšmes, comme pour Lady Macbeth saisissant les poignards, dont il rĂ©alise diffĂ©rentes compositions Ă quelques dĂ©cennies dâintervalle. De nouveau, la puissance Ă©motionnelle qui se dĂ©gage de ses oeuvres repose Ă la fois sur leur mise en scĂšne et sur lâexpressivitĂ© des acteurs. FĂŒssli reprĂ©sente ceux-ci directement en train de jouer, comme dans David Garrick et Hanna Pritchard dans les rĂŽles de Macbeth et Lady Macbeth. Vraisemblablement contemporaine du tableau de Zoffany reprĂ©sentant la mĂȘme scĂšne, lâoeuvre Ă©voque le mouvement et lâurgence de la situation dans un effet dâimmĂ©diatetĂ© saisissant.
Les mythes antiques
Homme de lettres et fin connaisseur des textes de la littĂ©rature classique, FĂŒssli sâinspire Ă©galement de la mythologie grecque et romaine. Il sâintĂ©resse particuliĂšrement Ă lâĆuvre dâHomĂšre que son mentor Joahnn Jakob Bodmer lui a fait dĂ©couvrir. Ayant appris le grec et le latin lors de ses Ă©tudes de thĂ©ologie, il contribue dâailleurs Ă une traduction dâHomĂšre Ă©ditĂ©e par William Cowper. Lâinfluence littĂ©raire se retrouve dans sa maniĂšre de penser et de crĂ©er. Câest essentiellement dans ses dessins que FĂŒssli parvient Ă restituer toute leur puissance aux rĂ©cits mythologiques, comme lâextraordinaire Achille saisit lâombre de Patrocle, un thĂšme quâil dĂ©clinera en plusieurs versions. La puissante carrure de ses personnages reflĂšte sa connaissance de la sculpture antique et des oeuvres de Michel-Ange, quâil avait Ă©tudiĂ©es attentivement pendant son sĂ©jour romain entre 1770 et 1778. Les fresques de la chapelle Sixtine, notamment, le fascinent, et câest Ă Rome quâil approfondit sa connaissance de lâanatomie. En puisant son inspiration Ă la fois dans les mythes antiques et dans lâart de Michel-Ange, il poursuit un idĂ©al susceptible dâĂ©lever son oeuvre et le goĂ»t de ses admirateurs, tout en Ă©chappant Ă la culture contemporaine dont il souhaite se dĂ©tacher. Il dĂ©veloppe ainsi un style excessif et expressif, qui lâĂ©loigne des courants dominants du nĂ©oclassicisme europĂ©en. En dĂ©pit de ses rĂ©fĂ©rences Ă la statuaire antique â notamment le visage et le nez romains â la reprĂ©sentation du corps humain chez FĂŒssli se fait extravagante, les corps gesticulent et se contorsionnent.
Lâimagerie biblique et les lĂ©gendes nordiques
Les connaissances religieuses acquises lors de sa formation de pasteur imprĂšgneront FĂŒssli toute sa vie. Devenu peintre, FĂŒssli trouve dans la Bible des thĂšmes quâil tire vers lâimaginaire et un fantastique traversĂ© dâapparitions surnaturelles de la DivinitĂ©. FĂŒssli manifeste Ă©galement un rĂ©el engouement pour le poĂšme Ă©pique du Paradis perdu du poĂšte anglais John Milton (1608-1674). Il projette de rĂ©aliser une Milton Gallery, sur le modĂšle de la Shakespeare Gallery créée par Boydell quelques annĂ©es plus tĂŽt. Cette entreprise dâimportance regroupe 47 peintures dont la plupart illustre Le paradis perdu. MalgrĂ© un Ă©chec commercial, la Milton Gallery est reconnue par ses pairs, et elle est aujourdâhui considĂ©rĂ©e comme lâune des Ă©tapes majeures du mouvement romantique anglais. FĂŒssli, toujours curieux et dĂ©sireux de trouver des sources dâinspirations variĂ©es, explore aussi une littĂ©rature plus contemporaine, comme lâOberon de Christoph Martin Weiland qui lui fournit des thĂšmes dâaventure et de romance exotiques habitĂ©s dâune forte composante dramatique. Ses interprĂ©tations dâune extrĂȘme inventivitĂ© lui permettent de nouveau de mĂȘler surnaturel, sensualitĂ© et romantisme.
La femme au coeur de lâoeuvre
La femme occupe une place trĂšs importante dans la vie et lâoeuvre de FĂŒssli. TantĂŽt amante, modĂšle ou conquĂȘte, elle est pour lui un sujet de prĂ©dilection. Dans ses dessins, ses hĂ©roĂŻnes sont imposantes, souvent dominatrices et fantasmatiques. FĂŒssli aime reprĂ©senter lâomnipotence de la femme face Ă lâhomme soumis. FĂŒssli Ă©prouve Ă©galement une grande fascination pour les chevelures et les coiffures Ă©laborĂ©es, quâil reprĂ©sente Ă de multiples reprises et sous toutes leurs formes. La coiffure devient un signe de puissance, tandis que des tenues extravagantes complĂštent la mise en scĂšne dans ses dessins. Lâartiste entretient dâailleurs des relations passionnĂ©es avec ses modĂšles, comme Sophia Rawlings (1770-1832), quâil Ă©pousera en 1788. La femme de lettres et philosophe fĂ©ministe Mary Wollstonecraft (1759-1797), dont il a peint le portrait, sâentiche de lui et lui propose de partir Ă Paris suivre les Ă©vĂ©nements de la RĂ©volution Française. Toutefois, son Ă©pouse sâopposera Ă cette aventureuse expĂ©dition. FĂŒssli a créé plus de huit cents dessins et croquis ; la sĂ©lection rassemblĂ©e ici comme dans un boudoir reflĂšte les fantasmes du peintre qui reprĂ©sente la femme dans des rĂŽles diffĂ©rents, de la femme dominatrice dans une composition Ă©rotique, Ă la femme mĂšre, domestique et protectrice de son enfant.
