đ âPaul Poiretâ La mode est une fĂȘte, au MAD, musĂ©e des Arts DĂ©coratifs, du 25 juin 2025 au 11 janvier 2026
âPaul Poiretâ La mode est une fĂȘte
au MAD, musée des Arts Décoratifs, Paris
du 25 juin 2025 au 11 janvier 2026

PODCAST – Entretien avec Marie-Pierre RibĂšre, attachĂ©e de conservation, collections mode et textile et co-commissaire de lâexposition,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 24 juin 2025, durĂ©e 38â26,
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :

Paul Poiret, Robe du soir Joséphine, Paris, 1907. Satin de soie, filet de soie et galon métallique brodé au point de bourdon. © Les Arts Décoratifs / Christophe DelliÚre.
![ThĂ©rĂšse Bonney (1894-1978). Paul Poiret et le mannequin RenĂ©e dans les salons de sa maison de couture, 1 rond-point des Champs-ElysĂ©es. 1927. Tirage gĂ©latino-bromure dâargent par lâARCP, [198.], dâaprĂšs le nĂ©gatif. BibliothĂšque historique de la Ville de Paris.](https://im-francefineart.com/agenda/icono-3501-3650/3632_Paul-Poiret_2.jpg)
ThĂ©rĂšse Bonney (1894-1978). Paul Poiret et le mannequin RenĂ©e dans les salons de sa maison de couture, 1 rond-point des Champs-ElysĂ©es. 1927. Tirage gĂ©latino-bromure dâargent par lâARCP, [198.], dâaprĂšs le nĂ©gatif. BibliothĂšque historique de la Ville de Paris.

George Barbier, Couverture du magazine Les Modes, Avril 1912. Paris, Manzi, Joyant et Cie, 1912. Héliogravure. © Les Arts Décoratifs.

Paul Iribe, Ătude de rose, Vers 1910. Graphite et gouache sur papier vĂ©lin. © Les Arts DĂ©coratifs / Cyrille Bernard.

Christian Dior par John Galliano, Ensemble du soir, manteau et robe, Stourhead, Paris, collection haute couture printemps-été 1998. Façonné de soie broché doré, peint à la main et molletonné, lamé argenté vieilli et gaufré, mousseline de soie brodée de fils métalliques. argentés et de strass. © Les Arts Décoratifs / Christophe DelliÚre

