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🔊 “Suzanne Valadon” au Centre Pompidou, du 15 janvier au 26 mai 2025

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“Suzanne Valadon”

au Centre Pompidou, Paris

du 15 janvier au 26 mai 2025

Centre Pompidou


Entretien avec Nathalie Ernoult, attachĂ©e de conservation au MusĂ©e national d'art moderne - Centre Pompidou, et co-commissaire de l'exposition, par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 13 janvier 2025, durĂ©e 23’59. © FranceFineArt.

PODCAST –  Entretien avec Nathalie Ernoult, attachĂ©e de conservation au MusĂ©e national d’art moderne – Centre Pompidou, et co-commissaire de l’exposition,


par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 13 janvier 2025, durĂ©e 23’59,
© FranceFineArt.


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©Anne-Frédérique Fer, journée de tournage, le 13 janvier 2025.

Extrait du communiqué de presse :

Anonyme, Suzanne Valadon entourée de deux chiens, vers 1930, tirage photographique, 23,9 x 15,9 cm, LEMAS 8, n°755, Fond Le Masle, Paris, Centre Pompidou, bibliothÚque Kandinsky. Crédit Photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI/Philippe Migeat/ Dist. GrandPalaisRmn.

Anonyme, Suzanne Valadon entourée de deux chiens, vers 1930, tirage photographique, 23,9 x 15,9 cm, LEMAS 8, n°755, Fond Le Masle, Paris, Centre Pompidou, bibliothÚque Kandinsky. Crédit Photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI/Philippe Migeat/ Dist. GrandPalaisRmn.

Suzanne Valadon, ‹Marie Coca et sa fille Gilberte,1913.‹Huile sur toile, 162 × 129,5 cm. ‹Lyon, musĂ©e des Beaux-Arts‹1935-51. CrĂ©dit Image © Lyon MBA - Photo Alain Basset.

Suzanne Valadon, Marie Coca et sa fille Gilberte,1913. Huile sur toile, 162 × 129,5 cm. Lyon, musĂ©e des Beaux-Arts 1935-51. CrĂ©dit Image © Lyon MBA – Photo Alain Basset.

Suzanne Valadon, ‹La Chambre bleue, 1923. ‹Huile sur toile, 90  ×  116 cm. ‹Don Joseph Duveen, 1926 ‹Paris, Centre Pompidou, MusĂ©e national d’art moderne, LUX.1506 P, en dĂ©pĂŽt au musĂ©e des Beaux-Arts de Limoges. CrĂ©dit Photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI/Jacqueline Hyde/ Dist. GrandPalaisRmn.

Suzanne Valadon, La Chambre bleue, 1923. Huile sur toile, 90  ×  116 cm. Don Joseph Duveen, 1926 Paris, Centre Pompidou, MusĂ©e national d’art moderne, LUX.1506 P, en dĂ©pĂŽt au musĂ©e des Beaux-Arts de Limoges. CrĂ©dit Photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI/Jacqueline Hyde/ Dist. GrandPalaisRmn.

Suzanne Valadon, ‹La BoĂźte Ă  violon, 1923.‹Huile sur toile, 81 × 100 cm.‹Achat, 1937‹Paris, musĂ©e d’art moderne de Paris, Inv. AMVP 1712 .‹CrĂ©dit Photo: CCØ Paris MusĂ©es / MusĂ©e d’Art Moderne de la Ville de Paris.

Suzanne Valadon, La BoĂźte Ă  violon, 1923. Huile sur toile, 81 × 100 cm. Achat, 1937 Paris, musĂ©e d’art moderne de Paris, Inv. AMVP 1712 . CrĂ©dit Photo: CCØ Paris MusĂ©es / MusĂ©e d’Art Moderne de la Ville de Paris.

Suzanne Valadon, ‹Les Deux SƓurs, 1928.‹Huile sur toile, 72 × 53 cm.‹ Collection particuliĂšre.‹Photo © Matthew Hollow.

Suzanne Valadon, Les Deux SƓurs, 1928. Huile sur toile, 72 × 53 cm. Collection particuliĂšre. Photo © Matthew Hollow.

Suzanne Valadon, ‹Catherine nue allongĂ©e sur une peau de panthĂšre, 1923.‹Huile sur toile, 64,6 × 91,8 cm. ‹Lucien Arkas Collection‹. Photo © Hadiye Cangokce.

