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🔊 “Jean-Baptiste Greuze” L’enfance en lumiùre, au Petit Palais, du 16 septembre 2025 au 25 janvier 2026

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“Jean-Baptiste Greuze” L’enfance en lumiùre

au Petit Palais, Paris

du 16 septembre 2025 au 25 janvier 2026

Petit Palais 


Entretien avec Yuriko Jackall, directrice du dĂ©partement de l’art EuropĂ©en & Conservatrice “Allan et Elizabeth Shelden” en charge des peintures europĂ©ennes, Detroit Institute of Arts, et co-commissaire de l’exposition, par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, 15 septembre 2025, durĂ©e 21'56, © FranceFineArt.

PODCAST –  Entretien avec
Yuriko Jackall,
directrice du dĂ©partement de l’art EuropĂ©en & Conservatrice « Allan et Elizabet Shelden » en charge des peintures europĂ©ennes, Detroit Institute of Arts, et co-commissaires de l’exposition,


par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, 15 septembre 2025, durĂ©e 21″56,
© FranceFineArt.


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Jean-Baptiste Greuze
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©Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 15 septtembre 2025.

Extrait du communiqué de presse :

Jean-Baptiste Greuze, Jeune Fille Ă  la colombe, vers 1780. Huile sur bois, 64,4 × 53,3 cm. Douai, musĂ©e de la Chartreuse. © MusĂ©e de la Chartreuse, Douai, France / Photo Daniel Lefevre.

Jean-Baptiste Greuze, Jeune Fille Ă  la colombe, vers 1780. Huile sur bois, 64,4 × 53,3 cm. Douai, musĂ©e de la Chartreuse. © MusĂ©e de la Chartreuse, Douai, France / Photo Daniel Lefevre.

Jean-Baptiste Greuze, Les OEufs cassĂ©s, 1756. Huile sur toile, 73 × 94 cm. New York, The Metropolitan Museum of Art. © GrandPalaisRmn (The Metropolitan Museum of Art) / Photo Malcom Varon.

Jean-Baptiste Greuze, Les OEufs cassĂ©s, 1756. Huile sur toile, 73 × 94 cm. New York, The Metropolitan Museum of Art. © GrandPalaisRmn (The Metropolitan Museum of Art) / Photo Malcom Varon.

Jean-Baptiste Greuze, Le GĂąteau des rois, 1774. Huile sur toile, 73 × 92 cm. Montpellier, musĂ©e Fabre. © MusĂ©e Fabre de Montpellier MĂ©diterranĂ©e MĂ©tropole / Photo FrĂ©dĂ©ric Jaulmes.

Jean-Baptiste Greuze, Le GĂąteau des rois, 1774. Huile sur toile, 73 × 92 cm. Montpellier, musĂ©e Fabre. © MusĂ©e Fabre de Montpellier MĂ©diterranĂ©e MĂ©tropole / Photo FrĂ©dĂ©ric Jaulmes.

Jean-Baptiste Greuze, TĂȘte de jeune fille, vers 1773. Sanguine, 31 × 25,5 cm. Londres, Collection particuliĂšre. © Collection particuliĂšre.

Jean-Baptiste Greuze, TĂȘte de jeune fille, vers 1773. Sanguine, 31 × 25,5 cm. Londres, Collection particuliĂšre. © Collection particuliĂšre.

Commissariat scientifique :

Annick Lemoine, conservatrice générale du patrimoine, directrice du Petit Palais
Yuriko Jackall, directrice du dĂ©partement de l’art EuropĂ©en & Conservatrice “Allan et Elizabeth Shelden” en charge des peintures europĂ©ennes, Detroit Institute of Arts
Mickaël Szanto, maßtre de conférences, Sorbonne Université

Le Petit Palais rend hommage Ă  Jean-Baptiste Greuze (1725-1805) Ă  l’occasion du 300e anniversaire de sa naissance. Peintre de l’ñme, cĂ©lĂšbre pour ses portraits et ses scĂšnes de genre, Greuze est l’une des figures les plus importantes et les plus audacieuses du XVIIIe  siĂšcle. Aujourd’hui mĂ©connu, il fut en son temps acclamĂ© par le public, courtisĂ© par les collectionneurs et adulĂ© par la critique, Diderot en particulier. Le peintre est aussi l’un des artistes les plus singuliers de Paris. Esprit frondeur, il ne cesse de rĂ©affirmer sa libertĂ© de crĂ©ation et la possibilitĂ© de repenser la peinture en dehors des conventions.

