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“Picasso – Rodin“ 

au Musée national Picasso-Paris et au Musée Rodin, Paris

jusqu’au 2 janvier 2022 (prolongĂ©e jusqu’au 6 mars 2022)

Musée Rodin
Musée Picasso Paris

Interview de VĂ©ronique Mattiussi, Cheffe du service de la recherche et responsable scientifique du fonds historique - MusĂ©e Rodin, et co-commissaire de l’exposition, par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 10 juin 2021, durĂ©e 16’00. © FranceFineArt.

PODCAST Interview de VĂ©ronique Mattiussi, Cheffe du service de la recherche et responsable scientifique du fonds historique – MusĂ©e Rodin, et co-commissaire de l’exposition,

par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 10 juin 2021, durĂ©e 16’00.© FranceFineArt.

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Picasso - Rodin
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©Anne-FrĂ©derique Fer, visite de l’exposition – au musĂ©e Picasso-Paris puis au musĂ©e Rodin, le 10 juin 2021.

Pablo Picasso, Autoportrait, Paris, hiver 1901, huile sur toile, H. 81 x L. 60 cm, Musée national Picasso-Paris, dation Pablo Picasso, 1979, MP4. Photo © RMN-Grand Palais, Mathieu Rabeau © Succession Picasso 2021.
Pablo Picasso, Autoportrait, Paris, hiver 1901, huile sur toile, H. 81 x L. 60 cm, Musée national Picasso-Paris, dation Pablo Picasso, 1979, MP4. Photo © RMN-Grand Palais, Mathieu Rabeau © Succession Picasso 2021.
Auguste Rodin, Autoportrait, vers le 11 novembre 1898, fusain sur papier vélin, H. 42 x L. 29,8 cm, Paris, Musée Rodin, D. 7102 © Musée Rodin, ph. Jean de Calan.
Auguste Rodin, Autoportrait, vers le 11 novembre 1898, fusain sur papier vélin, H. 42 x L. 29,8 cm, Paris, Musée Rodin, D. 7102 © Musée Rodin, ph. Jean de Calan.
Pablo Picasso, L’Acrobate bleu, Paris, novembre 1929, fusain et huile sur toile, H. 162 x L. 130 cm, MusĂ©e national Picasso-Paris, dation Jacqueline Roque-Picasso, MP1990-15, en dĂ©pĂŽt au Centre Pompidou, Paris, MusĂ©e national d’art moderne/Centre de crĂ©ation industrielle. © Succession Picasso 2021.
Pablo Picasso, L’Acrobate bleu, Paris, novembre 1929, fusain et huile sur toile, H. 162 x L. 130 cm, MusĂ©e national Picasso-Paris, dation Jacqueline Roque-Picasso, MP1990-15, en dĂ©pĂŽt au Centre Pompidou, Paris, MusĂ©e national d’art moderne/Centre de crĂ©ation industrielle. © Succession Picasso 2021.
Auguste Rodin, Mouvement de danse, 1911, terre cuite, H. 23,5 x L. 8 x P. 12,5 cm, Paris, Musée Rodin, S.1052. © agence photographique Musée Rodin, Jérome Manoukian.
Auguste Rodin, Mouvement de danse, 1911, terre cuite, H. 23,5 x L. 8 x P. 12,5 cm, Paris, Musée Rodin, S.1052. © agence photographique Musée Rodin, Jérome Manoukian.

Extrait du communiqué de presse :



Commissariat :
Catherine Chevillot, Conservateur général du patrimoine Directrice du Musée Rodin
Virginie Perdrisot-Cassan, Conservateur du patrimoine, responsable des sculptures, des céramiques et du mobilier Giacometti, Musée national Picasso-Paris
Véronique Mattiussi, Cheffe du service de la recherche et responsable scientifique du fonds historique, Musée Rodin





Pour la premiĂšre fois, le MusĂ©e Rodin et le MusĂ©e national Picasso-Paris s’unissent afin de prĂ©senter l’exposition-Ă©vĂ©nement « Picasso-Rodin Â».

