Agenda CulturelIncontournablesPodcasts

🔊 “Berthe Weill” Galeriste d’avant-garde, au MusĂ©e de l’Orangerie, du 8 octobre 2025 au 26 janvier 2026

Partage


“Berthe Weill” 
Galeriste d’avant-garde

au MusĂ©e de l’Orangerie, Paris

du 8 octobre 2025 au 26 janvier 2026

MusĂ©e de l’Orangerie


Entretien avec Marianne Le Morvan, Fondatrice et directrice des archives Berthe Weill, 
commissaire d’expositions et chercheuse indĂ©pendante, et co-commissaire de l'exposition, par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, 3 octobre 2025, durĂ©e 16'14, © FranceFineArt.

PODCAST –  Entretien avec
Marianne Le Morvan,
fondatrice et directrice des Archives Berthe Weill, commissaire d’expositioin et chercheuse indĂ©pendante, et co-commissaires de l’exposition, 


par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, 3 octobre 2025, durĂ©e 16’14,
© FranceFineArt.


previous arrow
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
next arrow
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
Berthe Weill
previous arrow
next arrow
©Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 3 octobre 2025.

Extrait du communiqué de presse :


Marc Louis RenĂ© Vaux (1895-1971), Bal des noces d’argent de la Galerie B. Weill au restaurant Dagorno Ă  La Villette, 28 dĂ©cembre 1926 » (Au centre, B. Weill porte un monocle) Photographie, 16,1 x 29 cm. Collection particuliĂšre. © photo : MusĂ©e d’Orsay/ Allison Bellido / © Centre Pompidou - MNAM / CCI – BibliothĂšque Kandinsky.

Marc Louis RenĂ© Vaux (1895-1971), Bal des noces d’argent de la Galerie B. Weill au restaurant Dagorno Ă  La Villette, 28 dĂ©cembre 1926 » (Au centre, B. Weill porte un monocle) Photographie, 16,1 x 29 cm. Collection particuliĂšre. © photo : MusĂ©e d’Orsay/ Allison Bellido / © Centre Pompidou – MNAM / CCI – BibliothĂšque Kandinsky.

Pierre Girieud (1876-1948), Portrait de l’artiste peintre Émilie Charmy, 1908. Huile sur carton, 101,5 x 72 cm. Munich, StĂ€dtische Galerie im Lenbachhaus, prĂȘt permanent de la Fondation Gabriele. MĂŒnter et Johannes Eichner, AK 61. Photo © StĂ€dtische Galerie im Lenbachhaus und Kunstbau München, Dauerleihgabe der Gabriele MĂŒnter- und Johannes Eichner-Stiftung, MĂŒnchen.

Pierre Girieud (1876-1948), Portrait de l’artiste peintre Émilie Charmy, 1908. Huile sur carton, 101,5 x 72 cm. Munich, StĂ€dtische Galerie im Lenbachhaus, prĂȘt permanent de la Fondation Gabriele. MĂŒnter et Johannes Eichner, AK 61. Photo © StĂ€dtische Galerie im Lenbachhaus und Kunstbau München, Dauerleihgabe der Gabriele MĂŒnter- und Johannes Eichner-Stiftung, MĂŒnchen.

Émilie Charmy (1878-1974), Portrait de Berthe Weill, 1910-1914. Huile sur toile, 90 x 61 cm. MontrĂ©al, MusĂ©e des beaux-arts de MontrĂ©al, achat, legs Horsley et Annie Townsend. Photo © MBAM / Julie Ciot. © Adagp, Paris, 2025.

Émilie Charmy (1878-1974), Portrait de Berthe Weill, 1910-1914. Huile sur toile, 90 x 61 cm. MontrĂ©al, MusĂ©e des beaux-arts de MontrĂ©al, achat, legs Horsley et Annie Townsend. Photo © MBAM / Julie Ciot. © Adagp, Paris, 2025.

