đ âCrĂ©er. Dessiner pour les arts dĂ©coratifs 1500â1900â Collection du Rijksmuseum, Amsterdam, Ă la Fondation Custodia, Paris, du 25 fĂ©vrier au 14 mai 2023
âCrĂ©er. Dessiner pour les arts dĂ©coratifs 1500â1900â Collection du Rijksmuseum, Amsterdam
Ă la Fondation Custodia, Paris
du 25 février au 14 mai 2023
PODCAST –Â Interview de Reinier Baarsen, conservateur principal du mobilier, Rijksmuseum Ă Amsterdam, et commissaire de lâexposition,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 24 fĂ©vrier 2023, durĂ©e 20â57.
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :
Commissariat :
Reinier Baarsen, conservateur principal du mobilier, Rijksmuseum Ă Amsterdam, Pays-Bas.
La Fondation Custodia accueille du 25 fĂ©vrier au 14 mai 2023 lâexposition CrĂ©er. Dessiner pour les arts dĂ©coratifs 1500-1900. Collection du Rijksmuseum, Amsterda m.
Cet Ă©vĂ©nement se tient en parallĂšle de lâexposition Cabinet de dessins nĂ©erlandais. Le XVIIIe siĂšcle. Collection des MusĂ©es royaux des Beaux-Arts de Belgique, avec une pensĂ©e Ă©mue pour Ger Luijten, directeur de la Fondation Custodia, disparu soudainement le 19 dĂ©cembre dernier.
SĂ©lectionnĂ©s, Ă©tudiĂ©s et explorĂ©s par Reinier Baarsen, conservateur des arts dĂ©coratifs du Rijksmuseum, prĂšs de 200 dessins dâarts dĂ©coratifs du XVIe au XIXe siĂšcle issus du musĂ©e amstellodamois sont prĂ©sentĂ©s pour la premiĂšre fois au public français.
Depuis une dizaine dâannĂ©es, le Rijksmuseum dâAmsterdam mĂšne une intensive politique dâacquisitions pour rassembler un important ensemble de dessins dâarts dĂ©coratifs. Ce groupe trĂšs spĂ©cifique entend faire le lien entre son immense fonds dâestampes dâornement et sa fameuse collection dâobjets dâart et de piĂšces de mobilier, dont lâorigine remonte quant Ă elle Ă la fondation du musĂ©e. Ces objets â et les dessins qui les illustrent â accompagnaient le quotidien des dignitaires qui les avaient commandĂ©s, ornaient leur demeure ou des Ă©difices religieux. Ils sont aujourdâhui le tĂ©moignage du mode de vie en Europe, entre la Renaissance et lâorĂ©e du XXe siĂšcle. Si ces feuilles restent en grande partie anonymes, elles rĂ©vĂšlent parfois la main dâun artiste connu â Ă©bĂ©niste, orfĂšvre, sculpteur ou peintre â ou peuvent ĂȘtre rattachĂ©es Ă son atelier. Erasmus Quellinus I (1584-1640), Baldassare Franceschini (1611-1690), Daniel Marot (1661-1752), Gilles-Marie Oppenord (1672-1742), Luigi Valadier (1726-1785), Jean-DĂ©mosthĂšne Dugourc (1749-1825), Albert-Ernest Carrier-Belleuse (1824-1887), EugĂšne-Emmanuel Viollet-le-Duc (1814-1879) ou RenĂ© Lalique (1860-1945) comptent parmi les grands noms reprĂ©sentĂ©s dans cette exposition.
