🔊 “Impressions nabies” Bonnard, Vuillard, Denis,Vallotton, à la BnF I Richelieu, du 9 septembre 2025 au 11 janvier 2026
“Impressions nabies” Bonnard, Vuillard, Denis,Vallotton
Ă la BnF I Richelieu, Paris
du 9 septembre 2025 au 11 janvier 2026

PODCAST – Entretien avec
Céline Chicha-Castes,
conservatrice chargée des estampes du XXe siècle au département des Estampes et de la photographie de la BnF
et Valérie Sueur-Hermel,
conservatrice chargée des estampes du XIXe siècle au département des Estampes et de la photographie de la BnF
et commissaires de l’exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, 8 septembre 2025, durée 12’56,
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :

Maurice Denis, épreuve d’essai pour la couverture du portfolio Amour 1899. Lithographie en couleurs. Van Gogh Museum, Amsterdam / Photo Van Gogh Museum, Amsterdam.

Édouard Vuillard, Paysages et intérieurs : la partie de dames, 1899. Lithographie en couleurs. BnF, Estampes et photographie.

Édouard Vuillard, Paysages et intérieurs : Intérieur aux tentures roses I, 1899. Lithographie en couleurs. BnF, Estampes et photographie.
Commissariat :
Céline Chicha-Castex, conservatrice chargée des estampes du XXe siècle au département des Estampes et de la photographie de la BnF
Valérie Sueur-Hermel, conservatrice chargée des estampes du XIXe siècle au département des Estampes et de la photographie de la BnF
Si les artistes nabis, parmi lesquels Pierre Bonnard, Édouard Vuillard, Maurice Denis et Félix Vallotton sont largement connus pour leurs peintures et décors, ils excellèrent aussi dans l’art de l’estampe. Ce courant éphémère, qui se déploya pendant une dizaine d’années (1890-1900), donna lieu à une production abondante et diverse d’images imprimées. Grâce aux ressources de la lithographie en couleurs et au renouveau de la gravure sur bois, les Nabis ont créé des oeuvres variées, inscrites dans le quotidien : estampes artistiques, affiches, illustrations, programmes de spectacle, objets décoratifs. La Bibliothèque nationale de France met en lumière cet aspect de leur oeuvre dans une exposition présentée sur le site Richelieu. Près de deux cents pièces provenant principalement des collections de la BnF, complétées par des prêts d’institutions françaises et étrangères (musée d’Orsay, musée Maurice Denis, bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art, musée des Beaux-Arts de Quimper et musée Van Gogh d’Amsterdam) montrent la diversité et la genèse de leurs créations graphiques.
Les Nabis, promoteurs de l’art dans la vie, grâce à l’image imprimée
Le mouvement nabi dépasse le champ traditionnel des beaux-arts par une ouverture à tous les domaines de la création et en particulier aux arts décoratifs. Sa contribution diversifiée aux arts graphiques s’inscrit dans un désir d’intégrer l’art à la vie quotidienne et de le rendre accessible au plus grand nombre, comme l’affirme Bonnard : « Notre génération a toujours cherché les rapports de l’art avec la vie. À cette époque, j’avais personnellement l’idée d’une production populaire et d’application usuelle : gravure, éventails, meubles, paravents. » Sous l’impulsion d’éditeurs et de marchands novateurs, tel Ambroise Vollard, ces artistes ont oeuvré à une période phare de l’histoire de l’estampe qui a consacré le peintre-graveur dans son statut d’artiste original. Certains ont exploré les ressources de la lithographie en couleurs (Maurice Denis, Pierre Bonnard, Édouard Vuillard, Ker-Xavier Roussel), tandis que d’autres ont contribué au renouveau de la gravure sur bois de fil (Félix Vallotton et Aristide Maillol). Grâce à ces procédés d’impression, ils ont créé aussi bien des estampes artistiques en feuilles ou en albums que des affiches, des illustrations pour des revues ou des livres de bibliophilie, des programmes de spectacle, des partitions de musique et des objets d’art décoratif (paravents, papiers peints, éventails…).

Ker-Xavier Roussel, L’éducation du chien, 1893. Lithographie en couleurs. BnF, Estampes et photographie.

Paul Ranson, Tigre dans les jungles, 1893. Lithographie en couleurs. BnF, Estampes et photographie.

Pierre Bonnard, La Petite Blanchisseuse, 1896. Lithographie en couleurs. BnF, Estampes et photographie.