Commissariat :
Sophie Eloy, AttachĂ©e de collection, chargĂ©e des contrepoints contemporains au musĂ©e de l’Orangerie
Anne Grace, Conservatrice de l’art moderne au MusĂ©e des beaux-arts de MontrĂ©al
Lynn Gumpert, Directrice du Grey Art Museum, New York University, de 1997 Ă  2025
Marianne Le Morvan, Fondatrice et directrice des archives Berthe Weill, commissaire d’expositions et chercheuse indĂ©pendante



En 1901, Berthe Weill ouvre une galerie au 25, rue Victor-MassĂ©, dans le quartier de Pigalle. Elle choisit alors de s’engager aux cĂŽtĂ©s des artistes de son temps, en contribuant Ă  leur rĂ©vĂ©lation puis Ă  l’essor de leur carriĂšre, malgrĂ© des moyens limitĂ©s. Parmi eux se trouvent certains des plus grands noms des avant-gardes : comme d’autres aujourd’hui moins en vue. Avec un enthousiasme et une persĂ©vĂ©rance sans faille, elle a Ă©tĂ© leur porte-voix et les a soutenus pendant prĂšs de quarante ans, jusqu’à la fermeture de sa galerie en 1940, dans le contexte de la guerre et de la persĂ©cution des Juifs. DĂšs 1933, elle avait publiĂ© ses souvenirs de trois dĂ©cennies d’activitĂ© sous le titre Pan! dans l’OEil!
, faisant oeuvre de pionniĂšre de ce genre littĂ©raire.

Pourtant, la trajectoire de Berthe Weill, un temps presque effacĂ©e, n’est aujourd’hui pas encore inscrite au firmament des marchands d’art oĂč figurent en bonne place Daniel-Henry Kahnweiler, Paul et LĂ©once Rosenberg, Ambroise Vollard ou encore Paul Guillaume. L’exposition, organisĂ©e par le MusĂ©e des beaux-arts de MontrĂ©al, le Grey Art Museum, New York University, et le musĂ©e de l’Orangerie Ă  Paris, a pour ambition de mettre en lumiĂšre un pan encore mĂ©connu de l’histoire de l’art moderne. Berthe Weill s’est engagĂ©e dĂšs le dĂ©but du siĂšcle dans le soutien aux artistes sous le mot d’ordre de « Place aux jeunes » qui figurait sur sa carte publicitaire.

De Picasso – qu’elle contribue Ă  vendre avant mĂȘme l’ouverture de sa galerie – Ă  Modigliani – dont elle organise la seule exposition personnelle de son vivant en 1917 –, elle participe Ă  la reconnaissance du fauvisme en prĂ©sentant rĂ©guliĂšrement des expositions du groupe d’élĂšves de Gustave Moreau rĂ©unis autour de Matisse. Elle s’engage, un peu plus tard, auprĂšs des cubistes et des artistes de l’Ecole de Paris dans des batailles pour l’art, pour l’éclosion de ses nouvelles formes, mais aussi contre le conservatisme et la xĂ©nophobie. MalgrĂ© les vicissitudes, son intĂ©rĂȘt pour les jeunes artistes n’a jamais faibli. C’est ainsi qu’elle a dĂ©fendu farouchement des figures trĂšs diffĂ©rentes – dont certaines n’appartenant Ă  aucun courant prĂ©cis, – et leur a donnĂ© une chance en organisant une ou plusieurs expositions. Elle promeut, en outre, nombre d’artistes femmes, sans prĂ©jugĂ©s de sexe ou d’école, d’Émilie Charmy qu’elle expose rĂ©guliĂšrement de 1905 Ă  1933 et qu’elle qualifie d’ « amie d’une vie » Ă  Jacqueline Marval, Hermine David ou encore Suzanne Valadon, alors trĂšs en vue. En 1951, Ă  sa disparition, elle a prĂ©sentĂ© plus de trois cents artistes aux quatre adresses successives de sa galerie : 25, rue Victor-MassĂ© ; 50, rue Taitbout Ă  partir de 1917 ; 46, rue Laffitte de 1920 Ă  1934, et enfin 27, rue Saint-Dominique. Elle a organisĂ© des centaines d’expositions jusqu’à la fermeture dĂ©finitive de sa galerie en 1941.

