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🔊 “CORPS IN·VISIBLES” au Musée Rodin, du 15 octobre 2024 au 2 mars 2025

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“CORPS IN·VISIBLES”

au Musée Rodin, Paris

du 15 octobre 2024 au 2 mars 2025

Musée Rodin



Entretien avec Marine Kisiel, conservatrice du département mode XIXe siècle du Palais Galliera - musée de la Mode de Paris, et commissaire de l’exposition, par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 14 octobre 2024, durée 16’30, © FranceFineArt.

PODCAST –  Entretien avec Marine Kisiel, conservatrice du dĂ©partement mode XIXe siècle du Palais Galliera – musĂ©e de la Mode de Paris, et commissaire de l’exposition,


par Anne-Frédérique Fer, à Paris,14 octobre 2024, durée 16’30,
© FranceFineArt.

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©Anne-Fréderique Fer, présentation presse, le 14 octobre 2024.


Extrait du communiqué de presse :

Auguste Rodin, Balzac, étude de nu au gros ventre, sans tête, plâtre, 1894 © musée Rodin, photo Christian Baraja.

Auguste Rodin, Balzac, étude de nu au gros ventre, sans tête, plâtre, 1894 © musée Rodin, photo Christian Baraja.

Auguste Rodin, Balzac, étude de robe de chambre, terre cuite, 1897 © musée Rodin, photo Christian Baraja.

Auguste Rodin, Balzac, étude de robe de chambre, terre cuite, 1897 © musée Rodin, photo Christian Baraja.

Auguste Rodin, Balzac en robe de moine, plâtre, 1891-92 © musée Rodin, photo Christian Baraja.

Auguste Rodin, Balzac en robe de moine, plâtre, 1891-92 © musée Rodin, photo Christian Baraja.

Auguste Rodin, Robe de chambre, épreuve en plâtre pour Balzac, 1897 © agence photographique du musée Rodin, Jérome Manoukian.

Auguste Rodin, Robe de chambre, épreuve en plâtre pour Balzac, 1897 © agence photographique du musée Rodin, Jérome Manoukian.

Commissariat #corpsinvisibles

Marine Kisiel, conservatrice du département mode XIXe siècle du Palais Galliera, musée de la Mode de Paris

Isabelle Collet, conservatrice générale, cheffe du département scientifique et des collections du musée Rodin.




Une exposition organisée avec la collaboration exceptionnelle du Palais Galliera, musée de la Mode de Paris, et avec le concours de l’Institut de France.

À l’automne 2024, le musée Rodin met à l’honneur une pièce méconnue de ses collections, l’Étude de robe de chambre pour Balzac d’Auguste Rodin. Conçue à partir d’une sélection de sculptures issues des collections du musée, de pièces de mode du XIXe siècle du Palais Galliera et d’archives inédites de la bibliothèque de l’Institut de France, l’exposition intitulée Corps In·visibles déplie, à partir de la singulière Robe de chambre, une enquête sur la recherche d’un corps de Balzac par Rodin. Cette investigation est un véritable prélude à une réflexion sur les corps — réels, idéalisés, statufiés et occultés – dans la statuaire monumentale du XIXe siècle qui peuplent toujours notre monde contemporain.

Le corps de Balzac, tel que Rodin l’appréhende par le vêtement, lorsqu’il fait refaire un costume du romancier disparu par le tailleur de Balzac, révèle de l’homme son physique considéré comme peu avantageux par les commanditaires du monument : Balzac, en un mot, était gros. Faisant dialoguer couture et sculpture, et rapprochant la pratique des tailleurs de celle des statuaires, l’exposition observe comment la perception des corps influence la fabrique de leur image de bronze, fortement idéalisée. Elle révèle combien le mythe de Balzac écrivant en robe de chambre permet finalement à Rodin de cacher sous d’amples plis un corps refusé en raison de sa corpulence. L’exposition « Corps In·visibles » invite, ce faisant, à réfléchir à la représentation des corps dans l’espace public, et au nécessaire élargissement contemporain de ces représentations.



