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“Georges de La Tour” Entre ombre et lumière, au Musée Jacquemart-André, du 11 septembre 2025 au 25 janvier 2026

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“Georges de La Tour” Entre ombre et lumière

au Musée Jacquemart-André, Paris

du 11 septembre 2025 au 25 janvier 2026

Musée Jacquemart-André


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©Sylvain Silleran, présentation presse, le 9 septembre 2025.

Texte Sylvain Silleran

Georges de La Tour, Le Souffleur à la pipe, 1646, huile sur toile, 70,8 x 61,5 cm, Tokyo Fuji Art Museum. ©Tokyo Fuji Art Museum Image Archives/DNPartcom.

Georges de La Tour, Le Souffleur à la pipe, 1646, huile sur toile, 70,8 x 61,5 cm, Tokyo Fuji Art Museum. ©Tokyo Fuji Art Museum Image Archives/DNPartcom.

Georges de La Tour, Le Nouveau-Né, Vers 1647-1648, huile sur toile, 76,7 x 95,5 cm, Rennes, musée des beaux-arts © Rennes, Musée des beaux-arts.

Georges de La Tour, Le Nouveau-Né, Vers 1647-1648, huile sur toile, 76,7 x 95,5 cm, Rennes, musée des beaux-arts © Rennes, Musée des beaux-arts.

Georges de La Tour, La Madeleine pénitente, vers 1635-1640, huile sur toile, 113 x 92,7 cm, Washington, National Gallery of Art, Ailsa Mellon Bruce Fund. crédit : Courtesy National Gallery of Art, Washington.

Georges de La Tour, La Madeleine pénitente, vers 1635-1640, huile sur toile, 113 x 92,7 cm, Washington, National Gallery of Art, Ailsa Mellon Bruce Fund. crédit : Courtesy National Gallery of Art, Washington.

Georges de La Tour
Musée Jacquemart André

On se met sur son trente-et-un pour poser pour Georges de La Tour, Le Vielleur au chien a bien ciré ses chaussures jusqu’à ce qu’elles brillent, son chien se tient sagement couché au bout de sa ficelle, ignorant même un bout de pain jeté là. Une Vieille femme déplie pour l’occasion un tablier propre, si bien amidonné que ses plis crissent un peu. Dans Job raillé par sa femme, le dépouillement de Job est aggravé par la mise parfaite de sa femme, son habit si propre et aux plis encore marqués qu’il semble tout juste sorti de l’armoire. Depuis son visage venu de la Renaissance italienne, sa main virulente, l’œil suit les étoffes pour atteindre Job assis, nu, une peau à laquelle la lueur de la bougie donne une présence, un âge triste, toutes les afflictions d’une vie d’épreuves. Malgré l’attitude de sa femme, la bouche ouverte sur des paroles amères, le silence se fait. La flamme frêle et puissante à la fois impose le silence, un silence méditatif, religieux, que l’on retrouvera dans la solitude de Vermeer.

Georges de La Tour traite le profane comme une scène religieuse. Sous sa lumière, La Femme à la puce prend des allures silencieuses de méditante. L’Argent versé, scène de vie on ne peut plus matérielle, rayonne comme un chapitre biblique, une leçon intemporelle. Tous les protagonistes y affectent une gravité, comme s’ils se tenaient au bord d’un précipice, entraînés dans un drame aussi terrible qu’inévitable. C’est dans l’intimité de ce silence que sa peinture prend toute sa dimension: celle, immense, d‘un couple de vieillards mangeant un bol de pois chiches. On se surprend à chercher quelle parabole est illustrée de la sorte. Le Nouveau-né va encore plus loin dans le dénuement: s’affranchissant du fond pour faire émerger la vie des ténèbres. L’unique bougie sert à révéler l’essentiel, l’extraire du temps, offrir à cet instant de ferveur une immortalité. Ainsi, l’intimité domestique devient Trinité biblique, émerveillement et grâce.