Cette exposition s’inscrit dans une sĂ©rie commencĂ©e en 2023 avec Modigliani, un peintre et son marchand, consacrĂ©e au marchĂ© de l’art. Elle a pour ambition de mieux faire connaĂźtre les mĂ©canismes de l’émergence des avant-gardes du XXe siĂšcle et les personnalitĂ©s, souvent remarquables, qui en ont constituĂ© les rouages.

L’exposition invite Ă  dĂ©couvrir la carriĂšre et la personnalitĂ© de la marchande au travers de sa contribution Ă  l’avĂšnement de certains des moments que l’histoire de l’art a retenus. Elle retrace Ă©galement la vie d’une galerie dans la premiĂšre moitiĂ© du xxe siĂšcle, dans sa continuitĂ© comme dans ses pĂ©ripĂ©ties. Une centaine d’oeuvres – peintures, sculptures, dessins, estampes et bijoux – Ă©voquent les expositions que Berthe Weill organisa et le contexte historique dans lequel elles prirent place. Les oeuvres de Pablo Picasso, Henri Matisse, Diego Rivera, Amedeo Modigliani cĂŽtoient ainsi, comme Ă  la galerie B. Weill, celles d’Emilie Charmy, de Pierre Girieud, d’Otto Freundlich, formant le portrait d’une femme et de son action.

Catalogue de l’exposition CoĂ©dition musĂ©e d’Orsay et Flammarion

Suzanne Valadon (1865-1938), La Chambre bleue, 1923. Huile sur toile, 90 x 116 cm. Paris, Centre Pompidou, musĂ©e national d’Art moderne / Centre de crĂ©ation industrielle, dĂ©posĂ© au musĂ©e des Beaux-Arts de Limoges. Photo © Centre Pompidou, MNAMCCI, Dist. GrandPalaisRmn / Jacqueline Hyde.

Suzanne Valadon (1865-1938), La Chambre bleue, 1923. Huile sur toile, 90 x 116 cm. Paris, Centre Pompidou, musĂ©e national d’Art moderne / Centre de crĂ©ation industrielle, dĂ©posĂ© au musĂ©e des Beaux-Arts de Limoges. Photo © Centre Pompidou, MNAMCCI, Dist. GrandPalaisRmn / Jacqueline Hyde.

Raoul Dufy (1877-1953), 30 ans ou la Vie en rose, 1931. Huile sur toile, 98 x 128 cm. Paris, MusĂ©e d’Art Moderne de la Ville de Paris, don Mathilde Amos, 1955. © Paris MusĂ©es / MusĂ©e d’Art Moderne de la Ville de Paris.

Raoul Dufy (1877-1953), 30 ans ou la Vie en rose, 1931. Huile sur toile, 98 x 128 cm. Paris, MusĂ©e d’Art Moderne de la Ville de Paris, don Mathilde Amos, 1955. © Paris MusĂ©es / MusĂ©e d’Art Moderne de la Ville de Paris.

Henri Matisse (1869-1954), PremiĂšre nature morte orange, 1899. Huile sur toile, 56 x 73 cm. Paris, Centre Pompidou, musĂ©e national d’Art moderne / Centre de crĂ©ation industrielle, dĂ©posĂ© au musĂ©e dĂ©partemental Matisse, Le Cateau-CambrĂ©sis. Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, dist. GrandPalaisRmn / Bertrand PrĂ©vost.

