đ âLâAtelier de la nature, 1860-1910â au musĂ©e des impressionnismes, Giverny, du 12 septembre 2020 au 3 janvier 2021
âLâAtelier de la nature, 1860-1910â Invitation Ă la Collection Terra
au musée des impressionnismes, Giverny
du 12 septembre 2020 au 3 janvier 2021
PODCAST – Interview de Katherine Bourguignon, conservateur Ă la Terra Foundation for American Art et commissaire de lâexposition,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, au Kremlin-BicĂȘtre, le 11 septembre 2020, durĂ©e 10â14, © FranceFineArt.
© Anne-Frédérique Fer, voyage et présentation presse, le 11 septembre 2020.
Extrait du communiqué de presse :
Commissariat :
Katherine Bourguignon, conservateur Ă la Terra Foundation for American Art
Le musĂ©e des impressionnismes Giverny invite Ă lâautomne 2020 la Terra Foundation for American Art Ă prĂ©senter une sĂ©lection de paysages des XIXe et XXe siĂšcles issus de cette collection en provenance des Ătats-Unis. OrganisĂ©e du 12 septembre 2020 au 3 janvier 2021, lâexposition LâAtelier de la nature, 1860-1910. Invitation Ă la Collection Terra propose ainsi aux visiteurs de mieux apprĂ©hender lâĂ©volution de lâart du paysage chez les artistes amĂ©ricains. Elle bĂ©nĂ©ficie dâimportants prĂȘts du musĂ©e dâOrsay, de la BibliothĂšque nationale de France et de la SociĂ©tĂ© de GĂ©ographie.
Dans une lettre ouverte Ă©crite en 1855, le peintre paysagiste Asher B. Durand dĂ©conseille aux Ă©lĂšves dâĂ©tudier dans les ateliers renommĂ©s et les enjoint plutĂŽt Ă travailler en plein air et Ă se confronter à « lâatelier de la nature ». De nombreux jeunes artistes suivent ses recommandations. Ils remplissent leurs carnets de croquis de paysages extrĂȘmement dĂ©taillĂ©s et se concentrent sur la singularitĂ© de chaque pierre, plante, arbre ou nuage. Lâobservation directe de la nature leur permet dâaccĂ©der Ă une forme dâauthenticitĂ© lorsquâils retournent peindre dans leurs ateliers. Plus tard, les artistes amĂ©ricains vont rejeter lâimitation servile de la nature et se tourner vers des crĂ©ations reposant sur lâĂ©motion et lâexpressivitĂ©. Selon James Abbott McNeill Whistler, seul un artiste peut transformer les Ă©lĂ©ments de la nature en un chef dâoeuvre. Pour lui, lâimagination supplante lâimitation. Ă partir des annĂ©es 1880, les artistes amĂ©ricains peignant Ă Barbizon et Ă Giverny abordent la nature Ă travers le regard des naturalistes et des impressionnistes. Ils dĂ©laissent les grands panoramas pour des scĂšnes ordinaires, certes moins spectaculaires mais quâils dĂ©peignent avec un style novateur. Le travail en plein air les incite Ă appliquer la couleur en larges touches afin de capturer les effets changeants dâombre et de lumiĂšre. De retour aux Ătats-Unis au tournant du siĂšcle, ces artistes continuent dâemployer les mĂ©thodes et les tonalitĂ©s impressionnistes tout en expĂ©rimentant avec des nouvelles techniques plus modernes.
Cette Ă©volution se retrouve dans les cinq sections de lâexposition qui proposent des temps forts selon un dĂ©roulĂ© chronologique. Ainsi, les liens entre photographie et peinture de paysage dans les annĂ©es 1870 constituent le premier thĂšme abordĂ©, suivi de la rĂ©invention radicale du paysage par Whistler et des paysages aux ambiances poĂ©tiques des annĂ©es 1880. Lâexposition sâachĂšve avec lâimpressionnisme colorĂ© de Giverny, et les diverses interprĂ©tations de la nature par des artistes urbains du XXe siĂšcle.
