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“Dorian Sari” La parade de l’aveuglement

au Centre culturel Suisse, Paris

du 23 fĂ©vrier au 12 avril 2020 (prolongĂ©e jusqu’au 12 septembre 2020)

www.ccsparis.com

RĂ©ouverture des espaces d’exposition et de la librairie du Centre culturel Suisse, vendredi 29 mai Ă  13h.
Les expositions seront ouvertes du mardi au dimanche de 13h Ă  19h.

PODCAST - Interview de Dorian Sari

PODCAST Interview de Dorian Sari

par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 21 fĂ©vrier 2020, durĂ©e 15’15 ». © FranceFineArt.

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©Anne-FrĂ©derique Fer, visite de l’exposition avec Dorian Sari, le 21 fĂ©vrier 2020.

Dorian Sari, La Parade de l’aveuglement, vidéo, 2020.
Dorian Sari, La Parade de l’aveuglement, vidĂ©o, 2020.
Dorian Sari, La Parade, photographie, 2020, courtesy Fabio Sonego.
Dorian Sari, La Parade, photographie, 2020, courtesy Fabio Sonego.
Dorian Sari, Une histoire de la folie, vidéo, 2019.
Dorian Sari, Une histoire de la folie, vidĂ©o, 2019.

Extrait du communiqué de presse :

commissaire de l’exposition :
Claire Hoffmann, responsable de la programmation des arts visuels du Centre culturel Suisse




Dorian Sari (1989, Izmir, vit et travaille à Bâle) transforme une mythologie personnelle et collective dans des scènes fictives et théâtrales basées sur une interprétation psychanalytique et symbolique de la condition humaine. Il pose un regard mordant sur les mouvements sociaux et les différences culturelles avec une approche à la fois conceptuelle et émotionnelle. Ces multiples narrations, qui prennent souvent la forme de sculptures, vidéos et performances, emploient des pratiques proches du rituel pour montrer les corps exposés, soumis ou rétifs aux coercitions. Usant d’un langage poétique, il dessine le lien entre un conscient et un subconscient collectif.



Conversation avec Dorian Sari, Claire Hoffmann, Léopoldine Turbat – extrait.

CH LT : Qu’est-ce que La Parade de l’aveuglement ?

DS : Dans l’exposition, les oeuvres touchent Ă  certains sujets, gestes ou sentiments que connaĂ®t chaque ĂŞtre humain. J’ai choisi le titre La Parade de l’aveuglement parce que j’imagine ces gestes et sentiments collectifs dĂ©filer l’un après l’autre, comme dans une parade festive ou une parade militaire. Ayant fait des Ă©tudes de sciences politiques auparavant, j’observe la manière dont nous sommes embarquĂ©.e.s dans un système, tout en essayant de comprendre son Ă©volution Ă  travers l’histoire de l’humanitĂ©, et aussi comment fonctionne notre psychologie collective. J’ai l’impression que, depuis toujours, mais surtout depuis la rĂ©volution industrielle, nous tendons vers le confort. Aujourd’hui, presque plus personne ne peut survivre seul dans la nature. Cette dĂ©pendance au système capitaliste a tellement augmentĂ©, elle est devenue si concrète dans notre inconscient, que nous ne rĂ©agissons pas, mĂŞme en faisant le constat que cela ne fonctionne pas. J’ai choisi le mot d’aveuglement, car je vois dans cette passivitĂ© une forme de cĂ©citĂ© volontaire. Nous voyons les choses, nous sommes au courant, mais tant que cela ne bouleverse pas vraiment le confort individuel, nous ne mettons pas la main Ă  la pâte pour changer quelque chose – nous prĂ©fĂ©rons rester passifs. Dans notre psychologie collective, il semble que nous attendions un « sauveur Â», car nous vivons depuis des milliers d’annĂ©es avec toutes ces croyances et religions patriarcales dans lesquelles « le papa Â» tient un rĂ´le de sauveur de « l’enfant Â» – nous attendons cette personne, mĂŞme en pleine conscience de la crise de la nature que vit le monde.

LT : Le titre comporte plusieurs paradoxes : parade, qui viendrait de l’espagnol « parar Â» et veut dire s’arrĂŞter, contient aussi une idĂ©e de mouvement, et parader – que tu associes Ă  l’aveuglement â€“, c’est aussi s’exhiber, vouloir ĂŞtre vu, contemplĂ©. Est-ce que la Parade de l’aveuglement est une forme de dĂ©ni (Verneinung), plus qu’un refus, un dĂ©sir de ne pas voir ?