Cauchemar et sorcelleries
Tout en continuant de sâinspirer de sources littĂ©raires variĂ©es, FĂŒssli crĂ©e des personnages hybrides, des crĂ©atures monstrueuses, grotesques et terrifiantes. Cette dĂ©marche atypique pour lâĂ©poque repose Ă la fois sur son penchant pour le fantastique et le surnaturel, mais aussi sur son dĂ©sir de provoquer ses contemporains. Quand il rentre de Rome en 1780, FĂŒssli cherche en effet Ă se faire remarquer et Ă devenir un personnage Ă©minent de la scĂšne artistique londonienne. Il y parvient avec brio quand il prĂ©sente en 1781 son cĂ©lĂšbre Cauchemar, qui assoit immĂ©diatement sa renommĂ©e et dont il rĂ©alisera plusieurs versions. Pour la premiĂšre fois, le sujet est une crĂ©ation pure et non tirĂ©e de la littĂ©rature. On a interprĂ©tĂ© Le Cauchemar de nombreuses façons sans pour autant trouver sa signification, ce qui, encore aujourdâhui, participe de sa force troublante. La composante Ă©rotique du tableau, par lâirruption dâun incube sur le ventre de la jeune femme vĂȘtue dâune robe blanche â soulignant sa puretĂ© et son innocence â, par la tĂȘte de cheval pĂ©nĂ©trant dans lâentrebĂąillement du rideau â et qui selon un jeu de mot en anglais « night mare » (« jument nocturne ») fait allusion au titre du tableau, et par la posture alanguie de la jeune femme suggĂ©rant un Ă©tat post-coĂŻtal, dĂ©range et fascine le public de lâĂ©poque. LâambiguĂŻtĂ© du tableau repose Ă©galement sur lâidentification de celui qui rĂȘve : la jeune femme, le peintre ou le spectateur ? Cette oeuvre, qui a fascinĂ© Freud, a inspirĂ© nombre dâartistes, de son contemporain Nicolai Abraham Abildgaard (1743 â 1809) qui en peint sa propre version, Ă Ken Russell qui en donnera un Ă©cho visuel dans son film Gothic (1986). Dans le sillage du succĂšs du Cauchemar, FĂŒssli dĂ©veloppe des sujets provoquants et terrifiants. Il introduit le thĂšme de la sorcellerie et du féérique dans une veine trĂšs fantastique. Rites sacrificiels, crĂ©atures dĂ©moniaques et mystĂ©rieuses : lâimaginaire de FĂŒssli se situe entre folie et gĂ©nie, entre horreur, dĂ©lice, terreur et sublime.
RĂȘves, visions et apparitions
Les domaines de la superstition, du rĂȘve et du surnaturel exercent un profond attrait sur FĂŒssli. Ă une Ă©poque oĂč les Hommes cherchent Ă expliquer toute expĂ©rience et tout phĂ©nomĂšne, le monde du sommeil et des rĂȘves fascine par son insondable complexitĂ©. Lâexploration de lâinconscient par FĂŒssli a suscitĂ© lâengouement des surrĂ©alistes au dĂ©but du XXe siĂšcle pour son oeuvre. Le rĂȘve chez FĂŒssli provoque lâapparition dâĂȘtres surnaturels et féériques, comme dans Le rĂȘve de la reine Catherine, oĂč il est synonyme de bonheur et de bĂ©atitude. Les fairies, bientĂŽt Ă la mode, plaisent au public de FĂŒssli qui a Ă©tĂ© lâun des premiers Ă les Ă©voquer. On retrouve ici lâinspiration des rĂ©cits shakespeariens avec notamment la prĂ©sence des fĂ©es dans Le songe dâune nuit dâĂ©tĂ©. Dans Le songe du berger, lâoeuvre la plus importante de la Milton Gallery, FĂŒssli dĂ©peint une ronde de personnages surnaturels. Ses crĂ©atures fantastiques et ses apparitions sont soit reprĂ©sentĂ©es de maniĂšre explicite, notamment Ă travers le prisme du sommeil, soit suggĂ©rĂ©es, laissant au public sa propre interprĂ©tation. Lâunivers pictural de FĂŒssli, Ă travers ses crĂ©atures hybrides, ses monstres, ses fĂ©es et ses apparitions, impose une nouvelle esthĂ©tique, atypique et Ă©trange pour lâĂ©poque, qui oscille entre fantasmagorie,