đ âBaptiste Rabichonâ Ă la galerie binome, Paris, du 13 avril au 20 mai 2023
âBaptiste Rabichonâ Verbatim
Ă la galerie binome, Paris
du 13 avril au 20 mai 2023
PODCAST – Interview de Baptiste Rabichon,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 19 avril 2023, durĂ©e 18â38,
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :
En Ă©cho Ă la remise du Prix Camera Clara et Ă lâexposition de la sĂ©rie laurĂ©ate Motherâs rooms de Baptiste Rabichon au Studio Frank Horvat, la Galerie Binome est heureuse de prĂ©senter Verbatim, un focus sur les derniĂšres Ćuvres de lâartiste du 13 avril au 20 mai 2023.
Dans une exploration de la photographie sous toutes ses formes, Baptiste Rabichon produit des images mixtes, nĂ©es de la confrontation entre deux contraires : argentique/numĂ©rique, positif/nĂ©gatif, abstrait/ figuratif, empreinte/ reprĂ©sentation, geste hĂ©sitant de la main/ froideur mĂ©canique de la machine⊠Combinant composition et enregistrement, lâartiste travaille dans lâobscuritĂ© totale du laboratoire photo, dans cet Ă©tat particulier, entre extrĂȘme concentration et lĂącher prise. Il dĂ©couvre autant quâil fabrique; câest la raison du caractĂšre prolifique de son travail. Afin dâaccĂ©der Ă de nouvelles images du monde, Rabichon met en place des outils et des protocoles complexes. Mais cette complexitĂ© de fabrication nâest pas seulement due aux techniques utilisĂ©es, elle rĂ©sulte de la complexitĂ© mĂȘme des choses. Si la photographie peut reprĂ©senter ce que lâon voit du monde pendant un instant, peut-elle en reprĂ©senter notre expĂ©rience ? ExpĂ©rience qui ne se limite ni Ă la vue, ni Ă lâinstant. Câest dans cet « habile conflit » avec la technique que Baptiste Rabichon se soustrait Ă son emprise ; ses manipulations sont autant de grains de sable dans les rouages de la photographie et câest dans le plaisir de la perturber en son sein, par la libertĂ© du geste, quâil la rapproche de la vie.
Dans Blue Screen of Death, prĂ©sentĂ© pour la premiĂšre fois Ă lâoccasion dâa ppr oc he, Baptiste Rabichon nous propose une singuliĂšre actualisation du geste primaire de lâempreinte photographique (photogramme) revisitĂ©e Ă lâaune de notre rapport compulsif Ă la technologie.
Baptiste Rabichon – Blue screen of death, 2022
Au sein dâun corpus de photogrammes (en couleurs et transparents) dâobjets en tous genres, vient sâinviter, dâimage en image, un Ă©trange intrus ; lâentĂȘtante et inĂ©vitable empreinte dâun smartphone dĂ©versant son contenu sur le papier photosensible par contact direct. Comme si cet objet venait parasiter jusquâau geste de lâartiste, comme sâil ne pouvait plus y avoir dâoeuvre sans sa prĂ©sence⊠Chaque oeuvre de la sĂ©rie Blue Screen of Death est donc contaminĂ©e par le flux de lâĂ©cran comme lâest dĂ©jĂ de fait, chaque instant de la vie. Chaque oeuvre doit donc ââfaire avecââ, composer avec cette nouvelle donnĂ©e, exactement comme nous devons, In Real Life, faire avec. Les oeuvres de la sĂ©rie Blue Screen of Death sont transparentes et prĂ©sentĂ©es dans un encadrement entre deux verres. Le regard traverse donc ces images, ces fenĂȘtres ouvertes sur le monde quâelles sont censĂ©es reprĂ©senter, avant de rencontrer un mur, derriĂšre la vitre. Baptiste Rabichon
Baptiste Rabichon – Verbatim, 2023
Dans la lignĂ©e de Blue Screen of Death (photogrammes doublement exposĂ©s Ă la lueur de lâagrandisseur et du smartphone), Baptiste Rabichon sâobstine Ă sonder les rapports possibles entre les diffĂ©rentes mĂ©thodes de production dâimage avec sa nouvelle sĂ©rie, Verbatim.
Si lâartiste nous a habituĂ© aux rencontres incongrues entre analogique et digital, il nous en livre ici lâune des plus simples sans doute, mais aussi lâune des plus troublantes.
Consistant Ă premiĂšre vue en de banales reproductions de prises de vues – quâon devine rĂ©alisĂ©es au tĂ©lĂ©phone par leur format allongĂ© et leur trivialitĂ© – les oeuvres de la sĂ©rie Verbatim, quand on sâen approche, laissent apercevoir des milliers de petits points colorĂ©s qui Ă©voquent lâoffset ou la sĂ©rigraphie mais qui ne sont autres que les diodes composant lâĂ©cran du smartphone producteur de lâoeuvre en question.