Henri Matisse (1869-1954), PremiĂšre nature morte orange, 1899. Huile sur toile, 56 x 73 cm. Paris, Centre Pompidou, musĂ©e national d’Art moderne / Centre de crĂ©ation industrielle, dĂ©posĂ© au musĂ©e dĂ©partemental Matisse, Le Cateau-CambrĂ©sis. Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, dist. GrandPalaisRmn / Bertrand PrĂ©vost.


Parcours de l’exposition

L’exposition rĂ©unit un ensemble remarquable de 80 oeuvres, rĂ©parties comme suit : 58 peintures, 15 oeuvres graphiques et 7 sculptures et objets d’art. [Les titres des sections sont des citations extraites de Pan ! dans l’oeil
 (1933) de Berthe Weill sauf « Notre-Dame des Fauves » (Philippe DiolĂ©, « Les livres », Beaux-arts, 21 avril 1933). ]

Introduction – « Place aux jeunes »
En 1901, Berthe Weill ouvre une galerie au 25 rue Victor-MassĂ©, dans le quartier de Pigalle, en bas de Montmartre. Elle choisit de s’engager aux cĂŽtĂ©s des artistes de son temps en contribuant Ă  leur rĂ©vĂ©lation puis Ă  l’essor de leur carriĂšre. Parmi eux se trouvent certains des plus grands noms des avant-gardes : Pablo Picasso, Henri Matisse, Amedeo Modigliani, Suzanne Valadon, comme d’autres artistes moins en vue. Avec un enthousiasme et une persĂ©vĂ©rance sans faille, elle a Ă©tĂ© leur porte-voix et les a soutenus pendant quarante ans jusqu’à la fermeture de sa galerie en 1940, dans le contexte de persĂ©cution des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. DĂšs 1933, elle est la premiĂšre marchande Ă  publier ses souvenirs. Sous le titre Pan ! dans l’oeil
 elle relate trois dĂ©cennies d’activitĂ©, faisant oeuvre de pionniĂšre de ce genre littĂ©raire qui, depuis, a fait de nombreux Ă©mules. Bravant le sexisme, l’antisĂ©mitisme et les difficultĂ©s Ă©conomiques, elle fait le pari de miser sur des talents encore inconnus plutĂŽt que sur des figures dĂ©jĂ  sur le devant de la scĂšne artistique, Ă©crivant alors un pan encore mĂ©connu de l’histoire de l’art moderne. Pourtant, la trajectoire de Berthe Weill, un temps presque effacĂ©e, n’est aujourd’hui pas encore inscrite au firmament des marchands d’art oĂč figurent en bonne place Daniel-Henry Kahnweiler, Paul et LĂ©once Rosenberg, Ambroise Vollard ou Paul Guillaume. Cette exposition se propose de lui rendre la place qui est la sienne.

Section 1 ‱ « Ma rĂ©solution est inĂ©branlable ; on verra bien ! »
Berthe Weill, nĂ©e Ă  Paris dans une modeste famille juive d’origine alsacienne, est placĂ©e en apprentissage, trĂšs jeune, auprĂšs de Salvator Mayer, un marchand d’estampes renommĂ©. Elle apprend le commerce des oeuvres d’art et rencontre les diffĂ©rents protagonistes de la scĂšne artistique parisienne, ainsi que de nombreux collectionneurs. Peu aprĂšs le dĂ©cĂšs du marchand en 1897, elle s’associe avec l’un de ses frĂšres pour ouvrir une boutique d’antiquitĂ©s et d’objets d’art au 25 rue Victor-MassĂ© dans le quartier de Pigalle, alors Ă©picentre du Paris nocturne, des théùtres et des cabarets. Cette adresse se trouve en bas de Montmartre, oĂč beaucoup d’artistes d’avant-garde vivent et travaillent, souvent
dans une grande prĂ©caritĂ©. Sans ressources financiĂšres importantes, elle diversifie les activitĂ©s de sa galerie pour trouver des solutions Ă©conomiques viables. Elle vend des livres et expose des gravures d’artistes aux cĂŽtĂ©s d’oeuvres d’illustrateurs et de caricaturistes tels Jules ChĂ©ret et ThĂ©ophile Steinlen. Berthe Weill commence Ă  se faire une rĂ©putation. Alors que l’antisĂ©mitisme virulent qui s’exprime en cette fin de XIXe siĂšcle s’incarne dans l’affaire Dreyfus et divise dangereusement la France, elle prend position avec courage en exposant dans sa vitrine des volumes et dessins originaux en faveur d’Alfred Dreyfus et de son dĂ©fenseur, Émile Zola.