Suzanne Valadon, Catherine nue allongĂ©e sur une peau de panthĂšre, 1923. Huile sur toile, 64,6 × 91,8 cm. Lucien Arkas Collection. Photo © Hadiye Cangokce.

Commissariat :

Nathalie Ernoult, attachĂ©e de conservation au MusĂ©e national d’art moderne, Centre Pompidou

Chiara Parisi, directrice du Centre Pompidou-Metz

Xavier Rey, directeur du MusĂ©e national d’art moderne, Centre Pompidou



Le Centre Pompidou consacre une monographie Ă  Suzanne Valadon (1865-1938), artiste emblĂ©matique et audacieuse, l’une des plus importantes de sa gĂ©nĂ©ration. À la marge des courants dominants de son Ă©poque – le cubisme et l’art abstrait sont en germe alors qu’elle dĂ©fend avec ardeur la nĂ©cessitĂ© de peindre le rĂ©el – elle place le nu, fĂ©minin comme masculin, au centre de son oeuvre, reprĂ©sentant les corps sans artifice ni voyeurisme.

Suzanne Valadon n’a pas bĂ©nĂ©ficiĂ© de monographie, Ă  Paris depuis celle que le MusĂ©e national d’art moderne lui avait consacrĂ© en 1967. PrĂ©sentĂ© au Centre Pompidou-Metz, en 2023 (« Suzanne Valadon. Un monde Ă  soi »), puis au MusĂ©e des Beaux-arts de Nantes (2024) et au Museu Nacional d’Art de Catalunya (2024), l’hommage Ă  cette artiste ostensiblement moderne et libĂ©rĂ©e des conventions de son temps, se poursuit donc au Centre Pompidou, en 2025 avec une version enrichie de nouveaux prĂȘts et augmentĂ©e d’archives inĂ©dites.

« J’ai dessinĂ© follement pour que quand je n’aurais plus d’yeux j’en aie au bout des doigts » Suzanne Valadon

Cette exposition met en lumiĂšre cette figure exceptionnelle et souligne son rĂŽle prĂ©curseur, souvent sous-estimĂ©, dans la naissance de la modernitĂ© artistique. Elle rĂ©vĂšle la grande libertĂ© de cette artiste qui n’adhĂšre vĂ©ritablement Ă  aucun courant, si ce n’est peut-ĂȘtre le sien. Le parcours de prĂšs de 200 oeuvres s’appuie sur la richesse des collections nationales notamment celle du Centre Pompidou, la plus importante, mais aussi du musĂ©e d’Orsay et de l’Orangerie. Des prĂȘts exceptionnels du Metropolitan Museum of Modern Art de New York ou encore de la Fondation de l’Hermitage et d’importantes collections privĂ©es le complĂštent. Il se concentre sur les deux mĂ©diums de prĂ©dilection de l’artiste, le dessin et la peinture. ParticuliĂšrement mise Ă  l’honneur ici, son oeuvre graphique fait l’objet d’une analyse approfondie, grĂące Ă  la prĂ©sentation d’un grand nombre de dessins jusqu’alors rarement montrĂ©s. C’est Ă©galement l’occasion d’explorer un moment artistique au coeur de la transition entre les collections du musĂ©e d’Orsay et de l’Orangerie et celles du MusĂ©e national d’art moderne.

L’exposition « Valadon » retrace cet itinĂ©raire unique, depuis ses dĂ©buts de modĂšle favorite du tout-Montmartre, jusqu’à sa reconnaissance artistique, intervenue trĂšs tĂŽt, par ses pairs et la critique. VĂ©ritable « passeuse » d’un siĂšcle Ă  l’autre, Suzanne Valadon embrasse la ferveur parisienne du tournant-de-siĂšcle, ses cafĂ©s, bals musettes et cabarets et ses multiples rĂ©volutions artistiques, intellectuelles et sociĂ©tales. Elle met en Ă©vidence le caractĂšre rĂ©solument moderne de l’oeuvre de Valadon, premiĂšre femme Ă  peindre en grand format un nu masculin de face. Cette plongĂ©e inĂ©dite dans son oeuvre dĂ©voile aussi bien ses relations amicales et artistiques avec les peintres de la bohĂšme que son influence incontestable sur la scĂšne artistique parisienne grĂące au soutien actif de ses amis artistes et galeristes.