ClassĂ©s en douze chapitres thĂ©matiques, les dessins sont interrogĂ©s sur leur relation avec les oeuvres dâart quâils reprĂ©sentent. Ils sont un Ă©lĂ©ment clĂ© de leur conception, de leur fabrication ou encore de leur commercialisation. Les diffĂ©rentes Ă©tapes de la crĂ©ation et de lâexistence dâun objet impliquaient de nombreuses personnes : artistes concepteurs, artisans et exĂ©cutants spĂ©cialisĂ©s, mais aussi potentiels acquĂ©reurs ou commanditaires. Ces protagonistes trouvĂšrent dans les dessins un support de communication visuelle nĂ©cessaire Ă leurs Ă©changes ou leurs nĂ©gociations. Lâexposition permet ainsi de dĂ©couvrir les diffĂ©rentes fonctions de ces projets dâarts dĂ©coratifs, de cerner le rĂŽle de chacun de ces acteurs et lâusage quâils faisaient de ces oeuvres dâart. Pour renforcer le propos, des piĂšces dâorfĂšvrerie et de mobilier, parmi lesquelles une exceptionnelle saliĂšre hollandaise en argent du XVIIe ou un secrĂ©taire marquetĂ© parisien du XVIIIe siĂšcle (prĂȘt du Petit Palais, Paris), sont liĂ©s.
De lâesquisse Ă lâobjet
Acte premier de mise en image dâune idĂ©e en train de naĂźtre, les dessins de conception ouvrent le parcours de lâexposition. Ă ce stade, lâartiste imagine, se corrige, explore diffĂ©rentes solutions et variantes afin de prĂ©ciser son projet sur le papier. Lâesquisse pour un petit cadre peut-ĂȘtre destinĂ© Ă un bĂ©nitier en argent, montre un dessinateur au travail. Encore insatisfait, celui-ci tente de clarifier certains dĂ©tails, les repassant Ă la plume ou les rĂ©pĂ©tant sur la feuille. Le dessin est son outil de crĂ©ation. Le Projet de plat Ă condiment en argent rĂ©vĂšle lâinventivitĂ© gĂ©niale de son auteur, probablement Johannes Lutma (1584-1669), le plus fameux orfĂšvre du XVIIe siĂšcle Ă Amsterdam. DĂ©formant la perspective, il inclina le plateau vers lâavant pour montrer les petits compartiments qui le composent. Il offrait ainsi des informations utiles Ă lâexĂ©cution de la piĂšce. Un grand nombre de dessins pouvaient ĂȘtre rĂ©alisĂ©s au cours du processus de crĂ©ation dâune oeuvre dâart. Les artistes annotaient les feuilles, indiquaient les Ă©chelles, les dimensions, dĂ©taillaient certains Ă©lĂ©ments. Important architecte dâorigine française, actif aux Pays-Bas, Daniel Marot (1661-1752) conçut Ă©galement des dĂ©cors pour des intĂ©rieurs. Il inscrivit sur son Projet pour une table console, un trumeau et une torchĂšre de nombreuses instructions pour sa rĂ©alisation. Huit mois plus tard, il prĂ©cisa, Ă lâaide dâune encre diffĂ©rente, les changements qui avaient Ă©tĂ© opĂ©rĂ©s lors de son installation.
Se former au dessin dâarts dĂ©coratifs
LâĂ©bĂ©niste autrichien du XIXe siĂšcle, Joseph Nussbaumer indiquait quant Ă lui de nombreux dĂ©tails utiles et techniques dans ses feuilles, comme la dimension des meubles, les Ă©lĂ©ments dâassemblage ou mĂȘme le sens du fil du bois. Par sa composition trĂšs structurĂ©e, prĂ©sentant le secrĂ©taire comme une vĂ©ritable architecture (plan, coupe, Ă©lĂ©vation), son dessin sâinscrit dans la tradition allemande des Meisterrisse. Ce terme dĂ©signe le projet dessinĂ© du chef-dâoeuvre quâun aspirant Ă©bĂ©niste se devait de soumettre pour rejoindre une guilde. Lâexposition sâarrĂȘte sur cette pratique qui nâĂ©tait par ailleurs pas lâapanage des seuls artisans allemands : dans de nombreuses villes en Europe, plusieurs corps de mĂ©tiers Ă©taient soumis Ă cette mĂȘme rĂšgle. MaĂźtriser lâexĂ©cution de tels dessins constituait dĂšs lors une part importante de la formation de tout artiste.
