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“Dinh Q. Lê” Le fil de la mémoire et autres photographies, au musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris, du 8 février au 20 novembre 2022

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“Dinh Q. Lê” 
Le fil de la mémoire et autres photographies

au musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris

du 8 février au 20 novembre 2022

musée du quai Branly – Jacques Chirac


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© Anne-Fréderique Fer, présentation presse, le 7 février 2022.


Dinh Q. Lê, Untitled 9, 2004, Fuji Professional Color Paper, 85 x 170 cm. © Katie de Tilly, Hong Kong.
Dinh Q. Lê, Untitled 9, 2004, Fuji Professional Color Paper, 85 x 170 cm. © Katie de Tilly, Hong Kong.

Dinh Q. Lê, Ramayana #11. 165 cm x 220 cm. © Dinh Q. Lê.
Dinh Q. Lê, Ramayana #11. 165 cm x 220 cm. © Dinh Q. Lê.
Dinh Q. Lê, Splendor and Darkness (STPI) #28, 2017. Cyanotype on Stonehenge paper; cut, weaved and burnt, with acid-free double-sided tape and linen tape, 157 x 70 cm. © Dinh Q. Lê / STPI. Photo courtesy of the Artist and STPI.
Dinh Q. Lê, Splendor and Darkness (STPI) #28, 2017. Cyanotype on Stonehenge paper; cut, weaved and burnt, with acid-free double-sided tape and linen tape, 157 x 70 cm. © Dinh Q. Lê / STPI. Photo courtesy of the Artist and STPI.
Dinh Q. Lê, Splendor and Darkness (STPI) #26, 2017. Cyanotype on Stonehenge paper; cut, weaved and burnt, with acid-free double-sided tape and linen tape, 207.5 x 139.5 cm. © Dinh Q. Lê / STPI. Photo courtesy of the Artist and STPI.
Dinh Q. Lê, Splendor and Darkness (STPI) #26, 2017. Cyanotype on Stonehenge paper; cut, weaved and burnt, with acid-free double-sided tape and linen tape, 207.5 x 139.5 cm. © Dinh Q. Lê / STPI. Photo courtesy of the Artist and STPI.
Dinh Q. Lê, Splendor and Darkness (STPI) #13, 2017. Foiling and screen print on Stonehenge paper; cut, weaved and burnt, with acid-free double-sided tape and linen tape, 107 x 107 cm. © Dinh Q. Lê / STPI. Photo courtesy of the Artist and STPI.
Dinh Q. Lê, Splendor and Darkness (STPI) #13, 2017. Foiling and screen print on Stonehenge paper; cut, weaved and burnt, with acid-free double-sided tape and linen tape, 107 x 107 cm. © Dinh Q. Lê / STPI. Photo courtesy of the Artist and STPI.

Texte de Sylvain Silleran



De grands tirages sont découpés en longues bandes et tissés ensemble pour créer une image nouvelle. Dinh Q. Lê perpétue ainsi l’art du tissage qu’il tient de sa grand-mère. Son enracinement dans les traditions, dans leur géographie, est le point de départ d’un travail de déconstruction et de reconstruction d’une histoire, d’une identité. La photographie détruite, hachée, est devenue un simple matériau, un fil, un ruban que des mains doivent tisser. Le photographe réapprend humblement les vertus de la patience, les gestes de l’artisan défaisant et refaisant son ouvrage, il reconnecte ainsi sa modernité aux coutumes des mille générations qui l’ont précédées.


Des images trouvées, des photos d’archives, de journaux, des affiches de cinéma, voilà le tissu, le coton, la soie et le nylon. Un ciel rouge est constellé de parachutes, des héros de celluloïd se mêlent aux protagonistes de photos historiques. Un revolver au bout d’un bras, celui d’une actrice glamour rencontre le noir et blanc de la terrible et iconique photo d’exécution d’un homme en pleine rue. From Vietnam to Hollywood raconte la guerre et son image, l’héroïne en bikini et la victime réelle, celle qui est tombée sur un coin de trottoir. La Metro Goldwyn Mayer présente un père portant le corps sans vie de son enfant. De la couleur et du noir et blanc, des images en pointillés, une maille à l’envers, une maille à l’endroit, il y a dans ce tissu ce qui est montré et il y a ce qui est dissimulé. Chez Dinh Q. Lê tout est d’égale importance.