Cette exposition souligne l’Ă©tendue, la richesse et la complexitĂ© de son oeuvre en s’articulant autour de cinq sections thĂ©matiques : Apprendre par l’observation, Portraits de famille, « Je peins les gens pour apprendre Ă  les connaĂźtre », « La vraie thĂ©orie, c’est la nature qui l’impose », Le nu : un regard fĂ©minin. Une sĂ©lection d’oeuvres de ses contemporaines, aux prĂ©occupations picturales proches des siennes, comme Juliette Roche, Georgette Agutte, Jacqueline Marval, Émilie Charmy ou AngĂšle Delasalle complĂšte cette proposition.

Le fonds d’archives exceptionnel lĂ©guĂ© en 1974 au Centre Pompidou par le docteur Robert Le Masle, mĂ©decin, collectionneur et ami proche de l’artiste, rassemblant de nombreuses photographies, des manuscrits et des documents aujourd’hui conservĂ©s Ă  la BibliothĂšque Kandinsky, constitue un tĂ©moignage essentiel de la personnalitĂ© frondeuse de Valadon et de sa reconnaissance artistique prĂ©coce.

AprĂšs les expositions, Alice Neel, Georgia O’Keeffe, Dora Maar ou Germaine Richier, cette monographie s’inscrit dans le cadre de la dĂ©marche engagĂ©e du Centre Pompidou pour approfondir l’étude et la connaissance du travail et de l’oeuvre d’artistes femmes, et accroĂźtre la part de leurs oeuvres dans la collection.





#Catalogue de l’exposition Suzanne Valadon sous la direction Chiara Parisi

Ce livre est l’édition augmentĂ©e du catalogue Ă©ditĂ© par le Centre Pompidou-Metz, aujourd’hui Ă©puisĂ©. Enrichi de 16 pages, il comporte deux essais supplĂ©mentaires et le corpus d’Ɠuvres est aussi plus important et adaptĂ© Ă  l’exposition parisienne. Le texte de Nathalie Ernoult est issu du colloque « Le clan Valadon » sur la question de Suzanne Valadon femme artiste, qui s’est dĂ©roulĂ© au Centre Pompidou-Metz en 2023.


Parcours de l’exposition

Introduction

ModĂšle sous le nom de Maria, peintre sous le nom de Suzanne Valadon, elle apprend Ă  dessiner en observant Ă  l’oeuvre les artistes pour qui elle posait. RemarquĂ©s par Edgar Degas, ses premiers dessins Ă  la ligne « dure et souple » puisent leurs sujets dans les scĂšnes de la vie quotidienne, celles des femmes de son entourage et de son fils. Dans les autoportraits, qu’elle peint tout au long de sa vie, Valadon s’affiche avec une sĂ©vĂ©ritĂ© assumĂ©e : « Il faut ĂȘtre dur avec soi, avoir une conscience, se regarder en face. » En 1892, elle se lance dans la peinture et rĂ©alise des portraits sans concession de sa famille, sa mĂšre, son fils, son mari, sa soeur et sa niĂšce. Puis la notoriĂ©tĂ© venant dans les annĂ©es 1920, elle peint sur commande des portraits de ses amis du monde de l’art.

AprĂšs avoir posĂ© nue, c’est Ă  son tour de peindre des nus masculins et fĂ©minins, thĂšme longtemps rĂ©servĂ© aux hommes, dans lesquels elle impose une vision en rupture avec les conventions de son Ă©poque. C’est probablement la premiĂšre artiste femme Ă  peindre un nu masculin de face, le sexe apparent. Tout au long du parcours, des tableaux d’artistes qui lui sont contemporaines et parfois amies viennent dialoguer avec l’oeuvre de Valadon. Cette derniĂšre exposition dans la Galerie 2 du Centre Pompidou avant sa fermeture pour travaux et sa rĂ©ouverture en 2030, souligne l’étendue et la richesse du parcours de cette vĂ©ritable « passeuse » d’un siĂšcle Ă  l’autre.