Ce partenariat exceptionnel entre deux grands musĂ©es monographiques offre un regard inĂ©dit sur ces artistes de gĂ©nie qui ont ouvert la voie Ă  la modernitĂ© dans l’art. Leurs chefs-d’oeuvre sont prĂ©sentĂ©s simultanĂ©ment au sein des deux monuments historiques qui abritent ces musĂ©es nationaux.

L’exposition invite Ă  une relecture croisĂ©e des oeuvres de Rodin (1840-1917) et Picasso (1881-1973), ces deux grands artistes ayant durablement bouleversĂ© les pratiques artistiques de leur temps pour les gĂ©nĂ©rations Ă  venir. Il ne s’agit pas de montrer ce que Picasso a empruntĂ© Ă  Rodin, mais plutĂŽt d’examiner les convergences signifiantes qui apparaissent entre l’oeuvre de Rodin et plusieurs pĂ©riodes de la production de Picasso. 

Cette relecture croisĂ©e de leurs oeuvres se dĂ©cline en diffĂ©rents chapitres sur les deux lieux, au MusĂ©e Rodin d’une part Ă  travers la crise de la reprĂ©sentation du dĂ©but du XXe siĂšcle, et au MusĂ©e Picasso d’autre part dans les processus crĂ©atifs mis en oeuvre par les deux artistes. À des Ă©poques et dans des contextes diffĂ©rents, Rodin et Picasso participent Ă  une articulation dĂ©cisive de l’histoire et sans doute est-ce lĂ  une des clĂ©s de leurs similitudes. À leur façon, ils inventent un nouveau mode de reprĂ©sentation, expressionniste chez Rodin, cubiste chez Picasso.

Pour Rodin, comme pour Picasso, l’atelier est un espace privilĂ©giĂ© d’expĂ©rimentation sur les formes et les matĂ©riaux. Travail en sĂ©rie, fragmentation, assemblage, dĂ©tournement sont autant d’approches singuliĂšres et novatrices. Le travail de l’artiste en perpĂ©tuel mouvement, explore un motif en constante mĂ©tamorphose.

À travers un dialogue systĂ©matique, cette exposition riche de plus de 500 oeuvres, peintures, sculptures, cĂ©ramiques, dessins, documents d’archives, photographies invite le visiteur Ă  une relecture inĂ©dite de leur parcours artistique foisonnant et innovant.

Pour accompagner l’exposition, un catalogue est disponible aux Ă©ditions Gallimard.

Ervin Marton, Portrait de Pablo Picasso sur la plage de Golfe-Juan en 1949, épreuve gélatinoargentique, Musée national Picasso-Paris, don de Sydney et Claude Ruiz-Picasso, MP1995-1. © Succession Picasso 2021.
Ervin Marton, Portrait de Pablo Picasso sur la plage de Golfe-Juan en 1949, épreuve gélatinoargentique, Musée national Picasso-Paris, don de Sydney et Claude Ruiz-Picasso, MP1995-1. © Succession Picasso 2021.
Anonyme Portrait de Rodin, les cheveux ébouriffés, vers 1898 © Musée Rodin.
Anonyme Portrait de Rodin, les cheveux ébouriffés, vers 1898 © Musée Rodin.

Parcours de l’exposition au MusĂ©e Rodin


Le devant de la scĂšne, avec sa grande rĂ©trospective au pavillon de l’Alma. Il est alors une rĂ©fĂ©rence pour le jeune Pablo Picasso qui vient d’arriver Ă  Paris et dont les premiĂšres sculptures sont « rodiniennes ». Mais surtout, les deux artistes sont confrontĂ©s Ă  de grands bouleversements mondiaux. Il s’agit pour eux d’inventer dans l’art une nouvelle cohĂ©rence visuelle, un nouveau mode de reprĂ©sentation de leur « monde contemporain » si fluctuant.


