Edition

“True West” photographies de Anne Rearick

Partage

“True West“

photographies de Anne Rearick

aux Éditions Maison CF – Clémentine de la Féronnière

maisoncf.fr Anne Rearick


Anne Rearick, série True West. © Anne Rearick, agence VU'.
Couverture de True West de Anne Rearick aux Éditions Maison CF – Clémentine de la Féronnière. © Éditions Maison CF – Clémentine de la Féronnière. © Anne Rearick, agence VU’.
Anne Rearick, série True West. © Anne Rearick, agence VU'.
Anne Rearick, série True West. © Anne Rearick, agence VU’.

texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

L’ouest américain, le vrai, celui dont sont faits les rêves se trouve dans l’Idaho. Anne Rearick photographie l’Etat où elle a grandi comme un Eden en noir et blanc, des images carrées comme des bons points pour enfants sages, des icônes saintes racontant la mythologie. L’Idaho, l’eldorado de ses arrière-grand-parents pionniers venus dans un chariot en 1896, celui des années 60, d’aujourd’hui, ressemble à un étrange pays de cocagne où des enfants trop sages sont assis sur des pelouse parfaites.

La nature, les petites chapelles de bois blanc, les croix et les drapeaux, les flingues et les disputes alcoolisées… Ici le temps s’est arrêté, comme ce daim qui s’immobilise soudain dans un jardin sur un joli gazon proprement tondu. Toutes les époques se superposent: une colline enneigée avec des sapins, mélancolique comme une plaque de verre de la fin du XIXème, des gamins des fifties jouant à la 22 long rifle, une façade de saloon en ruine. Dans ces villes si immobiles qu’elles en sont des villes fantômes se joue un western sans âge, avec des cowboys, des indiens, des stars du rodéo.

Une gas station des sixties, une vieille voiture qui rouille au fond d’un backyard, et nous voilà dans l’Amérique des drugstores, des diners avec leurs flacons de plastique jaune pour la moutarde, rouge pour le ketchup, des drive-in. On entendrait presque un air de country sortir d’un autoradio, la nouveauté d’une chanson rock-n-roll. On ne sait plus où on en est de la vie, marchant entre les tombes du cimetière ou déjà enseveli. Des enfants étreignent un chat, un homme un animal empaillé, les chevaux de rodéo, la dépouille de poissons pêchés ; tout se mélange, la vie, la mort, la chair, le sang, les poils et les plumes.

Pas de nostalgie pourtant, cette culture refuse ici de faire place nette pour le nouveau monde, elle se bat de toute son énergie, nous regarde droit dans les yeux, fière. Le noir et blanc est en fait étonnamment plein de couleurs, il nous raconte tout comme si on y était : les pionniers, la grande dépression, l’assassinat de Kennedy. Les hommes se tiennent debout dans leurs blue jeans, vrais et nus, essentiels. Ils font corps avec les collines, les arbres, les rivières jusqu’à ce que les nuages arrêtent de bouger dans le ciel. Ils sont les premiers hommes et seront les derniers, après eux il n’y aura plus rien que les pleurs du vent dans les ruines.

Pendant que les maisons s’écroulent, que le métal rouille, que tout finit dans un sac en plastique pour la décharge, le peuple de l’Idaho résiste, vit et aime, chasse et se soûle. Les derniers Mohicans ce sont eux à présent, refusant de se rendre, prêts à mourir les armes à la main.

Alors suivons Anne Rearick dans la tribu des derniers hommes libres, lisons ses textes écrits à la main comme des vraies lettres avec des vrais timbres. Entrons dans ces photographies qui sentent la vraie pellicule, la chimie, le papier épais comme du cuir, indestructible. Dans le regard des ces hommes et de ces femmes il y a la certitude d’être, de vivre, la gravité absolue, l’humble intégrité de celui qui sait qu’il n’est que le passeur, et cette question en retour pour nous : « et toi, qui es-tu? ».

Sylvain Silleran


Anne Rearick, série True West. © Anne Rearick, agence VU'.
Anne Rearick, série True West. © Anne Rearick, agence VU’.
Anne Rearick, série True West. © Anne Rearick, agence VU'.
Anne Rearick, série True West. © Anne Rearick, agence VU’.

extrait du communiqué de presse :

Associant notes personnelles et images, la photographe américaine Anne Rearick signe une série poignante, dont le décor prend place en Idaho, dans le grand Ouest.

« Il y a presque un siècle, mon arrière grand-mère, Maggie May Jones a quitté l’Oklahoma, pour Boise en Idaho avec mari et enfants, dans une roulotte qui contenait la plupart de leurs biens. La tête pleine de rêves. Trois générations plus tard, je naîs. Les souvenirs des étés passés auprès de mon grand-père dans l’Idaho sont les plus forts de mon enfance. Le rodeo et les cow-boys, les drive-in, la descente de la rivière sur des chambres à air, l’odeur et le bruit des pistolets, et les conflits de famille ivre… L’Idaho est un état du Nord-Est des États-Unis : la capitale Boise, avec sa belle université et sa population mixte, n’accueille que 12% de la population. Dans le reste de la région, un ensemble de petites citées rurales, où dans certaines des églises, le drapeau américain flotte fièrement à côté de la croix… » Voici le décor de l’histoire photographique personnelle de cette grande photographe américaine, qui travaille dans le temps, en noir et blanc, dans une atmosphère cinématographique.


True West c’est également une exposition à la galerie Clémentine de la Féronnière du 16 novembre 2019 au 14 mars 2020 [fermeture de la galerie entre le 23/12 au 5/01 et du 17 au 21/01]. http://www.galerieclementinedelaferonniere.fr


Anne Rearick est née aux États-Unis en 1960. Elle s’inscrit dans la grande tradition des photographes documentaires humanistes tels que Dorothea Lange ou Diane Arbus. Elle travaille au long cours, plongeant dans le quotidien de ses sujets aussi loin qu’ils l’autorisent. La beauté de ses images s’accorde avec le noir et blanc argentique, et le format large et carré du 6 x 6 de son appareil Hasselblad lui permet de restituer d’infimes détails : la façon dont la peau ressort, la trame de fond d’un paysage… Ces éléments forment les composants de tableaux qui deviennent impossible à dater, empreints d’une poésie permanente à l’émotion universelle. Du pays basque au Kazakhstan, Anne Rearick pose régulièrement ses valises pour photographier avant tout ce qui la touche. Représentée par l’agence VU’ depuis 1992, elle est publiée dans les grands magazines internationaux et enseigne la photographie et l’histoire du cinéma aux USA.

Anne-Frédérique Fer

Formée dans le monde de l’image, cette sensibilité l’amènera au journalisme culturel. Elle est co-fondatrice et rédactrice en chef de la revue www.FranceFineArt.com