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🔊 “Esprit es-tu lĂ  ?” Les peintres et les voix de l’au-delĂ , au musĂ©e Maillol, Paris, du 10 juin au 1er novembre 2020

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“Esprit es-tu lĂ  ?” Les peintres et les voix de l’au-delĂ 

au musée Maillol, Paris

du 10 juin au 1er novembre 2020

Musée Maillol

PODCAST - Interview de Christophe Boulanger, attachĂ© de conservation en charge de l’art brut - LaM, Villeneuve d’Ascq, et co-commissaire de l’exposition, par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 8 juin 2020, durĂ©e 16’56. © FranceFineArt.

PODCAST   Interview de Christophe Boulanger, attachĂ© de conservation en charge de l’art brut – LaM, Villeneuve d’Ascq, et co-commissaire de l’exposition,

par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 8 juin 2020, durĂ©e 16’56. © FranceFineArt.

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© Anne-FrĂ©derique Fer, visite de l’exposition en finalisation de montage, le 8 juin 2020.

Augustin Lesage, TĂȘte de la dĂ©esse Nut / XVIII / Karnak, vers 1942. Huile sur toile marouflĂ©e, 77,5 × 57,5 cm. Collection particuliĂšre. Photo : © Claude ThĂ©riez © Adagp, Paris, 2020.
Augustin Lesage, TĂȘte de la dĂ©esse Nut / XVIII / Karnak, vers 1942. Huile sur toile marouflĂ©e, 77,5 × 57,5 cm. Collection particuliĂšre. Photo : © Claude ThĂ©riez © Adagp, Paris, 2020.

Extrait du communiqué de presse :

Commissariat :
Savine Faupin, conservatrice en chef en charge de l’art brut – LaM, Villeneuve d’Ascq.
Christophe Boulanger, attachĂ© de conservation en charge de l’art brut – LaM, Villeneuve d’Ascq.

La prochaine exposition du musĂ©e Maillol, conçue et prĂ©sentĂ©e pour la premiĂšre fois au LaM, Ă  Villeneuve d’Ascq, Ă  l’automne 2019, rĂ©vĂšle l’Ɠuvre des trois principaux peintres spirites du Nord de la France de la fin du XIXe et du dĂ©but du XXe siĂšcle : Augustin Lesage, Victor Simon et Fleury-Joseph CrĂ©pin.

Le parcours de l’exposition, chronologique, historique et thĂ©matique, prĂ©sente plus d’une centaine d’Ɠuvres provenant du LaM, qui dĂ©tient la plus grande collection d’art spirite au monde, et de collections publiques et privĂ©es d’Europe.

Originaires tous trois du bassin minier du Pas-de-Calais et de milieu modeste, travaillant comme mineurs, plombiers ou cafetiers, rien ne les prĂ©destinait Ă  la peinture, jusqu’à que ce que des voix les enjoignent Ă  le faire.

Naissent alors des oeuvres Ă©tranges, d’une minutie exceptionnelle et d’une grande qualitĂ© plastique, conçues comme des Ă©difications spirituelles, associant des influences et des motifs d’origines disparates : chrĂ©tiennes, hindoues, orientales ou encore inspirĂ©es de l’Égypte antique. L’ornement et la symĂ©trie dominent dans leurs oeuvres ainsi que dans celles des autres peintres spirites Ă©galement prĂ©sentĂ©s dans l’exposition.

Le courant spirite, qui apparaĂźt d’abord aux États-Unis au milieu du XIXe siĂšcle, fait des Ă©mules en Europe. Communiquer avec les esprits devient rapidement un phĂ©nomĂšne de sociĂ©tĂ©, favorisĂ© par les guerres qui secouent le continent, puis cultivĂ© par les milieux intellectuels. Les surrĂ©alistes comme AndrĂ© Breton seront parmi les premiers Ă  collectionner les oeuvres de ces artistes, jusqu’à Jean Dubuffet.

À travers des documents d’archives, des oeuvres contemporaines et des vidĂ©os, l’exposition souligne Ă©galement la survivance des pratiques spirites et leur rayonnement au-delĂ  de la peinture.