Un regard plus appuyĂ© dĂ©cĂšlera des irrĂ©gularitĂ©s au sein de cette trame. Câest que Baptiste, sans se soucier des traces de doigts, poussiĂšres ou autres impuretĂ©s, a placĂ© directement son tĂ©lĂ©phone allumĂ© dans un agrandisseur photographique devant lequel il a disposĂ© une feuille de papier photosensible. La lumiĂšre de lâĂ©cran traversant lâoptique insole ainsi le papier de lâimage quâil diffuse.
Verbatim est donc une collecte physique de ce qui se passe sur notre Ă©cran, le rĂ©sultat fidĂšle de lâentretien entre lâoutil photographique le plus utilisĂ© aujourdâhui et lâun de ceux en voie dâextinction.
SĂ©rie fleuve entamĂ©e il y a quelques mois, Verbatim est rĂ©alisĂ©e dans lâurgence. Urgence dâune rencontre entre deux Ăšres qui ne sera bientĂŽt plus possible en raison de lâinĂ©luctable disparition de la photographie analogique couleur. Pourtant, renversant lâhabituelle nostalgie associĂ©e Ă lâimagerie argentique, ce sont bien ces petites vignettes numĂ©riques prises au smartphone dont Baptiste Rabichon rĂ©vĂšle la fragilitĂ©.
En effet, la photographie numĂ©rique est un texte, incomprĂ©hensible certes pour le commun des mortels, mais parfaitement dĂ©codĂ© puis transcris en image par les multiples logiciels de nos ordinateurs et tĂ©lĂ©phones portables. Le titre de la sĂ©rie Verbatim fait Ă©cho Ă cette retranscription, tout comme la cĂ©lĂšbre marque Verbatim, spĂ©cialisĂ©e dans la conservation de fichiers numĂ©riques sur supports physiques (cd, dvd, clĂ©s usbâŠ).
Que restera-t-il dans quelques dĂ©cennies des milliards dâimages prises quotidiennement durant les premiĂšres annĂ©es du XXIĂšme siĂšcle ? Lorsque jpeg sera un format antĂ©diluvien et que les connectiques usb ne seront plus fabriquĂ©es depuis des lustres ?
Toutes ces images fugaces, vues dâatelier, natures mortes, selfies, photos de sa compagne, lâartiste, par sa technique dâagrandissement (toutes les piĂšces sont uniques et de grand format), les transforment en tableaux. Quelque chose de classique se dĂ©gage, nous sommes face Ă un monument.
A voir Ă©galement
Baptiste Rabichon – 11Ăšme laurĂ©at prix photo Camera Clara :
Exposition au Studio Frank Horvat du 20 avril au 30 juin 2023
5 rue de lâancienne mairie. mĂ©tro Boulogne Jean Jaures
http://www.prixcameraclara.com/
https://www.studiofrankhorvat.com/
Le philosophe anglais Bernard Williams dĂ©clarait ne pas pouvoir dĂ©finir la vĂ©ritĂ©, mais distinguait deux vertus cardinales : lâexactitude et la sincĂ©ritĂ© qui nous permettaient de sâen approcher.
Lorsquâun jour Baptiste Rabichon se renverse sur son lit, un souvenir dâenfance remonte, celui de rĂȘvasser en explorant du regard ces Ă©tranges palais vides que sont les plafonds. Comme Marguerite Pilven le note dans son texte sur la sĂ©rie Motherâs Rooms – Prix Camera Clara 2022, « En matĂ©rialisant une vision dâenfance, (âŠ) Baptiste Rabichon fait un retour sensible au lieu de lâimage originelle, non encore corrigĂ©e par le filtre des mĂ©diations ». Câest lĂ prĂ©cisĂ©ment – le lieu de lâimage originelle, que Baptiste Rabichon rĂ©unit exactitude et sincĂ©ritĂ©. Alors que lâobjectivitĂ© de la photographie est sans cesse questionnĂ©e, la photographie est pour lui dĂ©clencheur dâune vĂ©ritĂ© ravivĂ©e et quâimporte si elle se base sur un souvenir, une sensation forcĂ©ment subjectifs. Dans ses sĂ©ries prĂ©cĂ©dentes, Baptiste Rabichon mixait les techniques, celles du photographe et du plasticien puisque « la photographie ne peut Ă elle seule cerner la complexitĂ© dâun moment, lâentiĂšretĂ© dâune situation ; rĂ©vĂ©lant souvent quâun manque, celui dâun temps saisi et Ă jamais disparu ». Dans Motherâs Rooms au contraire, son utilisation de la chambre photographique grand format revient Ă lâessence de lâimage : le point de vue. Artifice et discours sont Ă©cartĂ©s pour laisser place Ă la grĂące de la simplicitĂ© de ce seul point de vue. Ici, la beautĂ© de la vĂ©ritĂ© de Baptiste Rabichon est tellement simple quâelle opĂšre comme une alchimie, et nous voici tout retournĂ©s.
Audrey Bazin