đ âHors Pistes – 16e Ă©ditionâ LâĂ©cologie des images, au Centre Pompidou, Paris, du 1er au 14 fĂ©vrier 2021
âHors Pistes – 16e Ă©ditionâ
LâĂ©cologie des images, festival en ligne
au Centre Pompidou, Paris
du 1er au 14 février 2021
Centre Pompidou
Festival Hors Pistes
PODCAST – Interview de GĂ©raldine Gomez, chargĂ©e de programmation du Festival Hors Pistes,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 25 janvier 2021, durĂ©e 26â09, © FranceFineArt.
© Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, visite de l’exposition avec GĂ©raldine Gomez, le 25 janvier 2021.
Extrait du communiqué de presse :
Commissariat :
Géraldine Gomez, chargée de programmation.
assistĂ©e dâAlexandre Finkelsztajn
Du climat aux Ă©crans, les dĂ©sordres planĂ©taires changent notre culture visuelle. Durant quinze jours, le festival Hors Pistes convie cinĂ©astes, artistes et chercheurs pour alerter les regards et entrevoir dâautres avenirs. Plus de 50 rendez-vous exclusifs et gratuits Ă suivre sur centrepompidou.fr.
Ăditorial
L’explosion des plateformes ou celle de la vidĂ©oconfĂ©rence en tĂ©moignent : depuis un an, la pandĂ©mie de covid-19 a ralenti la circulation des corps et dĂ©multipliĂ© celle des images. Proposer, dans ce contexte, un festival intĂ©gralement en ligne et non in situ comme initialement prĂ©vu, vous donner rendez-vous chaque jour sur internet pour y partager rencontres, projections, performances, c’est installer cette 16e Ă©dition de Hors Pistes sur la crĂȘte de ce paradoxe : d’Ă©cran en Ă©cran, le partage infini des images contraste avec notre conscience des limites planĂ©taires et du soin qu’il nous faut prendre de ce monde fini dans lequel rĂ©apprendre Ă habiter. Quelle Ă©cologie, alors, pour les images ?
LâarrivĂ©e dâun train, la sortie dâune usine : on remarque rarement combien, avec les frĂšres LumiĂšre, la naissance du cinĂ©ma emprunta ses emblĂšmes Ă la rĂ©volution industrielle, cĂ©lĂ©brant ici la mobilitĂ© et la vitesse, sâattardant lĂ sur la foule affairĂ©e des travailleurs du regard. Lâextraction des moindres Ă©clats du rĂ©el et leur rĂ©plication sur pellicule vont alors bon train : bientĂŽt, les rails du travelling sâinspireront de ceux du chemin de fer et les studios afficheront fiĂšrement leur statut dâindustrie ; il nây aura guĂšre que Buster Keaton Ă la proue dâune locomotive ou Charlie Chaplin entre deux roues dentĂ©es pour sâinquiĂ©ter de la frĂ©nĂ©sie de conquĂȘte technique et gĂ©ographique oĂč les images se trouveront prises, de lâappĂ©tit avec lequel elles annexeront des territoires entiers au pĂ©rimĂštre du visible, se dispensant dâinterroger leur propre impact sur la nature ou sur les peuples ainsi offerts Ă la voracitĂ© de lâoeil.
Un siĂšcle plus tard, cette Ă©vidence a vĂ©cu. Ă mesure que les enjeux Ă©cologiques sâinstallent au coeur des motifs du cinĂ©ma populaire, Ă mesure aussi que les effets du changement climatique sâavĂšrent sous nos yeux dans des lueurs dâincendie, la tension sâaccroĂźt entre le souci de protĂ©ger lâenvironnement des effets destructeurs de lâactivitĂ© humaine, et les formes de production, de circulation et de consommation des images. Car le train des frĂšres LumiĂšre nâa pas cessĂ© de rouler, ni son rĂ©seau de sâĂ©tendre : il dessert dĂ©sormais, outre les salles de cinĂ©ma, les multiples terminaux qui donnent sur nos rĂ©tines et il ne nous est plus permis de fermer les yeux sur ce quâil exige de terres rares dans nos tĂ©lĂ©phones, de cĂąbles sous nos ocĂ©ans, dâĂ©nergie pour refroidir nos serveurs. Peut-on imaginer et pratiquer une Ă©cologie des images?
Peut-on, aux images conquĂ©rantes, substituer des visions dâartistes en forme de prĂ©sages, attachĂ©es Ă alerter sur les dangers et les possibles dâune transformation planĂ©taire dont les effets sont encore Ă venir ? Ces questions traverseront la 16e Ă©dition de Hors Pistes, festival dĂ©diĂ© Ă explorer toutes les formes de lâimage en mouvement, et Ă rencontrer celles et ceux qui en font la matiĂšre de leur crĂ©ation, de leur pensĂ©e et de leur Ă©criture. Conçue Ă lâorigine autour dâune exposition, de projections, de performances et de parole, cette 16e Ă©dition dorĂ©navant numĂ©rique souhaite rester fidĂšle Ă son ambition initiale en articulant des productions originales (comme la visite virtuelle de lâexposition) et des interventions de grandes voix de la crĂ©ation contemporaine qui, chacune dans leur domaine conjuguent la quĂȘte de sobriĂ©tĂ© Ă©cologique et le souci du vivant : Kelly Reichardt au cinĂ©ma, Vinciane Despret en philosophie, JĂ©rĂŽme Bel dans le champ de la danse contemporaine, Hito Steyerl ou Nicolas Gourault dans celui des arts visuels, Philippe Descola en anthropologie des images et bien dâautres encore guideront nos regards et nos pas.
