“Voyage sur la route du Kisokaidō” de Hiroshige à Kuniyoshi
au musée Cernuschi
du 16 octobre 2020 au 17 janvier 2021 (prolongée jusqu’au 8 août 2021)

PODCAST – Interview de Manuela Moscatiello, responsable des collections japonaises du musée Cernuschi et commissaire de l’exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 19 octobre 2020, durée 15’23, © FranceFineArt.
© Anne-Frédérique Fer, visite de l’exposition avec Manuela Moscatiello, le 19 octobre 2020.






Extrait du communiqué de presse :
commissaire : Manuela Moscatiello, responsable des collections japonaises du musée Cernuschi
Voyage sur la route du Kisokaidō. De Hiroshige à Kuniyoshi est la première exposition proposée par le musée Cernuschi après sa réouverture à l’issue d’un chantier de rénovation de 9 mois. Elle rassemblera, à partir du 16 octobre, un ensemble inédit de près de cent cinquante estampes japonaises, dont certaines seront dévoilées pour la première fois au public. À travers un parcours rythmé par les différents relais de la route du Kisokaidō, un choix d’objets remarquables fera écho aux gravures exposées : armure, boîtes à calligraphie, katana, selle de bataille ou encore nécessaires à pique-nique seront présentés.
L’exposition permettra de parcourir en images l’une des routes les plus spectaculaires du Japon : le Kisokaidō, qui était une des cinq voies du réseau routier créé au Japon durant l’époque Tokugawa (1603-1868). Elle reliait Edo (actuelle Tōkyō), où le shogun avait sa résidence, à Kyōto, siège de l’empereur. Contrairement à la route du Tōkaidō, qui rejoignait l’ancienne capitale en cinquante-trois relais le long de la côte, le Kisokaidō, jalonné de soixante-neuf étapes, traversait l’intérieur montagneux. Il suivait un itinéraire plus long, parfois plus pittoresque et ardu en raison de la présence de neuf cols escarpés.
Entre 1835 et 1838 le Kisokaidō fit l’objet d’une série d’estampes réalisées par Eisen (1790-1848) et Hiroshige (1797-1858), dont le succès fut considérable. Deux autres séries virent le jour sous le pinceau de Kunisada (1786-1865) et de Kuniyoshi (1797-1861).
La série d’Eisen et Hiroshige, ainsi que celle de Kuniyoshi, constituent les deux grandes parties du parcours de l’exposition.
Un parcours en deux temps autour du thème du voyage
Deux séries complètes du Kisokaidō sont présentées dans l’exposition : la première signée par Eisen et Hiroshige, provenant de la collection Georges Leskowicz, est considérée comme l’une des plus belles au monde pour la qualité du tirage. La seconde série réalisée par Kuniyoshi, appartenant à l’ancienne collection de Henri Cernuschi (1821-1896), est dévoilée au public pour la première fois.
Première partie : Le Kisokaidō d’Eisen (1790-1848) et Hiroshige (1797-1858)
Keisai Eisen (1790-1848) et Utagawa Hiroshige (1797-1858) sont deux figures incontournables de l’art japonais, particulièrement renommés pour leurs estampes gravées sur bois de l’ukiyo-e (littéralement « images du monde flottant »). Eisen commença à réaliser la série des Soixante-neuf Relais de la route du Kisokaidō, qui fut achevée par son contemporain Hiroshige.
Hommage à la beauté et à la quiétude des paysages montagneux de l’intérieur du Japon, la série relève plus précisément du genre meisho-e, voué à la représentation des plus célèbres vues du pays.
Elle comporte vingt-quatre estampes d’Eisen (1790-1848), dont les étapes sont choisies sans souci de cohérence topographique, et quarante-sept signées par Hiroshige (1797-1858), qui a voyagé sur la route en faisant des croquis, aujourd’hui conservés au British Museum, à Londres.
Enthousiasmés par l’immense succès de la série consacrée aux Cinquante-trois Relais de la route du Tōkaidō publiée vers 1833-1834, Hiroshige et l’éditeur Takenouchi Magohachi envisagent de renouveler leur collaboration autour d’un autre chemin célèbre, le Kisokaidō.