Le rapport Ă  la nature

Vaste domaine d’étude et de plĂ©nitude, la nature sous toutes ses formes, constitue un dĂ©nominateur commun Ă  Rodin et Picasso. Les deux artistes y prĂ©lĂšvent des fragments d’élĂ©ments naturels. Branches, galets ou coquillages sont les spĂ©cimens choisis et susceptibles de donner forme Ă  leurs rĂȘves. Leur dĂ©marche est intuitive et pour eux la nature se fait matiĂšre, palette ou argile. Elle stimule leur sens de l’observation, attise leur curiositĂ© et intĂšgre rapidement leur processus crĂ©atif. Les empreintes et moulages de feuilles de platane conservent la mĂ©moire d’une beautĂ© Ă©phĂ©mĂšre et Ă  l’exĂ©cution parfaite. Qu’elle soit Ă©lue au rang de culte ou dĂ©tournĂ©e de son sens premier, la nature est pour les deux artistes, propice aux dĂ©couvertes, favorable Ă  l’émerveillement et source de renouvellement.


Un nouveau rapport au réel

Rodin remet en cause le naturalisme et la notion d’imitation, inventant Ă  partir des annĂ©es 1880 un langage expressionniste qui fait largement dĂ©bat, voire polĂ©mique. Picasso rompt avec les codes de la reprĂ©sentation et cherche une maniĂšre de rendre compte de la vie en respectant les deux dimensions de la toile. Dans leurs univers respectifs, ils contribuent Ă  dĂ©passer les acquis considĂ©rĂ©s comme immuables, et trouvent des formes nouvelles adaptĂ©es au monde nouveau qui Ă©merge. Pourtant, l’un et l’autre restent toujours attachĂ©s Ă  la reprĂ©sentation : il leur faut faire tenir ensemble les fragments d’un monde qui semble voler en Ă©clats, rendre compte d’un nouvel univers que, « voyants », ils sentent sourdre et que les anciens modes de reprĂ©sentation sont impuissants Ă  exprimer.


Détour par le primitif

ArchaĂŻque, primitif ou premier : Rodin comme Picasso interrogent ce qu’il est convenu de nommer l’art des origines. FormĂ©s Ă  la culture grĂ©co-romaine, ils remontent le temps pour explorer l’antique, prĂ©cĂšdent le classique, l’art de la GrĂšce archaĂŻque et de l’Égypte, auxquels s’ajoutent pour Rodin l’art de l’Asie, pour Picasso l’art ibĂ©rique et africain. Dans un mĂȘme rejet des acadĂ©mismes, ils abolissent la notion de temps, reliant le passĂ© et sa cohorte d’artistes Ă  leur propre crĂ©ation. Vers 1900, ils s’orientent sur cette voie comme, parmi tant d’autres, Maillol, Bourdelle, Matisse, Derain
 Ces modĂšles sont pour eux comme des leviers pour briser les conventions et dĂ©couvrir de nouvelles formes.


La Porte de l’Enfer — Guernica

La Porte de l’Enfer et Guernica sont deux oeuvres hors normes, par leur taille (6,35 mĂštres de haut, 7,76 mĂštres de long) comme par leur portĂ©e. Dans l’enfer de Rodin comme dans le bombardement de la ville de Guernica de Picasso, terreur et cruautĂ© habitent la vision. Certaines sources leurs sont communes. Le vocabulaire est charnel : on y voit des corps pris dans les flammes, des visages aux expressions d’épouvante, des figures qui chancĂšlent, des Ă©treintes lugubres. Le thĂšme commun des femmes pleurant forme un leitmotiv. La Porte de l’Enfer et Guernica sont chacune prĂ©sentĂ©e pour la premiĂšre fois Ă  l’occasion d’une exposition internationale en 1900 et 1937. Dans les deux cas, la genĂšse en parait suffisamment singuliĂšre Ă  leurs contemporains pour les photographier Ă  divers stades de crĂ©ation ou en faire des films. Elles sont devenues deux monuments, deux visions de la destinĂ©e humaine.


Corps et mouvement

Pour donner Ă  voir le corps, sa vie, son Ă©nergie, Picasso et Rodin usent de tous les mĂ©diums et de toutes les techniques, dans une succession de recherches et de solutions plastiques. Le corps, au repos ou en tension, est traitĂ© sous des angles de vues inattendus, parfois difficiles Ă  comprendre, prĂ©textes Ă  des mĂ©taphores comme celle de la femme-vase. Chaque reprĂ©sentation est un moyen d’apprĂ©hender l’espace autrement et librement. De savants dĂ©sĂ©quilibres suggĂšrent le mouvement, crĂ©ent la dynamique, projettent les figures en apesanteur et soufflent une Ă©nergie rĂ©elle, propre Ă  chacun mais qui rĂ©sonne d’échos profonds. L’inventivitĂ© des recherches souligne l’élan et donne parfois lieu Ă  des assemblages surprenants dans lesquels les sculptures suspendues dĂ©fient les lois de la gravitĂ©.


