🔊 “Noémie Monier” Mancie Manie, au Doc [26 rue du Docteur Potain, 19e], Paris, du 3 au 24 septembre 2022
“Noémie Monier“ Mancie Manie
au Doc [26 rue du Docteur Potain, 19e], Paris
du 3 au 24 septembre 2022
PODCAST – Interview de Noémie Monier,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 2 septembre 2022, durée 28’14.
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :
Mancie Manie est une exposition composée d’objets sculpturaux et d’installations présentés au sein d’un dispositif scénographique, sonore et lumineux : c’est un parcours à la lisière de la psyché.
Invitant à explorer les rouages de la divination, l’exposition interroge notre quête de sens originelle quand le rationalisme, la psychologie, les religions ont élaboré de nombreux outils pour appréhender le réel. À une époque marquée par un mouvement de réappropriation du sacré, les formes industrielles d’un décorum bon marché côtoient des archétypes immuables. L’exposition s’appuie sur la rencontre entre des récits archaïques et un vocabulaire plastique contemporain. L’ensemble est basé sur un dialogue entre figures mythologiques, principes de la pensée jungienne, iconographie du Tarot et structure astrologique. Le titre* évoque cette tentative perpétuelle de circonscrire ce qui est au-delà du langage, du visible, du tangible, pour répondre au désir de conjurer notre condition.
* “Mancie” est le suffixe d’origine grecque signifiant «divination». On peut y accoler un élément désignant le support qui est interprété (cartomancie : divination par les cartes, chiromancie : divination par les lignes de la main, etc.). “Manie” est un terme psychologique caractérisant un état d’exaltation excessive. L’usage courant désigne un comportement obsessionnel, une idée fixe. C’est aussi la forme conjuguée du verbe manier, qui évoque les mains et la manipulation d’objets.
Collaborations avec :
Louise Boghossian et Manon Vila (pièce sonore)
Delphine Renault (installation)
Alicia Zaton (sculpture)
Texte « Mancie Manie »
La pratique plastique de Noémie Monier est régie par une intuition méthodique. Dans une acception multiforme, l’imagerie, le nombre et le matériau obéissent à une logique obscure et intime. Chaque oeuvre qui en découle délivre la facette palpable d’un monde souterrain, activé par un processus de symbolisation. Cette velléité de saisir les choses mystérieuses et cachées, de leur donner corps, rapproche ce travail artistique de la magie. « La magie a souvent été pensée comme l’art de faire devenir vrais les rêves : l’art de réaliser les visions. Mais avant de rendre réelle une vision, nous devons la voir. Nous devons avoir de nouvelles images à l’esprit, nous aventurer dans une paysage transformé, raconter de nouvelles histoires » écrit la sorcière écoféministe Starhawk dans Rêver l’obscur – Femmes, magie et politique (1982). Magique est ce qui est déjà là tout en demeurant invisible à l’oeil qui ne sait pas voir. Chose trouvée est donc chose re-trouvée. De manière symptomatique, le titre de l’exposition, Mancie Manie, est le résultat d’une cryptomnésie, processus psychique créateur qui fait réapparaître de façon précise un souvenir comme un élément nouveau. De même que le titre est un titre re-créé, les pièces de l’exposition ne seraient que des réminiscences, des archétypes, selon la pensée d’une généalogie passée, future et peut-être même collective, contenue dans l’esprit individuel. Ne serait-ce pas le véritable sens de la « re-présentation » ? La fiction précède le réel et permet de le comprendre, non l’inverse. On voit parce qu’on a d’abord rêvé.
« Mancie » (divination) et « manie » (obsession) ne sont pas seulement liés dans ce titre par un rapprochement de sonorités (paronomase). Les deux termes trouvent une origine commune dans le verbe maìnomai, « être fou ». Un état hors-norme révèle une vérité enfouie dans le premier cas et marque un trouble maladif dans le second. En somme, la man(c)ie est une manière de voir ce qui n’est pas visible au niveau de la psyché, du corps, ou de la petite histoire. Pour l’un et l’autre de ces états, l’inconscient constitue un territoire partagé, où la dichotomie de la croyance et du réel, de l’ésotérisme et de la science, s’annihile. Bien qu’ils n’en partagent pas l’étymologie, la « mancie » et la « manie » appellent inévitablement la main, instiguant le corps comme véhicule des vérités. La pensée touche, le corps pense. Ce corps aqueduc, terminé par la main, « organe du possible » (Paul Valéry, Discours aux chirurgiens), transporte une pensée non embarrassée d’exactitude qui finit par s’agencer dans un alphabet inconnu. Plutôt que d’articuler, comme le fait la psychanalyse traditionnelle, l’irrationnel en langage rationnel, la psychomagie propose de dire le surnaturel dans un vocabulaire qui lui est propre. Alexandro Jodorowsky la définit comme une psychanalyse païenne où chaque personne opère sa propre guérison en reconstituant artistiquement une histoire enfouie dans sa mémoire ou celle de ses prédécesseur•se•s. La création artistique est dès lors entendue comme un dispensaire de symboles permettant de renouer avec son identité profonde.
Elora Weill-Engerer
Biographie
Noémie Monier est plasticienne et cartomancienne. Elle est diplomée d’un master en Histoire de l’art contemporain obtenu à Paris 1 – Panthéon Sorbonne. Elle vit et travaille à Paris.
Son travail est sous-tendu par les recherches qu’elle mène sur les notions d’espace mental et d’état de conscience depuis une dizaine d’années. Dans son mémoire elle aborde cette thématique du point de vue du spectateur à travers l’étude des travaux de Tatiana Trouvé et Stéphane Thidet en défendant l’idée que leurs oeuvres sont des leviers sensoriels permettant d’adopter leur vision intérieure du réel. La dimension plastique de ces recherches se développe entre 2011 et 2014 au sein de PLANETE MIRAGE (duo avec Antoine Sansonetti). Dans leurs expositions, ces sujets sont passés au crible de scénarios imprégnés de science-fiction et de pratique du rêve lucide. Depuis 2015, par le prisme de sa collaboration avec Magda Kachouche, dont le travail s’inscrit dans le secteur du spectacle vivant, l’espace du plateau, le corps et l’objet se fondent en un système augmenté. L’utilisation de l’hypnose pendant leurs séances de travail est un des moyens employés pour créer des vases communiquants entre espace mental et espace réel. Le désir de créer des ponts entre nos mondes intérieurs et l’espace tangible de l’exposition se poursuit avec sa première exposition personnelle : Mancie Manie. Sa pratique se resserre autour d’objets sculpturaux pensés dans une perspective d’activation. L’ensemble s’articule dans un dispositifs scénographique, sonore et lumineux, qui compose un environnement global.