“Gerhard Richter” à la Fondation Louis Vuitton, du 17 octobre 2025 au 2 mars 2026
“Gerhard Richter”
à la Fondation Louis Vuitton, Paris
du 17 octobre 2025 au 2 mars 2026
Texte Sylvain Silleran
![Gerhard Richter, Selbstportrait [Autoportrait], 1996 (CR 836-1). Huile sur lin, 51 x 46 cm. The Museum of Modern Art, New York. Gift of Jo Carole and Ronald S. Lauder and Committee on Painting and Sculpture Funds, 1996. © Gerhard Richter 2025 (18102025).](https://im-francefineart.com/agenda/icono-3651-3800/3660_Gerhard-Richter_1.jpg)
Gerhard Richter, Selbstportrait [Autoportrait], 1996 (CR 836-1). Huile sur lin, 51 x 46 cm. The Museum of Modern Art, New York. Gift of Jo Carole and Ronald S. Lauder and Committee on Painting and Sculpture Funds, 1996. © Gerhard Richter 2025 (18102025).
![Gerhard Richter, Lesende [Femme lisant], 1994 (CR 804). Huile sur toile, 72 x 102 cm. San Francisco Museum of Modern Art. Purchase through the gifts of Mimi and Peter Haas and Helen and Charles Schwab, and the Accessions Committee Fund: Barbara and Gerson Bakar, Collectors Forum, Evelyn D. Haas, Elaine McKeon, Byron R. Meyer, Modern Art Council, Christine and Michael Murray, Nancy and Steven Oliver, Leanne B. Roberts, Madeleine H. Russell, Danielle and Brooks Walker, Jr., Phyllis C. Wattis, and Pat and Bill Wilson. © Gerhard Richter 2025 (18102025).](https://im-francefineart.com/agenda/icono-3651-3800/3660_Gerhard-Richter_2.jpg)
Gerhard Richter, Lesende [Femme lisant], 1994 (CR 804). Huile sur toile, 72 x 102 cm. San Francisco Museum of Modern Art. Purchase through the gifts of Mimi and Peter Haas and Helen and Charles Schwab, and the Accessions Committee Fund: Barbara and Gerson Bakar, Collectors Forum, Evelyn D. Haas, Elaine McKeon, Byron R. Meyer, Modern Art Council, Christine and Michael Murray, Nancy and Steven Oliver, Leanne B. Roberts, Madeleine H. Russell, Danielle and Brooks Walker, Jr., Phyllis C. Wattis, and Pat and Bill Wilson. © Gerhard Richter 2025 (18102025).
![Gerhard Richter, Kerze [Bougie], 1982 (CR 511-1). Huile sur toile, 95 x 90 cm. Collection Institut d'art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes. © Gerhard Richter 2025 (18102025).](https://im-francefineart.com/agenda/icono-3651-3800/3660_Gerhard-Richter_3.jpg)
Gerhard Richter, Kerze [Bougie], 1982 (CR 511-1). Huile sur toile, 95 x 90 cm. Collection Institut d’art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes. © Gerhard Richter 2025 (18102025).
![Gerhard Richter, Apfelbäume [Pommiers], 1987 (CR 650-1). Huile sur toile, 67 x 92 cm. Collection particulière. © Gerhard Richter 2025 (18102025).](https://im-francefineart.com/agenda/icono-3651-3800/3660_Gerhard-Richter_4.jpg)
Gerhard Richter, Apfelbäume [Pommiers], 1987 (CR 650-1). Huile sur toile, 67 x 92 cm. Collection particulière. © Gerhard Richter 2025 (18102025).
Gerhard Richter
Fondation Vuitton
Tout commence par des petites photos trouvées dans les journaux, les magazines, des photos de famille en noir et blanc. Des bombardiers de la Deuxième Guerre Mondiale, un jet moderne, une célébrité côtoient la famille de Gerhard Richter, les tantes, les enfants, le chien… La photographie est agrandie en un tableau gris, flou, une peinture qui reproduit le cliché populaire. La case de BD de Lichtenstein laisse place à une famille en vacances au bord de la mer, la tante Marianne, l’oncle Rudi, l’épouse de l’artiste. L’image pour l’image, peu importe, Mao ou huit infirmières assassinées dans un fait divers macabre. Dans ce gris sans saveur tout est pareil: l’image de presse, la photo-souvenir, jusqu’à la banalité de l’objet domestique bien cadré, la chaise ou le rouleau de papier toilette absurde dans sa portraiture de noir et blanc, petit rectangle dans un article de journal.
