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🔊 “Isabel De Obaldia” à la Maison de l’Amérique Latine, du 26 novembre 2025 au 26 février 2026

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“Isabel De Obaldia” Et nous voici, déchirés

à la Maison de l’Amérique Latine, Paris

du 26 novembre 2025 au 26 février 2026

Maison de l’AmĂ©rique latine


Entretien avec Isabel De Obaldia, par Anne-Frédérique Fer, à Paris, 25 novembre 2025, durée 19’38, © FranceFineArt.

PODCAST –  Entretien avec
Isabel De Obaldia,


par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, 25 novembre 2025, durĂ©e 19’38,
© FranceFineArt.


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©Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 25 novembre 2025.

Isabel De Obaldia, Tourbillon, 2025. Peinture sur papier (acrylique, pastel et fusain), 260 x 140 cm. Photo : Sebastián Icaza.


Extrait du communiqué de presse :


Isabel De Obaldia dans son atelier au Panama, 2024.

Isabel De Obaldia dans son atelier au Panama, 2024.

Isabel De Obaldia, Rivière (détail), 2025. Peinture sur papier (acrylique, pastel et fusain), 140 x 360 cm. Photo : Sebastián Icaza.

Isabel De Obaldia, Rivière (détail), 2025. Peinture sur papier (acrylique, pastel et fusain), 140 x 360 cm. Photo : Sebastián Icaza.

Commissariat : Nadeije Laneyrie-Dagen


Sculpteure et peintre franco-panaméenne, formée aux États-Unis et en France, Isabel De Obaldia est invitée à partir de fin novembre 2025 par la Maison de l’Amérique latine à Paris. Son installation, faite de grands dessins et de corps de verre colorés, de son et de vidéo, témoigne de la catastrophe humaine et écologique de la région du Darién, qui sépare le Panama de la Colombie. Observatrice attentive des violences propres à notre temps, la plasticienne rend compte du désastre occasionné par un flux migratoire, transit du désespoir qui fut un temps massif et dont l’assèchement brutal actuel a, à son tour, des conséquences violentes.

« De ce côté de l’Atlantique, le Darién est une région mal connue. L’Europe a sa Méditerranée, traversée par des migrants qui risquent leur vie à tenter de la franchir ; l’Amérique a cette mer végétale, un « bouchon » qui sépare l’isthme de Panama de la Colombie, et plus généralement de l’Amérique du Sud. Dans cette région humide et montagneuse où le risque d’être détroussé s’ajoute à ceux de la nature, entre 2021 et 2023, un demi-million de migrants ont souffert et beaucoup sont morts avant d’atteindre le petit village de Bajo Chiquito, peuplé de pêcheurs et de paysans indigènes, dont l’équilibre économique s’est trouvé bouleversé de façon éphémère par leur arrivée.» explique Nadeije Laneyrie-Dagen, commissaire de l’exposition.


« Celles et ceux qui ont vécu là l’enfer et se voient forcés à présent d’emprunter le chemin du retour, les natifs pris au piège de mouvements incohérents qui les ont fait otages plutôt que bénéficiaires, et la jungle, prolifique, admirable, et défigurée, sont les héros de l’installation immersive » que propose Isabel De Obaldia pour la Maison de l’Amérique latine.


Un catalogue (français-espagnol), avec des textes de Nadeije Laneyrie-Dagen et Mónica E. Kupfer accompagne l’exposition.

Isabel De Obaldia, Et nous voici, déchirés (détail installation), 2025. Peinture sur papier, (technique mixte : acrylique, pastel, fusain), 350 cm x 480 cm. Sculpture en verre : 21 x 8 x 4 cm. Photo : Sebastián Icaza.

Isabel De Obaldia, Et nous voici, déchirés (détail installation), 2025. Peinture sur papier, (technique mixte : acrylique, pastel, fusain), 350 cm x 480 cm. Sculpture en verre : 21 x 8 x 4 cm. Photo : Sebastián Icaza.

Isabel De Obaldia, Maelström, 2025. Peinture sur papier (acrylique, pastel et fusain), 260 x 140 cm. Photo : Sebastián Icaza.

Isabel De Obaldia, Maelström, 2025. Peinture sur papier (acrylique, pastel et fusain), 260 x 140 cm. Photo : Sebastián Icaza.

Isabel De Obaldia, Et nous voici, déchirés (détail installation), 2025. Peinture sur papier, (technique mixte : acrylique, pastel, fusain), 350 cm x 480 cm. Sculpture en verre : 20 x 10 x 8 cm. Photo : Sebastián Icaza.

Isabel De Obaldia, Et nous voici, déchirés (détail installation), 2025. Peinture sur papier, (technique mixte : acrylique, pastel, fusain), 350 cm x 480 cm. Sculpture en verre : 20 x 10 x 8 cm. Photo : Sebastián Icaza.


Extraits du texte du catalogue

Isabel De Obaldia et les fantômes du Darién par Nadeije Laneyrie-Dagen

En Europe, le cauchemar de la migration se fixe sur la mer : la Méditerranée ou la Manche, où les exilés se noient. À la jonction de l’Amérique du Sud et de l’Amérique centrale, dans le Darién au sud-est du Panama, c’est la jungle qui fut, à partir de 2015 et particulièrement de 2021 à 2023, la route d’un transit dangereux pour les humains et funeste pour la nature. Dans une région de marécages et de montagnes, un demi-million de personnes en provenance du Venezuela, d’Haïti, de l’Équateur ou de la Colombie, parfois de Chine ou du Cameroun, des hommes, des femmes et des enfants, ont risqué leur vie. Au cours d’une marche exténuante, ils et elles ont souffert de la faim et de la soif, traversé des rivières périlleuses et subi des violences, en tâchant de franchir la première étape cruciale d’un voyage qui devait les mener vers les États-Unis.