Les artistes exposés

– 3 figures majeures :
Augustin Lesage, Victor Simon, Fleury-Joseph Crépin

– Les prĂ©curseurs et adeptes :
ThĂ©ophile Bra, Victorien Sardou, Fernand Desmoulin, Madge Gill, Élise MuĂŒller (alias HĂ©lĂšne Smith), Katharina Littauer Breydert, Madame Bouttier, Yvonne Cazier

– Artistes contemporains :
Christian Allard, Abdelkrim Doumar, Louise Hervé et Chloé Maillet, Rainier Lericolais, Frédéric Logez, Timo Nasseri, Stefan Nowak, Elmar Trenkwalder


Fleury-Joseph CrĂ©pin, Tableau n° 188, 11 avril 1942. Huile sur toile, 58,5 × 58 cm. Collection particuliĂšre. Photo : © Galerie Duo.
Fleury-Joseph CrĂ©pin, Tableau n° 188, 11 avril 1942. Huile sur toile, 58,5 × 58 cm. Collection particuliĂšre. Photo : © Galerie Duo.
Victor Simon, La Toile judéo-chrétienne, 1937. Huile sur toile, 194,5 x 298 cm. LaM, Photo : © Nicolas Dewitte / LaM. © Tous droits réservés.
Victor Simon, La Toile judéo-chrétienne, 1937. Huile sur toile, 194,5 x 298 cm. LaM, Photo : © Nicolas Dewitte / LaM. © Tous droits réservés.
Fleury-Joseph CrĂ©pin, Tableau n° 77, Le Temple des fantĂŽmes, mars 1940. Huile sur toile, 54,5 × 49 cm. Ancienne collection Nicolas Schöffer, Don d’ElĂ©onore Lavandeyra-Schöffer, LaM. Photo : © Paul Tahon.
Fleury-Joseph CrĂ©pin, Tableau n° 77, Le Temple des fantĂŽmes, mars 1940. Huile sur toile, 54,5 × 49 cm. Ancienne collection Nicolas Schöffer, Don d’ElĂ©onore Lavandeyra-Schöffer, LaM. Photo : © Paul Tahon.
Augustin Lesage, Les MystĂšres de l’Antique Égypte, 1930. Huile sur toile, 143 × 113 cm. Donation de L’Aracine en 1999. LaM, Photo : © Claude ThĂ©riez. © Adagp, Paris, 2020.
Augustin Lesage, Les MystĂšres de l’Antique Égypte, 1930. Huile sur toile, 143 × 113 cm. Donation de L’Aracine en 1999. LaM, Photo : © Claude ThĂ©riez. © Adagp, Paris, 2020.
Victor Simon, La Croix, aoĂ»t 1957. Huile sur toile, 203 × 243,5 cm. Collection Francis DenĂškre. Photo : © Nicolas Dewitte / LaM. © Tous droits rĂ©servĂ©s.
Victor Simon, La Croix, aoĂ»t 1957. Huile sur toile, 203 × 243,5 cm. Collection Francis DenĂškre. Photo : © Nicolas Dewitte / LaM. © Tous droits rĂ©servĂ©s.