L’exposition propose de redĂ©couvrir son oeuvre au prisme du thĂšme de l’enfance, Ă  partir d’une centaine de peintures, dessins et estampes, provenant des plus grandes collections françaises et internationales, avec des prĂȘts exceptionnels du musĂ©e du Louvre (Paris), du musĂ©e Fabre (Montpellier), du Metropolitan Museum of Art (New York), du Rijksmuseum (Amsterdam), du Kimbell Museum of Art (Fort Worth), des Galeries Nationales d’Ecosse (Édimbourg), des collections royales d’Angleterre, ainsi que de nombreuses collections particuliĂšres.

Rarement peintre n’a autant reprĂ©sentĂ© les enfants que Greuze, sous forme de portraits, de tĂȘtes d’expression ou dans ses scĂšnes de genre : candides ou mĂ©chants, espiĂšgles ou boudeurs, amoureux ou cruels, concentrĂ©s ou songeurs, ballotĂ©s dans le monde des adultes, aimĂ©s, ignorĂ©s, punis, embrassĂ©s ou abandonnĂ©s. Tel un fil rouge, ils sont partout prĂ©sents dans son oeuvre, tantôt endormis dans les bras d’une mère, tantôt envahis par une rêverie mélancolique, tantôt saisis par la frayeur d’un évènement qui les dépasse. Le parcours les met en lumiĂšre autour de sept sections, de la petite enfance jusqu’aux prĂ©mices de l’ñge adulte.

La centralitĂ© du thĂšme de l’enfance dans la peinture de Greuze se fait le miroir des grands enjeux du XVIIIe siĂšcle. Le nouveau statut de l’enfance – dĂ©sormais considĂ©rĂ© comme un Ăąge Ă  part entiĂšre –, les dĂ©bats sur le lait maternel et le recours aux nourrices, la place de l’enfant au sein de la famille ou encore l’importance de l’éducation pour la construction de sa personnalitéet la responsabilitédes parents dans son développement sont les prĂ©occupations des pĂ©dagogues et des philosophes, tels que Rousseau, Condorcet ou Diderot. Ces questions hantent alors tous les esprits. Nourri des idĂ©aux des LumiĂšres, Greuze s’en fait, par le pinceau et le crayon, le tĂ©moin, l’interprĂšte, voire mĂȘme l’ardent dĂ©fenseur.

Tout au long de sa carriĂšre, l’artiste interroge l’intimitĂ© de la famille, avec empathie, parfois avec humour, souvent avec esprit critique. Il se plaĂźt Ă  mettre en image les temps symboliques ou les rituels qui scandent la vie familiale – ainsi La Remise de la dot au fiancĂ© (Petit Palais), Le GĂąteau des rois (musĂ©e Fabre, Montpellier) ou La lecture de la Bible (musĂ©e du Louvre, Paris). Mais l’espace domestique n’est pas seulement un havre de paix. Il est aussi et souvent chez Greuze le théùtre du dĂ©sordre des familles, le lieu de la violence physique et psychologique. À l’image de la vie – Ă  commencer par celle du peintre, qui fut une succession de malheurs domestiques –, tout est complexe dans les familles de Greuze : pĂšre avare et fils maudit, pĂšre aimant et fils ingrat, mĂšre sĂ©vĂšre et enfant chĂ©ri, frĂšre protecteur et soeur jalouse


Greuze, en radical, ose montrer la tragĂ©die de la mort, que les enfants eux aussi peuvent Ă©prouver. Il interroge le basculement dans l’ñge adulte, la perte de l’innocence, l’éveil Ă  l’amour, sans rien maquiller des appĂ©tits que peut susciter la beautĂ© de la chair auprĂšs de vieillards lubriques ou de jeunes prĂ©dateurs. Face Ă  ce monde des adultes, souvent cruel, petit et mesquin, il y a chez Greuze comme la volontĂ© de retourner dans le giron de l’enfance, temps de la puretĂ© et de la candeur : fragile, mystĂ©rieux et Ă©phĂ©mĂšre, telle cette fleur de pissenlit sur laquelle le Jeune berger du Petit Palais s’apprĂȘte Ă  souffler pour savoir s’il est aimĂ©.

Pour accompagner les visiteurs dans la lecture des oeuvres de Greuze, des cartels « OEil aiguisĂ© Â» invitent Ă  interroger les dĂ©tails et Ă  dĂ©crypter les sens cachĂ©s et les allĂ©gories des oeuvres prĂ©sentĂ©es.

En tirant le fil de l’enfance, mais Ă  la lumiĂšre des grands dĂ©bats qui animent le Paris du XVIIIe siĂšcle, avec ses aspirations politiques et ses rĂȘves de transformation, l’exposition rĂ©vĂšle un oeuvre d’une originalitĂ© et d’une audace insoupçonnĂ©es.