Lâatelier Valadier et les commandes ecclĂ©siastiques
Lâutilisation de ces feuilles, vĂ©ritables outils de lâartiste et de lâartisan, impliquait souvent leur destruction quand elles nâĂ©taient pas prĂ©servĂ©es et transmises avec les fonds de lâatelier. Celles qui furent conservĂ©es constituent des tĂ©moignages prĂ©cieux pour notre comprĂ©hension des procĂ©dĂ©s de fabrication et dâorganisation du travail au sein dâun atelier. Une section entiĂšre est consacrĂ©e aux Valadier, Ă©minente dynastie dâorfĂšvres romains au XVIIIe et XIXe siĂšcles, dont le Rijksmuseum conserve dĂ©sormais un fonds consĂ©quent de feuilles. VĂ©ritable cas dâĂ©tude, il permet de saisir toute lâimportance de ces dessins et la diversitĂ© de leurs rĂŽles au sein dâun atelier. Une section entiĂšre est consacrĂ©e aux Valadier, Ă©minente dynastie dâorfĂšvres romains au XVIIIe et XIXe siĂšcles, dont le Rijksmuseum conserve dĂ©sormais un fonds consĂ©quent de feuilles. VĂ©ritable cas dâĂ©tude, il permet de saisir toute lâimportance de ces dessins et la diversitĂ© de leurs rĂŽles au sein dâun atelier. Les Valadier rĂ©pondaient Ă de nombreuses commandes pour les grandes familles de lâaristocratie romaine, pour la papautĂ© et pour des projets ecclĂ©siastiques. Luigi Valadier (1726-1785) rĂ©alisa ainsi deux lustres monumentaux pour la cathĂ©drale de Saint-Jacques de Compostelle. Le projet pour lâun dâeux est exposĂ© Ă la Fondation Custodia. DĂ©finie avec clartĂ© et assurance, cette piĂšce est lâexpression dâun style rococo majestueux. Dans toute lâEurope, jusquâau XVIIIe siĂšcle, lâĂglise fut en effet un mĂ©cĂšne de premier plan pour la crĂ©ation dâoeuvres dâart. Les dessins pour des objets ecclĂ©siastiques occupent ainsi une place importante tout au long de lâexposition, et un
chapitre en particulier leur est dĂ©diĂ©. dâun atelier.
Â
Des dessins collectionnés
MalgrĂ© lâaspect trĂšs pratique liĂ© Ă leur usage, les dessins dâarts dĂ©coratifs peuvent et doivent aussi ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme de vĂ©ritables oeuvres dâart. En raison de leurs qualitĂ©s esthĂ©tiques, de leur exĂ©cution parfois virtuose et de lâimage idĂ©ale quâils pouvaient incarner, ils furent collectionnĂ©s par les amateurs autant que par les artistes qui y trouvĂšrent des modĂšles dâinspiration. Certaines feuilles Ă©taient aussi produites sans lien avec la crĂ©ation dâun objet particulier, mais pour elles-mĂȘmes, destinĂ©es Ă sĂ©duire des amateurs cultivĂ©s, et vouĂ©es Ă leurs collections. Elles se caractĂ©risent par un grand raffinement. Le dessin de Giovanni Battista Foggini (1651-1725) est la reprĂ©sentation dâun coffret idĂ©al, ornĂ© de panneaux en pierre dure et dâĂ©lĂ©ments sculptĂ©s en bronze dorĂ©, dans la plus pure tradition florentine du dĂ©but du XVIIIe siĂšcle. Acquise par un collectionneur anglais, la feuille servit sans doute de substitut Ă un vĂ©ritable coffret dans sa collection. Si le dessin est dĂ©pourvu du caractĂšre prĂ©cieux de ses matĂ©riaux, il le surpasse sans doute dans sa conception.