Éros et mĂ©tamorphose des corps

Une irrĂ©sistible odor di femina accompagne le parcours des deux crĂ©ateurs. Idole ou fĂ©tiche, la figure fĂ©minine dĂ©ploie progressivement les pulsions dans l’expression du dĂ©sir et jusqu’à l’extase la moins convenue. Le pouvoir magnĂ©tique des reprĂ©sentations du corps fĂ©minin en gĂ©nĂ©ral et de l’étreinte en particulier habitent les deux artistes avec obsession. Les rapprochements les plus audacieux qu’ils opĂšrent par leurs figures qui se convulsent, se renversent, s’entremĂȘlent ou se heurtent rĂ©pondent autant Ă  une recherche formelle qu’à un dĂ©sir physique. La femme inspire Ă  Rodin un Ă©loge du dĂ©sir ou une exploration de la jubilation et se manifeste chez Picasso, par un geste de plus en plus rageur, une lecture le plus souvent Ă©rotisĂ©e du monde et une reprĂ©sentation toujours plus exacerbĂ©e de la sexualitĂ©.

Pablo Picasso, Grande Baigneuse au livre, Paris, 18 février 1937, huile sur toile, H. 130 x L. 97,5 cm, Musée national Picasso-Paris, Photo © RMNGrand Palais, Mathieu Rabeau © Succession Picasso 2021.
Pablo Picasso, Grande Baigneuse au livre, Paris, 18 février 1937, huile sur toile, H. 130 x L. 97,5 cm, Musée national Picasso-Paris, Photo © RMNGrand Palais, Mathieu Rabeau © Succession Picasso 2021.
Auguste Rodin, Le Penseur, 1880-82, plùtre patiné, H. 189 x L. 95 cm © Musée Rodin, ph. Hervé Lewandowski.
Auguste Rodin, Le Penseur, 1880-82, plùtre patiné, H. 189 x L. 95 cm © Musée Rodin, ph. Hervé Lewandowski.
Pablo Picasso, La Nageuse, Paris, novembre 1929, Paris, huile sur toile, H. 130 x L. 162 cm, Musée national Picasso-Paris, dation Pablo Picasso, MP119. Photo © RMN-Grand Palais, Adrien Didierjean, © Succession Picasso 2021.
Pablo Picasso, La Nageuse, Paris, novembre 1929, Paris, huile sur toile, H. 130 x L. 162 cm, Musée national Picasso-Paris, dation Pablo Picasso, MP119. Photo © RMN-Grand Palais, Adrien Didierjean, © Succession Picasso 2021.
Auguste Rodin, Iris, messagÚre des dieux, 1895, Paris, H. 82,7 x L. 69 cm, bronze, fonte au sable A. Rudier avant 1916, S.1068, © Musée Rodin, ph. Hervé Lewandowski.
Auguste Rodin, Iris, messagÚre des dieux, 1895, Paris, H. 82,7 x L. 69 cm, bronze, fonte au sable A. Rudier avant 1916, S.1068, © Musée Rodin, ph. Hervé Lewandowski.

Parcours de l’exposition au MusĂ©e national Picasso-Paris

L’exposition « Rodin » au pavillon de l’Alma


En marge de l’Exposition universelle de 1900, Auguste Rodin organise sa premiĂšre rĂ©trospective au pavillon de l’Alma. Construit pour l’occasion Ă  quelques mĂštres des bĂątiments officiels, ce lieu abrite une incroyable concentration de sculptures. Tel un chef d’orchestre, l’artiste a lui-mĂȘme mis en scĂšne ses oeuvres : certaines sont installĂ©es sur des colonnes de plĂątre, d’autres rĂ©pondent aux tableaux, photographies et dessins disposĂ©s Ă  touche-touche. La mĂȘme annĂ©e, Pablo Picasso arrive Ă  Paris et visite trĂšs certainement cette audacieuse manifestation. Sur un dessin, il rĂ©alise le portrait du sculpteur accompagnĂ© de deux figures ressemblant Ă  des phoques. Celles-ci renvoient explicitement Ă  la caricature du Balzac de Rodin, Un pas en avant, sculptĂ©e par Hans Lerche.