De 1860 Ă 1910, la reprĂ©sentation du paysage chez les artistes amĂ©ricains Ă©volue sans cesse, passant de la description mĂ©ticuleuse Ă lâexpression subjective, des panoramas aux scĂšnes intimes. Lâexposition permet dâĂ©voquer trois idĂ©es plus larges : lâinfluence artistique ; lâidentitĂ© nationale ; et le rapport de lâhomme Ă la nature. Si la plupart des paysages de lâexposition montrent un peuple en harmonie avec la nature, dâautres apparaissent comme une mise en garde sur lâĂ©ventualitĂ© de sa perte et sur lâimpact de lâimplantation des populations, du tourisme et de lâurbanisation.
Le parcours de lâexposition
1. Du fleuve Hudson Ă Yellowstone
Lâexposition sâouvre avec la reprĂ©sentation des grands espaces amĂ©ricains, oĂč des montagnes lointaines dominent des Ă©tendues dâeau calmes nimbĂ©es de lumiĂšre. Bien que de dimensions parfois modestes, les toiles capturent avec succĂšs les grandes distances et les vastes espaces, caractĂ©ristiques des Ătats-Unis. Certains artistes tels quâAlfred Thompson Bricher et Sanford Robinson Gifford contrebalancent la grandeur du paysage par des scĂšnes Ă Ă©chelle humaine, dans lesquelles lâhomme semble ĂȘtre en harmonie avec son environnement. Worthington Whittredge adopte une stratĂ©gie similaire dans sa reprĂ©sentation dâAmĂ©rindiens installĂ©s le long dâune riviĂšre du Colorado. Cette scĂšne ne fait aucune allusion au dĂ©placement violent des tribus amĂ©rindiennes par les colons amĂ©ricains sâinstallant dans lâOuest au mĂȘme moment.
Entre 1860 et 1880, de nombreuses campagnes dâexploration de lâOuest amĂ©ricain voient le jour ayant pour but dâĂ©tudier et de documenter le territoire. Les photographes sâimposent alors comme des acteurs incontournables de ces campagnes et de leur promotion. Timothy OâSullivan, John K. Hillers ou William Henry Jackson rĂ©alisent des milliers de photographies, dont la diffusion permet de faire dĂ©couvrir ces paysages spectaculaires aussi bien Ă lâĂ©chelle nationale quâinternationale. Ces images transcendent leur rĂŽle documentaire pour investir des fonctions idĂ©ologiques et promotionnelles mais Ă©galement artistiques, voire Ă©cologiques. En 1872, convaincu par la nĂ©cessitĂ© de prĂ©server la nature, le CongrĂšs vote la crĂ©ation dâun premier parc national, Yellowstone Park.
2. Les paysages esthétiques de Whistler
Peintre amĂ©ricain expatriĂ© en Europe, James Abbott McNeill Whistler est lâun des artistes majeurs de cette exposition. Il invente une nouvelle vision du paysage, en affirmant que lâartiste a besoin dâamĂ©liorer la nature en la peignant â puisque « la nature a trĂšs rarement raison. » Lâartiste doit recomposer le paysage, plutĂŽt que le copier. Ses oeuvres, inspirĂ©es de lâart japonais et du « mouvement esthĂ©tique » anglais allient surfaces dĂ©coratives et harmonies subtiles de tons. Bien quâaujourdâhui majoritairement connu pour son oeuvre peint, Whistler est un graveur hors pair. Son traitement des espaces vides, la grande libertĂ© de ses traits et lâaccent mis sur des sujets urbains introduisent dans ses estampes une intensitĂ© visuelle dâune grande subtilitĂ©. En 1879, la Fine Art Society de Londres lui commande une sĂ©rie de gravures de Venise quâil Ă©dite en 1880 et 1886. Les changements effectuĂ©s entre les deux sĂ©ries permettent de percevoir avec acuitĂ© la façon dont il affine et dĂ©veloppe ses sujets au cours du temps. Les estampes quâil expose et vend en Europe et aux Ătats-Unis sont remarquĂ©es par une nouvelle gĂ©nĂ©ration dâartistes qui intĂšgre les leçons transmises par Whistler.