Il ne reste des dessins de Georges de La Tour qu’une esquisse, un petit Saint Pierre Repentant tracé d’une hâte virtuose à la pierre noire, d’ailleurs pas formellement attribué au peintre. On se penchera alors sur son Apostolados, portaits des apôtres. Ils sont l’occasion d’une expérimentation picturale, d’une libre intégration de toutes ses influences. Il y peint un surprenant Saint Jacques le Mineur aux traits rustiques, terreux, un Saint Grégoire opulent nous rappellant Dürer, un Saint Philippe à la barbe titienne, aux boutons de verre transparents comme des grains de raisins, jetant des reflets étincelants sur son gilet rouge. Un Saint Sébastien s’ennuie, allongé avec une étonnante décontraction pendant qu’Irène le soigne, retirant avec des gestes de couturière une des flèches qui le transpercent. Peu importe le patient, c’est une scène de dévotion, Irène fait du soin une prière, une adoration. Deux Saint Jérôme pénitent identiques, ou presque, nous offrent un jeu des 7 différences pour trouver les détails qui ont changé d’un tableau à l’autre.

Quelques invités sont venus dialoguer avec plus ou moins d’à-propos: un Pensionnaire de Saraceni et sa peinture veloutée: Le Reniement de Saint Pierre. Le Concert nocturne de Jean le Clerc apporte ses influences italiennes, une gaité musicale, bruyante qui est loin du ton silencieux et méditatif de Georges de La Tour; le seul point commun semble être la lumière centrale d’une bougie éclairant la scène. Une copie du Caravage par Louis Finson, Madeleine en extase sera hélas oubliée dés qu’on aura posé les yeux sur l’absolument divine Madeleine pénitente. La lumière traverse la fine chemise blanche de Madeleine, la rendant transparente. Georges de La Tour effleure la peau à travers le drapé léger et souple du vêtement, la laisse rayonner de toute sa jeunesse. Le crâne cachant la bougie se découpe en ombre mordante avec comme image miroir la chevelure de jais de la pénitente. Cette peinture de la vie qui émerge des ténèbres comme sous une intervention divine place Georges de La Tour aux côtés de Rembrandt parmi les plus grands de son siècle.

Sylvain Silleran

Georges de La Tour, La Fillette au brasero, Années 1640, huile sur toile, 76 x 55 cm, Louvre Abu Dhabi. © Department of Culture and Tourism – Abu Dhabi / Photo Ismail Noor - Seeing Things.

Georges de La Tour, La Fillette au brasero, Années 1640, huile sur toile, 76 x 55 cm, Louvre Abu Dhabi. © Department of Culture and Tourism – Abu Dhabi / Photo Ismail Noor – Seeing Things.

Georges de La Tour, La Femme à la puce, vers 1632-1635, huile sur toile, 123,3 x 89 cm, Nancy, Musée lorrain – Palais des ducs de Lorraine. © Palais des ducs de Lorraine - Musée Lorrain, Nancy / photo. Thomas Clot.

Georges de La Tour, La Femme à la puce, vers 1632-1635, huile sur toile, 123,3 x 89 cm, Nancy, Musée lorrain – Palais des ducs de Lorraine. © Palais des ducs de Lorraine – Musée Lorrain, Nancy / photo. Thomas Clot.

Georges de La Tour, Saint Philippe, vers 1620, huile sur toile, 63,5 x 53,3 cm, Norfolk(Virginia), Chrysler Museum of Art, Gift of Walter P. Chrysler, Jr. Photo: Ed Pollard. Courtesy of the Chrysler Museum of Art.

Georges de La Tour, Saint Philippe, vers 1620, huile sur toile, 63,5 x 53,3 cm, Norfolk(Virginia), Chrysler Museum of Art, Gift of Walter P. Chrysler, Jr. Photo: Ed Pollard. Courtesy of the Chrysler Museum of Art.


Extrait du communiqué de presse :

Commissariat :
Dr. Gail Feigenbaum, spécialiste de l’art italien et français du début de l’époque moderne
Pierre Curie, conservateur général du patrimoine, conservateur du Musée Jacquemart-André


Du 11 septembre 2025 au 25 janvier 2026, le Musée Jacquemart-André consacre une exposition inédite à Georges de La Tour (1593-1652), offrant un regard renouvelé sur l’oeuvre rare et lumineuse de l’un des plus grands peintres français du XVIIe siècle.

Après le succès de ses expositions consacrées à Caravage (2018) et Artemisia Gentileschi (2025), le Musée Jacquemart- André poursuit son exploration des maîtres influencés par la révolution du caravagisme en mettant à l’honneur Georges de La Tour (1593-1652). Cette rétrospective sera la première consacrée à l’artiste en France depuis l’exposition historique du Grand Palais en 1997.