Le parcours de l’exposition


SECTION 1. Le cabinet spirite / Le courant spirite
L’interrogation sur la vie aprĂšs la mort constitue l’un des fondements des sociĂ©tĂ©s humaines. En 1848, d’étranges coups frappĂ©s dans la maison de la famille Fox Ă  Hydesville, dans l’État de New York, amorcent un moyen d’entrer en communication avec les esprits. Cette pratique, appelĂ©e spiritualism aux États-Unis, devient un phĂ©nomĂšne de sociĂ©tĂ© et se rĂ©pand en Europe Ă  partir de 1853. Le Français Allan Kardec (1804-1869) le nomme spiritisme et le thĂ©orise, en 1857, dans Le Livre des Esprits. De nombreuses personnalitĂ©s l’expĂ©rimentent : des Ă©crivains (V. Hugo, V. Sardou, A. C. Doyle), des artistes (F. Desmoulin) ou des scientifiques (C. Flammarion). De multiples moyens de communiquer avec les esprits et de transcrire leurs messages se dĂ©veloppent Ă  travers le monde. En Europe, le mouvement spirite se mĂȘle Ă  de profonds courants spiritualistes oĂč se superposent des pratiques thĂ©rapeutiques issues du magnĂ©tisme et du somnambulisme, des doctrines Ă©sotĂ©riques liĂ©es Ă  la rĂ©incarnation, ainsi que des Ă©lĂ©ments de rĂ©novation ou d’opposition au christianisme, telle la thĂ©osophie. En France, dans le sillage des utopies et hĂ©tĂ©rotopies sociales (C. Fourier, J.-B. Godin) et suite aux grandes lois laĂŻques de la IIIe RĂ©publique, naissent d’étonnantes combinaisons entre spiritualitĂ©s athĂ©es et morale judĂ©o-chrĂ©tienne.


SECTION 2. Augustin Lesage, Victor Simon, Fleury-Joseph Crépin
Au XXe siĂšcle, aprĂšs la vague arrivĂ©e d’AmĂ©rique, le spiritisme se rĂ©pand dans toute la France. C’est dans ce contexte que, dans le bassin minier du Pas de Calais, surgissent les figures d’Augustin Lesage, Victor Simon et Fleury-Joseph CrĂ©pin. Tous les trois, Ă  diffĂ©rents moments de leurs vies, entendent des voix leur enjoignant de peindre. Lesage, Simon et CrĂ©pin se connaissaient, se rencontraient et s’apprĂ©ciaient. Lesage considĂ©rait que Simon Ă©tait son continuateur ; CrĂ©pin, quant Ă  lui, avait remarquĂ© que Simon peignait comme lui Ă©crivait de la musique, il disait que « sa main marchait ». Leurs oeuvre ont Ă©tĂ© rĂ©unies, une seule fois, en septembre 1946 Ă  Paris, Ă  la galerie Lefranc, pour une exposition organisĂ©e par l’Union spirite française. Une quinzaine de toiles de CrĂ©pin Ă©taient prĂ©sentĂ©es aux cĂŽtĂ©s de deux peintures de Lesage et une de Simon. L’artiste lillois et dessinateur FrĂ©dĂ©ric Logez transcrit la mĂ©moire familiale, populaire et historique liĂ©e au Nord de la France et Ă  la guerre. En 2014, FrĂ©dĂ©ric Logez commence le projet Portraits debout, consacrĂ© Ă  des personnes peu connues ayant toutes eu des destins singuliers. Chaque dessin est composĂ© comme une planche gĂ©ante de bande dessinĂ©e oĂč le portrait grandeur nature cĂŽtoie des Ă©lĂ©ments biographiques mis en cases. En 2015, il rĂ©alise les portraits d’Augustin Lesage, de Fleury-Joseph CrĂ©pin, de Victor Simon.