Retrouver un corps

Choisi par la Société des Gens de Lettres en 1891 pour sculpter un monument à Balzac, Auguste Rodin se lance dans la quête du romancier disparu depuis près d’un demi-siècle : de l’étude de l’image de Balzac à Bruxelles chez un collectionneur de reliques balzaciennes, à la recherche de son corps dans la Touraine natale de l’écrivain où Rodin trouve pour modèle un charretier corpulent, les étapes de cette enquête sont restituées au fil de l’exposition. Fait largement inconnu, Rodin retrouve même le tailleur de Balzac et lui fait refaire un costume de l’écrivain pour mieux en comprendre la physionomie. Les visiteurs pourront ainsi découvrir la redingote de Balzac, retaillée pour l’occasion à partir des mesures réelles et inédites de son corps.



Opter pour l’enveloppe

Rodin s’attèle ensuite au défi d’incarner Balzac dans la terre et le plâtre quatre années durant. La réaction de ses contemporains, pour lesquels un grand homme de bronze ne saurait être représenté petit et ventru, l’engage à se tourner vers le mythe d’un Balzac écrivant en robe de chambre pour cacher ce corps sous les plis d’un grand drapé. Le moulage d’une véritable robe de chambre dans le plâtre, vers 1896-1897, apparaît dès lors comme la solution à la quête d’une formule plastique restituant l’idée de Balzac, à défaut d’en représenter le corps exact. L’extraordinaire Étude de robe de chambre pour Balzac, à laquelle se consacre la seconde partie de l’exposition, rend compte du cheminement du sculpteur vers une idéalisation du corps, et invite à s’interroger sur les enjeux actuels liés à la grossophobie et la mise à l’écart de nombreux corps divergeant de la « norme ».



Ces corps qui comptent

L’exposition se finit sur la confrontation de la statue de Balzac, achevée en 1898 et aussitôt refusée par la Société des Gens de Lettres, à une oeuvre du sculpteur contemporain Thomas J. Price représentant une femme noire anonyme, en jogging. D’un côté, un Balzac idéalisé mais difficilement compréhensible pour ses commanditaires, fin XIXe siècle, et de l’autre la célébration monumentale d’une anonyme, symbole d’une nouvelle diversité dans la statuaire publique du XXIe siècle. En prenant comme point de départ le processus de création du Monument à Balzac, l’exposition « Corps In·visibles » invitera plus largement à une réflexion sur l’évolution des représentations du corps dans l’espace public.

Le plâtre du Balzac monumental exposé au Salon de la Société nationale des beaux-arts, Paris mai 1898, photographie d’Eugène Druet, Ph. 02883 © musée Rodin.

Le plâtre du Balzac monumental exposé au Salon de la Société nationale des beaux-arts, Paris mai 1898, photographie d’Eugène Druet, Ph. 02883 © musée Rodin.

La Robe de chambre en cours de moulage, photographie de Daniel Freuler, vers 1897, Ph.01209 © musée Rodin.

La Robe de chambre en cours de moulage, photographie de Daniel Freuler, vers 1897, Ph.01209 © musée Rodin.

Les plâtres du Balzac et de la Robe de chambre dans l’atelier du dépôt des marbres, photographie d’Eugène Druet, vers 1898, Ph.00665 © musée Rodin.

Les plâtres du Balzac et de la Robe de chambre dans l’atelier du dépôt des marbres, photographie d’Eugène Druet, vers 1898, Ph.00665 © musée Rodin.

Dominique Brisset et Bruno Maloberti, mouleurs / Projet d’archéologie expérimentale en sculpture, reconstitution de la Robe de chambre pour Balzac © agence photographique du musée Rodin, Jérome Manoukian.

Dominique Brisset et Bruno Maloberti, mouleurs / Projet d’archéologie expérimentale en sculpture, reconstitution de la Robe de chambre pour Balzac © agence photographique du musée Rodin, Jérome Manoukian.


Parcours de l’exposition

Prologue : la statuaire publique, une passion partagée.

