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“Les enfants de l’ère Meiji” à la Maison de la culture du Japon, Paris, du 30 mars au 21 mai 2022

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“Les enfants de l’ère Meiji” 
À l’école de la modernité (1868-1912)

à la Maison de la culture du Japon, Paris

du 30 mars au 21 mai 2022

Maison de la culture du Japon


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© Sylvain Silleran, vernissage presse, le 29 mars 2022.


Nouveauté : Exercices aux agrès (détail), Utagawa Kunitoshi, Ère Meiji. Collection du Kumon Institute of Education.
Utagawa Kunitoshi, Nouveauté : Exercices aux agrès (détail), Ère Meiji. Collection du Kumon Institute of Education.
Anonyme, Nouveauté : Insectes et autres petites bêtes (détail), 1894. Collection du Kumon Institute of Education.
Anonyme, Nouveauté : Insectes et autres petites bêtes (détail), 1894. Collection du Kumon Institute of Education.
Yamamoto Shôun, Jeux d’enfants : Les libellules, 1907. Collection du Kumon Institute of Education.
Yamamoto Shôun, Jeux d’enfants : Les libellules, 1907. Collection du Kumon Institute of Education.
Miyagawa Shuntei, Coutumes et manières des enfants : Kageya tôrokuji, Vers 1897. © Machida City Museum of Graphic Arts.
Miyagawa Shuntei, Coutumes et manières des enfants : Kageya tôrokuji, Vers 1897. © Machida City Museum of Graphic Arts.
Yôshû Chikanobu, Vraies beautés, n° 20 : L’écriture, 1897. © Machida City Museum of Graphic Arts.
Yôshû Chikanobu, Vraies beautés, n° 20 : L’écriture, 1897. © Machida City Museum of Graphic Arts.

Texte de Sylvain Silleran

L’empereur, l’impératrice et le prince Yoshihito se promènent dans le parc d’Asuka pour admirer les cerisiers en fleur. Ils sont coiffés et habillés à l’occidentale, marquant en cette fin du XIXéme siècle le tournant que prend le Japon : l’ère Meiji est celle de l’ouverture à l’occident. Les estampes témoignent de ces bouleversements. On va au concert écouter un orchestre européen, on s’extasie et on frissonne au cirque Chiarini ; et pour ceux qui ne peuvent s’y rendre, on feuillette les images d’acrobates, d’écuyers, d’animaux bondissants sur la piste jaune d’or.

Ces images populaires participent à l’éducation des enfants. Manuels et jeux sont imprimés en couleurs vives, joyeuses, des roses, verts, rouges d’affiches promettent plus que le savoir, ouvrent la porte vers un monde merveilleux comme un ailleurs. Un sugoroku, jeu de l’oie, apprend aux petites filles les manières féminines, la couture, l’arrangement floral, la calligraphie. Ici on s’initie à l’étiquette des dames distinguées, là on apprend la piété filiale. On suit l’exemple des héros persévérants : Shizuka, danseuse de cour du XIIé siècle ou Tokugawa Takechiyo, premier de la lignée des Tokugawa, shoguns qui régnèrent sur le Japon pendant l’époque Edo. Sont aussi présentés des inventeurs, James Watt ou Bernard Palissy, céramiste de la Renaissance, représenté en train de détruire une chaise pour la jeter dans le feu afin de poursuivre la cuisson d’une pièce remarquable. 

On les appellerait aujourd’hui avec bien moins de grâce ni de poésie des outils pédagogiques, ces planches montrent aux petits japonais les pays, les drapeaux, un nuancier de couleurs, listent des animaux étranges, des insectes, des oiseaux. Les petits curieux peuvent étudier le fonctionnement d’un levier ou d’un treuil. Toutes sortes de poissons nagent dans les profondeurs d’un océan rouge, accompagnés d’une sirène qui s’est glissée parmi eux. Des tableaux naturalistes listent feuilles d’arbres, fruits et baies, algues, légumineuses, détaillent leurs formes et leurs caractéristiques.