Pierre Bonnard, affiche pour l’exposition Les Peintres-Graveurs, Galerie Vollard, 1896. Lithographie en couleurs. BnF, Estampes et photographie.
Parcours de l’exposition
Structuré en cinq sections, le parcours de l’exposition met en lumière l’audace et la modernité des Nabis dans leur approche novatrice de l’estampe. La première section est consacrée aux origines de la pratique de la lithographie et de la gravure sur bois par les artistes du mouvement nabi. Leurs expérimentations graphiques révèlent une esthétique singulière et particulièrement inventive, notamment inspirée des maîtres japonais. Dans une approche pédagogique, le visiteur est invité à découvrir le processus de réalisation d’une lithographie en couleurs, du dessin préparatoire à l’épreuve imprimée. Le parcours se poursuit avec une immersion au coeur des années 1890, autour d’Ambroise Vollard, éditeur et marchand d’art visionnaire. Grand défenseur des Nabis, il a contribué à faire reconnaître l’estampe originale comme un art à part entière. Les visiteurs pourront admirer les albums complets qu’il a édités d’Édouard Vuillard, Pierre Bonnard, Maurice Denis et Ker-Xavier Roussel. L’exposition met également en lumière les collaborations entre les Nabis et le monde de l’édition, qui a joué un rôle central dans la diffusion de leur art, à travers des revues littéraires comme La Revue blanche et des livres de peintre (Parallèlement de Paul Verlaine, illustré par Bonnard et Sagesse du même auteur, illustré par Maurice Denis). Leur créativité s’étend aussi au domaine du spectacle, avec des affiches et des programmes pour les théâtres d’avant-garde comme Le Théâtre Libre et Le Théâtre de l’OEuvre ainsi que pour les cafés-concerts parisiens. Le parcours se clôt avec l’évocation de la manière dont l’estampe a permis à l’esthétique nabie d’imprégner la vie quotidienne, tant sur les murs de la ville, par les affiches, que dans les intérieurs privés. Les Bateaux roses, papier peint de Maurice Denis et La Promenade des nourrices, paravent de Pierre Bonnard, en témoignent magistralement.
Introduction
Si les Nabis comptent parmi les avant-gardes de la fin du XIXe siècle, ils ne le doivent pas à leur seule production picturale, mais aussi à leur contribution révolutionnaire à l’estampe. C’est en effet grâce aux images imprimées que l’esthétique nabie a pris corps et a touché un large public. Ce groupe éphémère (1890-1900) rassemble de jeunes artistes (Pierre Bonnard, Édouard Vuillard, Maurice Denis, Ker-Xavier Roussel, Félix Vallotton, Henri-Gabriel Ibels, Paul Ranson et Aristide Maillol) qui ont choisi le surnom de « Nabis » (prophètes en hébreu) pour manifester leur ambition de renouveler l’art de leur temps. Ils s’affranchissent du champ traditionnel des beaux-arts par une ouverture à tous les domaines de la création. Leurs estampes répondent au désir d’intégrer l’art à la vie quotidienne et de le rendre accessible au plus grand nombre. Sous l’impulsion d’éditeurs et de marchands novateurs, tel Ambroise Vollard, les Nabis ont oeuvré à une période phare de l’histoire de l’estampe qui a consacré le peintre-graveur dans son statut d’artiste original. Certains ont exploré les ressources de la lithographie en couleurs (Bonnard, Vuillard, Denis, Roussel), tandis que d’autres ont contribué au renouveau de la gravure sur bois de fil (Vallotton, Maillol). Grâce à ces procédés d’impression, ils ont créé aussi bien des estampes artistiques en feuilles ou en albums que des affiches, des illustrations pour des revues, des livres de bibliophilie, des programmes de spectacle, des partitions de musique et des objets d’art décoratif.
- La révélation de l’estampe
Avant même le plein épanouissement de l’estampe nabie, chaque membre du groupe manifeste un intérêt pour les techniques d’impression. Dès 1891, la galerie Le Barc de Bouteville présente leurs oeuvres graphiques au sein des expositions collectives des « peintres symbolistes et impressionnistes » qu’elle organise. En 1893, Pierre Bonnard, Maurice Denis, Henri-Gabriel Ibels, Paul Ranson, Paul Sérusier, Félix Vallotton et Édouard Vuillard illustrent chacun de lithographies la liste de leurs oeuvres en vente à la galerie. Tandis que Vuillard explore les ressources du noir et blanc, la couleur gagne les lithographies de Pierre Bonnard et de Maurice Denis. Grâce à la collaboration des imprimeurs Edward Ancourt et Auguste Clot, la lithographie en couleurs, célébrée par André Mellerio dans l’ouvrage qu’il lui consacre en 1898, devient le médium privilégié de la majorité des Nabis. Seuls Vallotton et Maillol choisissent la gravure sur bois de fil en noir et blanc. - L’ avènement de l’estampe originale Nabie