Exposition réalisée avec le soutien exceptionnel de la BibliothÚque nationale de France

Catalogue de l’exposition aux Éditions Paris MusĂ©es – Jean-Baptiste Greuze. L’enfance en lumiĂšre, Sous la direction d’Annick Lemoine, Yuriko Jackall et MickaĂ«l Szanto. Textes d’Emma Barker, Marine Carcanague, Guillaume Faroult, Yuriko Jackall, Mark Ledbury, Annick Lemoine, Christian Michel, Nicolas Milovanovic, Anne Morvan, JoĂ«lle Raineau-LehuĂ©dĂ©, CĂ©line Spector, Perrin Stein et MickaĂ«l Szanto.

Jean-Baptiste Greuze, Un enfant qui s’est endormi sur son livre, dit Le Petit paresseux, 1755. Huile sur toile, 65 ‱ 54,5 cm. Montpellier, musĂ©e Fabre. © MusĂ©e Fabre de Montpellier MĂ©diterranĂ©e MĂ©tropole / Photo FrĂ©dĂ©ric Jaulmes.

Jean-Baptiste Greuze, Un enfant qui s’est endormi sur son livre, dit Le Petit paresseux, 1755. Huile sur toile, 65 ‱ 54,5 cm. Montpellier, musĂ©e Fabre. © MusĂ©e Fabre de Montpellier MĂ©diterranĂ©e MĂ©tropole / Photo FrĂ©dĂ©ric Jaulmes.

Jean-Baptiste Greuze, Portrait de Louise-Gabrielle Greuze, 1766. Huile sur toile, 41 × 33 cm. Collection particuliĂšre. © Collection particuliĂšre.

Jean-Baptiste Greuze, Portrait de Louise-Gabrielle Greuze, 1766. Huile sur toile, 41 × 33 cm. Collection particuliĂšre. © Collection particuliĂšre.

Jean-Baptiste Greuze, Portrait d’Anne-GeneviĂšve (dite Caroline) Greuze, 1766. Huile sur toile, 41 x 33 cm. Collection particuliĂšre. © Collection particuliĂšre.

Jean-Baptiste Greuze, Portrait d’Anne-GeneviĂšve (dite Caroline) Greuze, 1766. Huile sur toile, 41 x 33 cm. Collection particuliĂšre. © Collection particuliĂšre.

Jean-Baptiste Greuze, Autoportrait, vers 1760. Huile sur bois, 65 × 51,5 cm. Paris, musĂ©e du Louvre. © GrandPalaisRmn (musĂ©e du Louvre) / Photo Thierry Le Mage.

Jean-Baptiste Greuze, Autoportrait, vers 1760. Huile sur bois, 65 × 51,5 cm. Paris, musĂ©e du Louvre. © GrandPalaisRmn (musĂ©e du Louvre) / Photo Thierry Le Mage.


Parcours de l’exposition

SECTION 1 : HISTOIRES DE FAMILLE, THÉÂTRES INTIMES
Le Petit Palais rend hommage Ă  Jean-Baptiste Greuze (1725-1805) Ă  l’occasion du 300e anniversaire de sa naissance. Le peintre, s’il est aujourd’hui mĂ©connu et mal compris, compte parmi les artistes les plus importants et les plus audacieux du XVIIIe siĂšcle. De son vivant, il est acclamĂ© par le public, adulĂ© par la critique et recherchĂ© des plus grands collectionneurs. À chaque Salon, Greuze triomphe : on admire ses portraits et ses scĂšnes de genre, dont il s’est fait une spĂ©cialitĂ©, mais aussi et surtout ses figures d’enfants qui peuplent son oeuvre. Les enfants, tel un fil rouge, sont partout prĂ©sents chez lui : endormis dans les bras d’une mĂšre, envahis par une rĂȘverie mĂ©lancolique, ou saisis par la frayeur d’un Ă©vĂšnement qui les dĂ©passe. Nous souhaitons aujourd’hui mettre en lumiĂšre cette centralitĂ© de l’enfance dans l’oeuvre de Greuze pour mieux comprendre la portĂ©e de sa peinture. Plus que tout autre, le peintre sait traduire la profondeur psychologique des enfants comme leur valeur universelle. Il dit par son oeuvre le caractĂšre crucial de l’éducation et le rĂŽle fondamental de la famille dans le dĂ©veloppement de l’enfant. Selon Greuze, en homme des LumiĂšres sensible Ă  la pensĂ©e des philosophes contemporains, de Rousseau Ă  Diderot, c’est avec l’enfant que se joue l’avĂšnement d’une sociĂ©tĂ© nouvelle fondĂ©e sur la connaissance, le savoir et la culture. Mais sous le pinceau du peintre, toujours attentif au rĂ©el, la famille n’est pas seulement un lieu d’amour et d’apprentissage au monde ; elle peut aussi ĂȘtre le théùtre du dĂ©sordre, oĂč l’intime se mĂȘle au tragique. En tirant le fil de l’enfance, mais Ă  la lumiĂšre des grands dĂ©bats qui animent le Paris du XVIIIe siĂšcle, l’exposition rĂ©vĂšle un oeuvre d’une originalitĂ© et d’une modernitĂ© insoupçonnĂ©es.