Mathieu Potte-Bonneville, Directeur du département culture et création du Centre Pompidou
Coup d’Ćil sur l’Ă©cologie des images
Lâensemble du programme et les horaires sont Ă retrouver sur le site : www.centrepompidou.fr/fr/horspistes2021
Comment les images donnent-elles Ă voir lâurgence environnementale ? Comment le souci de lâimpact Ă©cologique des images transforme-t-il la fabrique et la diffusion de notre culture visuelle ? Le Festival Hors Pistes proposera cette annĂ©e une programmation mĂȘlant projections, exposition et rencontres sous le signe de « lâĂ©cologie des images ».
Du 1er au 14 février, se feront ainsi écho :
Lâexposition « MatiĂšres dâimage », rassemblant les oeuvres contemporaines de plasticiens et vidĂ©astes (Nicolas Gourault, Peter Hutton, Alice Lenay, le collectif Fossilation, Michelangelo Frammartino, Lia Giraud, Jacques PerconteâŠ), dans un jeu de confrontations entre photographie argentique et image numĂ©rique traquant les signes de lâavenir dans les mutations du paysage, Ă©clairĂ©s par les incendies gĂ©ants que les films amateurs documentent dans de nombreuses parties du monde.
Le festival réunira de grandes voixqui, dans de multiples domaines de la pensée et de la création, mettent la préoccupation environnementale au coeur de leur recherche et de leur pratique.
Ouvert par un dialogue entre la philosophe Vinciane Despret (invitĂ©e intellectuelle du Centre Pompidou en 2021) et lâartiste TomĂĄs Saraceno, le festival se clĂŽturera par une rencontre entre lâanthropologue PhilippeDescola et la documentariste Eliza Levy qui lui consacre le film Composer les mondes.
La plasticienne Hito Steyerl, dont lâexposition majeure ouvrira le 3 fĂ©vrier en Galerie 2 du Centre Pompidou, conversera avec le philosophe Peter Szendy, pour une sĂ©ance exceptionnelle du cycle PlanĂ©tarium consacrĂ© aux cartographies contemporaines.
Rendez-vous de la rĂ©flexion sur toutes les formes de lâimage en mouvement, Hors Pistes sera ponctuĂ© de nombreux rendez-vous :
Rendez-vous de parole : rencontres quotidiennes avec « La leçon des images » conviant cinĂ©astes, chercheurs, photographes⊠de tous horizons Ă proposer tour Ă tour leur regard singulier sur les images qui les ont marquĂ©s ; feuilletons au long cours confiĂ©s, une semaine durant, au critique de cinĂ©ma HervĂ© Aubron puis Ă lâhistorienne de l’art Anne Lafont.
Rendez-vous en images : projections « Animation et écologie » avec la revue Blink Blank.
Rendez-vous collectifs : avec les huit intervenants du « marathon » rĂ©unis par Marie Rebecchi, les jeunes rĂ©alisateurs de Master de lâĂcole des Arts de la Sorbonne, les finalistes du festival de cinĂ©ma en Ă©cole dâart Si CinĂ©ma⊠comme autant de maniĂšres de prendre la mesure dâune prĂ©occupation Ă©cologique aujourdâhui partagĂ©e.
Lâexposition MatiĂšres dâimage
Les images constatent, tĂ©moignent, investissent, dĂ©noncent, accusent irrĂ©mĂ©diablement. Elles captent, surveillent, tracent, enregistrent et deviennent de vĂ©ritables piĂšces Ă conviction sur lâĂ©tat de notre planĂšte. Un flux littĂ©ral, qui rĂ©vĂšle toujours plus la dĂ©gradation de notre environnement et de nos conditions de vie. Câest un nouveau continent qui est nĂ©, qui investit notre attention, dessine nos imaginaires, nos peurs, nos fictions et nos avenirs.
Ce ne sont pas de ces images dont il sâagit ici. SâentremĂȘlent des images argentiques, numĂ©riques, projetĂ©es sur les murs, un Ă©cran, sur de lâeau, une membrane, des images aux matiĂšres variĂ©es, qui ont comme lien celui de lâobservation du monde.
Ainsi lâexposition propose une halte, une brĂšche, un souffle suspendu Ă lâimage : non celle que lâon voit, mais celle qui manque. Non celle qui nâaurait pas Ă©tĂ© filmĂ©e, mais celle qui augure dâune scĂšne encore Ă venir, Ă la maniĂšre des prĂȘtres de lâantiquitĂ©, qui du bout dâun bĂąton, tracent dans le ciel un rectangle et y observent un signe qui vient Ă surgir.
Ces images laissent prĂ©sager. Que va-t-il se passer dans les paysages grondants de Peter Hutton, dans les montagnes en mutations de Jacques Perconte. Que nous rĂ©vĂšlent les algues marines appelĂ©es « oeil vĂ©ritable » de Lia Giraud ou la camĂ©ra embarquĂ©e sur le dos dâun animal de Nicolas Gourault, dâune promenade non humaine Ă ras du sol, dâautres paysages ? dâautres reprĂ©sentations du monde. Que cherchent les mains des sculptrices filmĂ©es par Kelly Reichardt dans la terre, cette mĂȘme terre, Ă©corce de la planĂšte, retravaillĂ©e par les motifs pixĂ©lisĂ© et hypnotiques de Nicolas Sassoon et Rick Silva qui enferment une histoire du monde⊠Dans ces quadrati rectangulaires, la scĂšne qui sây augure, par dĂ©finition ne sây trouve pas encore. [Pascal Quignard, Sur lâimage qui manque Ă nos jours.]
Les images sont souvent silencieuses, seule la voix de lâartiste chamane numĂ©rique, Seumboy Vrainom :âŹ, rĂ©sonne. Autant dâhistoires Ă suivre, dâune Ă©cologie Ă inventer.
GĂ©raldine Gomez, Programmatrice du festival Hors Pistes