L’école n’est pas tout, l’estampe permet d’apprendre les nouvelles vertus de l’exercice, de la gymnastique ou des agrès. C’est un art bon marché qui s’invite à la maison, comme un journal ou un magazine. Ces images ne sont pas faites pour être conservées précieusement, elles se découpent, se plient pour révéler quelque surprise. Ainsi des guerriers se transforment en objets par un simple pliage. Les enfants peuvent habiller des poupées de papier, découper des perruques pour coiffer un personnage ou organiser un combat de sumos de papier. Des images jouets mêlent jeu et apprentissage. Une planche nous apprend les noms de tous les légumes de l’étalage d’un marchand des quatre saisons.

La modernisation de l’école s’accompagne d’une ouverture au monde anglo-saxon. Nombre de manuels et méthodes permettent d’apprendre l’anglais avec force illustrations. La frénésie d’apprendre est telle que les termes anglais peuvent être retranscrits de manière parfois hasardeuse. Une femme étudie, rêveuse, perdue dans son désir de voyage. Le rêve n’est jamais bien loin, les contes et légendes sont bien présents et ancrés dans la culture. Des souris au bain enseignent les bons usages; des chattes s’appliquent à être bien élevées, à respecter leurs parents et étudier avec sérieux. Le graphisme esquisse déjà ses formes futures, la narration invente le manga non sans humour. Pendant que le chat dort les souris dansent, elles lâchent des pets et font des crottes.

La vie de cette période Meiji est documentée par l’estampe. Les enfants dessinés par Yamamoto Shôun jouent à la dînette, au sumo, courent attraper des libellules avec un filet, fabriquent des lapins de neige – oui, c’est bien plus kawaii que des bonshommes. Miyagawa Shuntei observe les coutumes et manières des enfants à travers leurs divers jeux : le jeu de cartes du Bôzu Okoshi, les poupées de papier, les ombres chinoises. Dehors on fait la course à cloche pied Chinchin Mogamoga, on joue à la vieille femme voleuse d’enfants, l’ancêtre du chat, ou au Kageya Tôrokuji, consistant à marcher dans l’ombre de ses adversaires.

En guise d’épilogue, le Japon vu par Georges Biot est une série d’eaux-fortes douces et pleines de tendresse. Le quotidien nous est présenté à travers des petits portraits, les métiers des uns et des autres. La lessive, le ramasseur de détritus, le coiffeur, l’étudiant, le tailleur, le facteur, le marchand de poissons, l’officier sont dessinés avec une grande délicatesse, la rude simplicité de la vie y parait  légère et lumineuse. Deux jeunes filles jouent au hanetsuki, se renvoyant un volant avec des raquettes de bois. Il fait beau, les herbes sont hautes, la récolte est pleine de promesses.

Sylvain Silleran

Japanese Fairy Tale Series, n° 11 : The Hare of Inaba, 1886. Collection du Kumon Institute of Education.
Japanese Fairy Tale Series, n° 11 : The Hare of Inaba, 1886. Collection du Kumon Institute of Education.
Utagawa Kunimasa IV, Le moineau à la langue coupée, Ère Meiji (?). Collection du Kumon Institute of Education.
Utagawa Kunimasa IV, Le moineau à la langue coupée, Ère Meiji (?). Collection du Kumon Institute of Education.

Extrait du communiqué de presse :



Commissariat : 

Mme Kana Murase, conservatrice au Machida City Museum of Graphic Arts



Réunissant principalement des estampes de l’ère Meiji (1868-1912), l’exposition du printemps 2022 à la Maison de la culture du Japon à Paris se concentre sur un sujet original et peu traité jusqu’à présent en France. Intitulée « Les enfants de l’ère Meiji. À l’école de la modernité (1868-1912) », elle esquisse un portrait des enfants japonais qui ont grandi à la fin du XIXe siècle, à un moment charnière de l’histoire du Japon où la modernisation et l’ouverture à l’Occident métamorphosent le visage du pays. Environ 140 pièces sont présentées dans le parcours : des « ukiyo-e représentant des enfants », mais aussi des « ukiyo-e destinés aux enfants » tels que des estampes pédagogiques pour s’instruire, des estampes-jouets pour s’amuser ou encore des estampes de récits pour rêver. La fin de l’exposition propose de découvrir un aspect de l’oeuvre du dessinateur et illustrateur de presse français Georges Bigot qui a immortalisé cette époque de grandes mutations.