D’autres images sont trouvées : des dessins de soldats viêt cong, des femmes, des jeunes hommes au visage doux d’adolescents. Malgré cette catastrophe qu’est la guerre, les voilà pleins d’enthousiasme. Ils organisent des expositions de ces dessins dans la jungle sur un fil tendu, comme du linge qui sèche entre deux bombardements. Le portrait comme témoignage, un visage simple, grave et concentré, une pause entre les combats, des fusils brandis fièrement, il y a une patrie à défendre. Des petites aquarelles sur un papier fin, brun-gris, des feuilles de cahier, réussissent à créer une intimité propice au bavardage des âmes. Ce travail de mémoire sur la guerre du Vietnam est troublant car à la simplicité de ces témoignages vient se superposer l’inévitable œuvre de propagande, celle fabriquée avec tant d’intelligence et de style par le socialisme. Ici aussi déjà, le vrai et la mise en scène s’entremêlent inextricablement.


Le tirage photographique n’est plus, L’image en tranches fines est brûlée sur les bords, sa surface est ici et là argentée, brillante comme un miroir, muette. Des franges pendent dans un inachevé, comme un drapeau rescapé des combats. Il faut alors regarder différemment.


Sur des photos d’Angkor Vat viennent se superposer celles de victimes du génocide Khmer rouge. Avec Splendor and Darkness, le noir et blanc laisse peu à peu place à un tirage photographique bleu cyanotype. Une silhouette sombre se tient debout, une femme, un homme, un enfant nous regardent bien droit dans les yeux, bien an face. On ne les voit pas tout de suite, perdus que nous sommes dans la splendeur des sculptures d’Angkor. Il faut reculer pour voir apparaitre la vraie image. Ce qui est montré est ce qui est caché dans ce tissage. Dans cet art cinétique, le spectateur doit se déplacer pour que l’image se révèle à lui. Apparaissent alors les esprits, les millions d’esprits des victimes des khmers rouges. Un peuple tout entier.


Des temples d’Angkor, les dieux et les héros, les animaux fantastiques se déchirent sur des méchants murs de briques creuses, des murs érigés à la va-vite à l’épais ciment gris pour faire des cellules de prison, des chambres où torturer. L’art et le génie humain mis en œuvre pour construire la merveille qu’est Angkor et la barbarie de ceux qui ferment une école pour en faire un camp d’extermination, les voilà tissés ensemble, ces deux facettes de l’humanité, nous ne savons plus qui était là en premier. Un dernier visage apparait dans une fresque épique tirée du Ramayana. Une petite fille assassinée par les khmers rouges. Maintenant son portrait est admiré de tous, il suscite effroi et émotion. Sa beauté, la grâce de son innocence brisée irradient et défient ses bourreaux et leur criminelle idéologie.



Sylvain Silleran


Extrait du communiqué de presse :



Commissariat :

Christine Barthe, responsable de l’unité patrimoniale des collections photographiques, musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris,
avec la collaboration de l’artiste Dinh Q. Lê




L’artiste vietnamien Dinh Q. Lê construit depuis les années 1990 une oeuvre riche et complexe, en utilisant diverses techniques, où la photographie tient une place importante. Pour autant Dinh Q. Lê est peu photographe. L’image est pour lui un matériau à interroger, à découper, à transformer. L’exposition revient sur la carrière de cet artiste majeur, peu souvent exposé en France jusqu’ici. Les oeuvres choisies retracent les grandes lignes de sa pratique artistique des vingt dernières années. Via la photographie, la vidéo, le dessin, s’entrecroisent des manières nouvelles et subtiles de raconter l’imbrication étroite entre géopolitique et histoire vécue, entre récit personnel et Histoire.