L’exposition du Musée Jacquemart-André propose une relecture de la carrière de Georges de La Tour en tentant d’éclairer les interrogations qui entourent encore son oeuvre et son parcours. Malgré la rareté des originaux parvenus jusqu’à nous, l’art de Georges de La Tour a laissé une empreinte profonde dans l’histoire de l’art. Par son naturalisme subtil, l’épure formelle de ses compositions et leur intensité spirituelle, il a su créer un langage pictural d’une grande puissance émotionnelle, capable de traverser les siècles. Cette exposition offre ainsi l’occasion de redécouvrir l’un des artistes les plus fascinants du Grand Siècle, dans toute la richesse et la complexité de son oeuvre.

Né à Vic-sur-Seille, dans le duché indépendant de Lorraine, Georges de La Tour mena une brillante carrière, travaillant pour de prestigieux mécènes et collectionneurs, comme les ducs de Lorraine, le cardinal Richelieu et en tant que peintre ordinaire du roi Louis XIII. Dans le contexte violent de la guerre de Trente Ans, sa maison et son atelier à Lunéville furent détruits en 1638, et Georges de La Tour choisit de se rapprocher de Paris et du pouvoir : il offrit notamment au roi Louis XIII un tableau nocturne représentant Saint Sébastien (aujourd’hui perdu), que le souverain aurait tant apprécié qu’il fit retirer tous les autres tableaux de sa chambre pour ne conserver que celui-ci.

Malgré la gloire et le succès connus de son vivant, Georges de La Tour tomba dans l’oubli après son décès en 1652. Il faut attendre les années 1910 et l’entre-deux-guerres pour que son oeuvre soit redécouverte par les historiens de l’art, lui permettant près de trois siècles après sa mort de retrouver la place qui lui revient parmi les plus grands peintres français du XVIIe siècle.

En effet, bien que seulement une quarantaine d’œuvres authentiques du peintre soient connues aujourd’hui, de nombreuses copies attestent de la célébrité de ses tableaux et de l’importance de son atelier.

Rassemblant une trentaine de toiles et d’oeuvres graphiques prêtées par des collections publiques et privées françaises et étrangères, l’exposition adopte une approche thématique destinée à cerner l’originalité de Georges de La Tour. Le parcours explore ses sujets de prédilection — scènes de genre, figures de saints pénitents, effets de lumière artificielle — tout en replaçant sa vie et son oeuvre dans le contexte plus large du caravagisme européen, notamment celui de l’influence des caravagesques français, lorrains et hollandais. Plutôt qu’une imitation directe des leçons de Caravage, la singularité de l’oeuvre de Georges de La Tour tient à son interprétation personnelle du clair-obscur, nourrie par un réalisme radical et une intense spiritualité qui donnent à ses compositions une modernité intemporelle.

Parmi les temps forts de l’exposition, les scènes de jeux illustrent son attrait pour des sujets caravagesques. Les Joueurs de dés du Preston Park Museum et le Reniement de saint Pierre du musée d’art de Nantes témoignent de son talent pour orchestrer gestes et regards dans une dramaturgie silencieuse.

Autre thème cher au peintre, le personnage du musicien aveugle est décliné dans plusieurs versions (dont celles conservées à Remiremont et Bergues). Ce sujet s’inscrit dans une tradition lorraine illustrée aussi par Jacques Callot et Jacques Bellange. Georges de La Tour humanise les figures marginales auxquelles il confère une grande dignité en les monumentalisant. Parmi ces personnages populaires figurent aussi le Vieil homme et la Vieille femme du Museum of Fine Arts de San Francisco.

L’exposition réunit en outre plusieurs bustes de saints, issus notamment d’un ensemble représentant le Christ et les apôtres provenant de la cathédrale d’Albi. Dispersées à travers le monde, ces oeuvres révèlent la capacité unique de Georges de La Tour à insuffler vie et spiritualité à ses modèles. Enfin, sont exposées de célèbres oeuvres de scènes nocturnes éclairées à la chandelle — parmi lesquelles le Nouveau-Né (musée des Beaux-Arts de Rennes), Job raillé par sa femme (musée départemental d’Épinal), la Femme à la puce (Nancy, Musée Lorrain), Saint Pierre repentant (The Cleveland Museum of Art) et la Madeleine pénitente (Washington, National Gallery of Art). Ces compositions dépouillées où la lumière se fait vecteur de transcendance comptent parmi les plus puissantes de l’oeuvre de Georges de La Tour.

Un catalogue de l’exposition est disponible : Editions Hazan – Parution le 10 septembre 2025.