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🔊 “Georgia O’Keeffe” au Centre Pompidou, Paris, du 8 septembre au 6 décembre 2021

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“Georgia O’Keeffe“

au Centre Pompidou, Paris

du 8 septembre au 6 décembre 2021

Centre Pompidou

Interview de Sophie Nagiscarde, responsable du service des activités culturelles du Mémorial de la Shoah et coordinatrice de l'exposition, par Anne-Frédérique Fer, enregistrement réalisé par téléphone, entre Paris et Paris, le 22 juillet 2021, durée 29'22". © FranceFineArt.

PODCAST –  Interview de Didier Ottinger,
directeur adjoint du Musée national d’art moderne et commissaire de l’exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 6 septembre 2021, durée 16’26.
© FranceFineArt.

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©Anne-Fréderique Fer, journée de tournage presse, le 6 septembre 2021.

Extrait du communiqué de presse :




Commissariat

Didier Ottinger, directeur adjoint du Musée national d’art moderne – Centre Pompidou

assisté d’Anna Hiddleston-Galloni, attachée de conservation, collections modernes, Musée national d’art moderne – Centre Pompidou

Alfred Stieglitz, Georgia O'Keeffe, 1918. Platinotype, 24.5 × 20.1 cm. Alfred Stieglitz. Collection. The Art Institute of Chicago.
Alfred Stieglitz, Georgia O’Keeffe, 1918. Platinotype, 24.5 × 20.1 cm. Alfred Stieglitz. Collection. The Art Institute of Chicago.
Georgia O’Keeffe, Ram’s Head, White Hollyhock-Hills (Ram’s Head and White Hollyhock, New Mexico), 1935. Huile sur toile, 76,2 x 91,4 cm. Brooklyn Museum. Bequest of Edith and Milton Lowenthal. © Georgia O’Keeffe Museum / Adagp, Paris 2021.
Georgia O’Keeffe, Ram’s Head, White Hollyhock-Hills (Ram’s Head and White Hollyhock, New Mexico), 1935. Huile sur toile, 76,2 x 91,4 cm. Brooklyn Museum. Bequest of Edith and Milton Lowenthal. © Georgia O’Keeffe Museum / Adagp, Paris 2021.
Georgia O’Keeffe, Series I White & Blue Flower Shapes, 1919. Huile sur panneau, 50,5 x 40 cm. Georgia O’Keeffe Museum, Santa Fe. Don de la Georgia O’Keeffe Foundation Photo © Tim Nighswander/Imaging4Art. © Georgia O’Keeffe Museum / Adagp, Paris, 2021.
Georgia O’Keeffe, Series I White & Blue Flower Shapes, 1919. Huile sur panneau, 50,5 x 40 cm. Georgia O’Keeffe Museum, Santa Fe. Don de la Georgia O’Keeffe Foundation Photo © Tim Nighswander/Imaging4Art. © Georgia O’Keeffe Museum / Adagp, Paris, 2021.

Le Centre Pompidou présente la première rétrospective en France consacrée à Georgia O’Keeffe (1887 – 1986), l’une des plus grandes figures de l’art nord-américain du 20e siècle.  Riche d’une centaine de peintures, dessins  et photographies, l’exposition propose un parcours complet à travers sa carrière artistique.  Disparue à 98 ans, Georgia O’Keeffe aura traversé l’essentiel des aventures esthétiques du siècle précédent. Dans les années 1910, elle appartient au cercle restreint des inventeurs du modernisme américain, puis participe, au cours des années 1930, à la recherche identitaire qui marque les États-Unis, avant de devenir dans les années 1960 une pionnière de la peinture abstraite « hard edge ».

Cette exceptionnelle réunion d’oeuvres a été rendue possible grâce au soutien des principales collections privées et publiques internationales, principalement nord-américaines : Musée Georgia O’Keeffe de Santa Fe, MoMA, Metropolitan Museum de New York, Whitney Museum of American Art, Art Institute de Chicago, Musée Thyssen-Bornemisza de Madrid… Le parcours de l’exposition, délibérément fluide et ouvert, déroule chronologiquement la trajectoire artistique de Georgia O’Keeffe ;  des premiers vertiges « cosmiques » que lui inspire l’immensité des plaines texanes en 1910, aux métropoles et aux paysages ruraux de l’État de New York des années 1920 – 1930, jusqu’au Nouveau-Mexique, où elle s’établitdéfinitivement après la Seconde Guerre mondiale.