Greuze intime, Acte I. La famille Greuze. Théùtre heureux.
De maniĂšre singuliĂšre, Greuze n’a de cesse d’entrelacer son oeuvre et sa propre vie. Aux Salons de l’AcadĂ©mie royale de peinture et de sculpture, temps fort de l’art contemporain Ă  Paris, le peintre n’hĂ©site pas Ă  prĂ©senter le portrait de ses intimes : celui d’Anne-Gabrielle Babuty qu’il Ă©pouse en 1759, celui de son beau-pĂšre, François-Joachim Babuty, un riche libraire de la rue Saint-Jacques, ou encore ceux de ses filles Anne-GeneviĂšve (dite Caroline) et Louise-Gabrielle. Il n’oublie pas non plus de reprĂ©senter dans les bras de sa fille l’animal chĂ©ri de la famille, un petit Ă©pagneul, l’un des chiens les plus Ă  la mode au XVIIIe siĂšcle. Sur son contrat de mariage, le 31 janvier 1759, le peintre appose Ă  cĂŽtĂ© de celle de son Ă©pouse sa belle et fiĂšre signature toute en dĂ©liĂ©e. Madame Greuze, cĂ©lĂšbre pour sa beautĂ©, est Ă  la fois sa muse et son modĂšle. Les visages de ses filles, restituĂ©s par une touche dĂ©licate et Ă  l’expression attachante, disent toute la tendresse du pĂšre pour ses enfants. Greuze est alors un artiste accompli aussi bien dans sa vie publique que privĂ©e, mais le peintre est une forte tĂȘte, rĂ©calcitrant Ă  toute forme de compromis, et son Ă©pouse a une personnalitĂ© – disent ses contemporains – au moins aussi affirmĂ©e que lui


SECTION 2 : L’ENFANCE D’APRÈS NATURE
DĂšs ses dĂ©buts Ă  Paris, Greuze est saluĂ© pour son talent Ă  traduire l’ñme humaine, notamment dans les figures d’enfants dont il s’est fait une spĂ©cialitĂ©. Il peint ses propres enfants, ceux d’amis intimes, ceux de ses mécènes, mais aussi nombre d’inconnus. En observateur attentif, l’artiste sait restituer la diversitĂ© des Ă©motions : de la douce rĂȘverie Ă  l’espiĂšglerie, de la mĂ©lancolie Ă  l’infinie tristesse. Le peintre saisit, toujours avec acuitĂ©, un trait de personnalitĂ© de son modĂšle : ainsi de l’air sĂ©rieux et grave de Charles Étienne de Bourgevin Vialart de Saint-Morys. Dans le sillage des philosophes, Rousseau en particulier, Greuze porte ici un regard nouveau sur le temps de l’enfance. Il n’est plus une Ă©tape de la vie sans intĂ©rĂȘt, mais un Ăąge Ă  part entiĂšre.

SECTION 3 : AIMER, ALLAITER, ÉDUQUER
Nombreuses sont les figures de mĂšre, de pĂšre, ou de nourrice dans l’oeuvre de Greuze. L’une allaite son enfant, l’autre vient remettre Ă  ses parents celui qu’elle a gardĂ© en nourrice, une autre encore gronde gentiment son petit garçon. Ces diffĂ©rents sujets ne sont pas de simples scĂšnes de genre. Ils traduisent une rĂ©flexion personnelle de l’artiste sur la place des enfants dans la sociétéet l’enjeu crucial de leur Ă©ducation. Greuze se fait ici l’écho des prĂ©occupations qui occupent alors pĂ©dagogues et philosophes (Diderot, Rousseau, Condorcet). L’EncyclopĂ©die de Diderot et d’Alembert (1751-1772) – vĂ©ritable laboratoire des idĂ©es des LumiĂšres – dĂ©fend l’idĂ©al de l’amour des parents et leur rĂŽle Ă©ducatif. Hostile Ă  la mise en nourrice, dont la pratique domine trĂšs largement au XVIIIe siĂšcle, Greuze, avec les philosophes, prĂŽne l’allaitement maternel, premier temps de l’éducation. S’y refuser serait briser le lien d’amour « qui forme l’union naturel des enfants et des pĂšres et mĂšres Â».Paradoxalement, Greuze se rĂ©signe Ă  mettre ses filles en nourrice, mais non loin de Paris, alors qu’il rĂ©vĂšle par son oeuvre les blessures intĂ©rieures de la sĂ©paration.

