🔊 “Sarah Moon” PassĂ©PrĂ©sent, au MusĂ©e d’Art moderne de Paris, du 18 septembre 2020 au 10 janvier 2021 (prolongĂ©e jusqu’au 4 juillet 2021)
“Sarah Moon” PassĂ©PrĂ©sentÂ
au Musée d’Art moderne de Paris
du 18 septembre 2020 au 10 janvier 2021 (prolongĂ©e jusqu’au 4 juillet 2021)
PODCAST – Interview de Fanny Schulmann, commissaire de l’exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 17 septembre 2020, durée 13’55, © FranceFineArt.
© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 17 septembre.
Extrait du communiqué de presse :
Commissaire : Fanny Schulmann
Assistante de l’exposition : Pauline Roches
Le Musée d’Art Moderne de Paris présente l’exposition « PasséPrésent »autour de l’oeuvre de Sarah Moon. Reconnue comme une grande photographede mode, active en France et à l’étranger depuis la fin des années soixante,ses réalisations débordent pourtant ce seul domaine, et l’expositionsouhaite faire découvrir la singularité de son travail, tant photographiqueque cinématographique.
PasséPrésent a été imaginé par Sarah Moon comme une installation faisant dialoguer les photographies, les films et les livres que l’artiste réalise depuis le début de son parcours.
D’abord mannequin dans les années 1960, Sarah Moon pratique la photographie en autodidacte, et conçoit ses premières campagnes pour la mode, qui rencontrent un écho international – en particulier pour l’image de la marque Cacharel. Elle façonne un univers fictionnel où affleurent les références littéraires et cinématographiques. Au milieu des années 1980, elle initie une pratique plus personnelle, qui prolonge ses recherches sur la fabrication des récits, sur les illusions photographiques et leur disparition dans la fuite du temps. Aborder l’oeuvre de Sarah Moon nécessite en effet de revoir nos valeurs temporelles, et leurs délimitations.
En cohérence avec cette vision, la photographe a souhaité croiser les époques, les typologies et les sujets. Ses images se nourrissent les unes des autres et continuent de vivre dans l’exposition, laissant au visiteur la possibilité de faire naître d’autres images immatérielles par ces rapprochements.
Le parcours s’articule autour de la présentation de cinq de ses films : Circuss (2002), Le Fil rouge (2005), Le Petit Chaperon noir (2010), L’Effraie (2004), Où va le blanc… (2013). Chacun fonctionne comme une escale autour de laquelle les images s’organisent et s’animent. L’exposition est complétée par une salle, dans le parcours des collections permanentes, dédiée à Robert Delpire (1926-2017), éditeur, publicitaire, commissaire d’expositions. Sarah Moon, qui partagea sa vie durant quarante-huit ans, a choisi d’y présenter des oeuvres et objets qui restituent les activités de ce personnage phare de l’histoire culturelle française.
Principe de l’exposition
Introduction
autour de cinq films de Sarah Moon : Circuss (2002), d’après La Petite fille aux allumettes de Hans Christian Andersen, Le Fil rouge (2005), d’après le conte de Barbe bleue de Charles Perrault, Le Petit Chaperon noir (2010), d’après Le Petit Chaperon rouge de Charles Perrault, L’Effraie (2004), d’après Le Stoïque Soldat de plomb de Hans Christian Andersen, et Où va le blanc… (2013), à propos d’un projet d’édition inachevé. Ils distribuent et articulent des thématiques que l’on retrouve dans l’ensemble de son travail.
Des boîtes de projection scandent le parcours de l’exposition et constituent des îlots autours desquels les visiteurs circulent librement. En ouverture, une salle est plus spécifiquement consacrée aux débuts de Sarah Moon dans le domaine de la photographie de mode, et mêle texte et images. En complément de l’exposition, un document d’aide à la visite – composé d’extraits d’interviews et de discussions – propose sous la forme d’un glossaire un éclairage sur le travail de Sarah Moon.