SECTION 3.
Augustin Lesage (1876-1954)
Originaire de Saint-Pierre-lez-Auchel, Augustin Lesage devient mineur de fond dĂšs 1890, ne manifestant pas de disposition particuliĂšre pour la peinture jusqu’à l’ñge de 36 ans. C’est en 1911, ou au dĂ©but de l’annĂ©e 1912, alors qu’il travaille seul dans un boyau de la fosse 2 des Mines de Ferfay, qu’Augustin Lesage entend une voix lui dire : « N’aie crainte, nous sommes prĂšs de toi, un jour tu seras peintre. » Augustin Lesage organise avec son ami Ambroise Leconte des sĂ©ances de tables tournantes, durant lesquelles les voix confirment sa vocation de peintre. Il exĂ©cute plusieurs dessins sous la dictĂ©e des esprits dĂšs 1912, puis se met Ă  la peinture Ă  l’huile sur toile tandis que les esprits choisissent les couleurs et les pinceaux, et l’encouragent Ă  peindre. Il commence sa premiĂšre toile de 9m2 en 1913. DĂšs lors, tel un messager, un transmetteur de l’au-delĂ , il Ă©difie des oeuvres minutieuses, d’une rĂ©gularitĂ© extrĂȘme. Lesage, tout en peignant le soir et la nuit, continue Ă  exercer son travail de mineur, il pratique Ă©galement l’activitĂ© de guĂ©risseur au Cercle des forces psychosiques de Sin-le-Noble, fondĂ© par le spirite Jean BĂ©ziat. Il quitte son travail Ă  la mine en 1923, grĂące au soutien financier de Jean Meyer, directeur de la Revue Spirite et fondateur de la Maison Spirite et de l’institut mĂ©tapsychique international. InstallĂ© Ă  Paris, il prĂ©sente ses oeuvres et rencontre entre autres Arthur Conan Doyle, en 1925. Peu Ă  peu, il devient le peintre officiel du mouvement spirite. Son oeuvre sera apprĂ©ciĂ©e par AndrĂ© Breton dĂšs les annĂ©es 1930 et sera intĂ©grĂ©e Ă  l’art brut par Jean Dubuffet. L’iconographie des toiles d’Augustin Lesage oscille entre formes gĂ©omĂ©triques architecturales, motifs floraux, et figures religieuses. Ce sont nĂ©anmoins les symboles et effigies issus de l’Égypte antique qui dominent son oeuvre Ă  partir des annĂ©es 1920 (oeil d’Horus, bustes de NĂ©fertiti, scarabĂ©es sacrĂ©s et autres emblĂšmes funĂ©raires inspirĂ©s, entre autres, de la tombe de ToutĂąnkhamon). Ce n’est pourtant qu’en 1939 qu’il voyagera en Égypte, accomplissant sa quĂȘte de « l’énigme des siĂšcles du plus lointain passĂ© ». Lesage ne cessera de peindre qu’en 1952. À sa mort en 1954, il aura rĂ©alisĂ© plus de 800 toiles.


SECTION 4.
Victor Simon (1903-1976)
NĂ© Ă  Bruay-en-Artois, Victor Simon passe son enfance entre sa ville natale et Divion. Il grandit dans le bassin houiller du Pas-de-Calais et travaille Ă  la mine dĂšs l’ñge de 12 ans. Sa jeunesse est marquĂ©e par le dur labeur de la mine et la tragique proximitĂ© des champs de bataille de la PremiĂšre Guerre mondiale. Il est trĂšs vite attirĂ© par les croyances religieuses et Ă©sotĂ©riques qui circulent Ă  cette Ă©poque. À l’ñge de 17 ans, en 1920, il assiste Ă  une sĂ©ance de spiritisme qui le marque profondĂ©ment. Quelques annĂ©es plus tard, en juillet 1933 alors qu’il est devenu comptable, il reçoit une mission des esprits qui lui ordonnent de crĂ©er sa premiĂšre toile, nommĂ©e RĂ©surrection, aujourd’hui disparue. C’est l’annĂ©e de sa rencontre avec Augustin Lesage qui le considĂšre comme son « continuateur » et aux cĂŽtĂ©s duquel il exposera Ă  plusieurs reprises. DĂšs lors, il ne cessera de peindre et d’exposer ses oeuvres qu’il ne souhaite pas vendre. En 1947, il est nommĂ© prĂ©sident d’honneur du Cercle de Spiritualisme ExpĂ©rimental et Scientifique de Paris. Établi Ă  Arras, il fonde la revue Forces spirituelles qu’il animera jusqu’à sa mort. Sous l’impulsion des esprits, il rĂ©dige trois livres thĂ©oriques : Reviendra-t-il ? (1953), Du sixiĂšme sens Ă  la quatriĂšme dimension (1955), puis Du moi inconnu au Dieu inconnu (1957). Victor Simon est avant tout un thaumaturge universel. Son activitĂ© de guĂ©risseur lui vaut de nombreux adeptes, du Pas-de-Calais jusqu’au Maghreb. Son don, ses toiles, ses livres et publications, mais aussi ses confĂ©rences et expositions tĂ©moignent de son ambition de soigner les maux de ses patients, et plus largement ceux des classes laborieuses. Bien que farouchement anticlĂ©rical, Victor Simon conçoit des oeuvre oecumĂ©niques savamment codifiĂ©es, au style intemporel, et brisant toute frontiĂšre culturelle et spirituelle. À sa mort en 1976, il laisse derriĂšre lui « des centaines de petites toiles et environ 80 m2 de grandes » oeuvres.