Paul Poiret, Robe du soir Mosaïque, Paris, vers 1908. Mousseline de soie verte brodée de fils de soie et de perles, galon doré et fourrure de vison. © Les Arts Décoratifs / Christophe DelliÚre.
Commissaire :
Marie-Sophie Carron de la CarriĂšre, conservatrice en chef du patrimoine en charge des collections mode et textile 1800-1946
Assistée de Marie-Pierre RibÚre, attachée de conservation, collections mode et textile
#Expo_Poiret
Le musĂ©e des Arts dĂ©coratifs prĂ©sente sa premiĂšre grande monographie dĂ©diĂ©e Ă Paul Poiret (1879-1944), figure incontournable de la haute couture parisienne du dĂ©but du XXe siĂšcle. ConsidĂ©rĂ© comme le libĂ©rateur du corps fĂ©minin pour lâavoir dĂ©corsetĂ©, Paul Poiret a rĂ©novĂ© la mode. Lâexposition « Paul Poiret. La mode est une fĂȘte » est une immersion dans lâunivers foisonnant du crĂ©ateur, de la Belle Ăpoque aux AnnĂ©es folles. Elle explore ses crĂ©ations dans les domaines de la mode, des arts dĂ©coratifs, du parfum, de la fĂȘte et de la gastronomie. Ă travers 550 oeuvres (vĂȘtements, accessoires, beaux-arts et arts dĂ©coratifs) lâexposition met en lumiĂšre lâinfluence durable de Paul Poiret et rĂ©vĂšle lâĂ©tendue de son gĂ©nie crĂ©atif. Un voyage fascinant Ă la rencontre dâun homme dont lâhĂ©ritage continue dâinspirer les crĂ©ateurs de mode contemporains, de Christian Dior en 1948 Ă Alphonse Maitrepierre en 2024. Le commissariat a Ă©tĂ© confiĂ© Ă Marie-Sophie Carron de la CarriĂšre, conservatrice en chef du patrimoine, la direction artistique Ă Anette Lenz et la scĂ©nographie au Paf atelier.
NĂ© Ă Paris en 1879, Paul Poiret dĂ©bute sa carriĂšre comme apprenti dans plusieurs maisons de couture. Il se forme aux cĂŽtĂ©s de Jacques Doucet dĂšs 1898, puis rejoint en 1901 la maison Worth, alors dirigĂ©e par les deux fils du fondateur de la haute couture. Dans ces maisons, Poiret observe et assimile les rudiments du mĂ©tier de couturier : le contact avec les clientes et le travail en Ă©quipe. Ces expĂ©riences lui confĂšrent lâimpulsion nĂ©cessaire pour Ă©tablir sa propre maison de couture en 1903. Il y dĂ©finit une nouvelle esthĂ©tique du corps fĂ©minin, en mouvement et sans carcan, rompant avec la silhouette en S du dĂ©but du siĂšcle. Sa ligne, simplifiĂ©e, est dâune grande modernitĂ©. En tĂ©moigne la robe du soir JosĂ©phine, chef-dâĆuvre de la collection « manifeste » de 1907, dâinspiration Directoire. La taille est remontĂ©e sous la poitrine et maintenue Ă lâintĂ©rieur de la robe par un ruban en gros-grain lĂ©gĂšrement baleinĂ©. Poiret utilise des tissus lĂ©gers et emploie des couleurs vives et acides. Sa palette chromatique fait Ă©cho Ă celle du fauvisme, mouvement pictural du dĂ©but du XXe siĂšcle quâil apprĂ©cie particuliĂšrement.
Il a une clientĂšle aisĂ©e et cultivĂ©e, avide de nouveautĂ©s et sâentoure dâartistes novateurs avec lesquels il collabore et quâil collectionne (Paul Iribe, Raoul Dufy, Maurice de Vlaminck ou encore Georges Lepape). AprĂšs la PremiĂšre Guerre mondiale, pendant laquelle il est mobilisĂ©, Poiret retrouve lâinspiration grĂące Ă ses voyages et aux fĂȘtes quâil organise. Les annĂ©es 1920 sont marquĂ©es par de nombreuses dĂ©penses liĂ©es Ă son train de vie excessif et au dĂ©veloppement de ses sociĂ©tĂ©s (la maison de couture, la maison Martine et les Parfums de Rosine). Il est forcĂ© de vendre sa maison de couture en novembre 1924 et de la quitter dĂ©finitivement en dĂ©cembre 1929. En 1925, il participe Ă lâExposition Internationale des Arts dĂ©coratifs et industriels modernes sur ses fonds propres : il affrĂšte trois pĂ©niches sur le bord de la Seine oĂč il prĂ©sente lâensemble de son univers (couture, dĂ©coration intĂ©rieure, parfums). Cet Ă©vĂšnement est un gouffre financier.