Il y a dans son grand portrait d’Ema nue qui descend un escalier le silence des couleurs passées d’une vieille photo, d’un instant perdu à jamais, la lumière d’une photo de police, quelque chose du crime. Tout comme sa galerie de portraits de 48 hommes célèbres, écrivains, scientifiques, compositeurs… ils sont froids, glacials même, les grands hommes peints comme des photos anthropométriques du quai des Orfèvres. Le noir et blanc, les gris de Richter vident le monde de sa substance, le cadavérisent. Une série de paysages, des villes, des projets immobiliers, des bâtiments aux lignes filantes deviennent des abstractions géométriques comme ces nuages éparpillés en gros carrés à la brosse qui dialoguent avec un sol lunaire.
Des paysages brumeux, un lac suisse couleur de métal, une campagne allemande d’un vert militaire succèdent à de grand ciels nuageux. Fermes, champs, campagne sont trempés d’une banalité humide, même l’escalier descendant dans la mer à Venise n’a rien de pittoresque. Lorsque à la chute du mur de Berlin Gerhard Richter revient dans l’Allemagne de l’Est où il est né, il y peint 4 arbres sur une place de Leipzig, un endroit anonyme, sans caractère ni possibilité d’identification. Les choses se dérobent, le coin d’une église, Betty sa fille se détournant de l’appareil photo mais saisie avec une précision fascinante. Il reste l’expérimentation gestuelle de Parkstück aux couleurs ocres et automnales qui rappelle Baselitz.
Tisch de 1962, une table tirée d’un catalogue, est effacée d’un geste à la térébenthine brouillant la peinture, un éclat de rage organique à la Bacon. Arrive l’abstraction, les centaines de rectangles de couleurs d’un nuancier de peinture, l’analytique pur, le management, et les panneaux de verre pivotants qui ne reflètent rien et dont la position de change rien de ce que leur transparence parfaite laisse voir. Richter expérimente, des copies de l’Annonciation du Titien où insatisfait, il floute le tableau, le recouvrant de grands traits de brosse destructeurs. De l’hyperréalisme des portraits de sa fille Betty il passe à celui d’un trait de peinture jaune à la brosse agrandi jusqu’à courir sur toute la longueur d’un long mur de musée. De grandes toiles florales, explosives, abstraites laissent place à des instants méditatifs, une bougie, une vanité, une bouteille de vin au noir luisant, un iceberg. Et dans les angles des salles quelques miroirs colorés reflètent ce grand écart constant entre le pop et l’introspection. Le bruit et le silence.
Du noir et blanc de la presse à sensation, de sa fascination pour le crime et la mort il peint les dépouilles des membres du groupe terroriste Baader-Meinhof, leurs photos d’identité, les photos de l’enquête de police, les objets laissés dans leur planque, un tourne-disques. De ce flou de la gravité criminelle il passe au flou généré par le passage d’un racloir sur la peinture fraiche. Dans les deux cas c’est la dimension tragique qui l’emporte, une dimension d’opéra et de fresque littéraire.
Des photos de sa femme avec son bébé sont aussi floutées, raclées, volontairement altérées. La peinture de Gerhard Richter va et vient constamment tel un balancier d’horloge entre le figuratif photographique, le réalisme flou et l’abstraction, la matière grattée, blessée. L’Image se dérobe sous des couches successives et leur érosion. Le blanc de paysages enneigés et les épaisseurs monochromes doivent bien converger quelque part. Mais ce n’est peut-être pas tant dans la modernité qu’il faut le chercher que dans l’exaltation du regard embué de larmes d’un écrivain romantique du XVIIIème siècle. Il va falloir lire Goethe.
Sylvain Silleran
Extrait du communiqué de presse :
Commissariat : Dieter Schwarz et Nicholas Serota
Du 17 octobre 2025 au 2 mars 2026, la Fondation Louis Vuitton présente une rétrospective de l’oeuvre de Gerhard Richter, peintre allemand né à Dresde en 1932 qui a fui à Düsseldorf en 1961 avant de s’établir à Cologne, où il vit et travaille encore aujourd’hui.
Dans la continuité des expositions monographiques consacrées à des figures majeures de l’art des XXᵉ et XXIᵉ siècles — telles que Jean-Michel Basquiat, Joan Mitchell, Mark Rothko et David Hockney, parmi d’autres — la Fondation Louis Vuitton dédie l’ensemble de ses espaces à Gerhard Richter, considéré comme l’un des artistes les plus importants de sa génération et jouissant d’une reconnaissance internationale.
Présenté dès l’ouverture de la Fondation Louis Vuitton en 2014 avec un ensemble d’oeuvres issues de sa Collection, Gerhard Richter fait aujourd’hui l’objet d’une rétrospective inédite par son ampleur et sa temporalité, réunissant 270 oeuvres de 1962 à 2024 — peintures à l’huile, sculptures en acier et en verre, dessins au crayon et à l’encre, aquarelles et photographies peintes. Pour la première fois, une exposition propose un panorama complet couvrant soixante ans de création.
