âValĂ©rie Belinâ Reflection
Ă la Galerie Nathalie Obadia – CloĂźtre Saint-Merri, Paris
du 6 fĂ©vrier au 4 avril 2020 (prolongĂ©e jusqu’au 30 mai 2020)

PODCAST – Interview de ValĂ©rie Belin
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 6 fĂ©vrier 2020, durĂ©e 15’08. © FranceFineArt.



Extrait du communiqué de presse :
AprĂšs China Girls en 2018 Ă Bruxelles, la Galerie Nathalie Obadia est trĂšs heureuse de prĂ©senter la quatriĂšme exposition de lâartiste ValĂ©rie Belin, reconnue comme lâune des photographes les plus importantes de sa gĂ©nĂ©ration et qui bĂ©nĂ©ficie dâune forte visibilitĂ© Ă lâĂ©chelle internationale.
RĂ©vĂ©lĂ©e ici au public, la nouvelle sĂ©rie de lâartiste, intitulĂ©e Reflection et composĂ©e de onze images noir et blanc, a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e dans le cadre de son exposition personnelle au Victoria & Albert Museum Ă Londres (22 octobre 2019 – 31 aoĂ»t 2020). A lâoccasion de cette exposition, plusieurs oeuvres de cette sĂ©rie ont rejoint la collection de cette prestigieuse institution
ValĂ©rie Belin a travaillĂ© en surimpression diverses photographies inĂ©dites de vitrines et devantures de magasins rĂ©alisĂ©es ces derniĂšres annĂ©es Ă Manhattan et dans diffĂ©rentes villes de lâĂtat de New York. Elle revisite ainsi un thĂšme rĂ©current dans son oeuvre depuis les annĂ©es 1990. Lâexceptionnel fonds photographique du Victoria & Albert Museum a constituĂ© une ressource pour lâartiste, quâil sâagisse des clichĂ©s de la firme amĂ©ricaine Worsinger Window Service, spĂ©cialisĂ©e dans la prise de vue de devantures et dâintĂ©rieurs de magasins Ă New York, ou de la sĂ©rie Street Level de Robert Brownjohn, axĂ©e sur les enseignes et Ă©lĂ©ments typographiques urbains. Lâartiste se rĂ©fĂšre aussi aux photographies dâEugĂšne Atget, de Walker Evans, le photographe par excellence de la culture vernaculaire amĂ©ricaine ou encore aux images de Lee Friedlander.
Une vitrine se prĂ©sente comme un vĂ©ritable petit théùtre urbain ouvert sur la rue oĂč les marchandises sont exhibĂ©es et mises en scĂšne sur fond de dĂ©cor. La vitrine a toujours Ă©tĂ© une source dâinspiration pour ValĂ©rie Belin. Au dĂ©but des annĂ©es 1990, elle rĂ©alise tout dâabord des photographies de bijoux et dâobjets de pacotille exposĂ©s dans diffĂ©rentes galeries marchandes. Viennent ensuite des photographies de vases en cristal et dâargenterie (sĂ©ries Verres I et Verres II, 1993-1994), dâobjets en verre et de miroirs rĂ©alisĂ©es dans plusieurs showrooms Ă Venise (Venise I, 1997), de mannequins (Mannequins, 2003), puis de devantures de magasins rĂ©alisĂ©es Ă Luxembourg (Vitrines Luxembourg, 2003).
« La vitrine est une surface transparente – et de maniĂšre paradoxale aussi un miroir. Câest le lieu oĂč le paysage urbain apparaĂźt fugitivement sous la forme dâun reflet, de maniĂšre variable selon lâheure de la journĂ©e, lâĂ©clairement et la position du spectateur. Une photographie de vitrine contient en fait deux images qui se superposent de maniĂšre arbitraire ou erratique : lâimage de ce qui se trouve derriĂšre la vitre et lâimage du paysage urbain qui se reflĂšte dans la vitre. La vitrine est ainsi le lieu dâune superposition ou dâune accumulation de deux images, celle de lâintĂ©rieur et celle de lâextĂ©rieur.
Comme tous les photographes, je rĂ©alise quotidiennement des prises de vue et je constitue des archives dans la perspective dâune future utilisation. Jâai tout dâabord rĂ©alisĂ© ces photographies avec lâintention initiale de les utiliser comme dĂ©cor pour des sĂ©ries de portraits. AprĂšs avoir consultĂ© les collections de photographies du Victoria & Albert Museum, jâai pris conscience que ces images pouvaient finalement acquĂ©rir, par la manipulation des signes vĂ©hiculĂ©s par les images, leur propre autonomie et raison dâĂȘtre.
De maniĂšre mĂ©taphorique, je souhaite que les images capturĂ©es apparaissent comme âprojetĂ©esâ sur la surface photosensible dâun Ă©cran, mais quâau lieu de disparaĂźtre pour ĂȘtre immĂ©diatement remplacĂ©es par dâautres (comme au cinĂ©ma), elles viennent sây accumuler de maniĂšre rĂ©manente. Le papier photographique a pour rĂŽle de garder la trace de ces images qui apparaissent comme le spectre du paysage photographiĂ© dans les vitrines.
LâesthĂ©tique du cinĂ©ma expĂ©rimental des annĂ©es 60 constitue une autre source dâinspiration. Je pense en particulier au film Notes on the Circus (1966) de Jonas Mekas, qui a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par montage direct âdans la camĂ©raâ, par surimpression de prises de vues rĂ©alisĂ©es Ă des vitesses diffĂ©rentes, ainsi quâau film rĂ©alisĂ© en Super 8 et en noir et blanc par Robert Franck pour la promotion de lâalbum Exile on Main Street des Rolling Stones en 1971, qui relĂšve dâune esthĂ©tique similaire.
Cette accumulation spatiale et temporelle dâimages sur la surface sensible devrait contribuer Ă la formation dâune sorte de paysage âmentalâ ou âintĂ©rieurâ, un paysage âde lâespritâ, imaginĂ© en rĂȘve, mais construit de maniĂšre conscience par le filtre de la perception et de la culture â par opposition Ă ce paysage âarchaĂŻqueâ, âtrivialâ ou âprimitifâ de lâespace public urbain qui se reflĂšte dans les vitrines. »
Valérie Belin