Durant l’ère Meiji, le Japon s’ouvre à l’Occident et met en place progressivement un nouvel enseignement scolaire qui va de pair avec les objectifs de modernisation du pays : les cours deviennent collectifs et sont en partie calqués sur le modèle occidental ; l’école devient obligatoire pour tous les enfants, garçons et filles, même ceux issus des classes populaires.

C’est dans ce contexte que font leur apparition les «estampes de brocart» éducatives destinées aux enfants et, sur les murs des classes, les planches illustrées. Vers 1873, le ministère de l’Éducation préconise la fabrication d’estampes comme soutien à l’éducation des enfants au sein du foyer familial. Les éditeurs privés, mais aussi le ministère, produisent alors en quantité des images sur la flore, la faune, les inventeurs célèbres ou encore les drapeaux des pays.

L’ouverture du pays développe également l’intérêt des Japonais pour le reste du monde et pour les langues étrangères, en particulier l’anglais : de nombreuses écoles voient le jour et on assiste à une accélération de la publication d’estampes destinées à l’apprentissage de cette langue.

Nées durant l’époque Edo (1603-1868), les « images-jouets » connaissent un regain d’intérêt durant l’ère Meiji. Bon marché et faciles à se procurer, elles sont très appréciées des enfants des classes populaires. Poupées à habiller, cerfs-volants ou planches de constructions à assembler… des illustrations aux couleurs vives qui sont non sans rappeler les images d’Épinal. Les images-jouets comme les estampes éducatives constituaient souvent une toute première expérience de jeu et d’étude, elles offraient une ouverture vers un monde qui était encore inconnu à ces enfants.

Parallèlement aux « estampes éducatives » et aux « images-jouets », se développent dans les années 1890 des estampes « de genre » prenant pour sujet la vie des enfants. L’exposition donne à voir des oeuvres de ce type signées de quatre maîtres de l’estampe : Yôshû Chikanobu, Ogata Gekkô, Miyagawa Shuntei et Yamamoto Shôun. Actifs durant Meiji, ils rendent parfois compte de la nostalgie croissante pour l’époque Edo alors qu’apparaît un mouvement nationaliste qui s’oppose à la politique d’occidentalisation. Si certaines de leurs estampes mettent en scène des enfants en kimono, s’adonnant à des jeux d’autrefois, d’autres reflètent une période où le monde du jeu s’est lui aussi transformé, avec l’introduction de jouets et de jeux de société occidentaux. Le monde encore proche de celui d’Edo que des Occidentaux visitant le Japon dans les années 1880 qualifièrent de « Paradis des enfants », devait évoluer rapidement à partir des années 1900.

Un catalogue coédité par les Éditions Gourcuff Gradenigo et la MCJP accompagne l’exposition.



Mot de la commissaire 

L’histoire du jeu et de l’étude présentée dans cette exposition se poursuit de nos jours sans interruption. Les cours collectifs en salle de classe qui sont apparus à l’ère Meiji sont une institution aujourd’hui, et des jeux anciens comme l’origami ou le jeu de cartes bôzu mekuri sont encore très populaires auprès des enfants d’aujourd’hui. Pour nous, Meiji est à la fois proche et lointaine. 

En plus d’admirer des estampes d’enfants datant de l’ère Meiji, on est fasciné de pouvoir découvrir des thèmes qui nous sont proches dans des oeuvres que l’on voit pour la première fois. Le public français saura certainement lui aussi y être sensible. Les enfants en tenue occidentale sur des images imprimées selon le procédé traditionnel de la gravure sur bois – mais portant des inscriptions en alphabet latin, témoignent des échanges entre le Japon et l’Occident ; l’énergie que dégagent ces enfants est à la fois universelle et intemporelle – autant de raisons, j’espère, pour que le public y soit réceptif. 