L’exposition s’ouvre sur un espace consacré à la Galerie 291, lieu déterminant dans la carrière artistique de Georgia O’Keeffe. Lors de ses études à l’Art Students League de New York en 1908, elle y découvre les artistes et mouvements novateurs de l’art moderne européen. Le photographe Alfred Stieglitz, co-fondateur de la galerie, organise entre autres les premières expositions américaines d’Auguste Rodin, Henri Matisse, Francis Picabia et Paul Cézanne.

La Galerie 291 édite la revue Camera Work, dans laquelle Georgia O’Keeffe découvre la traduction d’un extrait du Spirituel dans l’art (1912) de Vassily Kandinsky. Elle se reconnaît dans l’esthétique du peintre russe, ancrée dans un symbolisme conciliant sentiment romantique de la nature et spiritualisme. Cette filiation revendiquée par O’Keeffe conduit l’historiographie américaine, Barbara Rose et Barbara Novak notamment, à placer son oeuvre dans la postérité du premier paysagisme américain incarné par Thomas Cole, Albert Bierstadt, Thomas Moran, ainsi qu’à la rattacher à l’enseignement « transcendentaliste » du philosophe Ralph Waldo Emerson et à la poésie de Walt Whitman.

Alfred Stieglitz est le premier à exposer les dessins de Georgia O’Keeffe à la Galerie 291 ; un coup de foudre artistique, puis amoureux s’opère entre la jeune peintre et le photographe, qui consacrera dès lors chaque année une exposition aux oeuvres récentes d’O’Keeffe.

Il associe à sa peinture les « plumes » les plus perspicaces de la critique de son temps, contribuant à sa reconnaissance publique et à conforter sa place sur un marché de l’art en pleine expansion. En 1929, elle est la première artiste femme à intégrer les expositions du MoMA nouvellement créé. Plus tard, elle est la première encore à qui les plus grands musées américains consacrent une rétrospective (Chicago en 1943, le MoMA en 1946). Pour la génération d’artistes féministes des années 1960, Georgia O’Keeffe fait figure de « brise-glace », elle ouvre la voie à la reconnaissance d’un art qui n’est plus nécessairement associé au genre de son auteur.

Au-delà des peintures de fleurs qui ont fait sa renommée, l’exposition « Georgia O’Keeffe » au Centre Pompidou restitue à son oeuvre sa complexité et sa richesse iconographique. Des gratte-ciel de New York et des granges de Lake George aux ossements de bovins qu’elle rapporte de ses promenades dans les déserts indiens (Ram’s Head, White Hollyhock-Hills, 1935), la peinture de Georgia O’Keeffe se réinvente au cours des décennies. Si l’inspiration végétale est un motif récurrent de l’artiste, l’exposition la replace dans une tradition qui s’enracine dans le grand sentiment de la nature hérité du romantisme historique. Réinventé par le panthéisme de l’écrivain D.H. Lawrence, il innerve l’oeuvre d’O’Keeffe et teinte d’érotisme ses paysages et motifs végétaux.

 

Les publications qui accompagnent l’exposition

Georgia O’Keeffe / Catalogue de l’exposition / Sous la direction de Didier Ottinger / aux éditions du Centre Pompidou.

Georgia O’Keeffe / Album de l’exposition  / Sous la direction de Didier Ottinger et Anna Hiddleston-Galloni/ aux éditions du Centre Pompidou.

Crée avec Georgia O’Keeffe ! / Jeunesse – Cahier d’activités / Autrice, Marina Muun / aux éditions du Centre Pompidou.

L’instinct moderne / Écrits sur Georgia O’Keeffe / Auteurs, Collectif / aux éditions du Centre Pompidou.

