🔊 “Chine”, Photographies de Anne-Frédérique Fer et Pierre Normann Granier
“Chine“
Photographies de Anne-Frédérique Fer et de Pierre Normann Granier
du 29 août au 2 octobre 2014
PODCAST – Interview avec l’artiste Anne-FrĂ©dĂ©rique FER
par Françoise Schmid, Ă Paris, le 28 aoĂ»t 2014, durĂ©e 7’29. © FranceFineArt.
1964 – 2014 / 50 ans de relations diplomatiques France – Chine
Il y a cinquante ans, le Général de Gaulle, président de la République française, décidait d’établir des relations diplomatiques avec la République populaire de Chine et de nouer ainsi des liens entre les deux pays. Pour cette année de commémoration, de nombreuses manifestations sont organisées à travers la France et la Chine.
FranceFineArt Gallery commémore à sa façon en présentant deux regards photographiques sur deux villes de Chine en perpétuel mouvement. L’une au nord Shenyang, l’autre au sud Nanjing.
Nanjing – Chine – ce que je ne photographie jamais
Octobre 2010, Nanjing, c’est mon premier séjour en Chine, mon premier grand voyage. On ne pas dire que je sois une très grande voyageuse, ni une aventurière, je n’aime pas trop l’inconnu. Je savais que j’y ferais des photographies, une nouvelle série, j’ai donc préparé le terrain, regardé des cartes géographiques, lu des commentaires, des notices, noté quelques mots clés, des sensations pour savoir où j’allais, pour ne pas être perdue dans l’inconnu.
Quand je photographie, je ne pars jamais à l’aventure, je vois des images, je trace une trame, la série se crée. À ce moment-là , je n’avais que des informations virtuelles et des mots posés. Je savais ce que je ne voulais pas faire : des photographies de rue, des cartes postales. Pour le reste, je ne savais pas vraiment, c’était une forme d’aventure dans un pays nouveau où les codes sont totalement différents des miens.
Sur place, rien ne s’est passé comme prévu. Je n’avais pas anticipé la plus grande des aventures : être malade, souffrir d’un mal jamais vécu, essayer de décrypter mon corps, être soignée dans un hôpital en Chine…
Dans la douleur, accrochée à mon fauteuil de perfusion, je voyais mes projets photographiques disparaître. On a décidé d’écourter mon séjour. J’allais rentrer en France sans avoir réalisé les photographies que j’avais essayées d’imaginer.
Je ne sais pas si ce contretemps a changé ma façon de pratiquer la photographie, je ne pouvais pas partir de Chine sans image : j’ai fait ce que je ne photographie jamais. Entre deux séjours accrochée à mon fauteuil de perfusion, j’ai marché et j’ai photographié ce que je voyais : des scènes de rue. Mes pas se sont perdus au milieu des grandes tours du quartier de Gulou.
Ce qui m’a surpris, c’est ce mélange de modernité et de signes du passé : de petits métiers au milieu des tours de la finance. Au détour de petites rues, j’ai découvert un petit marché, des constructions, des poteaux électriques, du linge qui sèche, des voitures, beaucoup de voitures, le bruit permanent et les odeurs. Alors je me suis laissé déstabiliser, j’ai photographié ces ambiances, j’ai essayé de restituer mes sensations de découvertes.
Anne-Frédérique Fer, août 2014
Le marché perdu, Shenyang, Mandchourie, 2004
Avant de se métamorphoser en copie somptueuse et ultra moderne de cité occidentale, la ville chinoise a été humaine.
Les images ont été prises quelques jours, si ce n’est quelques heures avant la métamorphose. Ce quartier au nord de Shenyang a gardé jusqu’au dernier moment ce côté heureux de la vie en communauté. Le cuisinier hilare d’être photographié en train de se laver les pieds, les clients du restaurant en plein air tenant absolument à partager leur bière… et peut être les joueurs de majong un peu importunés par ma présence pendant leur échange d’argent.
Rien ne me laissait présager la disparition aussi soudaine des échoppes, des restaurants, du garagiste et des réparateurs de vélos. Mais cachées derrière ces vieux bâtiments étaient déjà construites les imposantes résidences réservées à la classe moyenne. La grande majorité de l’ancienne population bientôt relogée un peu plus au nord, où il n’y aurait plus la possibilité d’utiliser gratuitement l’éclairage public pour ces sympathiques activités nocturnes.
Peu de temps après, repassant par hasard à cet endroit, le macadam défoncé avait disparu. Plus de poussière et d’eau croupie dans les ornières, plus de poubelles dégoulinantes et nauséabondes, plus de fumées irritantes de la viande cramée des brochettes. Mais aussi, avait disparu la population joyeuse qu’on peut voir sur mes images.
Pierre Normann Granier, août 2014