🔊 “Miguel Rio Branco” Oeuvres photographiques 1968-1992, au Bal, Paris, du 16 septembre au 6 dĂ©cembre 2020 (prolongĂ©e jusqu’au 14 mars 2021)
“Miguel Rio Branco” Oeuvres photographiques 1968-1992
au Bal, Paris
du 16 septembre au 6 dĂ©cembre 2020 (prolongĂ©e jusqu’au 14 mars 2021)

PODCAST – Interview de Alexis Fabry, spĂ©cialiste de la photographie latino-amĂ©ricaine, co-fondateur des Ă©ditions Toluca et co-commissaire de l’exposition,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 14 septembre 2020, durĂ©e 9’25, © FranceFineArt.
© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 14 septembre 2020.





Extrait du communiqué de presse :
commissaires de l’exposition :
Alexis Fabry et Diane Dufour
« Seul un petit nombre d’entre nous, au milieu des grands agencements de cette société, se demande encore naïvement ce qu’ils font sur le globe et quelle farce leur est jouée. Ceux-là veulent déchiffrer le ciel ou les tableaux, passer derrière ces fonds d’étoiles et ces toiles peintes, et comme des mioches cherchant les fentes d’une palissade, tâchent de regarder par les failles de ce monde. » Georges Bataille
Figure de proue de la création contemporaine au Brésil, Miguel Rio Branco est un artiste polymorphe. À vingt ans, il étudie la photographie à New York, dont l’effervescence nourrit ses dérives poétiques et ses premières toiles. Il vit dans les quartiers pauvres du sud-est de Manhattan, l’East Village et la Bowery, qu’il commence à photographier, où se mêlent toutes les influences. Il se lie d’amitié avec un enfant des lieux, Gordon Matta Clark, qui tranche ses géométries dans des pans d’immeubles en ruine, et avec son compatriote Helio Oiticica.
De retour au Brésil, Miguel Rio Branco vit successivement dans le Nordeste, avec les chercheurs d’émeraudes, puis dans le quartier du Pelourihno, à Salvador de Bahia, qui abrite alors, dans l’insalubrité, des familles déshéritées et des prostituées.
Miguel Rio Branco saisit les corps, hommes ou femmes, leur gloire ou leur fatigue, leur pudeur et leurs exhibitions, dans des cadrages volontiers serrés, où l’arrière-plan perd toute profondeur. Son regard soutient celui de ses modèles : rien n’est escamoté. Les personnages sont dos au mur. « La photographie le plus souvent oppresse ou asphyxie la réalité », dira l’artiste.
À force de s’approcher, ses images s’imprègnent d’onirisme, sans éviter le grotesque, qu’elles provoquent et qui déborde, comme chez le dernier Goya.
On a parlé, pour Miguel Rio Branco, de « réalisme exorbité » : le désastre attire l’oeil ; l’imagination n’a d’autre issue que la réalité, sa violence, son immédiateté. Les blessures sont autant d’éclats narratifs, « sans début ni fin », des images-poèmes dans les ruines du monde.
Alexis Fabry et Diane Dufour, commissaires de l’exposition
Le couteau par terre – extraits du texte inĂ©dit de Jean-Pierre Criqui – livre de l’exposition publiĂ© en coĂ©dition LE BAL, TOLUCA Ă©ditions et Ă©ditions-RM
Dans la mesure où elle découpe à même le vivant, la photographie se laisse envisager comme étant d’ordre sacrificiel : tel un papillon épinglé, ce qu’elle prélève est toujours simultanément exalté et immolé. Il y va du sauvetage, de la sauvegarde, mais aussi de la conjuration ou de la perdition. Cette tension extrême, en permanence au bord du déchirement, hante les images de Miguel Rio Branco. C’est leur basse continue.
Les photographies de Miguel Rio Branco (qui est aussi peintre, et l’a été avant de devenir photographe) nous proposent un vaste catalogue de matières, assemblé avec un oeil sensible à la transmutation esthétique des motifs les plus humbles ou les plus vils. On pense ici à Baudelaire et son évocation du chiffonnier dans Les Paradis artificiels : « Tout ce que la grande cité a rejeté, tout ce qu’elle a perdu, tout ce qu’elle a dédaigné, tout ce qu’elle a brisé, il le catalogue, il le collectionne. Il compulse les archives de la débauche, le capharnaüm des rebuts. » L’excès est ce qui caractérise ici la matière – d’où cette « asphyxie » dont Miguel Rio Branco a parlé au sujet de la photographie : excès de la vie qui s’agite en tous sens, et de la mort au travail qui en forme l’inséparable envers.
Apothéose des sols, les photographies de Miguel Rio Branco regardent plus volontiers vers le bas que vers le haut. Peu de ciels ou d’horizons dans ces vues où la terre attire tel un aimant, jusqu’à l’engloutir, tout ce qu’elle supporte. Royaume des traces et des ombres, plaque sensible où le temps laisse inlassablement son empreinte : deux hommes s’y étreignent, lutte ou jeu, aux pieds d’un troisième qui projette sur eux sa silhouette; les déchets les plus dérisoires, les plus mirifiques, y convergent; les imprimés viennent s’y disperser en masse, les animaux y mourir. Le sol célébré par Miguel Rio Branco exhale toujours un avant-goût du séjour des disparus. C’est le lieu par excellence de l’inquiétude, voire de l’affolement. C’est aussi le motif où se concentre un éventail de résonances esthétiques : Dirt Painting et Combines (par leur goût du rebut et de l’horizontalité) de Rauschenberg, Matériologies et Texturologies de Dubuffet, plastiques, bois et tôles brûlés par Alberto Burri, scatter pieces de Robert Morris.
Jean-Pierre Criqui , Conservateur au service des collections contemporaines du Musée national d’art moderne.
Miguel Rio Branco (né à Las Palmas en 1946) est un artiste brésilien (photographe, peintre, cinéaste et créateur d’installations multimédias) vivant et travaillant à Rio de Janeiro.
En 1966, il étudie au New York Institute of Photography et en 1968 part étudier à la School of Industrial Design de Rio de Janeiro. Entre 1970 et 1972, il travaille à New York en tant que réalisateur et chef opérateur, puis réalise dans les années qui suivent plusieurs long et court-métrages expérimentaux. Parallèlement, il commence à exposer ses photographies dès 1972.
Il devient à partir de 1980 correspondant pour Magnum Photos et son travail photographique est publié dans de nombreuses revues (Aperture, Stern, Photo Magazine).
Considérant le livre comme un support d’expression essentiel, il conçoit de nombreux ouvrages dont Sudor Dulce Amargo (Fondo de Cultura Económica, Mexico City,1985), Natka (Fundação Cultural de Curitib, 1996), Silent Book (Cosac & Naify, 1997), Miguel Rio Branco (Aperture, 1998) et Maldicidade (Taschen, 2019).