Georgia O’Keeffe | Amazone de l’art moderne / BD / Auteurs, Luca De Santis et Sara Colaone. Steinkis et Éditions du Centre Pompidou.

Couverture de Georgia O’Keeffe | Amazone de l’art moderne, BD, Luca De Santis et Sara Colaone, Steinkis et Éditions du Centre Pompidou, 192 pages / 24 €.
Couverture de Georgia O’Keeffe | Amazone de l’art moderne, BD, Luca De Santis et Sara Colaone, Steinkis et Éditions du Centre Pompidou, 192 pages / 24 €.
Couverture de l’album de l’exposition Georgia O’Keeffe, sous la direction de Didier Ottinger et Anna Hiddleston-Galloni, Format : 27 × 27 cm / 60 pages , 9,50 € / Tirage à 16 000 ex., avec l’œuvre Red, Yellow and Black Streak, 1924.
Couverture de l’album de l’exposition Georgia O’Keeffe, sous la direction de Didier Ottinger et Anna Hiddleston-Galloni, Format : 27 × 27 cm / 60 pages , 9,50 € / Tirage à 16 000 ex., avec l’œuvre Red, Yellow and Black Streak, 1924.
Couverture du catalogue de l’exposition Georgia O’Keeffe, sous la direction de Didier Ottinger aux éditions du Centre Pompidou, Format : 21 × 27 cm, 272 pages , 42€, Tirage à 10 000 ex., avec l’œuvre Inside Red Canna, 1919.
Couverture du catalogue de l’exposition Georgia O’Keeffe, sous la direction de Didier Ottinger aux éditions du Centre Pompidou, Format : 21 × 27 cm, 272 pages , 42€, Tirage à 10 000 ex., avec l’œuvre Inside Red Canna, 1919.

Parcours de l’exposition



La Galerie 291

Créée en 1905 par le photographe Alfred Stieglitz, la Galerie 291 (en référence au numéro de l’immeuble qui l’accueille sur la Cinquième Avenue de New York) est le premier lieu de diffusion et de pédagogie de l’art moderne aux États-Unis. Après Rodin (en 1908), Matisse (1908, puis 1910), Cézanne (en 1911), Stieglitz organise entre autres les premières expositions américaines de Picasso (1911), Picabia (1913) et Brancusi (1914). Georgia O’Keeffe découvre la galerie en 1908, durant ses études à l’Art Students League de New York et suivra dès lors attentivement son activité : expositions, publications (la galerie édite la revue Camera Work, qui publie les premières études consacrées aux artistes des avant-gardes européennes). À sa condisciple Anita Pollitzer, O’Keeffe écrit : « Je désire exposer à 291 plus que n’importe où à New York. ». Du Texas, où elle enseigne, elle adresse en 1916 à Pollitzer une série de dessins au fusain afin qu’elle les soumette à Stieglitz. Le jour où le photographe les découvre marque le début d’une relation entrée dans la légende. Stieglitz les présente dans une exposition de groupe dès 1916. De 1923 jusqu’à sa mort, en 1946, il consacrera chaque année une exposition à l’oeuvre d’O’Keeffe. Il dira qu’elle « incarne l’esprit de 291 ».



Premières oeuvres

Les fusains de Georgia O’Keeffe exposés par Alfred Stieglitz en 1916 témoignent de l’ancrage de ses oeuvres dans une tradition marquée par le naturalisme et le vitalisme de l’Art nouveau, découvert durant ses premières années de formation à Chicago. En cette fin des années 1910, l’art d’O’Keeffe s’attache tout à la fois à l’érotisme présent dans les aquarelles d’Auguste Rodin et à la synthèse formelle, au mouvement vers l’abstraction dont témoignent les oeuvres d’Arthur Dove, un membre de l’« écurie » Stieglitz. Dans l’ouvrage qu’il consacre en 1914 aux avant-gardes européennes, Cubists and Post-Impressionism, un des livres de chevet d’O’Keeffe, Arthur Jerome Eddy présente Dove comme le « seul artiste du pays à avoir peint de façon constante dans un idiome moderne ». Les aquarelles que réalise O’Keeffe au Texas, où elle enseigne de 1912 à 1914, puis en 1916-1918, inspirées par les mouvements des étoiles et des astres, et les espaces infinis, renouent avec le sentiment panthéiste et sublime des premiers paysages de l’école américaine (Frederic Edwin Church, Albert Bierstadt), avec le « transcendentalisme » des écrits du poète et philosophe Ralph Waldo Emerson : « L’infini. La sécheresse du paysage. La beauté de ce monde sauvage ».