Mme Kana Murase , conservatrice au Machida City Museum of Graphic arts

Anonyme, Poupées en papier avec leurs vêtements, Ère Meiji (?). Collection du Kumon Institute of Education.
Anonyme, Poupées en papier avec leurs vêtements, Ère Meiji (?). Collection du Kumon Institute of Education.
Shôsai Ikkei, Apprendre à lire l’anglais, 1872. Collection du Kumon Institute of Education.
Shôsai Ikkei, Apprendre à lire l’anglais, 1872. Collection du Kumon Institute of Education.
Anonyme, Manuel d’école primaire, 1886 . © Machida City Museum of Graphic Arts.
Anonyme, Manuel d’école primaire, 1886 . © Machida City Museum of Graphic Arts.

Le parcours d’exposition

Prologue : Bienvenue dans le Japon de Meiji ! 
Au début de l’ère Meiji, le Japon s’engage sur la voie d’un État moderne. L’originalité de la culture occidentale fascine les Japonais et commence à être représentée dans les estampes. La ville d’Edo prend le nom de Tokyo et se modernise : voies ferrées, bâtiments imitant le style occidental, gens habillés à l’européenne… Les estampes présentées ici montrent une ville qui se transforme au contact d’une nouvelle culture, ainsi que ses habitants. 

I. Apprendre avec les estampes 
Cette section est consacrée à l’enseignement et aux estampes utilisées comme support pédagogique. En 1872, lorsque le gouvernement établit un nouveau système d’enseignement, les « terakoya », petites écoles privées, cèdent la place aux écoles inspirées du style occidental : la scolarisation des filles et des jeunes enfants augmente, tout comme l’apprentissage de l’anglais. Les estampes aux illustrations instructives et divertissantes se développent de façon remarquable et avec des sujets très variés : la flore, les drapeaux du monde entier, les vies d’Occidentaux célèbres, les traités de morale… 

II. S’amuser avec les estampes 
Les « estampes-jouets » sont l’équivalent des jeux de société et des maquettes en carton d’aujourd’hui. Il existait toutes sortes d’estampes-jouets et aussi d’estampes de récits (monogatari-e) représentant des animaux adorables, des héros justiciers, des fantômes invisibles … Elles permettaient de stimuler l’imagination de l’enfant et d’acquérir des connaissances tout en s’amusant.

III. Regards sur l’enfance 
Yôshû Chikanobu, Ogata Gekkô, Miyagawa Shuntei et Yamamoto Shôun : ces quatre maîtres de l’estampe actifs durant l’ère Meiji sont célèbres pour leurs remarquables représentations d’enfants réalisées avec grande finesse à partir de la gravure sur bois. Une partie d’entre elles, qui contiennent le titre en alphabet, ont été exportées à l’étranger et séduit de nombreux collectionneurs et artistes occidentaux. 

Epilogue : Le Japon vu par Georges Bigot 
L’exposition se conclut sur une quinzaine d’eaux-fortes de petit format de Georges Bigot, artiste français qui a représenté le Japon moderne en pleine métamorphose. Bigot, qui était fasciné par les estampes de l’époque Edo, est arrivé en 1882 dans l’archipel où il a vécu 17 ans. Il est connu pour son regard parfois critique sur la modernisation du pays. Ses oeuvres dépeignent le vieux Japon qu’il aime et qui n’a pas encore complètement disparu. A partir d’un point de vue différent de celui de estampes ukiyo-e, elles donnent à voir un portrait vivant du Japon d’autrefois.




Les estampes ici exposées – pour la plupart inédites en France – proviennent de deux importantes collections japonaises : 

– Machida City Museum of Graphic Arts, un des musées les plus riches au monde concernant les différentes formes de gravure du Japon comme de l’étranger avec ses 32 000 oeuvres. 

– Kumon Institute of Education. Inspiré par les travaux de l’historien Philippe Ariès sur l’enfance au Moyen Âge, cet institut a commencé à rassembler et à étudier des objets en 1986 et il en conserve aujourd’hui une vaste collection de 3 200 oeuvres.