🔊 “Nicolas Daubanes” Le Chiffre Noir, Prix Drawing Now 2021, au Drawing Lab, centre d’art privé dédié au dessin contemporain, Paris, du 29 janvier au 4 mars 2022
“Nicolas Daubanes“ Le Chiffre Noir
Prix Drawing Now 2021
au Drawing Lab, centre d’art privé dédié au dessin contemporain, Paris
du 29 janvier au 4 mars 2022
PODCAST – Interview de Nicolas Daubanes,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 28 janvier 2022, durée 17’33.
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :
À l’occasion de Drawing Now Alternative en juin 2021, Nicolas Daubanes, artiste représenté par la galerie Maubert, a reçu le Prix doté de 5 000 euros et bénéficie d’une exposition personnelle au Drawing Lab, centre d’art privé dédié au dessin contemporain.
Le Drawing Lab est heureux d’accueillir l’exposition Le Chiffre Noir de Nicolas Daubanes, 10eme lauréat du Prix Drawing Now. Le Prix Drawing Now et le Drawing Lab sont animés par une même volonté : celle de mettre en lumière et d’accompagner le travail d’un artiste qui interroge les limites du dessin. Nicolas Daubanes a développé une esthétique et un langage plastiques par l’emploi unique de la limaille de fer. Si ses travaux les plus connus sont les dessins réalisés par l’aimantation de la limaille que vous avez pu découvrir sur le stand de la galerie Maubert durant Drawing Now Alternative, l’artiste s’attache à rendre visible les évènements les plus sombres de l’histoire ou encore le monde carcéral tant sur le papier que sur le verre ou encore le béton. Pour son exposition au Drawing Lab, Nicolas Daubanes poursuit ses recherches à mi-chemin entre le dur (le béton) et le fragile (le verre), le visible (le dessin) et le sensible (l’histoire). Son travail ne laisse personne indifférent, quel que soit le degré de lecture et de connaissances des sujets révélés aux spectateurs. Je remercie le comité de sélection du Prix Drawing Now qui une fois encore révèle une nouvelle manière de dessiner et offre à Nicolas Daubanes la possibilité de s’exprimer librement au Drawing Lab.
Christine Phal, Fondatrice de Drawing Now Art Fair et du Drawing Lab
L’exposition
Le chiffre noir désigne l’écart de subjectivité entre deux forces antagonistes. Par exemple, les décalages entre les estimations du nombre de participants à une manifestation, du point de vue de l’organisateur ou des forces de l’ordre. Entre fantasme et rationalisme, ces chiffres s’avèrent finalement faux puisque fondés sur une inconnue. C’est à ces inconnues que s’attaque cette exposition.
L’exposition Le Chiffre Noir de Nicolas Daubanes n’est pas une promenade de plaisance. Bien au contraire. Les sujets traités par l’artiste ne sont ni beaux ni légers. Et pourtant. Dans sa pratique, Nicolas Daubanes se confronte aux matières les plus solides, ou encore les plus fragiles, qui se créent à partir du feu. Pour cette exposition personnelle au Drawing Lab, béton, verre, céramique, limaille de fer (signature)… constituent des oeuvres porteuses d’histoires qui nous interrogent dans notre rapport avec le passé et le souvenir collectif.
Dans la vidéo Société tu m’auras pas !, Nicolas Daubanes plonge le spectateur dans l’univers carcéral d’un prisonnier à perpétuité. De cette vie de détenu, l’artiste n’en révèle rien mais donne au contraire à voir un moment d’évasion virtuelle. C’est dans un jeu vidéo que le détenu peut encore se donner l’illusion de parcourir des rues, marcher, courir et prendre seul des décisions qui engendrent des actions immédiates. Devenus voyeurs d’une scène finalement intime, nous découvrons alors le rapport antagoniste entre liberté et prison, rêve et réalité, pouvoir et contrainte. La partie de jeu vidéo est le refuge d’une exclusion sociale, tout comme la cellule de béton devient un espace de sécurité et de protection, pour tous.
Ce béton, qui fonde les murs les plus épais, Nicolas Daubanes le fabrique, l’édifie et le fragilise en y ajoutant du sucre, ce geste des résistants de la seconde guerre mondiale qui sabotait insidieusement le mur de l’Atlantique en glissant du sucre dans les bétonnières. D’élément d’architecture protectrice, le béton devient support de la révolte et de l’indignation. Ce qui se passe derrière ces murs de béton est silencieux, inaudible. Pourtant l’artiste donne à lire ces cris de révolte, de peur ou d’horreur de l’histoire. Si on pense que certaines choses sont dures à dire, alors peut-être que les donner à lire les rend plus simple à accepter ? Le béton peut former des remparts, des bunkers destinés à se protéger des attaques, ou encore des prisons. Ces prisons peuvent être celles dans lesquelles on détient les individus de la Justice, mais aussi ceux de l’injustice.
Alors, dans ces murs, il existe parfois quelques ouvertures qui permettent une vue sur l’extérieur. Comme un rêve d’évasion, un souvenir ou encore un dernier espoir, Nicolas Daubanes rend les portes de prisons fermées transparentes et perse les murs de béton armé pour y dessiner des fenêtres. De ces fenêtres, on peut apercevoir des forêts dessinées à poudre d’acier directement sur les vitres elles-mêmes. Une absence de profondeur qui donne le sentiment d’avoir le nez collé sur la vitrine, d’être prisonnier de la nature. La limaille oxydée révèle certains éléments d’une couleur orange, presque rouge-sang, et les nuances de gris rendent les arbres menaçants plongés dans une brume laiteuse qui constituent des images semblables à des photographies d’archives. Ces forêts que l’artiste donne à contempler sont celles qui ceinturent l’ancien camp de concentration de Natzweiler-Struthof, créé en 1941 en Alsace, qui a détenu plus de 52 000 prisonniers et tué près de 17 000 personnes.
Mais Le Chiffre Noir est également un message d’espoir et d’indignation. Le pavé parisien laisse place à la brique de céramique marquée de la limaille de fer chaude. Cette brique est déformée sur ses arrêtes, laissant les empreintes de la main qui l’a saisie avant qu’elle ne soit sèche. Le geste de l’artisan est aussi celui de l’acteur, l’informé éveillé qui réagit face à son histoire. C’est bien cela que questionne Nicolas Daubanes dans son exposition : il rend ce cri sourd visible par l’art. Chacun garde en mémoire la lourde charge de conserver le souvenir des « actes » passés : transmettre pour ne pas être oubliés et devenir de simples chiffres.