Vers l’abstraction

Fin 1911, dans la revue Camera Work, Georgia O’Keeffe découvre la traduction d’un extrait de Du Spirituel dans l’art,et dans la peinture en particulier publié quelques mois plus tôt à Munich par Vassily Kandinsky. Elle en retient 



De New York à Lake George

À partir de 1920, Georgia O’Keeffe et Alfred Stieglitz partagent leur temps entre New York et Lake George, lieu de villégiature de la famille Stieglitz dans l’État de New York. O’Keeffe peint en alternance les mouvements du ciel et de l’eau, des fruits et des feuilles, et les gratte-ciel qu’elle peut contempler depuis les fenêtres du Shelton Hotel, où elle habite désormais avec Stieglitz (qu’elle épouse en 1924). Ses peintures témoignent de l’intérêt qu’elle porte aux artistes de la Galerie 291, au naturalisme d’Arthur Dove ou de John Marin, aux formes rectilignes, aux surfaces unifiées puisées dans le spectacle de l’Amérique industrielle et urbaine. Les granges qu’elle peint à Lake George concilient ses souvenirs d’enfance et les formes cristallines héritées du cubisme chères à Charles Demuth et Charles Sheeler. À Manhattan, O’Keeffe demeure fascinée par les météores et la puissance du cosmos qui l’ont marquée au Texas. Ses buildings dessinent d’immenses « canyons » sous la voûte étoilée, devenant des géants de pierre dévorés par l’astre solaire, transformés en ombres gigantesques par la lumière lunaire.qu’il existe deux voies tracées pour l’art moderne : celle de la « Picasso-forme », voie ouverte par le cubisme, conduisant à une négation du réel au profit de sa métamorphose analytique et plastique, et celle issue de la « couleur-Matisse », à l’héritage de laquelle Kandinsky a associé l’expression de la vie, de l’âme des objets et du monde. Par leur biomorphisme, les peintures que produit O’Keeffe à la fin des années 1910 montrent qu’elle a fait le choix d’un art résolument attaché au monde sensible et à ses ressources symboliques. La critique qui découvre ses oeuvres en 1923 ne s’y trompe pas, voyant en elles un art « glorieusement féminin ». Interrogée sur leur caractère « abstrait », O’Keeffe aimait à répondre qu’elle était « toujours surprise de voir comment les gens séparent l’abstraction du réalisme ». « L’abstraction » n’était pour elle qu’un moyen, le fruit 

d’un éloignement de ses formes sources, d’une séparation, d’une décantation. Elle ajoutait : « La peinture réaliste n’est jamais bonne si elle n’est pas réussie d’un point de vue abstrait ».


Un monde végétal

Alors qu’elle peint des fleurs de façon réaliste depuis 1919, Georgia O’Keeffe est confrontée, lors d’une visite qu’elle rend à Charles Demuth en 1923, à celles qu’il peint depuis deux décennies. Au sortir de l’atelier du peintre, elle est convaincue que la seule façon pour elle de continuer à peindre des fleurs est d’en trouver un traitement personnel, totalement original. Deux ans plus tard, elle soumet ses fleurs à une vision rapprochée. Ce passage au « gros plan » s’opère sous l’effet conjoint de l’influence du modèle photographique et d’une attention à la phénoménologie de la ville moderne. S’inspirant de l’usage du « blow up » pratiqué par une nouvelle génération de photographes (Paul Strand, Edward Weston, Ansel Easton Adams), elle recourt à de nouveaux « cadrages » : « dans les années 1920,d’immenses buildings semblent croître spectaculairement à New York en l’espace d’une nuit. À ce moment, je vis une peinture de Fantin-Latour, une nature morte de fleurs que je trouvai vraiment belle, mais je compris que si je peignais des fleurs si petites, personne n’y prêterait attention car j’étais inconnue. Alors, j’eus l’idée de les agrandir comme d’énormes immeubles en construction. » Concédant d’abord que son art traite « essentiellement de sentiments féminins », elle dément bientôt avec vigueur la lecture obsessionnellement « érotique » que la critique livre de ses fleurs.