Fleury-Joseph Crépin (1875-1948)
NĂ© Ă  HĂ©nin-LiĂ©tard (aujourd’hui HĂ©nin-Beaumont), Fleury-Joseph CrĂ©pin exerce les mĂ©tiers de serrurier, plombier-zingueur, puis s’installe, en 1901, comme quincaillier Ă  Montigny-en-Gohelle. Il est Ă©galement sourcier, mais aussi guĂ©risseur par l’imposition des mains. Il joue Ă©galement de la clarinette pour animer les bals, et compose. Un soir de dĂ©cembre 1938, alors qu’il recopie de la musique, sa main cesse de lui obĂ©ir pour tracer d’étranges motifs. En 1939, ĂągĂ© de soixante-quatre ans, CrĂ©pin entend des voix mystĂ©rieuses lui dirent : « Quand tu auras peint 300 tableaux, ce jour-lĂ  la guerre finira. AprĂšs la guerre, tu feras 45 tableaux merveilleux et le monde sera pacifiĂ©. » Il peint la nuit ou le jour, dans la solitude, Ă©voquant seulement Ă  ses cĂŽtĂ©s la prĂ©sence d’ombres : ses guides. Il achĂšve la 300e oeuvre le 7 mai 1945, la veille de l’armistice. Il peint encore une centaine de peintures avant de commencer, le 3 novembre 1947, la sĂ©rie des Tableaux merveilleux. À sa mort en 1948, deux Tableaux merveilleux restent inachevĂ©s. L’épreuve des deux guerres mondiales a particuliĂšrement influencĂ© les motifs et formes architecturales de ses oeuvres. Ses temples Ă©voquent le style nĂ©o-byzantin des nombreuses Ă©glises reconstruites dans le nord de la France Ă  partir des annĂ©es 1920. Consciemment ou non, CrĂ©pin semble puiser dans les sources vernaculaires de son environnement immĂ©diat afin de transcender l’édification d’une paix universelle. Ses peintures ont Ă©tĂ© collectionnĂ©es par AndrĂ© Breton, Jean Dubuffet ou Nicolas Schöffer.


SECTION 4. suite
Katharina Littauer-Breydert (1893-1979)
D’origine juive, Ă©levĂ©e dans la religion protestante, Katharina Littauer se convertit au catholicisme en 1935, tout comme le compositeur Frederick Breydert, son futur Ă©poux. Sous le IIIe Reich, ne pouvant plus travailler comme mĂ©decin accoucheur, elle se rĂ©fugie, en 1939, Ă  Anvers. En dĂ©cembre 1939, elle rĂ©alise son premier dĂ©coupage de papier de couleur collĂ© sur un carton au dos duquel elle explique la vision reçue pendant la messe. Ses collages sont des priĂšres visuelles pour que cesse la violence entre les peuples et les religions.


