Portraits

“Mathieu Ducournau” artiste peintre

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Mathieu Ducournau

artiste peintre

Mathieu Ducournau


Mathieu Ducournau, "En suspens I", 2018. Fils de coton sur toile, 158 x 142 cm. Photographie © Zoé Ducournau. Courtesy Mathieu Ducournau et Galerie Chevalier.
Mathieu Ducournau, « En suspens I », 2018. Fils de coton sur toile, 158 x 142 cm. Photographie © Zoé Ducournau. Courtesy Mathieu Ducournau et Galerie Chevalier.
Mathieu Ducournau, « En suspens III », 2018. Fils de coton sur toile, 157 x 212 cm. Photographie © Zoé Ducournau. Courtesy Mathieu Ducournau et Galerie Chevalier.
Mathieu Ducournau, « En suspens III », 2018. Fils de coton sur toile, 157 x 212 cm. Photographie © Zoé Ducournau. Courtesy Mathieu Ducournau et Galerie Chevalier.
Mathieu Ducournau, « En suspens II », 2018. Fils de coton sur toile, 158 x 142 cm. Photographie © Zoé Ducournau. Courtesy Mathieu Ducournau et Galerie Chevalier.
Mathieu Ducournau, « En suspens II », 2018. Fils de coton sur toile, 158 x 142 cm. Photographie © Zoé Ducournau. Courtesy Mathieu Ducournau et Galerie Chevalier.

En suspens

Située à la frontière de plusieurs médiums, le fil de coton, matière première de la création de l’artiste, place l’œuvre de Mathieu Ducournau dans une hybridité plastique. Si au fil du temps, la technique et le vocabulaire artistiques de Mathieu Ducournau ont évolué, que la machine à coudre s’est transformée en un jeté de fil sur la toile, le geste de l’artiste se veut être le même, il s’inscrit dans une tradition picturale.

Convoquant la matérialité de la tapisserie et de la toile, l’oeuvre de Mathieu Ducournau est inclassable. Elle est peinture car le support en est la toile de coton où l’artiste utilise la couleur des fils comme des pigments. De ces couleurs qui s’entremêlent, de cette subtile chorégraphie du chaos de la matière picturale, des formes apparaissent, les motifs se dessinent, laissant ainsi les figures surgir de la toile. De ces figures matérialisées, la toile se transforme alors en une surface moelleuse, ouateuse et vaporeuse. De ce geste de l’accumulation de la matière, la peinture devenue relief peut aussi se lire comme une sculpture, comme un bas-relief, comme la matrice d’un devenir.

De cette tradition picturale et académique, Mathieu Ducournau a hérité de la justesse du geste. Par le placement du fil, dans l’accumulation et la juxtaposition de la matière, provoquant ainsi des jeux de lumière et de clair-obscur, le geste de l’artiste devient métamorphose. Tel un enchanteur, par une action d’envoûtement, le fil, alors inerte devient mouvement et impulse la vie. De ce geste suspendu et maîtrisé, le fil imposant à Mathieu Ducournau la bonne distance de son corps, provoque l’apparition du sujet, la création de l’œuvre.

Si ses inspirations peuvent être liées aux figures de Velázquez ou de Rembrandt, en poursuivant ses recherches formelles du fil, les dernières œuvres, créées spécialement pour la 21e édition d‘Art Paris Art Fair, peuvent se lire comme une métaphore du monde. Un monde où le côté obscur s’entremêlerait à sa fragilité, où telle son origine, cette dualité provoquerait son harmonie. Un monde qui placé dans son cadre, tel un reliquaire, un trésor à protéger, se révèlerait comme un objet de dévotion. Un monde où la figure de l’homme en recherche de liberté se transformerait, où le point de basculement serait un être hydride, un être où l’on ne distinguerait plus le genre, ni l’espèce. Un monde qui se matérialiserait dans un temps suspendu.