Apprendre par l’observation

ModĂšle dĂšs l’ñge de 14 ans pour subvenir Ă  ses besoins, Valadon pose pour des peintres reconnus comme l’acadĂ©mique Gustave Wertheimer, les symbolistes Jean-Jacques Henner et Pierre Puvis de Chavannes, l’impressionniste Auguste Renoir, le sculpteur Paul-Albert BartholomĂ© mais aussi pour le jeune peintre Henri de Toulouse-Lautrec avec qui elle a une liaison enflammĂ©e. C’est ce dernier qui lui donne le prĂ©nom de Suzanne, en rĂ©fĂ©rence Ă  la Suzanne biblique car elle pose nue pour des vieillards. Lors de ces sĂ©ances de poses, Valadon observe, Ă©coute et apprend les diffĂ©rentes techniques du dessin et de la peinture en regardant peindre les maĂźtres. À la demande de BartholomĂ©, elle montre ses dessins Ă  Edgar Degas. ImpressionnĂ© par son talent, il lui dĂ©clare « Vous ĂȘtes des nĂŽtres ! » Valadon ne posera jamais pour Degas mais ce dernier lui ouvrira les portes de son atelier, lui apprendra la gravure en taille douce sur sa propre presse et lui achĂštera de nombreux dessins.

Portraits de famille

L’oeuvre peint et dessinĂ© de Suzanne Valadon est marquĂ© dĂšs ses dĂ©buts par l’exĂ©cution de portraits de ses proches. N’ayant pas les moyens d’avoir recours Ă  des modĂšles tarifĂ©s, elle peint les membres de sa famille. En 1912, elle rĂ©alise le Portrait de famille, unique tableau oĂč elle apparaĂźt entourĂ©e de sa mĂšre, de son amant AndrĂ© Utter et de son fils Maurice Utrillo. Elle trĂŽne au centre de la composition, le regard droit, s’affirmant comme la vĂ©ritable cheffe de famille. Les portraits familiaux de Valadon n’ont rien de complaisants. Elle peint les personnes qu’elle cĂŽtoie tous les jours comme elle les perçoit. Pas une ride ne manque au visage de sa mĂšre Madeleine. En 1909, son fils apparaĂźt tourmentĂ©, le visage Ă©maciĂ©, l’air abattu et le regard vide. Lorsqu’elle peint la famille d’Utter, ses soeurs et sa mĂšre semblent compassĂ©es et raides dans leurs fauteuils. Valadon s’exprime avec plus de fraicheur lorsqu’elle peint ses lieux de vie comme le Jardin de la rue Cortot, 1928 et le ChĂąteau de Saint-Bernard, 1930, que la famille acquiert en 1923 prĂšs de Villefranche-sur-SaĂŽne.

Portraits de famille. Dessins

« J’ai dessinĂ© follement pour que quand je n’aurais plus d’yeux j’en aie au bout des doigts. » C’est avec la pratique du dessin que la carriĂšre artistique de Valadon a dĂ©butĂ©, notamment en 1894 lorsqu’elle prĂ©sente pour la premiĂšre fois ses oeuvres au public lors du Salon de la SociĂ©tĂ© nationale des Beaux-Arts. Sous la plume des critiques qui remarquent trĂšs vite ses dessins, les mots « ĂąpretĂ© » et « duretĂ© » sont les termes les plus rĂ©currents pour les dĂ©crire. Edgar Degas, qui la soutient dans cette voie, loue ses « dessins mĂ©chants et souples ». Le trait bien appuyĂ©, qui cerne les corps et les objets, est la vĂ©ritable « signature » de Valadon et influence trĂšs fortement sa peinture.

« Je peins les gens pour apprendre à les connaßtre. »

Forte d’une reconnaissance accrue des marchands et de la critique, Valadon entame dans les annĂ©es 1920 une sĂ©rie de portraits bourgeois. Productions de commande, ce sont des portraits de femmes de la « haute sociĂ©tĂ© » : Nora Kars, femme du peintre Georges Kars, avec qui elle noue une solide amitiĂ© jusqu’à la fin de sa vie ou Germaine Eisenmann, son Ă©lĂšve qui la vĂ©nĂšre. Ou encore, celui de Mme LĂ©vy, femme d’affaires, qu’elle considĂšre comme « le mieux peint de tous ses tableaux ». Les portraits d’hommes, s’ils sont plus rares, ne sont pas totalement absents et reprĂ©sentent des personnages qui ont comptĂ© dans sa vie : le Dr Robert Le Masle qui sera auprĂšs d’elle jusqu’à ses derniers jours, le collectionneur Charles Wakefield-Mori, Louis MoysĂšs, fondateur du cabaret Le Boeuf sur le toit, ou encore son marchand et ami Paul PĂ©tridĂšs. Ces portraits oĂč elle affirme sa place d’artiste, suggĂšrent avant tout la position sociale de leurs sujets.