Section 2 ‱ « J’achĂšte les trois premiers Picasso
 »
En 1900, Pere Mañach, le fils d’un industriel catalan, s’est Ă©tabli comme marchand de tableaux Ă  Paris, oĂč il s’est donnĂ© pour mission de promouvoir la jeune gĂ©nĂ©ration espagnole. Il prĂ©sente Berthe Weill Ă  Picasso, tout juste arrivĂ© de Barcelone. Elle lui achĂšte des oeuvres dĂšs ce moment et repĂšre dans l’atelier Le Moulin de la Galette, premiĂšre grande toile que le peintre de vingt et un ans exĂ©cute Ă  Paris. Elle la vend Ă  un prix important pour un si jeune artiste. Ainsi, elle rĂ©alise une quinzaine de ventes, avant mĂȘme l’exposition « Picasso » Ă  la galerie d’Ambroise Vollard l’annĂ©e suivante. En 1901, Ă  trente-six ans, Berthe Weill, aidĂ©e par Mañach, transforme sa boutique, qui devient la « Galerie B. Weill » – son prĂ©nom n’est pas mentionnĂ©, sans doute pour faire oublier qu’elle est une femme. Elle est officiellement inaugurĂ©e le 1er dĂ©cembre avec une exposition qui rassemble diverses oeuvres trĂšs rĂ©centes de Pierre Girieud, Fabien Launay et Raoul de Mathan, ainsi que des terres cuites d’Aristide Maillol, qui rencontre peu de temps apre s le succĂšs pour ses bronzes. Le critique d’art Gustave Coquiot signe une prĂ©face pour le premier catalogue. Berthe Weill, qui repĂšre les talents Ă©mergents dans le vivier des Salons, les encourage Ă  se prĂ©senter Ă  sa galerie, se constituant ainsi une notoriĂ©tĂ© de dĂ©couvreuse.

Section 3 ‱ « Notre-Dame des Fauves »
La salle VII du Salon d’automne de 1905 rĂ©unit les peintures de Matisse, Maurice de Vlaminck, AndrĂ© Derain, Albert Marquet
 Elle est jugĂ©e inacceptable par beaucoup de critiques en raison de l’affranchissement des rĂšgles de la perspective et du modelĂ© au profit de l’exaltation des couleurs pures, ainsi que d’une simplification des formes. Un buste placĂ© au centre de la piĂšce fait Ă©crire au critique Louis Vauxcelles dans un article du Gil Blas : « C’est Donatello parmi les Fauves. » La formule plaĂźt tellement que la salle est rebaptisĂ©e « la cage aux Fauves ». La Galerie B. Weill prend une part importante dans la reconnaissance de ce mouvement en prĂ©sentant rĂ©guliĂšrement des expositions collectives qui rassemblent les diffĂ©rentes configurations du groupe, constituĂ© principalement d’élĂšves de Gustave Moreau, rĂ©unis autour de Matisse. Elle commence Ă  s’intĂ©resser Ă  ces artistes dĂšs 1902, bien avant le scandale du Salon d’automne. Lorsqu’il Ă©clate en 1905, ces peintres ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© montrĂ©s plusieurs fois chez la marchande. L’annĂ©e prĂ©cĂ©dente elle a demandĂ© au critique Roger Marx, fervent dĂ©fenseur de cette constellation, de prĂ©facer le catalogue d’une exposition, oeuvrant ainsi stratĂ©giquement Ă  crĂ©er le contexte nĂ©cessaire Ă  leur reconnaissance. De mĂȘme, elle a contribuĂ© Ă  faire de Raoul Dufy, dont elle est proche, un artiste fauve contre la volontĂ© de Matisse, qui refuse de l’accueillir dans son cercle. BientĂŽt Weill constate que « les Fauves commencent Ă  apprivoiser les amateurs »