Mathieu Ducournau, « En suspens IV », 2018. Fils de coton sur toile, 212 x 158 cm. Photographie © Zoé Ducournau. Courtesy Mathieu Ducournau et Galerie Chevalier.
Mathieu Ducournau, « En suspens IV », 2018. Fils de coton sur toile, 212 x 158 cm. Photographie © Zoé Ducournau. Courtesy Mathieu Ducournau et Galerie Chevalier.
Mathieu Ducournau, « En suspens IX », 2019. Fils de coton sur toile, 158 x 142 cm. Photographie © Zoé Ducournau. Courtesy Mathieu Ducournau et Galerie Chevalier.
Mathieu Ducournau, « En suspens IX », 2019. Fils de coton sur toile, 158 x 142 cm. Photographie © Zoé Ducournau. Courtesy Mathieu Ducournau et Galerie Chevalier.
Mathieu Ducournau, « En suspens VIII », Hommage à Etienne Leroy, 2019. Fils de coton sur toile, 158 x 142 cm. Photographie © Zoé Ducournau. Courtesy Mathieu Ducournau et Galerie Chevalier.
Mathieu Ducournau, « En suspens VIII », Hommage à Etienne Leroy, 2019. Fils de coton sur toile, 158 x 142 cm. Photographie © Zoé Ducournau. Courtesy Mathieu Ducournau et Galerie Chevalier.

Dans ce geste de composition, où par la matière même de l’œuvre, on sent la fragilité du monde, les points de faille d’une histoire en train de s’écrire, Mathieu Ducournau nous fait entrer dans un univers onirique et poétique, dans un monde surgi du passé où les motifs de l’histoire composés par des artistes peintres, viendraient frapper à notre porte. Ce messager serait un oiseau. Un animal qui dans l’imaginaire de l’artiste, et par opposition à notre monde chaotique engendré par l’indécision et l’attente, inspire ce désir d’harmonie et de liberté, le désir de construire un avenir.

Si Mathieu Ducournau est empreint des figures classiques de la peinture occidentale [on peut y déceler le détournement de quelques figures de Rembrandt comme l’Homme au casque d’or de 1650, l’Homme en costume oriental de 1632 ou encore La lutte de Jacob avec l’Ange de 1659], l’histoire, le voyage pourrait commencer en Asie, au pays du soleil levant. L’oiseau bleu [En suspens III], aurait pu s’échapper d’une peinture de Jakuchū, artiste japonais du XVIIIe siècle qui par les motifs de la faune et de la flore rend hommage à une nature célébrée, vénérée. Une nature qui, sous les gestes de Mathieu Ducournau, se métamorphose en des êtres chimériques. Le nid [En suspens VI] devient cocon, la chrysalide devient ange [En suspens VII], la figure devient oiseau. Un oiseau aux multiples identités où chaque toile serait le réceptacle d’une personnalité. D’une personnalité sans rupture où la matérialité même de leur intériorité est ce fil qui se déroule de toile en toile.

Des figures qui dans la construction de leurs individualités se débattent avec le fil qui les constitue. Telle une toile d’araignée, le vêtement de figure au casque [En suspens IV] se fait armure, rempart, camouflage. La figure aux ailes [En suspens VII], sortant de sa chrysalide, s’arrachant de ses lianes, se métamorphose en être de lumière. Le décolleté de la figure au turban [En suspens V] se fait voile protecteur, sa coiffe, tel un nid devient la couveuse, le réceptacle de la mémoire naissante du penseur, où son visage, comme un miroir à l’oiseau blanc [En suspens I], se matérialise en aura, en une tache de couleur qui, comme l’éclatement d’un pigment, se transforme en une forme abstraite.

En choisissant la figure de l’oiseau qui dans la construction du nid tisse son foyer, Mathieu Ducournau, en sublimant l’entrelacement du fil, en créant ces oiseaux et leurs environnements, sollicite l’harmonie du monde animal et du règne végétal. Par ce geste en suspens, l’artiste convoque, dans ses œuvres, la conjonction du fond et de la forme. Le matériau et le sujet sont continuités, il n’y a plus aucune rupture.

Anne-Frédérique Fer, commissaire de l’exposition et rédactrice en chef de FranceFineArt.com, mars 2019.

Texte réalisé dans le cadre du catalogue de l’exposition En suspens, solo show de Mathieu Ducournau présenté par la Galerie Chevalier dans le cadre de la 21e édition d’Art Paris Art Fair présentée du 4 au 7 avril 2019 sous la Nef du Grand Palais.




Archives FranceFineArt.com :

Retrouvez l’interview de Mathieu Ducournau lors de son exposition Apparitions à la Galerie Chevalier, Paris
du 1er décembre 2017 au 12 janvier 2018.


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