« Trop souvent, nous avons vu notre histoire racontée par d’autres que nous, ou mise de côté. » *

Dès les années 1990, Dinh Q. Lê met au point une technique de tissage d’images qui fait appel au souvenir des gestes de sa tante tressant des tapis. Tressant à son tour des images à partir de photographies vernaculaires et d’images hybrides, il associe deux registres de représentation et produit une image nouvelle dont il trouble irrémédiablement la vision. La parole joue un rôle important dans les préoccupations de l’artiste. Rendre la parole possible, audible, et restituer la complexité de l’Histoire par ceux qui l’ont vécue, est une ligne récurrente de son travail. Dans de nombreuses oeuvres, il interroge des artistes engagés comme tels durant la guerre du Vietnam, lui permettant de questionner plus largement la place de l’art et la responsabilité des artistes. Son travail contribue aussi depuis quelques années, à interroger l’histoire du Cambodge et la représentation du génocide mené par le régime Khmer rouge. Des oeuvres plus récentes sont constituées à partir de photographies de migrants et évoquent les drames de la traversée de la Méditerranée.

 

Après avoir passé son enfance au Vietnam, puis réfugié en Thaïlande et aux États-Unis, avant de revenir vivre dans son pays natal, Dinh Q. Lê a fait l’expérience du déracinement, du retour, et de l’éternel décalage de celui qui a longtemps vécu ailleurs. Sans limiter son oeuvre à sa biographie, on peut lire dans sa production une exceptionnelle intelligence du déplacement, une poésie du décalage, un subtil sens de la mise en relation, immédiatement perceptible par tous.

Le titre de l’exposition fait référence à sa manière de travailler la photographie comme un textile, en tissant les images. Il rappelle aussi ses inlassables tentatives de renouer le fil de la mémoire. Le parcours de l’exposition suit la chronologie non exhaustive du travail de l’artiste depuis environ quinze ans et réunit une vingtaine d’oeuvres.

* À toi appartient le regard et (…) la liaison infinie entre les choses : Musée du quai Branly – Jacques Chirac. Édité par Christine Barthe. Arles, France : Actes Sud, 2020. Entretien p 106.



Galerie Marc Ladreit de Lacharrière

Cette exposition est présentée dans l’espace de la galerie Marc Ladreit de Lacharrière et réalisée grâce au soutien de Marc Ladreit de Lacharrière.

À la suite de la donation exceptionnelle faite aux collections nationales par Marc Ladreit de Lacharrière en 2018, le musée du quai Branly – Jacques Chirac accueille un nouvel espace d’exposition permanente, conçu par l’architecte Jean Nouvel, Prix Pritzker 2008, afin d’y présenter cet ensemble prestigieux de 36 oeuvres africaines et océaniennes qui dialoguent avec les collections du musée. Dans la partie Sud de la nouvelle galerie Marc Ladreit de Lacharrière, sont présentées des expositions temporaires portant sur des thématiques liées à l’histoire des arts non occidentaux ou illustrant les regards singuliers portés sur ces arts par des artistes ou des grands collectionneurs. Marc Ladreit de Lacharrière a décidé d’être le mécène de ces projets qui entrent en résonnance avec les oeuvres de sa donation. Le « Fonds Marc Ladreit de Lacharrière pour la connaissance et la valorisation des civilisations africaines et océaniennes », créé pour cette occasion, permet ainsi d’approfondir nos savoirs sur des oeuvres et des cultures trop souvent négligées par l’Histoire.



Biographie

Dinh Q. Lê (né en 1968) est un artiste vietnamien qui vit à Ho Chi Minh-Ville. Après avoir fui le Vietnam lors de l’invasion des Khmers rouges en 1978, Dinh Q. Lê et sa famille obtiennent l’asile aux États-Unis. Au cours de ses études en Californie, il expérimente le fait que l’image du Vietnam soit en constante superposition avec l’imagerie de la guerre du Vietnam. Il travaille la photographie comme un matériau plastique, mélangeant images d’archives, de presse, et iconographie hollywoodienne. Il utilise également le film et le dessin. Il a fondé, à Ho Chi Minh-Ville, le collectif Sàn Art, importante plateforme artistique, espace d’exposition et d’enseignement.