Cependant pour des raisons inconnues, c’est à Eisen, fin observateur de la nature et des activités humaines, que Takenouchi confie les premiers dessins parus à partir de 1835, sur lesquels figurent des titres différents.
Hiroshige, artiste sensible au spectacle éphémère de la nature, dont il saisit les moindres variations, prend le relais en renommant ses compositions. Il complète la série sous la direction d’un autre éditeur, Iseya Rihei, qui achève le projet en publiant les deux derniers tiers des estampes.
La série du Kisokaidō présentée ici provient de la collection Georges Leskowicz. Comprenant les premiers tirages de la première édition, elle est considérée comme l’une des plus belles au monde, en raison de la qualité de l’impression et de la fraîcheur des couleurs.
Le parcours est enrichi d’outils de médiation et de dispositifs numériques pour permettre aux visiteurs d’appréhender l’art de la gravure et offrir une véritable immersion au coeur du Kisokaidō.
Une carte murale détaillant toutes les étapes de la route accueille les visiteurs, et représente également la route du Tōkaidō, donnant un aperçu de ces deux grands itinéraires traversant le Japon.
Une première vidéo dans l’espace d’introduction dévoile une série d’images autour d’une sélection de 8 relais. Des photographies de l’ère Meiji (1868-1912) et contemporaines sont mises en parallèle, illustrant l’évolution des paysages de la route d’hier à aujourd’hui.
Les visiteurs sont ensuite invités à découvrir le processus de fabrication d’une estampe à travers l’oeuvre d’Hiroshige en visionnant une deuxième vidéo, diffusée dans la grande galerie du parcours.
Deuxième partie : Le Kisokaidō de Kuniyoshi (1797-1861)
Utagawa Kuniyoshi (1797-1861) est l’un des maîtres japonais les plus singuliers de l’ukiyo-e. Il reprit le même thème que ses prédécesseurs, sous un angle différent, souvent teinté d’humour. Dans ses créations, l’artiste aborde ainsi le sujet de manière personnelle en s’inspirant de la littérature classique, du théâtre des marionnettes, du kabuki et du nō, ainsi que des légendes du folklore japonais : fantômes, esprits, samouraïs, courtisanes… Il évoque des épisodes littéraires ou historiques très populaires à l’époque d’Edo (1603-1868), comme La Chronique des huit chiens de Satomi du célèbre écrivain Kyokutei Bakin (1767-1848), paru en 106 volumes de 1814 à 1842.
Artiste de l’école Utagawa et condisciple de Kunisada (1786-1865), dont il est le plus grand rival, Kuniyoshi (1797-1861) est doué d’une imagination si débordante qu’il aurait livré jusqu’à trois dessins par jour, souvent avec l’aide de ses élèves.
La série qu’il consacre à la route du Kisokaidō comporte soixante-douze estampes : deux pour les villes de départ et d’arrivée, soixante-neuf pour les relais et une page listant les étapes. Elle est le fruit de la collaboration de diverses équipes d’artisans, supportées par douze éditeurs différents, qui ont investi dans cet ambitieux projet.
Pour ses créations, Kuniyoshi utilise le même procédé humoristique que Kunisada, consistant à établir un parallèle entre le paysage et un sujet sans aucun rapport, en apparence. S’inspirant d’épisodes littéraires ou historiques très populaires à l’époque d’Edo, les scènes représentées ont rarement un lien direct avec les relais auxquels elles sont associées. Très souvent, le rapprochement est fait par des jeux de mots.
Les éléments de paysage figurant dans les encadrés en haut à gauche, dont la forme varie en fonction de l’histoire évoquée, sont probablement des inventions de l’artiste. Il a pu également se servir d’une référence iconographique, tel un livre illustré sur le Kisokaidō.
Provenant de l’ancienne collection de Henri Cernuschi, ces estampes réunies dans deux albums ont fait l’objet d’une restauration récente. Elles sont présentées au public pour la première fois.
Les deux parties de l’exposition proposent ainsi une vision panoramique de toute la richesse iconographique d’un même sujet, dont les oeuvres ont été réalisées sur une période courte, une vingtaine d’années seulement.
L’exposition est accompagnée d’un catalogue Éditions Paris Musées Voyage sur la route du Kisokaidō. De Hiroshige à Kuniyoshi sous la direction de Manuela Moscatiello.