Accident
« J’ai utilisé pendant très longtemps des Polaroïds négatifs pour le repérage. Quand je ne les développais pas tout de suite, des accidents naissaient sur la surface. Ils donnaient l’impression de quelque chose d’encore plus fragile.[1] […] En italien, « pellicula » veut dire « petite peau ». C’est une surface sensible qui tout d’un coup se détériore. En dépit de tous les efforts de conservation, elle reste aussi éphémère que l’instant du cliché. Que cet instant soit dénaturé au moment où je le saisis, qu’il porte en soi déjà la marque de sa fin, sont quelques-unes des raisons pour lesquelles j’ai toujours laissé les accidents sur le négatif du Polaroid. »[2]
Contes
« On relie toujours les contes Ă l’univers enfantin […] quand j’ai commencĂ© Ă les re-conter, j’ai Ă©liminĂ© tout un folklore de fĂ©es, de lutins, les « happy ends », pour m’attacher Ă la symbolique, Ă une inquiĂ©tude et Ă une rĂ©alitĂ© immĂ©diatement perceptibles. La petite sirène : le sacrifice. Barbe-bleue : la main mise. Dans La petite fille aux allumettes d’Andersen – Circuss – je garderais les cinq allumettes pour rĂŞver encore avant que tout s’écroule. C’est une symbolique Ă©ternelle. »[3]
Couleur
« J’y pense comme à un langage plus commun, plus généreux, plus ouvert, le langage du réel. Lorsque je photographie des fleurs, une nature morte ou même la mode, la couleur m’oblige à être plus abstraite. Je me dois de transposer pour être plus proche de ce qui m’a impressionnée à première vue. »[4][…] « La couleur autorise l’humour, la distance, l’abstraction. Il peut être question d’une présence ou d’une stridence, mais aussi d’éphémère, d’un mouvement si imprévisible que je peux à peine le fixer…»[5]
Déréaliser
« Je ne tĂ©moigne de rien – j’invente une histoire que je ne raconte pas, j’imagine une situation qui n’existe pas – je crĂ©e un lieu ou j’en efface un autre, je dĂ©place la lumière – je dĂ©rĂ©alise et puis j’essaie. Je guette ce que je n’ai pas prĂ©vu, j’attends de reconnaĂ®tre ce que j’ai oubliĂ© – je dĂ©fais ce que je construis – j’espère le hasard et je souhaite plus que tout ĂŞtre touchĂ©e en mĂŞme temps que je vise. »[6]
Film
« [Le cinéma] est arrivé en premier, avant la photo, avant la peinture. Les films expressionnistes allemands, Murnau, Pabst, Dreyer, autant que Von Stroheim ont été mon premier contact avec l’image, avec la lumière. Jamais je n’ai pensé pouvoir un jour faire du cinéma. Cela me semblait aussi improbable que de toucher la lune. Les films publicitaires ont été un apprentissage ludique et joyeux. J’ai tourné avec la même équipe, dix ans plus tard, Mississipi One, une ballade douce-amère, une histoire perdue d’avance entre un homme un peu fêlé et une enfant un peu précoce. Cela n’a pas été un succès commercial en France et j’ai continué de «bricoler» en associant le son et l’image comme je pouvais. L’Effraie est un exemple. Il a la taille d’une nouvelle : il mêle l’argentique, le numérique, le super huit, le fixe et le mouvement, les trucages à la Méliès avec les outils de Bill Gates. » [7]
Illusion
« Au moment de la prise de vue, plus ludique, plus magique, l’illusion, comme un éblouissement dans une fraction de seconde, avec ce que cela implique d’incertitude et de questionnement : est-ce vrai ? est-ce faux ? L’illusion comme la chimère, cette étrange alchimie entre le désir et le hasard. »[8]
Mode
« Quand j’ai commencé, je travaillais avec mes amies, mes collègues. Je savais ce qu’on leur demandait comme jeu, comme attitude, comme provocation. Je ne suis pas allée dans ce registre – là , je ne leur donnais presque pas de direction. J’ai toujours représenté les femmes plutôt backstage, en coulisses. Ce qui me plaît, c’est le personnage que la robe incarne. Le vêtement offre un rôle à la femme qui le porte, comme un costume. C’est ça que j’essaye de trouver dans la mode »[9].
Ombre
« Le noir et blanc est la couleur de l’inconscient, de la mémoire. Il s’agit d’ombre et de lumière. C’est de la fiction. C’est ce qui est le plus proche de moi, c’est là que je me retrouve.»[10] « L’ombre, on peut la voir, mais on ne peut pas l’atteindre. C’est de l’infini à notre portée. C’est comme l’horizon. »[11]
RĂ©cit
« Mes photos sont une fiction dont je ne connais ni l’avant ni l’après et pourraient être les images d’un film que je n’aurais pas fait. » [12]
Temps
« Toutes les photographies sont le témoin, si ce n’est le souvenir d’un moment qui autrement serait perdu pour toujours. D’où ce sentiment de perte ; d’où l’association avec la mort… Je crois aussi que photographier c’est dramatiser un fragment de seconde […] Il y a la preuve et la disparition dans la photographie. » [13]
[2] Alexandra Fau, « Entretien avec Sarah Moon », Art Absolument, n° 20, printemps 2007.
[3] Sarah Moon, 2005.
[4] Jeannine K, Conversation en vue de la prĂ©paration de l’exposition, 2020.Â
[5] « Entretien avec Ilona Suschitzky », Sarah Moon, 12345, n°4, Paris, éditions Delpire, 2008, p. 385
[6] Sarah Moon, pour Contacts, court métrage documentaire, 1994, Production Arte France, RIFF Production, KS Visions, CNC, CNP.
[7] « Entretien avec Magali Jauffret », Sarah Moon, 12345, n°1, Paris, éditions Delpire, 2008, p. 177
[8] « Entretien avec Magali Jauffret », Sarah Moon, 12345, n°1, Paris, éditions Delpire, 2008, p. 131
[9] Alexandra Nawawi, « Rencontre avec Sarah Moon », Polka Magazine, n°20, février 2020, p. 116-120
[10] Magali Jauffret « Entretien avec Sarah Moon », cat.exp. Sarah Moon: Now and Then : [ausstellung: Hamburg, Deichtorhallen Hamburg, du 27 novembre 2015 au 21 février 2016], Hambourg, Kehrer Verlag, 2016, p. 86 traduction du musée.
[11] Entretien avec Dominique Eddé, catalogue de l’exposition au musée d’art moderne.
[12] Sarah Moon, 12345, n°1, Paris, éditions Delpire, p. 36
[13] « Entretien avec Ilona Suschitzky », Sarah Moon, 12345, n°4,
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