La période rodinienne de Picasso

Au tournant du siĂšcle, l’influence d’Auguste Rodin sur la nouvelle gĂ©nĂ©ration d’artistes est incontestable. La production des premiĂšres annĂ©es parisiennes de Pablo Picasso permet l’émergence de formes puissamment modelĂ©es et de postures privilĂ©giant l’émotion. Elle rĂ©vĂšle des rapprochements formels avec l’oeuvre de son aĂźnĂ©, au point que l’historien de l’art Werner Spies qualifie cette pĂ©riode de « rodinienne ». Signe de cette reconnaissance, Picasso dĂ©coupe une reproduction du Penseur dans un journal et l’accroche au mur de son atelier de Barcelone. Sa premiĂšre sculpture connue, Femme assise (1902), modelĂ©e dans la terre, rappelle les femmes accroupies de Rodin, tandis que l’expressionnisme irradie de nombreux dessins et sculptures marquĂ©s par la douleur et la dĂ©formation physique.


L’atelier comme laboratoire de formes

Pour Auguste Rodin, comme pour Pablo Picasso, l’atelier est un espace privilĂ©giĂ© d’expĂ©rimentation, de dĂ©tournement des formes et des matĂ©riaux. Ces deux artistes agissent en alchimistes, mĂ©tamorphosant les sujets et matiĂšres en outils de crĂ©ation. À travers une approche novatrice du fragment devenu oeuvre d’art, ils font du corps humain, qu’ils dĂ©construisent et recomposent, un motif plastique par excellence, se prĂȘtant aux assemblages et variations architectoniques. Aux squelettes issus de la collection personnelle de Rodin et aux abattis, piĂšces miniatures d’une anatomie virtuelle façonnĂ©es par le sculpteur, rĂ©pondent les sĂ©ries graphiques de Picasso, Anatomies ou Crucifixions. Les papiers dĂ©coupĂ©s constituent un autre volet de l’oeuvre fragmentaire, dont la fragilitĂ© et la poĂ©sie composent un nouveau vocabulaire.


Rodin Ă  Meudon

En 1895, Auguste Rodin achĂšte le domaine de Meudon qu’il agrandit et embellit pour y installer son atelier. Les antiques de sa collection cĂŽtoient ses Ɠuvres dissĂ©minĂ©es dans les allĂ©es, jardins et dĂ©pendances. Entre refuge et temple de la crĂ©ation, le lieu est Ă©levĂ© au rang de mythe jusqu’à symboliser l’identitĂ© de l’artiste. Il est un catalyseur de crĂ©ativitĂ© propice Ă  la fusion de l’art et de la nature. Dans ce laboratoire oĂč rĂšgnent lumiĂšre, blancheur et transparence, la terre et le plĂątre deviennent des matĂ©riaux privilĂ©giĂ©s. GrĂące aux assemblages, moulages et empreintes, une esthĂ©tique de l’apparition naĂźt, comme en tĂ©moignent La Cariatide tombĂ©e portant sa pierre ou Torse de la Centauresse et Ă©tude pour Iris. Rodin passe une grande partie de son existence au sein de cet Ă©crin de verdure et y sera enterrĂ©.


