🔊 “Après, on oublie” un récit photographique de Bruno Dubreuil, un livre-objet dessiné par Claire Jolin
“Après, on oublie”
un récit photographique de Bruno Dubreuil
un livre-objet dessiné par Claire Jolin
Les Editions Orange Claire
Les Ă©ditions Orange Claire
Claire Jolin
Bruno Dubreuil
PODCAST –Â Interview de Bruno Dubreuil et de Claire Jolin,
par Anne-Frédérique Fer, enregistrement réalisé par téléphone, entre Paris et Metz, le 4 décembre 2020, durée 21’48. © FranceFineArt.
(photo Bruno Dubreuil, crĂ©dit © Coline Sentenac – Claire Jolin, crĂ©dit © Sabrina Karp)
Extrait du communiqué de presse
Étrange objet que la mémoire. Dont il nous faut rendre compte à l’aide de deux autres objets non moins délicats : la pensée et le langage.
Plus qu’un livre autobiographique ou historique, « Après, on oublie » est un livre sur la mémoire. Il relate donc des histoires et suit leur modification au cours du temps.
Ce qui s’y raconte se transforme, se perd, se retrouve, se recouvre, opérant pour le lecteur le même travail que celui qui s’effectue dans la mémoire du narrateur.
C’est là que réside la seule vérité de ce livre. Celle d’un moment et d’une conscience. Au fond, c’est un livre qui fait l’expérience de la mémoire.
Après, on oublie.
Les origines du projet
« J’ai rencontrĂ© Bruno Dubreuil Ă Metz oĂą il venait prĂ©senter son rĂ©cit “Katyn ou les retournements de la mĂ©moire” », se souvient Claire Jolin. « J’Ă©tais fascinĂ©e par le mode de lecture foisonnant qu’il avait crĂ©Ă© dans son installation exposĂ©e Ă Paris en 2017. On avait l’impression de rentrer dans un cerveau. »
Bruno Dubreuil : « Des histoires de famille, nous en avons tous. Les miennes ont pour cadre des Ă©vènements marquants de la Seconde Guerre mondiale : les camps de concentration, le massacre des soldats polonais Ă Katyn (la branche maternelle de ma famille est germanopolonaise). Mais ce qui m’intĂ©resse surtout, c’est la façon dont les histoires se modifient et dont l’histoire ne cesse de se rĂ©Ă©crire (des Ă©vènements qui rĂ©sonnent dans un prĂ©sent tiraillĂ© par les rĂ©visionnismes historiques). C’est un voyage dans la conscience individuelle et collective. »
En 2018, Bruno Dubreuil expose un nouveau chapitre de son rĂ©cit, plus photographie : “OĹ›wiÄ™cim ou le pĂ©rimètre de la mĂ©moire”. De grands panneaux implantĂ©s en quinconce dans un jardin public en permettaient une lecture non linĂ©aire. « En parallèle de cette exposition, j’ai Ă©ditĂ© un petit livret qui relatait surtout l’histoire de manière chronologique », raconte Bruno. « Oui, tu me l’as offert. », se souvent Claire Jolin. « Mais je dois avouer qu’il lui manquait quelque chose : selon moi, il Ă©tait dommage de se contenter d’adapter les panneaux d’exposition aux pages du livre. Avec l’objet-livre, on pouvait proposer une expĂ©rience de lecture plus riche ».
Pourquoi un livre-objet ?
Bruno Dubreuil : « En tant qu’Ă©ditrice, Claire Jolin travaille particulièrement sur la relation photo-texte, laquelle est au coeur des mes propres projets. “Fensch”, son livre prĂ©cĂ©dent, possĂ©dait aussi une dimension expĂ©rimentale qui m’intĂ©ressait beaucoup : ce n’est pas seulement un livre de photos et de texte, c’est un livre dont la manipulation transforme le lecteur en acteur. Enfin, je savais que les Ă©changes professionnels seraient fĂ©conds. »
« Quand nous avons commencĂ© Ă travailler ensemble sur ce rĂ©cit photographique, je me suis vraiment rendue compte de la puissance d’Ă©criture – photographique et littĂ©raire – de Bruno »
Bruno Dubreuil, auteur
« En Ă©crivant ce rĂ©cit, je suis conscient de son peu de poids au regard des Ă©vènements historiques dans lesquels il prend place. J’ai longtemps cru que ces Ă©vènements en Ă©taient la matière-mĂŞme, mais je sais maintenant qu’il s’agit d’autre chose… », Ă©crit Bruno Dubreuil en prĂ©ambule de son rĂ©cit photographique.
« La mĂ©moire, les constructions du langage, la reprĂ©sentation de la pensĂ©e : ce sont toujours les mĂŞmes thèmes qu’on retrouve dans mon travail d’artiste ou de commissaire d’exposition. Pour matière première, les traces d’Ă©vĂ©nements historiques majeurs telles qu’elles sont transformĂ©es par la vie intĂ©rieure. Je recompose ensuite ces Ă©vènements Ă travers une narration spatialisĂ©e, une mise en rĂ©cit visant Ă reprĂ©senter, plutĂ´t qu’une pure narration chronologique, le fil d’une Ă©laboration psychique. »
Bruno Dubreuil a commencĂ© par pratiquer la peinture. Aujourd’hui, son medium principal est la photographie qu’il croise avec l’Ă©criture, la narration et la mise en espace. Son champ d’action est celui de la mĂ©moire afin de produire des rĂ©cits qui articulent l’image et le langage. Il dĂ©compose et recompose alors les Ă©vènements de la petite et de la grande histoire pour donner Ă voir le processus d’Ă©laboration de notre vie psychique. Ce travail d’analyse et de crĂ©ation trouve son prolongement dans ses activitĂ©s de critique d’art et de commissaire d’exposition.
Claire Jolin, dessin de l’objet-livre
Ce livre a Ă©tĂ© conçu Ă quatre mains. La matière brute est l’oeuvre de Bruno Dubreuil, mais c’est ensemble qu’ils ont travaillĂ© sur l’objet-livre. Claire Jolin s’est emparĂ©e très librement des matĂ©riaux textes-images et de la trame du rĂ©cit pour y mettre sa patte : couper dans les images, les dissocier et les rĂ©arranger, les remonter et les remontrer, jouer entre la temporalitĂ© du rĂ©cit et celui de la lecture. Avec trois objectifs : attiser l’activitĂ© sensoriel du lecteur, enrichir le sens du propos de l’auteur, dĂ©multiplier l’expĂ©rience de lecture.
Avec une pratique artistique tournée vers l’expérimentation et le volume en photographie comme en livre et une activité d’éditrice et de graphiste, Claire Jolin stimule les postures et les frontières entre les métiers. Si elle maîtrise les outils numériques, elle donne une place centrale au geste dans sa pratique créative. Depuis 2005, elle conçoit et réalise des maquettes de livres et de magazines. En 2017, elle crée sa propre maison d’édition, Les éditions Orange Claire, mettant en avant des projets d’auteurs autour de la photographie et de la littérature.