🔊 “L’Homme qui marche” Une icône de l’art du XXè siècle, à l’Institut Giacometti, Paris, du 4 juillet au 29 novembre 2020
“L’Homme qui marche”
Une icône de l’art du XXè siècle
à l’Institut Giacometti, Paris
du 4 juillet au 29 novembre 2020
PODCAST – Interview de Thierry Pautot, AttachĂ© de conservation, Responsable des archives et de la recherche de la Fondation Giacometti, et commissaire associĂ© de l’exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 7 juillet 2020, durée 31’34. © FranceFineArt.
© Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, visite de l’exposition avec Thierry Pautot, le 7 juillet 2020.
Extrait du communiqué de presse :
Commissaire : Catherine Grenier, Directrice de la Fondation Giacometti et PrĂ©sidente de l’Institut Giacometti Commissaire associĂ© : Thierry Pautot, AttachĂ© de conservation, Responsable des archives et de la recherche de la Fondation Giacometti
Pour la première (et sans doute dernière) fois, toutes les sculptures de l’Homme qui marche réunies dans une même exposition.
L’Homme qui marche, plus qu’un chef-d’oeuvre, est une icône de l’art du XXè siècle. Avec ce motif emblématique, Giacometti a réussi à concentrer la puissance évocatrice de son oeuvre et à incarner l’aspiration la plus puissante de son époque : humaniser le monde, l’histoire et l’art.
Pour la première fois, seront réunis les différents modèles de l’Homme qui marche grandeur nature créés par l’artiste, ainsi que la plupart des variations sculptées et dessinées sur ce thème. Seront ainsi présents, de façon exceptionnelle, le premier Homme qui marche grandeur nature de 1947 et l’Homme qui marche I, II et III (1960) de la Fondation Giacometti.
Cette exposition majeure retrace la généalogie du motif, depuis la Femme qui marche de la période surréaliste jusqu’aux icônes créées en 1959-60. Accompagnée de nombreux documents et dessins inédits, l’exposition raconte l’histoire de l’oeuvre la plus célèbre de Giacometti.
Parcours de l’exposition
Du premier modèle en 1932 aux figures célèbres réalisées au terme de sa carrière dans les années 1960, ce motif témoigne de la quête inlassable de l’artiste pour représenter l’essentiel de l’être humain. Cette incarnation de l’humanité, particulièrement précieuse dans les temps actuels, place cette oeuvre parmi les plus connues au monde.
L’Homme qui marche fut, dans son premier état, une Femme qui marche (1932). Le motif apparaît en effet dans cette œuvre surréaliste, intrigante figure d’inspiration Égyptienne.
Il réapparaît après-guerre, à l’occasion de commandes commémoratives pour lesquelles Giacometti explore les modes de représentation d’une figure humaine universelle (1946). Le premier Homme qui marche de grande dimension (1947), emprunte à nouveau son attitude au modèle Égyptien, dont Giacometti admire le style.
Les oeuvres suivantes puisent au contraire leur inspiration dans la vie quotidienne. L’artiste restitue la perception d’une situation de rue captée par hasard, depuis la terrasse d’un café.
Trois hommes qui marchent (1948), La place (1948) ou Homme traversant une place (1949), traduisent ainsi la fugitive vision de la vie qu’offre le mouvement de personnes qui se déplacent au loin.
La très poétique Figurine entre deux maisons (1950), qui met en scène une figure féminine, offre quant à elle une réminiscence de l’atmosphère onirique des œuvres surréalistes.
L’artiste ne reprend le motif qu’en 1959, à l’occasion d’une nouvelle commande pour l’espace public. C’est dans ces circonstances qu’il crée les sculptures aujourd’hui considérées comme des icônes de l’art du XXè siècle. Il aura réalisé, en tout, quatre Homme qui marche grandeur nature, dont trois fondus en bronze.