« La vraie thĂ©orie, c’est la nature qui l’impose. »

« La nature a une emprise totale sur moi, les arbres, le ciel, l’eau et les ĂȘtres, me charment » Ă©crit Valadon. Pourtant, elle ne peint des natures mortes et des paysages que tardivement dans son oeuvre. Les premiĂšres peintures, marquĂ©es encore par Paul CĂ©zanne, apparaissent pendant les annĂ©es de la Grande Guerre. Par la suite, Valadon affirme un style colorĂ©, construit et Ă  la ligne nerveuse. Les couleurs sourdes et saturĂ©es des paysages, les lignes ondoyantes des arbres l’associent Ă  l’esthĂ©tique de Paul Gauguin ou d’Émile Bernard, ancien locataire de son atelier rue Cortot. Peintes dans le dĂ©cor de son atelier, les natures mortes laissent entrevoir son univers. Certains motifs sont rĂ©currents comme ce tissu brodĂ© appelĂ© « suzani » prĂ©sent dans la Nature morte, 1920 et La BoĂźte Ă  violon, 1923. Parfois, on aperçoit en arriĂšre-plan un de ses tableaux entreposĂ© dans l’atelier. Dans les annĂ©es 1930, lors de sĂ©jours au chĂąteau de Saint-Bernard, Valadon rĂ©alise plusieurs natures mortes comportant liĂšvres, faisans, canards, perdrix, rapportĂ©s de la chasse par AndrĂ© Utter. Les tableaux de fleurs deviennent Ă  la fin de sa vie les cadeaux rĂ©guliers que Valadon offre Ă  ses proches.

Le nu : un regard féminin

Valadon s’est trĂšs tĂŽt aventurĂ©e sur le territoire masculin de la peinture de nus. En 1909, avec Adam et Ève, l’une des premiĂšres oeuvres de l’histoire de l’art rĂ©alisĂ©e par une artiste reprĂ©sentant un nu masculin, elle dĂ©tourne l’iconographie traditionnelle de la GenĂšse pour cĂ©lĂ©brer sa relation amoureuse avec AndrĂ© Utter. La position frontale des nus offrant au regard les parties gĂ©nitales de la femme et de l’homme est particuliĂšrement audacieuse. L’audace est vite rĂ©primĂ©e car Valadon doit recouvrir le sexe d’Utter d’une feuille de vigne, sans doute pour pouvoir prĂ©senter le tableau au Salon des IndĂ©pendants en 1920. Valadon peint dĂ©sormais des nus fĂ©minins en les inscrivant dans une rupture avec le regard masculin sur le corps des femmes. Ces derniĂšres, loin d’ĂȘtre idĂ©alisĂ©es, sont peintes pour elles-mĂȘmes et non pour le dĂ©sir d’un spectateur voyeur. LibĂ©rĂ©e des carcans sociaux et artistiques, Valadon investit le domaine de la sexualitĂ© en peinture, longtemps cantonnĂ© Ă  l’antagonisme « artiste mĂąle / modĂšle femme nue».

Le nu : un regard féminin. Dessins

Le nu, en particulier fĂ©minin, est le sujet central de l’oeuvre graphique de Valadon. Dans ses dessins au fusain, Ă  la mine graphite ou Ă  la sanguine ou encore dans ses estampes, ces femmes nues sont la plupart du temps figurĂ©es actives, vaquant Ă  des scĂšnes de la vie quotidienne (toilette, bain, mĂ©nage
). Ces corps, au travail, fatiguĂ©s ou contorsionnĂ©s, sont traitĂ©s sans complaisance et cernĂ©s d’un trait incisif. MalgrĂ© leur apparente spontanĂ©itĂ©, ces oeuvres sont le fruit d’une lente Ă©laboration, comme le montre son utilisation rĂ©guliĂšre du papier-calque. Cette technique, apprise auprĂšs de Degas, lui permet de dupliquer et transfĂ©rer ses personnages d’un support Ă  un autre. C’est Ă©galement grĂące Ă  Degas que Valadon s’initie Ă  la technique du vernis mou, un type de gravure qui donne Ă  l’estampe un aspect trĂšs proche d’un dessin au crayon.