De corps, l’espace public est saturĂ©. Il y a les nĂ´tres, nous qui y dĂ©ambulons et, nous surplombant, ceux de grands morts que la statuaire a immortalisĂ©s. Cet hĂ©ritage nous vient essentiellement du XIXe siècle, pĂ©riode durant laquelle l’essentiel des rues, des places et des squares du monde occidental voit monter sur des socles un panthĂ©on sculptĂ© commĂ©morant le gĂ©nie ou les hauts faits de quelques figures choisies. Ces hommes de pierre et de bronze – et quelques rares femmes – hissĂ©s au rang d’exemples, n’ont jamais Ă©tĂ© sculptĂ©s d’après ceux qu’ils Ă©taient censĂ©s reprĂ©senter. Au contraire : quand les hommes politiques, scientifiques, militaires et hommes de lettres qui habitent nos rues reçurent cet hommage, participant Ă  nourrir le rĂ©cit politique d’une sociĂ©tĂ© choisissant ses hĂ©ros, aucun d’eux ne vivait encore, laissant les sculpteurs aux prises avec l’absence de leur enveloppe, et la nĂ©cessitĂ© de la rĂ©inventer. Ce que suppose ce double mouvement – de sĂ©lection de figures Ă  honorer et de corps Ă  leur donner – mĂ©rite d’être interrogĂ©. Cela a dĂ©jĂ  commencĂ© : que ses symboles en soient commentĂ©s par des tags, qu’elle soit retirĂ©e des rues ou mise Ă  bas plus radicalement, la statuaire publique a rĂ©cemment fait l’objet d’une nouvelle attention, tant elle donne Ă  voir une vision partielle du corps social. Une rĂ©flexion sur les corps mĂŞmes de ceux qui furent statufiĂ©s reste Ă  mener, pour mieux saisir lesquels nous sont donnĂ©s en exemple par la statuaire, et quels processus ont nourri ces choix. L’exposition explore cette question Ă  travers un cas singulier : le Monument Ă  Balzac conçu par Rodin pour l’espace public.


Balzac, le titan du roman moderne

Lorsqu’Honoré de Balzac meurt à Paris dans la nuit du 18 août 1850, il n’a que 51 ans. Victor Hugo, informé de l’état alarmant de son confrère, s’est rendu à son chevet. L’écrivain à bout de force laisse une oeuvre colossale. Il a pris rang dans la génération qui a fait éclore Lamartine, Chateaubriand, Hugo, Vigny, Mérimée et Dumas. En France, il est parmi les premiers à conférer au genre romanesque une place exclusive, puisant son inspiration dans la peinture des moeurs de son temps. Il laisse à la postérité le tableau de toute une société, avec les lois qui la régissent, ses affaires d’argent et de moeurs.


Retrouver un corps

À l’été 1891, Rodin reçoit de la Société des Gens de Lettres la commande d’un monument à Balzac. Très vite, le sculpteur se met en quête des documents qui lui permettront de se représenter avec précision l’écrivain disparu depuis 40 ans. Voulant notamment en retrouver l’image, il recueille les témoignages littéraires décrivant physiquement Balzac, et les quelques souvenirs figurés que lui amènent les proches du grand homme. Le vicomte Spoelberch de Lovenjoul accueille l’artiste dans sa demeure bruxelloise, et lui offre une plongée dans l’iconographie balzacienne qu’il a rassemblée avec une méticulosité sans pareille. Gravures, sculptures, moulages et miniatures révèlent à Rodin l’image kaléidoscopique du romancier. Poussant plus loin ses investigations, Rodin souhaite retrouver le corps de Balzac. Fidèle aux conceptions du XIXe siècle, pour lesquelles des types humains caractérisent chaque région, le sculpteur se rend en Touraine, dans la patrie de l’écrivain, avec l’espoir d’y trouver des modèles. Au cours de sa promenade et de son enquête, Rodin discerne un type tourangeau qui est le « type de Balzac ». De fait, Rodin fait rapidement poser un charretier tourangeau, Estager, dont il tire une série de masques et les études d’un corps impressionnant, ventripotent et musculeux, plein d’allant. Fait singulier jusqu’ici laissé dans l’ombre, le sculpteur rend également visite au vieux tailleur du romancier, René Pion, installé à côté de Tours, et lui fait retailler un costume aux dimensions du disparu. À travers cette relique inédite, Rodin n’appréhende pas seulement un corps par son enveloppe : il retrouve l’esprit d’un temps. Après avoir enquêté sur les dimensions du corps de Balzac, Rodin exécute plusieurs maquettes qu’il présente, en 1892, au comité des Gens de Lettres. L’une d’elles le représente vêtu du costume de 1830, svelte et appuyé à un fauteuil. Voulant cependant donner du romancier l’idée d’un homme « immense, dominateur, vraiment créateur d’un monde », Rodin ne se résout pas à abandonner le corps qui lui semble le plus fidèle à celui de Balzac. En 1893-1894, une série d’études en rend compte, qui prend à rebours ses commanditaires désorientés. Cet épisode, source de retards et de désaccords entre Rodin et les Gens de Lettres, acte une divergence fondamentale : alors que le statuaire poursuit sur sa ligne, la Société lui réclame un Balzac plus acceptable – entendre : moins gros. C’est que le corps gros, encore accepté du temps de l’écrivain, fait l’objet de vifs préjugés à la fin du XIXe siècle. Le culte de la minceur y sévit déjà, expliquant la réaction des Gens de Lettres pour lesquels un génie comme Balzac ne saurait, en sculpture, être trapu et ventru.