SECTION 5. Un temple infini
Cette salle accueille des oeuvres de grands formats avec notamment La Toile bleue (1,90m x 4.98m soit 10mÂČ) rĂ©alisĂ©e entre mai 1943 et octobre 1944 par Victor Simon durant la nuit, dans un Ă©tat de conscience modifiĂ©. Clef de voĂ»te de l’édifice spirituel du peintre, elle cĂ©lĂšbre l’architecture byzantine et emprunte pour partie son vocabulaire Ă  la basilique Saint-Marc de Venise. Tous ses Ă©lĂ©ments symbolisent les trois dimensions de l’esprit : l’astral, le mental et le causal. Le principe fĂ©minin et masculin anime la composition. StĂ©fan Nowak travaille comme mineur dans le bassin minier du Pas-de-Calais. Son approche de la peinture est tardive, mais prĂ©cĂšde nĂ©anmoins son intĂ©rĂȘt pour les milieux spirites. À plusieurs reprises, il a des visions de LĂ©onard de Vinci qui l’encourage Ă  peindre. Ses oeuvres vĂ©hiculent un message de paix et d’amour, prĂ©sentant au dĂ©but des motifs Ă©voquant des formes christiques ou des temples, puis le mandala devient de plus en plus prĂ©sent. Christian Allard, arriĂšre petit-fils de Lesage, forme son goĂ»t pour l’art en voyant les peintures de son parent. Il ne sait pas au prĂ©alable ce qu’il va rĂ©aliser. La symĂ©trie, la rĂ©pĂ©tition des formes gĂ©omĂ©triques, l’influence orientale rappellent les oeuvres d’Augustin Lesage, de Victor Simon ou de Fleury-Jospeh CrĂ©pin, ce qui pose la question d’un foyer crĂ©atif commun.


SECTION 6. Les dessins automatiques
ThĂ©ophile -François-Marcel Bra (1797-1863), dit ThĂ©ophile Bra, est un sculpteur douaisien renommĂ©, auteur de monuments publics comme La DĂ©esse sur la Grand-Place de Lille. DĂšs 1826, il remplit des centaines de pages d’écrits et de dessins qu’il attribue Ă  des « accĂšs somnambuliques » crĂ©ateurs. À l’époque, on ne parle pas encore de spiritisme : le mot somnambule est utilisĂ© pour qualifier des personnes ayant un don de voyance activĂ© par le magnĂ©tisme. L’ensemble de ses dessins et textes reflĂšte son inclination pour les sciences occultes, le magnĂ©tisme et la franc-maçonnerie. Bra rĂ©dige aussi un manuscrit, L’Évangile rouge, Ă©ditĂ© seulement en 2000, qui relate ses pensĂ©es et rĂ©flexions pendant sa crise mystique de 1826 Ă  1830 environ. Cette oeuvre somnambulique, lĂ©guĂ©e Ă  la bibliothĂšque de Douai et trĂšs peu montrĂ©e du vivant de l’artiste, est une des plus anciennes expressions de crĂ©ation que l’on pourrait qualifier d’automatique, oĂč l’inconscient prend le pas sur la raison. L’intĂ©riorisation des violences du siĂšcle, la recherche d’une religion universelle, la construction d’un Ă©difice spirituel consacrĂ© Ă  la paix, le goĂ»t de l’occulte et la pratique de l’automatisme en art, le tout sous la dictĂ©e des voix, font de Bra un prĂ©curseur des peintres spirites du bassin minier. IntĂ©ressĂ© par l’ésotĂ©risme et le magnĂ©tisme, HonorĂ© de Balzac s’inspire de la personnalitĂ© de Bra dans plusieurs romans : Louis Lambert (1832), SeraphĂźta (1834) et La Recherche de l’absolu (1834).

L’auteur dramatique Victorien Sardou (1831 – 1908), connu pour ses piĂšces de thĂ©Ăątre Ă  succĂšs, participe Ă  des sĂ©ances spirites oĂč il entre en communication avec les esprits de son grand-pĂšre, de Bernard Palissy ou de Mozart et exĂ©cute, en 1857, sous leurs dictĂ©es, des dessins et des eaux-fortes reprĂ©sentant leurs rĂ©sidences sur la planĂšte Jupiter. Leur tracĂ© trĂšs architecturĂ© et leur orientalisme dĂ©calĂ© peuvent ĂȘtre rapprochĂ©s des peintures de Lesage, de Simon, de CrĂ©pin, ou bien encore des architectures martiennes d’HĂ©lĂšne Smith (1861 – 1929). Ses gravures retiennent l’attention d’AndrĂ© Breton qui publie l’une d’elles dans la revue Minotaure en 1933.