Chronologique et thĂ©matique, lâexposition plonge le visiteur dans le Paris moderne du premier quart du XXe siĂšcle. Elle met en lumiĂšre les dĂ©buts du parcours de Paul Poiret, retraçant les bases de son apprentissage chez Doucet et Worth. Elle dĂ©voile peu Ă peu ses relations et insiste sur ses innovations. Lâon dĂ©couvre au fil de la dĂ©ambulation les multiples facettes du crĂ©ateur dont la pratique sâapparente plus Ă celle dâun chef dâorchestre que dâun simple couturier. Le parcours est ponctuĂ© dâoeuvres dâartistes ayant accompagnĂ© Poiret tout au long de sa carriĂšre. Parmi eux, le dĂ©corateur et architecte Louis SuÌe qui a amĂ©nagĂ© sa maison de couture avenue dâAntin. Poiret est un dĂ©nicheur de jeunes talents quâil soutient et avec lesquels il noue parfois de longues amitiĂ©s, comme Raoul Dufy. De leur relation naissent des crĂ©ations uniques telles que le manteau La Perse (1911), dont la coupe est conçue par Poiret et les motifs imprimĂ©s par Dufy. Au delĂ des artistes, il cĂŽtoie des membres de la sociĂ©tĂ© fortunĂ©e et cosmopolite, clients des grandes maisons de couture. Câest le cas de la collectionneuse dâavant-garde et galeriste amĂ©ricaine Peggy Guggenheim.
DĂšs 1909, la compagnie des Ballets Russes de Serge de Diaghilev se produit Ă Paris. Poiret assiste Ă ses spectacles, caractĂ©risĂ©s par la fusion entre les arts (musique, danse, dĂ©cors et costumes). Il est frappĂ© par leur modernitĂ© quâil va transcrire dans sa pratique. Des photographies de la danseuse Tamara Karsavina pour ShĂ©hĂ©razade sont exposĂ©es aux cĂŽtĂ©s dâun dessin de LĂ©on Bakst, dĂ©corateur du ballet. Poiret habille Ă la scĂšne des danseuses telles que Isadora Duncan et Nyota Inyoka.
Ses diffĂ©rents voyages en Europe et au Maghreb le marquent profondĂ©ment. Il retranscrit certaines de ces impressions dans ses mĂ©moires, En habillant lâĂ©poque (1930), allant jusquâĂ mentionner ses expĂ©riences culinaires et olfactives. Il rĂ©emploie les tissus et broderies quâil rapporte de voyage dans ses crĂ©ations de mode. Il nomme parfois ses tenues de lieux quâil a visitĂ©s : Marrakech, TolĂšdeâŠ
Lâexposition rend compte des fĂȘtes spectaculaires organisĂ©es par le couturier Ă travers plusieurs costumes. Sont Ă©voquĂ©es Les Festes de Bacchus et la fameuse fĂȘte de La Mille et deuxiĂšme Nuit. Poiret y invite ses amis artistes (Kees van Dongen ou encore Dunoyer de Segonzac) avec le tout-Paris mondain. Ces soirĂ©es sont des moments de sociabilitĂ© dont la presse de lâĂ©poque se fait lâĂ©cho. Ils constituent aussi des Ă©vĂšnements publicitaires pour sa maison de couture.
LâintimitĂ© de Poiret est dĂ©voilĂ©e Ă travers des photographies et portraits de famille. On y voit Denise Poiret, les enfants du couple, mais aussi la soeur du couturier, Nicole Groult. Cet espace met en lumiĂšre des moments prĂ©cieux de sa vie personnelle.
Lâexposition prĂ©sente Ă©galement les multiples talents de Poiret : en plus dâĂȘtre couturier, il est peintre, comĂ©dien, Ă©crivain, gastronome et musicien. Tel un chef dâorchestre, Poiret aspire Ă la crĂ©ation dâune oeuvre dâart totale. Sa propension Ă fĂ©dĂ©rer les disciplines se retrouve dans les deux sociĂ©tĂ©s quâil fonde en 1911 : Martine, dĂ©diĂ©e Ă la dĂ©coration dâintĂ©rieur et divisĂ©e entre une Ă©cole et un atelier, et Les Parfums de Rosine. En effet, pour la naissance dâun parfum, il fait participer plusieurs talents. Par exemple, pour Arlequinade (1923), le flacon est dessinĂ© par lâartiste Marie Vassilieff et fabriquĂ© par le sculpteur-verrier Julien Viard, et le jus est Ă©laborĂ© par le parfumeur Henri AlmĂ©ras.
Le parcours de lâexposition se prolonge par lâĂ©vocation de ses crĂ©ations dans le cinĂ©ma des annĂ©es 1920, par exemple dans LâInhumaine de Marcel LâHerbier. Il sâachĂšve par lâinfluence de Poiret sur les couturiers et crĂ©ateurs de mode des XXe et XXIe siĂšcles. Des couturiers comme John Galliano, Christian Dior, Christian Lacroix et Yves Saint Laurent ont puisĂ© dans lâorientalisme, le folklore, lâesprit de fĂȘte et les arts du spectacle. Ă lâimage de Paul Poiret, ils ont incarnĂ© le rĂŽle de directeurs artistiques, donnant Ă la mode une dimension narrative et spectaculaire.
Paul Poiret a Ă©tĂ© le premier couturier Ă faire appel Ă des artistes pour intervenir sur ses textiles, dĂ©cors, illustrations et autres moyens de communication. Il est de ce fait le pionnier de ce que lâon appelle aujourdâhui les « collabs » ; pratique commune depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000 entre les marques de mode et les artistes.