DS : Les paradoxes sont très importants. Selon moi, les paradoxes montrent notre Ă©tat de profusion. Cette profusion crĂ©e une rĂ©sonance en nous, et notre façon systĂ©matique de la simplifier, de l’ordonner, de la catĂ©goriser pour finalement trouver un sens, ne fonctionne pas avec les paradoxes. Ceux-ci permettent de rester dans l’imprĂ©cision. Pour rĂ©pondre Ă  la question : oui, il s’agit tout Ă  fait d’un dĂ©ni.

CH : Dans ton oeuvre, on trouve souvent des Ă©lĂ©ments très personnels mais qui rĂ©fèrent Ă  des situations plus gĂ©nĂ©rales. Dans les vidĂ©os, on te voit toi, Dorian Sari, artiste, mais tu reprĂ©sentes plutĂ´t une existence humaine anonyme, un stand-in. Tu es toi-mĂŞme en mĂŞme temps qu’un personnage figurant dans ta propre vidĂ©o.

DS : Comme tous les artistes je pense, je fonctionne avec des instincts, des sensations, des rĂ©flexions, des pensĂ©es, des images que j’ai dans ma tĂŞte. J’essaie de rĂ©aliser cette image qui existe en moi de la manière la plus prĂ©cise possible. En gĂ©nĂ©ral, la base de ces projets est faite de vĂ©cus personnels, mais je vois que je ne suis pas le seul Ă  vivre ces choses, et il est important que j’arrive Ă  dĂ©livrer cette sensation en dehors de moi. Cela doit ĂŞtre collectif parce que au fond ça l’est.

LT : Est-ce pour cela que tu construis des cadres formels très minimaux – en utilisant par exemple le noir et blanc ? Penses-tu qu’il y a une permĂ©abilitĂ© lĂ -dedans qui pourrait tendre vers l’universel ?

DS : On revient vers la subjectivitĂ© – le noir et blanc rend les choses plus objectives (subjectivitĂ© collective) et le monochrome universalise l’image. Quand les vidĂ©os sont en noir et blanc, certains dĂ©tails perdent de l’importance et la concentration s’oriente vers les gestes. Chaque personne peut colorier l’image Ă  son grĂ©. Je pense que le noir et blanc accueille beaucoup plus « gentiment Â» les spectateur.trice.s. Les thĂ©matiques que je choisis sont soit sensibles, soit violentes, et je conçois cette libertĂ© comme un geste de gentillesse. Cela fait longtemps que j’utilise le noir et le blanc, ou bien le zĂ©ro et le un, zĂ©ro qui « n’existe pas Â», un qui « existe Â». Le noir et blanc est un peu comme un Ă©chiquier, un espace – le noir et le zĂ©ro disparaissent, le blanc et le un prennent la lumière. Ce minimalisme pose une question littĂ©ralement existentielle : ce qui existe et ce qui n’existe pas. Cette forme minimalise aussi les symboles et Ă  la fin les spectateur.trice.s peuvent crĂ©er leur propre histoire. Je pense que le noir et blanc permet davantage de crĂ©er sa propre narration.

CH : Cette pensĂ©e binaire, des opposĂ©s, ou bien l’expression « penser en noir et blanc Â» est plutĂ´t considĂ©rĂ©e de manière nĂ©gative, puisque cela signifie qu’il n’y a pas de place pour la nuance et pas d’option tierce. Peux-tu expliquer en quoi pour toi, au contraire, le fait de rester dans cette opposition binaire donne une libertĂ© ?

DS : Ce sont les spectateur.trice.s qui dĂ©tiennent la troisième option, donc la couleur, la nuance, etc. Je crois Ă  l’importance des balances. Dans la philosophie de l’antiquitĂ© grecque, on trouve l’idĂ©e que tout existe avec son opposĂ©. On ne peut pas ĂŞtre un ange sans ĂŞtre diable, on ne peut pas ĂŞtre diable sans ĂŞtre un ange. Le bien existe avec le mal. Chacun a sa propre histoire, sa propre perspective de la vie, ses propres questions existentielles. Pour moi, il est important de contourner ou montrer des extrĂ©mitĂ©s – car chacun doit trouver sa propre balance. Mes premières pièces Ă©taient en couleur, et depuis je travaille en noir et blanc. La baignoire Memento mori (2015), ma deuxième sculpture, est construite sur l’idĂ©e de funĂ©railles et sur l’idĂ©e de tuer et trancher cet objet, et ainsi de le transformer en squelette.