Gerhard Richter a toujours été intéressé à la fois par le sujet et par le langage même de la peinture, véritable champ d’expérimentation dont il n’a eu de cesse de repousser les limites, échappant ainsi à toute catégorisation unique. Sa formation à l’École des Beaux-Arts de Dresde l’a amené à s’engager dans les genres historiques de la nature morte, du portrait, du paysage et de la peinture d’histoire, et sa volonté d’en donner une interprétation contemporaine est au coeur de l’exposition. Quel que soit le sujet, Richter ne peint jamais directement d’après nature, ni d’après la scène qui se trouve devant lui : tout est filtré par un autre médium, comme une photographie ou un dessin, à partir duquel il crée une image indépendante et autonome. Au fil des années, Richter a exploré les genres et les techniques du médium pictural, développant différentes façons d’appliquer la couleur sur la toile : au pinceau, au couteau à palette ou au racloir.
Cette exposition rassemble de nombreuses oeuvres majeures de Richter jusqu’à sa décision en 2017 d’arrêter de peindre, tout en continuant à dessiner. Chronologique, chaque section de l’exposition couvre environ une décennie et montre l’évolution d’une vision picturale singulière, entre ruptures et continuités, des premières peintures d’après photographies aux dernières abstractions.
Parcours de l’exposition
Galerie 1 : 1962-1970 — Peinture d’après photographies. La photographie comme source d’imagerie. Dès le début, le choix des sujets de Richter est complexe : d’un côté, des images apparemment insignifiantes tirées de journaux ; de l’autre, des portraits de famille qui renvoient à son propre passé (Onkel Rudi, Tante Marianne), ainsi qu’aux ombres de l’histoire allemande (Bombers). Au milieu des années soixante, déjà, Richter remet en question les conventions illusionnistes de la peinture dans sa sculpture Quatre Panneaux de Verre et les premiers Nuanciers de Couleurs. Avec les Villes, il propose une peinture pseudo-expressionniste en impasto ; avec les Paysages et les Marines, c’est une nouvelle tentative d’utiliser un genre classique à contre-courant.
Galerie 2 : 1971-1975 — Questionner la représentation.
Les 48 Portraits, peints pour la Biennale de Venise de 1972, véritable tour de force, ouvrent un nouveau chapitre : application du procédé des coulures (Vermalungen), étapes progressives de la copie et de la dissolution d’une Annonciation de Titien, répartition aléatoire des couleurs dans les grands Nuanciers de Couleurs, et négation de la représentation et de l’expression dans les Peintures Grises.
Galerie 4 : 1976-1986 — Explorer l’abstraction.
Durant cette décennie, Richter jette les bases de son approche spécifique de l’abstraction : il représente et agrandit des études à l’aquarelle, examine la surface d’une peinture, fait du coup de pinceau lui-même le sujet d’une oeuvre (Strich). Parallèlement, il peint les premiers portraits de sa fille, Betty, et poursuit son exploration du paysage et de la nature morte.
Galerie 5 : 1987-1995 — La décennie sombre.
Ému par une vision profondément sceptique des mutations artistiques et sociales, Richter peint la série 18 octobre 1977, exceptionnellement prêtée par le MoMA, le seul ensemble d’oeuvres qui se réfère explicitement à l’histoire allemande alors récente. Il crée également certaines de ses abstractions les plus impressionnantes et les plus sombres. Reprenant ses premières peintures de famille, Richter réalise la séquence Sabine mit Kind.
Galeries 7 et 9 : 1996-2009 — Nouvelles perspectives en peinture : le hasard.
A la fin des années 1990, il entre dans une période très productive qui le mène des peintures figuratives et abstraites de la petite taille aux sévères Silikat, aux expériences avec le hasard qui aboutissent à 4900 Colors, et aux sereines peintures Cage, en hommage au grand compositeur.
Galeries 9 et 10 : 2009-2023 — Dernières peintures.
Richter surprend son public en abandonnant la peinture pendant plusieurs années et en expérimentant des oeuvres sur verre ainsi que des images de Strip produites numériquement. Il revient à la peinture avec Birkenau, un groupe d’oeuvres inspirées de quatre photographies prises dans un camp d’extermination nazi. La dernière salle présente ses ultimes peintures abstraites.
La sculpture sera présente à des moments clés du parcours, et trois salles dédiées aux aquarelles, dessins et photographies surpeintes offriront un interlude et un changement de rythme dans les années 1970 et 1990, tout en illustrant les préoccupations de l’artiste depuis qu’il a cessé de peindre en 2017.

 
			




























 
							 
							