Ossements et coquillages

La vie, dans son mouvement, ses cycles, est le premier (le seul ?) sujet de la peinture de Georgia O’Keeffe. La croissance d’un végétal, l’épanouissement d’une fleur disent autant du vivant que la spirale d’un coquillage mort ou les os blanchis d’un bovin. Pour dire le cycle de la vie, O’Keeffe associe dans une même peinture une feuille et un coquillage, un crâne et une fleur. Au Nouveau-Mexique, elle a l’intuition de cette continuité du cycle vital : « j’ai ramené avec moi des os blanchis et j’en ai fait mes symboles du désert […]. Les ossements semblent tailler au coeur de ce que le désert a de profondément vivant ». En 1943, elle peint pour la première fois un os de bassin collecté lors de l’une de ses marches dans le désert. S’il ne devient pas la métaphore directe des temps de guerre, le ciel qu’elle entrevoit dans la cavité de l’os brandi à bout de bras devient pour elle « ce bleu qui sera toujours là comme il est maintenant même après que les hommes en auront fini avec leurs destructions » : la vie, au-delà de la mort.



Le Nouveau-Mexique

Après des années passées à rechercher « son » lieu, Georgia O’Keeffe séjourne au Nouveau-Mexique en 1929. Elle écrit au critique Henry McBride : « Finalement je me sens à ma place – je me retrouve enfin. » Quelques années plus tard, elle fait l’acquisition de Ghost Ranch, une maison isolée, entourée de déserts. Elle découvre un pays « laissant entrer un sombre et amer, un âcre éveil au passé lointain », celui des danses indiennes auxquelles elle assiste, celui lié au souvenir d’une catholicité marquée par l’austérité de la Confrérie des frères pénitents. S’emparant des paysages du Nouveau-Mexique, elle en humanise les formes, fait de leurs traces géologiques les commissures, les plis, les rides d’une peau, et de leurs reliefs des détails anatomiques. « Ces collines ont l’air si douces. La terre tellement bonne. Parfois, j’ai eu envie d’enlever mes vêtements et de m’allonger contre ces collines. » L’empathie qu’elle éprouve pour ces paysages la conduit à adopter dans ses tableaux les tons dictés par ses humeurs. Ainsi, durant la Seconde Guerre mondiale, l’oeuvre Black Place – du nom donné par O’Keeffe à l’un de ses paysages favoris, lunaire et désolé, situé en pays navajo – devient le reflet des drames de l’époque. À plusieurs reprises, elle prend pour modèle les Kachinas, poupées que les Indiens hopis utilisent pour enseigner leur mythologie aux jeunes enfants.



Cosmos

L’oeuvre de Georgia O’Keeffe des décennies 1950 et 1960 est marquée par un parti pris de simplification, une grande synthèse formelle qui met son art en phase avec les recherches d’une nouvelle génération (elle prend pour l’une de ses peintures une oeuvre d’Ellsworth Kelly découverte dans un magazine). L’abstraction à laquelle elle soumet ses motifs traduit la spiritualité, le sentiment mystique auquel elle les associe. Sa fascination pour une porte ouvrant sur le patio de sa maison à Abiquiú donne lieu à une variation par laquelle se résument ses réflexions sur l’ombre et la lumière, sur les rapports du vide et du plein – principes qui n’ont cessé de nourrir son art. L’« élévation » littérale que ses nombreux voyages en avion lui offrent inspire à O’Keeffe des sujets inédits : lits de rivières, dont le dessin reproduit celui des ramures des arbres ou des animaux, nuages qui, vus d’en haut, réconcilient le ciel et la terre.