Picasso au Boisgeloup

À « l’armĂ©e de plĂątres » Ă©voquĂ©e par le poĂšte Rainer Maria Rilke dans une lettre Ă  son Ă©pouse pour dĂ©signer les statues d’Auguste Rodin Ă  Meudon rĂ©pond « le peuple de sculptures », dont BrassaĂŻ parle Ă  propos des crĂ©ations de Pablo Picasso dans l’atelier de Boisgeloup. DĂ©sireux d’un espace suffisamment Ă  l’écart de la capitale, l’artiste acquiert ce domaine normand situĂ© prĂšs de Gisors, en juin 1930, et s’y Ă©tablit jusqu’en 1936. Au cours de cette parenthĂšse enchantĂ©e, Picasso privilĂ©gie Ă  son tour le plĂątre pour modeler ses Bustes et TĂȘtes de femme. Il dĂ©veloppe un langage proche de celui de Rodin, oĂč la blancheur et la lumiĂšre sont essentielles. Dans ce lieu d’expĂ©rimentation protĂ©iforme, l’artiste cĂ©lĂšbre la nature, dont les formes et matĂ©riaux viennent nourrir ses oeuvres.


Empreinte, inachĂšvement et non finito

« Terminer une oeuvre ? [
] Quelle bĂȘtise ! Terminer veut dire en finir avec un objet, le tuer, lui enlever son Ăąme. » (Picasso, citĂ© par Jaime SabartĂ©s dans Picasso : portraits et souvenirs, 1946.) Pour Pablo Picasso, aussi bien que pour Auguste Rodin, « l’ñme » d’une oeuvre est portĂ©e par la puissance expressive de la matiĂšre, exaltĂ©e grĂące Ă  la technique de l’empreinte qui met Ă  nu les aspĂ©ritĂ©s de la surface, la trace des outils et les accidents de crĂ©ation. HĂ©ritiers du non finito de Michel-Ange, les deux artistes tirent parti des potentialitĂ©s plastiques des matĂ©riaux pour jouer sur les contrastes entre les blocs laissĂ©s bruts et les modelĂ©s lisses, comme dans Adam et Ève de Rodin et Buste de femme de Picasso.


La série comme forme

« On ne peut vraiment suivre l’acte crĂ©ateur qu’à travers la sĂ©rie de toutes les variations. » (Picasso, citĂ© par BrassaĂŻ dans Conversations avec Picasso, 1964.) Chez Auguste Rodin et Pablo Picasso, le travail en sĂ©rie place la question de la genĂšse de l’oeuvre au cƓur du processus crĂ©atif. Pourtant, les visĂ©es sont diffĂ©rentes. Dans la sĂ©rie des bustes de Clemenceau ou les dessins de Nus de dos de Rodin, l’artiste traite d’un mĂȘme sujet Ă  plusieurs reprises afin de capter la forme juste dans une quĂȘte insatiable de vĂ©ritĂ©. C’est moins la ressemblance physique que la saisie de l’ñme qui lui importe. Travaillant Ă©galement en sĂ©rie, Picasso dĂ©cline Ă  l’envi la composition des Femmes d’Alger, d’aprĂšs EugĂšne Delacroix, pour mieux en percevoir l’essence. L’art de la sĂ©rie devient le vecteur privilĂ©giĂ© d’une pensĂ©e en perpĂ©tuel mouvement, explorant les possibilitĂ©s d’un motif en constante mĂ©tamorphose.


Balzac

Aux yeux de Pablo Picasso et Auguste Rodin, HonorĂ© de Balzac incarne la figure du gĂ©nie en quĂȘte d’une insaisissable perfection. FascinĂ©s par l’homme et la force de ses Ă©crits, l’un et l’autre se sont essayĂ©s Ă  le portraiturer et Ă  illustrer ses oeuvres. À la suite d’un travail mĂ©ticuleux de prĂ©paration semblable Ă  celui de l’écrivain et dont tĂ©moignent de nombreuses Ă©tudes, Rodin livre dans son Monument Ă  Balzac, conspuĂ© lors de sa rĂ©ception, une Ă©vocation Ă©loquente de la force crĂ©atrice de l’esprit visionnaire du romancier. Picasso, ayant trĂšs probablement vu l’oeuvre de son aĂźnĂ©, se saisit Ă  sa suite de cette figure majeure de la littĂ©rature en illustrant plusieurs romans de La  omĂ©die humaine avec des dessins et lithographies. Le Chef-d’oeuvre inconnu et Le PĂšre Goriot sont deux exemples.