Ă€ la biennale de Venise 2024, Des Étrangers partout (Foreigners everywhere), Isabel De Obaldia avait consacrĂ© Ă  ce drame une installation plastique et picturale sobrement appelĂ©e Selva, Jungle. Des pastels couvraient les murs, des corps de verre oscillant devant eux : les spectres des dĂ©placĂ©s. […]

Une année a passé et la situation au Darién a changé, comme elle s’est transformée dans le monde. Avec l’élection du président Trump, le flux des gens qui tentaient leur chance s’est tari. De Obaldia s’était rendue sur place à la fin de 2023, et elle y est retournée en avril 2025. Les villages de fortune ou plus organisés où transitaient celles et ceux qui avaient triomphé de la jungle sont désormais déserts. Dans les cabanes en mauvais état et dans les rues fantômes, l’empreinte des faits s’est fixée. Elle est aussi visible dans la nature, dans les restes d’un campement et dans les débris innombrables, toiles de tente et autres détritus accrochés à des branches ou flottant dans une rivière naguère préservée.

L’artiste est donc revenue sur ses pas. Pour cette création à la Maison de l’Amérique latine, elle propose un ensemble associant une nouvelle fois pastels, sculptures, son, et une vidéo. Mais son installation résonne de façon différente. […]

Ă€ la fois belle et menaçante, la luxuriance de la vĂ©gĂ©tation est crĂ©atrice de malaise. Dans une telle nature, note De Obaldia, on perd toute espèce de repères : « c’est cela que je cherche Ă  rendre Â», ajoute celle qui, pour avoir Ă©tĂ© l’invitĂ©e en 2023 du Smithsonian Tropical Research Institute de Barro Colorado, rĂ©serve naturelle insulaire au coeur du canal de Panama, connaĂ®t bien la jungle. Sur un mur de l’espace d’exposition, quatre dessins collĂ©s les uns aux autres tombent sur trois mètres cinquante, du plafond jusqu’au sol. Leur verticalitĂ© rĂ©sulte de l’expĂ©rience, dans un terrain oĂą les arbres prospèrent en se dressant très haut : « Dans la jungle […] tout semble vertical. On passe la plupart du temps Ă  regarder vers le haut » commente De Obaldia — en 2023, elle avait prĂ©sentĂ© au MusĂ©e du canal un Paysage vertical (Vertical landscape) de 9 mètres de haut. Les quatre feuilles pourraient reprĂ©senter les Ă©tapes d’un parcours. La première figure la mangrove : les racines des palĂ©tuviers plongent en rhizomes dans un sol boueux, faisant sentir la pesanteur d’un monde oĂą l’homme n’est pas bienvenu. La deuxième montre une piste qui, loin dans le haut, dĂ©bouche sur un Ă©clat de ciel : l’espoir, pourvu que ceux qui tentent leur chance ne perdent pas ce chemin que la croissance vĂ©gĂ©tale occulte.

Une cascade occupe la troisième, et la dernière laisse apercevoir la côte, le terme provisoire de l’épreuve. […]

Suspendues au plafond, des figures de verre se balancent devant ces grandes peintures. Elles sont colorĂ©es, diverses, nombreuses comme le furent les migrants ; petites — leurs dimensions donnent la dĂ©mesure de la nature autour d’eux ; d’un fini dĂ©licat ; et saisies dans des attitudes dynamiques — au bout des fils tĂ©nus auxquels elles sont suspendues, leurs gestes rĂ©vèlent des Ă©motions. […]

Pour les corps de Selva, De Obaldia avait adopté une technique mixte inspirée du moulage au sable (sand casting) dont elle connaît bien le procédé, et de la fonte à la cire (lost-wax casting).

Les figures étaient rudes, réduites parfois à des troncs meurtris. Pour son exposition parisienne, la sculptrice a repris ce procédé pour une minorité de sculptures, les plus rudes, les plus douloureuses. Pour la majorité cependant, elle a utilisé exclusivement la cire perdue. […]

La cire permet un fini précis. Elle a favorisé une évolution dont l’artiste n’a pris la mesure qu’au cours du travail. Comme elle l’exprime de nouveau dans son journal : « C’est un peu bizarre pour moi de penser qu’il y a trois ans je faisais des figures brutales, abstraites et rudes, et que pour ce projet je suis en train de les travailler si délicates. Quelques-unes aussi brutales mais il y en a aussi des tendres ».

« Abstraction » et « rudesse », versus « tendresse Â» et, ainsi que le formule encore le journal, « un rĂ©alisme un peu Ă©trange » ? L’artiste s’explique Ă  elle-mĂŞme cette mĂ©tamorphose : « J’essaie de rĂ©aliser pourquoi. […] Auparavant je travaillais sur l’abstrait, l’idĂ©e symbolique. L’homme fort, l’homme qui souffre. L’homme avec l’esprit animal. Pour ce projet-ci je pense aux gens. Ă€ toutes ces personnes qui ont fait le trajet de la jungle, et beaucoup plus, pour trouver un meilleur futur. Leur “El Dorado”. Ce sont des gens concrets. Ils existent ou ils ont existĂ©. Je ne les connais pas mais je leur dois une prĂ©sence ».