Fernand Desmoulin (1853-1914), proche d’Émile Zola, devient un graveur et un portraitiste en vogue sous la IIIe RĂ©publique et l’illustrateur de nombreux auteurs (Daudet, Hugo, les Goncourt). En juin 1900, aprĂšs une soirĂ©e de table tournante chez l’écrivain Catulle MendĂšs et aprĂšs la mort de sa premiĂšre Ă©pouse en 1894, il poursuit seul l’expĂ©rience. Il rĂ©alise de 1900 Ă  1902 une oeuvre mĂ©diumnique importante composĂ©e de centaines d’écrits et de dessins Ă©chappant Ă  toutes les rĂšgles acadĂ©miques. Au travers de sa main, l’esprit signe successivement de trois noms diffĂ©rents : « L’Instituteur », « Ton Vieux MaĂźtre » et « AstartĂ© ». En 1933, AndrĂ© Breton Ă©voque les dessins mĂ©diumniques de Desmoulin dans « Le Message automatique » de la revue Minotaure.

Les femmes jouent un rĂŽle important dans les cercles spirites au XIXe siĂšcle. Les oeuvres d’Élise Muller, alias HĂ©lĂšne Smith (1861-1929), sont connues des cercles spirites, mais aussi d’AndrĂ© Breton. En novembre 1894, elle raconte un voyage sur Mars, s’exprime et Ă©crit en martien et en ultra-martien Ă  partir d’aoĂ»t 1897. Elle reproduit des personnages, des plantes, des paysages de Mars ou d’Ultramars. En 1900, ThĂ©odore Flournoy publie son ouvrage Des Indes Ă  la planĂšte Mars qui agite les milieux spirites et dans lequel il choisit de prĂ©senter la mĂ©dium sous le pseudonyme d’HĂ©lĂšne Smith pour protĂ©ger sa vie privĂ©e. AprĂšs la publication, Élise MĂŒller se brouille avec Flournoy et quitte les cercles spirites. De 1905 Ă  1915, elle rĂ©alise de maniĂšre inconsciente, avec les doigts, des peintures dont les thĂšmes sont dictĂ©s par les voix du Ciel. Elle signe ses tableaux de son vrai nom Ă  partir de 1911. Seuls sont localisĂ©s actuellement les dessins martiens, conservĂ©s en Suisse, et deux peintures : HĂ©lĂšne et son ange gardien (1912) dans la collection ABCD Ă  Paris et La fille de JaĂŻrus (1913) conservĂ©e au LaM.

Madame Bouttier (1839 – 1921) est active dans le cercle spirite du pĂ©dagogue lyonnais et fondateur de la philosophie spirite Allan Kardec (1804 – 1869). Ses dessins automatiques, rĂ©alisĂ©s entre la fin du XIXe et le dĂ©but du XXe siĂšcle, reprĂ©sentent des imbrications de plantes, d’insectes, comme vues Ă  travers un microscope.

Nicole Edelman dans son livre Voyantes, guĂ©risseuses et visionnaires en France 1785-1914, publiĂ© en 1995, insiste sur l’importance des femmes comme somnambule ou mĂ©dium. Elles Ă©taient trĂšs actives dans les cercles spirites ce qui a partiellement contribuĂ© Ă  leur Ă©mancipation de la tutelle masculine ; toutefois peu sont passĂ©es Ă  la postĂ©ritĂ© comme Eusapia Palladino, HĂ©lĂšne Smith, ou Madge Gill.

AprĂšs avoir surmontĂ© une succession de malheurs familiaux et des problĂšmes de santĂ©, Madge Gill s’attache pleinement aux doctrines spirites. Vers 1919, elle commence Ă  Ă©crire et Ă  dessiner, guidĂ©e par une force invisible qu’elle appelle « Myrninerest ». L’historien d’art Roger Cardinal suppose que ce mot signifie « mine innerest self » (mon moi profond). La nuit, Ă©clairĂ©e par une faible lumiĂšre, Madge Gill dessine au crayon, Ă  l’encre noire ou de couleur sur des cartons ou des rouleaux de tissu, pouvant atteindre plusieurs mĂštres de long. Ses premiers dessins prĂ©sentent des formes flottantes, d’inspiration vĂ©gĂ©tales puis elle trace des figures fĂ©minines en insistant particuliĂšrement sur le visage, toujours de face, avec de grands yeux ouverts. Ses espaces architecturĂ©s peuvent faire penser aux compositions de Lesage, Simon ou CrĂ©pin, mais sans organisation symĂ©trique.