Section 4 ‱ « Le cubisme soulĂšve les passions »
Le rĂŽle jouĂ© par Berthe Weill dans la prĂ©sentation des oeuvres cubistes a Ă©tĂ© presque oubliĂ©, bien qu’elle ait accompagnĂ© dĂšs leurs dĂ©buts beaucoup d’artistes dont la carriĂšre a connu une pĂ©riode cubiste. Ainsi, elle montre les Ɠuvres de Jean Metzinger, qu’il soit nĂ©o-impressionniste, fauve ou cubiste, de 1903 Ă  1922, avant une ultime exposition en 1939. Elle contribue dans l’ombre, comme elle l’avait fait quelques annĂ©es plus tĂŽt avec les Fauves, Ă  façonner une avant-garde qui partage la leçon de Paul CĂ©zanne sous des formes multiples. La galeriste insiste sur les difficultĂ©s Ă  faire apprĂ©cier cette peinture, tandis que le dĂ©bat qui fait rage depuis 1912 autour de la rĂ©ception du cubisme exprime souvent, sous des dehors de querelle esthĂ©tique, des considĂ©rations Ă  caractĂšre nationaliste. Certains rĂ©clament, sans succĂšs, que les cubistes soient interdits d’exposition dans les bĂątiments publics ; d’autres souhaitent diffĂ©rencier « les indĂ©pendants français et les indĂ©pendants Ă©trangers ». Lorsque le mouvement s’éparpille, peu avant la guerre, la marchande a montrĂ© presque tous les protagonistes du cubisme. Exceptionnellement, elle programme en 1914 trois expositions personnelles consacrĂ©es Ă  Jean Metzinger, AlfrĂ©d RĂ©th et Diego Rivera. Elle porte ensuite ses efforts sur ceux que Georges Braque nommait les « cubisteurs » : AndrĂ© Lhote, Louis Marcoussis, LĂ©opold Survage, Alice Halicka, Albert Gleizes ou encore Jean Metzinger.

Section 5 ‱ « Groupe des plus Ă©clectiques »
Au dĂ©but du xxe siĂšcle, des artistes du monde entier viennent chercher l’émulation et la reconnaissance Ă  Paris. Berthe Weill participe Ă  cette effervescence en rendant visibles des talents qui cherchent Ă  Ă©chapper aux discriminations ainsi qu’aux difficultĂ©s Ă©conomiques. Ils sont natifs de partout en Europe, des confins de l’Empire russe, de NorvĂšge, de Pologne, d’Espagne, d’Italie ou de GrĂšce jusqu’à l’Empire austro-hongrois, ou mĂȘme les États-Unis. Sa curiositĂ© la conduit Ă  donner leur chance Ă  des artistes, ne suivant aucun dogme, mais plutĂŽt son instinct, son oeil et ses sympathies. Elle adopte une position engagĂ©e en participant, exposition aprĂšs exposition, Ă  la lutte contre certains dĂ©fenseurs d’un bon goĂ»t français aux rĂ©sonances xĂ©nophobes et antisĂ©mites. Si le nom de Berthe Weill est Ă©troitement associĂ© aux avant-gardes de la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle, elle s’intĂ©resse Ă©galement Ă  des personnalitĂ©s n’appartenant Ă  aucun courant prĂ©cis. L’attention qu’elle porte aux jeunes artistes ne faillit jamais, malgrĂ© les vicissitudes, et c’est ainsi qu’elle encourage, en organisant une ou plusieurs expositions, des figures aujourd’hui dans l’ombre ou parfois tombĂ©es dans l’oubli. La galeriste insiste sur les difficultĂ©s Ă  faire apprĂ©cier cette peinture, tandis que le dĂ©bat qui fait rage depuis 1912 autour de la rĂ©ception du cubisme exprime souvent, sous des dehors de querelle esthĂ©tique, des considĂ©rations Ă  caractĂšre nationaliste.