L’Homme qui marche par Catherine Grenier – extrait du catalogue
Homme qui marche est l’oeuvre la plus célèbre d’Alberto Giacometti. Plus qu’une œuvre célèbre, plus même qu’un chef-d’oeuvre, elle est une icône contemporaine. Avec ce motif, traité par bien d’autres avant lui mais qu’il traduit dans son style si particulier, Giacometti a réussi à concentrer la puissance évocatrice de son oeuvre et à incarner l’aspiration la plus puissante de son époque : humaniser le monde, l’histoire, l’art. Au travers de cette sculpture emblématique, l’artiste parvient à tout dire de l’humain dans la plus grande économie de moyens et d’effets : une matière comprimée jusqu’à sa limite extrême, une attitude sans pathos, essentiellement humaine dans sa simplicité, un symbole sans emphase, un titre sans lyrisme. Cette incarnation de l’humanité, particulièrement précieuse dans les temps actuels, place cette oeuvre parmi les plus connues au monde et, ce qui est corrélé, parmi les plus chères.
L’Homme qui marche fut, dans son premier état, une Femme qui marche. Tel est le titre de la première oeuvre qui adopte ce motif. Conçue en 1932, durant la période surréaliste de l’artiste, cette sculpture réaffirmait l’importance de la figure humaine au coeur d’une production d’oeuvres ayant perdu tout lien direct à la figuration. Après le naturalisme de ses débuts, puis une courte phase néo-cubiste le menant au seuil de l’abstraction, le jeune artiste s’était distingué en 1929 par des oeuvres à connotation symbolique qui incitèrent les surréalistes à l’attirer dans leurs rangs. Après trois années de création d’« objets à fonctionnement symbolique » – ainsi dénommés par Salvador Dalà qui s’enflamme pour son travail –, la Femme qui marche (1932) renoue avec une représentation plus traditionnelle. La volonté de figurer à nouveau le corps humain ne ramène cependant pas l’artiste vers le modèle vivant, mais engendre une composition d’imagination qui reprend les canons et l’attitude de motifs Égyptiens. Sans tête ni bras, le corps gracile s’apparente à un objet archéologique, l’esthétique de ce personnage androgyne rappelant aussi la sculpture symboliste que l’artiste a connue dans sa jeunesse. Le thème, quant à lui, a une connotation surréaliste. Il est en effet à rapprocher de la fascination de Dalà pour Gradiva, la « femme qui marche en avant » de la nouvelle de Wilhelm Jensen, rendue célèbre par l’utilisation qu’en a fait Freud pour son étude sur le travail du rêve et la cure analytique.
Giacometti utilise une seconde fois ce canon pour représenter un personnage hiératique et statique, étrange figure féminine assise sur un trône (L’objet invisible), qui sera la dernière de ce type. Après avoir bataillé pour donner forme à son idée, l’artiste marque son insatisfaction pour un travail d’imagination qui a pourtant généré deux chefs-d’oeuvre. Il décide de revenir au travail d’après modèle vivant, ce qui occasionne sa rupture avec le mouvement d’André Breton en 1935. L’année suivante, il accepte néanmoins de présenter la Femme qui marche à la galerie Pierre Matisse, à New York. Pour adapter cette oeuvre à ses nouveaux préceptes, il décide de reprendre le modèle originel en accentuant le caractère naturaliste de la silhouette. Il consacre plusieurs mois à cette transformation, supprimant la mystérieuse cavité ménagée dans le thorax de la version d’origine et remodelant le dos et la poitrine de façon plus naturaliste. « C’est certainement la meilleure chose que j’ai faite à ce jour » écrit-il à sa mère, « je l’ai commencée en 1932 et petit à petit je l’ai beaucoup travaillée. » Cette œuvre en plâtre sera vendue à Peggy Guggenheim. Roland Penrose, qui avait exposé la première version dans l’exposition surréaliste présentée à Londres, en commande un modèle. Malgré les réactions unanimement positives, ceci n’enclenche pas d’autres réalisations dans la veine du surréalisme. Giacometti est désormais engagé dans une nouvelle pratique, dont le succès public grandissant de son oeuvre de la période surréaliste ne le détourne pas.
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