3. Les paysages dâĂ©motion
InspirĂ©s de Whistler mais Ă©galement de lâĂcole de Barbizon, les artistes amĂ©ricains se dĂ©tournent des panoramas Ă©poustouflants et de la touche invisible de leurs prĂ©dĂ©cesseurs pour rĂ©aliser des paysages intimes et romantiques. Ils prĂ©fĂšrent interprĂ©ter la nature au lieu de la reprĂ©senter et cherchent Ă transmettre un certain Ă©tat dâesprit. Dans les annĂ©es 1870 et 1880, George Inness dĂ©veloppe un style trĂšs personnel de peinture de paysage Ă©laborĂ© Ă partir de son imagination et de sa mĂ©moire. Ses oeuvres dĂ©passent lâobservation directe et illustrent la relation entre le monde matĂ©riel et le monde spirituel. Les critiques les dĂ©signent comme des « paysages de lâesprit » ou « paysages dâĂ©motion » et font lâĂ©loge de la sensibilitĂ© qui sâen dĂ©gage. Dâautres artistes, tels que Dennis Miller Bunker ou John Twatchman peignent des « morceaux de nature » ou des vues ordinaires en utilisant une palette de bruns chargĂ©s de bitume et de verts sombres appliquĂ©s en touches larges. Leurs paysages baignent dans une lumiĂšre douce et feutrĂ©e qui devient le vecteur de leurs Ă©motions. De nombreux tableaux dans cette section de lâexposition sont peints en France, oĂč les AmĂ©ricains adoptent et transforment les tonalitĂ©s et les touches de lâĂcole de Barbizon avant de se tourner vers lâimpressionnisme.
4. Lâimpressionnisme Ă Giverny
AprĂšs lâinstallation de Claude Monet Ă Giverny en 1883, et au cours des trente annĂ©es suivantes, le village attire des centaines dâartistes internationaux. Ils sont sĂ©duits par la prĂ©sence du maĂźtre impressionniste mais Ă©galement par la perspective de travailler ensemble et de peindre en plein air dans cette colonie dâartistes proche de Paris. Les paysages rĂ©alisĂ©s par les AmĂ©ricains rĂ©sidant Ă Giverny montrent une pluralitĂ© de tendances Ă la fois naturalistes et impressionnistes. Comme Monet, ils cherchent Ă capturer les effets changeants de lâombre et de la lumiĂšre dans des compositions spontanĂ©es oĂč la touche est rapide et les couleurs vives. Theodore Robinson et John Leslie Breck rĂ©sident plusieurs annĂ©es dans le village et deviennent proches de Monet, mais leurs toiles ne sont pas de simples imitations de celles du maĂźtre.
Ainsi, mĂȘme lorsquâils adoptent les sujets de prĂ©dilection du peintre français, diffĂ©rentes influences affleurent dans leur touche, provenant tout Ă la fois de leur formation acadĂ©mique et des mouvements impressionniste et postimpressionniste.
5. Une vision moderne
Adapter les techniques picturales europĂ©ennes aux paysages amĂ©ricains constitue un dĂ©fi pour les artistes revenant aux Ătats-Unis dans les annĂ©es 1890. Certains se plaignent de la diffĂ©rence de lumiĂšre et dâatmosphĂšre et sont nostalgiques du temps gris, caractĂ©ristique de Londres ou de Paris. Willard Metcalf, par exemple, reste fidĂšle Ă lâimpressionnisme mais Ă©claircit sa palette afin de reprĂ©senter le soleil chaud de Cuba ou le ciel bleu de la Nouvelle-Angleterre. Son Ruisseau en juin est pĂ©tillant de couleurs vives et de touches rapides ; la toile Ă©voque son travail Ă Giverny en plus lumineux. Dâautres artistes tels que Childe Hassam ou Edward Simmons adaptent les techniques impressionnistes aux scĂšnes de rues et aux parcs de Boston. Au dĂ©but du XXe siĂšcle, certains peintres, comme Rockwell Kent et George Bellows, insufflent une vision plus forte et plus personnelle Ă leurs interprĂ©tations de la nature, ouvrant ainsi la voie au modernisme.