Section 6 ‱ « Mais qu’ont-ils donc, ces nus ?
 »
Esprit inventif, audacieux et original, Weill suit courageusement son instinct sans flĂ©chir devant les prĂ©jugĂ©s et les ressources financiĂšres des autres marchands d’art, souvent plus importantes que les siennes. Ainsi, en 1917, elle inaugure, Ă  l’instigation du poĂšte d’origine polonaise LĂ©opold Zborowski, la seule exposition personnelle consacrĂ©e Ă  Modigliani organisĂ©e de son vivant. L’écrivain Blaise Cendrars, fervent admirateur du peintre, prĂ©face le catalogue avec un rapide poĂšme intitulĂ© « Sur un portrait de Modigliani ». Le 3 dĂ©cembre 1917, trente deux oeuvres, surtout des peintures, sont dĂ©voilĂ©es rue Taitbout, oĂč la galerie a dĂ©mĂ©nagĂ© au cours de la mĂȘme annĂ©e. Quatre nus devenus emblĂ©matiques sont prĂ©sentĂ©s. Leurs poils pubiens apparents dĂ©clenchent le scandale et le dĂ©sordre, qui braquent le projecteur sur la Galerie B. Weill. Le commissaire du poste de police situĂ© en face ordonne Ă  la marchande d’« enlever toutes ces ordures ! », exerçant sa censure pour « outrage Ă  la pudeur ». L’échec commercial de l’exposition est cuisant malgrĂ© les cinq oeuvres achetĂ©es par Weill pour soutenir Modigliani, dont elle admire la peinture. Elle note dans Pan ! dans l’oeil
 : « Nus somptueux, figures anguleuses, portraits savoureux. »

Section 7 ‱ « Je dois lutter seule »
À la fin des annĂ©es 1930, Berthe Weill choisit de montrer des artistes qu’elle n’a pas encore promus. Elle s’attache alors Ă  des tenants de l’abstraction, proches du groupe « Cercle et CarrĂ© », puis de l’association « Abstraction-CrĂ©ation ». C’est ainsi qu’elle dĂ©cide en 1939 d’exposer les oeuvres d’AlfrĂ©d RĂ©th ou celles d’Otto Freundlich dans la galerie qu’elle occupe, depuis 1934, rue Saint-Dominique, et qu’elle devra bientĂŽt fermer en consĂ©quence des mesures antisĂ©mites prises Ă  partir de 1940. Berthe Weill, qui ne publie plus de brochures aprĂšs 1935, accompagne certains de ses cartons d’invitation de courtes pensĂ©es. Sous l’Occupation, elle Ă©chappe Ă  la dĂ©portation mais vit dans un grand dĂ©nuement. En 1946, une vente aux enchĂšres est organisĂ©e pour mettre fin Ă  ses difficultĂ©s financiĂšres. Elle regroupe plus de quatre-vingts oeuvres offertes par des amis de longue date, artistes et galeristes. Berthe Weill peut alors prendre sa retraite. En 1951, Ă  sa disparition, elle a dĂ©fendu plus de trois cents artistes et organisĂ© des centaines d’expositions aux quatre adresses successives de sa galerie : 25 rue Victor-MassĂ© ; 50 rue Taitbout Ă  partir de 1917 ; 46 rue Laffitte de 1920 Ă  1934, et enfin 27 rue Saint-Dominique.