La carriĂšre de peintre d’Yvonne Cazier (1910-2008), originaire d’Arras, commence le 8 mars 1961 Ă  9 heures du matin, alors ĂągĂ©e de 50 ans. Sa main est dirigĂ©e par diffĂ©rents guides (Dieu, des TibĂ©tains dont elle trace l’écriture ancienne sans l’avoir jamais apprise, sa fille dĂ©cĂ©dĂ©e avec qui elle entre souvent en communication dans l’au-delĂ , ou bien encore des peintres comme Antoine Watteau ou Max Ernst). Ses premiĂšres oeuvres rĂ©alisĂ©es Ă  la gouache sur papier Ă©voquent des vĂ©gĂ©taux dans lesquels apparaissent parfois des silhouettes longilignes ou des animaux. À partir des annĂ©es 1970, les formes deviennent plus abstraites et semblent flotter dans l’espace ou dans un monde aquatique. Elle explique sa façon de percevoir et de retranscrire le monde : « J’y vois une lumiĂšre qui semble ĂȘtre un rĂȘve. Ce halo de paix qui m’entoure donne Ă  mon corps un Ă©trange repos. LĂ©gĂšre, flottante, devenue presque irrĂ©elle, je vis dans un ailleurs, baignĂ©e de bleu oĂč je parle aux nuages. »

Sans faire Ă©cole, de façon lente, l’intĂ©rĂȘt pour Lesage, Simon et CrĂ©pin dĂ©passe largement leurs cercles. Beaucoup d’artistes se plongent dans les pratiques spirites, portant un autre regard sur leur travail. Rainier Lericolais cherche Ă  rendre visible ce qui se dĂ©robe au regard, Ă  faire entendre ce qui paraĂźt inaudible. Dans Toupie (2018), les lancĂ©s successifs d’une toupie sur une plaque de verre enduite de noir de fumĂ©e produisent des tracĂ©s invisibles de l’artiste pendant le processus crĂ©atif. L’oeuvre fait rĂ©fĂ©rence au phonautographe d’Édouard-LĂ©on Scott de Martinville, qui effectua, en 1857, le premier enregistrement de la voix humaine.

Le soufisme est une source d’inspiration centrale dans l’oeuvre Ă  l’ésotĂ©risme fĂ©cond du marocain Abdelkrim Doumar, qui propose un riche dialogue avec celle de Lesage. Dans la sĂ©rie Parure Ă©phĂ©mĂšre il modifie, Ă  l’aide de solvants, les figures imprimĂ©es dans les magazines et fait apparaĂźtre des formes, des esprits, qui colonisent les motifs initiaux. Un dialogue mystique se noue entre l’artiste et son double Ă  la recherche du souffle divin.

D’origine iranienne par son pĂšre et allemande par sa mĂšre, Timo Nasseri laisse transparaĂźtre dans ses oeuvres ce double hĂ©ritage oriental et occidental. Pour les dessins de la sĂ©rie One and One (2008), rĂ©alisĂ©s Ă  l’encre blanche sur papier noir, il combine quatre triangles diffĂ©rents de telle sorte qu’aucun motif ne puisse se rĂ©pĂ©ter Ă  l’identique.


SECTION 7. Métamorphoses inspirées
L’autrichien Elmar Trenkwalder dĂ©couvre l’oeuvre d’Augustin Lesage lorsqu’il est Ă©tudiant Ă  l’acadĂ©mie des beaux-arts de Vienne et garde toujours prĂ©sente Ă  l’esprit la premiĂšre toile du peintre, ce qui transparaĂźt fortement dans son oeuvre : Lesage et Trenkwalder construisent leurs oeuvres par la verticalitĂ©, par la symĂ©trie et par registres successifs. Leurs compositions architecturĂ©es ornementales et dĂ©coratives multiplient les rĂ©fĂ©rences symboliques.