Lancée en 1893 par André Marty, L’Estampe originale est la première entreprise éditoriale qui diffuse les estampes des Nabis. Trois ans plus tard, le marchand-éditeur Ambroise Vollard publie à son tour deux albums auxquels participent les artistes du groupe. En 1899, il consacre à Pierre Bonnard, Édouard Vuillard et Maurice Denis des albums monographiques composés de douze lithographies en couleurs et d’une couverture, imprimés par Auguste Clot : Quelques aspects de la vie de Paris de Bonnard, Paysages et intérieurs de Vuillard et Amour de Maurice Denis. Bien qu’ils n’aient pas remporté de succès commercial à leur parution, ces albums ont fini par constituer la quintessence de l’estampe originale de la fin du XIXe siècle. Grâce à la modernité des sujets et des points de vue, inspirés de l’estampe japonaise, mais aussi par la mise en oeuvre d’une gamme chromatique inédite, permise par la lithographie en couleurs, les Nabis ont renouvelé l’estampe de peintre. - Les Nabis, décorateurs de livres et contributeurs de revues
Maurice Denis est le premier nabi à s’intéresser au livre en illustrant Le Voyage d’Urien d’André Gide, en 1893. Il pose alors les bases du livre de peintre. L’artiste n’est plus un simple illustrateur, mais participe à la conception du livre dans une recherche d’harmonie entre le texte et l’image. Dans cette optique, Ambroise Vollard demande à Pierre Bonnard d’accompagner de lithographies le recueil de poèmes Parallèlement de Paul Verlaine et à Maurice Denis d’orner de gravures sur bois Sagesse du même auteur. Les revues d’avant-garde ont soutenu les Nabis en leur commandant des estampes. La Revue blanche, créée en 1889 par Alfred Alexandre et Thadée Natanson, comprend une planche en tête de chacun des numéros publiés en 1893. Elle édite également des livres illustrés et des suites d’estampes, parmi lesquelles la série de gravures sur bois Intimités de Félix Vallotton. Bonnard conçoit une affiche annonçant la parution de la revue. De son côté, Léon Deschamps, créateur et directeur de la revue La Plume, organise le Salon des Cent, une série d’expositions d’artistes modernes, pour lesquelles Bonnard et Ibels dessinent des affiches. - Les Nabis et le monde du spectacle
La fin du XIXe siècle est marquée par l’éclosion du théâtre d’avant-garde. En 1887, André Antoine crée le Théâtre Libre, un théâtre libéré des conventions qui propose une vision réaliste de l’époque inspirée par la littérature naturaliste ; Aurélien Lugné, dit Lugné-Poe, qui défend un répertoire symboliste, fonde le Théâtre de l’OEuvre en 1893. Sollicités par ces théâtres, les Nabis créent des décors et des costumes pour leurs spectacles conçus comme des oeuvres d’art total et en illustrent les programmes imprimés en lithographie. Les Nabis sont également attirés par l’atmosphère iconoclaste des cafés-concerts dont le succès est alors grandissant à Paris. Ils participent ainsi à la promotion de ces établissements de divertissement populaires : Henri-Gabriel Ibels dessine plusieurs affiches de cabarets et des illustrations pour des partitions de chansons interprétées dans ces lieux. - Les Nabis et la vie quotidienne
Mus par le désir de rendre l’art accessible au plus grand nombre, les Nabis s’affranchissent de la hiérarchie entre les beaux-arts et les arts appliqués, intégrant les arts graphiques, et en particulier l’estampe, dans l’environnement quotidien. Ils créent des affiches publicitaires qui ornent les murs de la ville et des papiers peints qui décorent les intérieurs. Maurice Denis réalise plusieurs projets de papiers peints, mais seul Les Bateaux roses est finalement diffusé par les éditions de l’Estampe originale en 1893.Au même moment, le projet de Paul Ranson, Les Canards et les Feuilles, demeure à l’état de maquette peinte. Pierre Bonnard a d’abord conçu le paravent La Promenade des nourrices, frise de fiacres sous la forme de peintures tendues sur quatre panneaux de bois avant de le transposer en lithographies. L’intérêt pour les arts décoratifs et l’attrait exercé par l’esthétique japonaise sur celui que l’on surnomme le « Nabi japonard », ont trouvé, grâce à la lithographie, un mode d’expression qui se veut démocratique.
Catalogue de l’exposition : Impressions nabies. Bonnard, Vuillard, Denis, Vallotton sous la direction de CĂ©line Chicha-Castex et de ValĂ©rie Sueur-Hermel – BnF I Éditions