Opter pour l’enveloppe

S’étant heurté à la chimère de retrouver le corps de Balzac, doublée de la difficulté que la corpulence du romancier pose à son temps, Rodin réoriente ses recherches. Face à la disparition du corps vivant, le sculpteur décide de mettre au point une autre manière de dire l’absent. L’iconographie de Balzac en robe de moine, mise en scène par le romancier lui-même, lui apparaît comme une solution. En 1837, en effet, Balzac se fait représenter en habit monacal par le peintre Louis Boulanger, alors que des portraits de lui commencent à circuler et lui déplaisent : « On n’a fait que l’homme extérieur, c’est la bête sans aucune espèce de poésie ». Pour l’écrivain, la robe de moine désigne au contraire l’homme intérieur : le froc de flanelle blanche que Balzac portait « en guise de robe de chambre » (Gautier) sert les desseins de Rodin. L’association de la robe de chambre à la création artistique et intellectuelle, notamment popularisée par Diderot, rencontre opportunément les besoins formels du sculpteur. L’habitude qu’avait Balzac de travailler dans une sorte de robe monastique fournit un excellent prétexte pour le draper copieusement, et atténuer visuellement le corps tenu pour disgracieux.


Habiller le vide, vêtir l’idée

Trois ans après la commande d’un monument qui aurait dû être achevé en 18 mois, les rapports de Rodin et de ses commanditaires sont des plus tendus. Les Gens de Lettres, agacés d’attendre la livraison toujours repoussée d’un monument dont ils ne voient pas la forme émerger, rompent quasiment avec le sculpteur. Celui-ci, affecté mais déterminé, reprend sa liberté en rendant l’avance financière que la Société lui a faite, et poursuit ses réflexions. En 1897, une solution émerge. Après avoir cherché un corps de Balzac par le costume – habit de ville de 1830 ou robe de chambre mythique –, Rodin change radicalement d’optique. Le sculpteur évacue quasiment la question du corps et aboutit à la proposition que manifeste l’extraordinaire Étude de robe de chambre pour Balzac, s’emparant du manque que le vêtement, non habité, incarne. Cette « chose » étrange et fascinante joue un rôle certain dans la progression vers le Balzac final. Une véritable robe de chambre, trempée dans le plâtre puis drapée sur le corps d’une figure svelte et musclée, sans lien premier avec Balzac, est bientôt moulée. Le fantôme de plâtre et d’ombre qui en sera tiré, dépouillé du corps remplacé par du vide, satisfait pleinement Rodin. Le pas de deux avec le corps de Balzac et les préjugés de son temps trouve enfin à être dépassé.


Ces corps qui comptent

En Ă©cho au prologue de l’exposition qui partait du XXIe siècle pour revenir Ă  certaines de ses racines ancrĂ©es dans le xixe siècle, le parcours s’achève sur la confrontation de la statue de Balzac, Ă  celle du sculpteur contemporain Thomas J. Price : Reaching Out, reprĂ©sentant une femme noire anonyme, en jogging, Ă©crivant sur son tĂ©lĂ©phone. Par cette Ĺ“uvre monumentale, il questionne la notion de reprĂ©sentation des corps et invite le visiteur Ă  s’interroger quant Ă  l’absence de diversitĂ© de celles-ci dans l’espace public contemporain.