Dessiner pour diffuser et vendre les Ćuvres dâarts dĂ©coratifs
Le trĂšs rĂ©putĂ© Gilles-Marie Oppenord (1672-1742), architecte et ornemaniste du style rocaille crĂ©a des oeuvres pour les plus grands princes et dignitaires français et Ă©trangers. Sa virtuositĂ© de dessinateur se dĂ©ploie dans plusieurs feuilles prĂ©sentĂ©es Ă la Fondation Custodia, telles que le splendide Projet pour une applique ou encore le Projet pour un boĂźtier dâhorloge. Ce dernier dessin fut gravĂ© en contrepartie par Gabriel Huquier (1695-1772) pour une sĂ©rie de livres illustrĂ©s rassemblant des modĂšles dâobjets dâarts conçus par Oppenord. Il est prĂ©sentĂ© dans une section consacrĂ©e Ă ces feuilles prĂ©paratoires aux modĂšles gravĂ©s qui permirent une large diffusion des innovations dĂ©veloppĂ©es dans le domaine des arts dĂ©coratifs. Les modĂšles ou les projets dâorfĂšvrerie, dâobjets dâart ou de mobilier Ă©taient souvent rĂ©alisĂ©s dans le but de persuader les clients dâacheter ou de commander de telles oeuvres. Ces dessins Ă©taient prĂ©sentĂ©s directement dans lâatelier ou envoyĂ©s, accompagnĂ©s dâune lettre contenant des indications complĂ©mentaires, aux potentiels acquĂ©reurs. Ils montraient les objets de la plus attrayante des maniĂšres. En effet, ceux-ci nâĂ©taient bien souvent fabriquĂ©s que sur commande. Au XIXe siĂšcle, ce sont de vrais petits catalogues commerciaux illustrĂ©s de dessins qui se dĂ©veloppĂšrent. Deux sont dâailleurs prĂ©sentĂ©s dans lâexposition.
Le renouveau des arts décoratifs
Le parcours accompagne le visiteur jusquâaux derniĂšres dĂ©cennies du XIXe siĂšcle. Dans toute lâEurope, les arts dĂ©coratifs connurent alors un vĂ©ritable renouveau. Des objets du quotidien Ă©taient signĂ©s par de jeunes artistes dĂ©sireux de sâĂ©loigner dâune production de masse, nĂ©e de la rĂ©volution industrielle, et de renouer avec lâambition dâexcellence. Leurs dessins montrent leur volontĂ© de mettre leur style individuel au service dâinnovations dĂ©coratives. Lâun des reprĂ©sentants les plus connus de lâArt nouveau en France fut sans doute RenĂ© Lalique (1860-1945) dont deux feuilles prĂ©paratoires Ă des bijoux sont exposĂ©es. DâAnatole-Alexis Fournier (1864-1926) est prĂ©sentĂ© un ravissant Projet de dĂ©cor pour un vase en porcelaine, destinĂ© Ă la manufacture de SĂšvres. Son caractĂšre presque Ă©vanescent, ses formes linĂ©aires et pures Ă©voquent pleinement la production de cette Ă©poque.
Cette exposition propose au public de dĂ©couvrir un nouvel aspect des fonctions du dessin et de son rĂŽle central dans le processus de crĂ©ation dâune oeuvre dâart. Elle sâinscrit ainsi dans la volontĂ© de la Fondation Custodia dâexplorer les arts graphiques de toutes les Ă©poques et de toutes les Ă©coles, et de transmettre au plus grand nombre tant leurs qualitĂ©s dâusage que leur beautĂ© intrinsĂšque.
Catalogue
Lâexposition sâaccompagne dâun catalogue rĂ©digĂ© par Reinier Baarsen et publiĂ© en anglais. Outre une introduction gĂ©nĂ©rale au sujet, le propos de chaque chapitre est prĂ©sentĂ© avant dâĂȘtre dĂ©veloppĂ© au travers de notices dâoeuvres illustrĂ©es.
Process. Design Drawings from the Rijksmuseum, 1500â1900. Rotterdam, nai010 publishers, 2022.Â
Un livret dâexposition rĂ©digĂ© par Maud GuichanĂ© et Marie-Liesse Choueiry est Ă©galement disponible pour les visiteurs.