La pratique de la collection

Bien qu’elle diffĂšre dans la mĂ©thode, la pratique de la collection tisse, pour Pablo Picasso et Auguste Rodin, des liens Ă©troits avec la crĂ©ation. Tandis que Rodin achĂšte de maniĂšre plĂ©thorique et systĂ©matique, Picasso aime s’entourer d’oeuvres glanĂ©es au grĂ© des amitiĂ©s artistiques et opportunitĂ©s marchandes. Les collections mĂ©langent antiques, arts extra-occidentaux, peintures, arts graphiques et curiositĂ©s. Elles constituent un vĂ©ritable musĂ©e imaginaire, sans frontiĂšres entre art du passĂ© et production contemporaine. Est Ă©voquĂ© ici l’esprit de la « vitrine-musĂ©e » de l’appartement des Grands-Augustins, photographiĂ©e par BrassaĂŻ, dans laquelle Picasso mĂȘlait ses oeuvres Ă  sa collection personnelle.


Biomorphisme

La tendance au biomorphisme – des oeuvres non figuratives dont les formes sont inspirĂ©es de la vie – est forte dans les oeuvres de Pablo Picasso et d’Auguste Rodin, la nature Ă©tant une source d’inspiration majeure. Plus encore, le processus de gĂ©nĂ©ration propre au vivant constitue le modĂšle Ă  suivre dans l’acte de crĂ©ation. En vĂ©ritable dĂ©miurge, Rodin donne ainsi naissance Ă  des ĂȘtres animĂ©s et puissants, Ă  l’image d’Iris ou de La MĂ©ditation intĂ©rieure, vibrantes d’énergie. La Nageuse illustre le langage qu’adopte Picasso : la ligne courbe irrĂ©guliĂšre et la mĂ©tamorphose de son corps en mouvement, exaltations de la nature crĂ©atrice, sont reines. Cette dĂ©fĂ©rence envers la vitalitĂ© de la nature, Ă  l’origine d’une puissance expressive sans Ă©gale, met en exergue le gĂ©nie des deux artistes.


Assemblage(s)

L’association d’élĂ©ments prĂ©existants – objets, matĂ©riaux ou sculptures – est au centre de la pratique artistique de Pablo Picasso et Auguste Rodin. Issu de collectes et d’agencements inattendus, l’assemblage tĂ©moigne d’un intense travail d’atelier au cours duquel les deux artistes puisent dans leurs collections et rĂ©pertoires respectifs. Avec une dĂ©marche artisanale assumĂ©e, ils s’émancipent de toutes les conventions artistiques et renouvellent la crĂ©ation grĂące Ă  d’audacieuses mĂ©thodes combinatoires qui mĂ©tamorphosent les formes. Qu’il s’agisse d’assemblages composites rĂ©alisĂ©s Ă  partir d’élĂ©ments rĂ©cupĂ©rĂ©s, de collages ou de constructions, les Ɠuvres individuelles se dĂ©clinent en multiples, telles les variations de Rodin, Ă  partir de la figure de PolyphĂšme, ou le Pierrot assis de Picasso, dont le visage reprend un masque sculptĂ© par l’artiste en tĂŽle pliĂ©e et peinte.


Le rapport à l’espace

Pour Auguste Rodin comme pour Pablo Picasso, l’espace est une dimension plastique de l’oeuvre. En ce sens, le rapport que ces deux artistes instaurent entre la sculpture et son environnement est novateur. Outrepassant les codes du monument public, ils proposent de puissants hommages qui s’exposent aux refus et scandales : c’est notamment le cas des deux Monument Ă  Balzac et Monument Ă  Apollinaire. L’Homme au mouton de Picasso, inaugurĂ© Ă  Vallauris en 1950, rĂ©pond Ă  la force mythique du Saint Jean-Baptiste de Rodin, dont la posture fend l’espace. Cette attitude visionnaire se retrouve dans le traitement des socles, envisagĂ©s dans l’un et l’autre cas comme de vĂ©ritables prolongements des oeuvres. Voulant traduire le mouvement dans l’espace, les deux artistes anticipent les effets optiques de l’art cinĂ©tique et parviennent Ă  animer leurs sculptures : Rodin grĂące Ă  la dĂ©multiplication dans Les Ombres, Picasso grĂące Ă  la combinaison des points de vue dans ses sculptures.