SECTION 4 : HISTOIRES DE FAMILLE, THÉÂTRES INTIMES
En peintre de l’enfance, Greuze interroge l’intimitĂ© de la famille, avec empathie, parfois avec humour, souvent avec esprit critique. Les histoires qu’il nous raconte, sous la forme de comĂ©die ou de drame domestiques, sont autant de théùtres des Ă©motions. C’est au sein de la famille que se joue le destin des hommes, leur bonheur comme leur malheur. C’est lĂ  Ă©galement que s’écrit, selon les penseurs des LumiĂšres, et Greuze avec eux, le renouveau de la sociĂ©tĂ© aussi bien que sa dĂ©composition. Pour eux, la famille est l’unitĂ© constitutive de la nation et le lieu d’apprentissage des valeurs collectives. Elle contribue Ă  la formation du citoyen moderne, Ă©mancipĂ© des prĂ©jugĂ©s et Ă©clairĂ© par le savoir. Le peintre se plait Ă  mettre en image les temps symboliques ou les rituels qui scandent la vie familiale – ainsi la remise de la dot au fiancĂ©, la galette des rois ou la lecture de la bible. Mais l’espace privĂ© n’est pas seulement un havre de paix. Il est aussi et souvent chez Greuze le théùtre du dĂ©sordre des familles, le lieu de la violence physique et de la cruautĂ© psychologique. Et les victimes en sont bien plus les enfants que les adultes.

Greuze intime, Acte II. Peintre insoumis et couple haut en couleurs.
AurĂ©olĂ© par le succĂšs, Greuze est l’homme de toutes les audaces et de toutes les libertĂ©s. Il ose ainsi faire patienter l’AcadĂ©mie royale de peinture et de sculpture treize longues annĂ©es avant d’envoyer son morceau de rĂ©ception. Il s’agit d’un retard unique dans l’histoire de l’institution. En 1761, dans un autre registre, Greuze refuse de peindre le portrait de la Dauphine, la belle-fille du roi, sous prĂ©texte, lui dit-il, qu’il n’a pas pour habitude de peindre des « visages plĂątrĂ©s Â». Sa rĂ©ponse, considĂ©rĂ©e comme une insulte, fait scandale Ă  la cour. Les mots du Dauphin, adressĂ©s Ă  un collectionneur qui soutient le peintre, sont restĂ©s cĂ©lĂšbres : « vous m’aviez donnĂ© ce peintre comme un homme particulier, mais vous ne m’aviez pas dit qu’il Ă©tait fou Â». Greuze, fort de sa notoriĂ©tĂ© publique et sĂ»r de son talent, n’entend se soumettre Ă  aucun ordre. Son Ă©pouse, Anne-Gabrielle Babuty, semble avoir eu un caractĂšre au moins aussi fort que lui et selon Diderot le couple se dispute souvent : « j’aime Ă  l’entendre causer avec sa femme. C’est une parade oĂč Polichinelle rabat les coups avec un art qui rend le compĂšre plus mĂ©chant ».

SECTION 5 : GREUZE GRAVÉ, L’ENFANCE EN MAJESTÉ
Rarement peintre autant que Greuze n’a Ă©tĂ© reproduit en gravure dĂšs son vivant. L’importante diffusion de son oeuvre, oĂč la figure de l’enfant est presque partout prĂ©sente, procĂšde d’une stratĂ©gie Ă©ditoriale engagĂ©e par le peintre et son Ă©pouse Anne-Gabrielle Babuty dĂšs les annĂ©es 1760, peut-ĂȘtre sur les conseils de leur ami commun, le peintre et graveur Jean Georges Wille. Fille de libraire habituĂ©e au commerce, Madame Greuze a jouĂ© de toute Ă©vidence un rĂŽle essentiel dans cette activitĂ©. Les meilleurs graveurs de Paris furent sollicitĂ©s, mais aussi de jeunes graveuses au talent prometteur. Greuze fournit le dessin au graveur tandis que celui-ci prend Ă  sa charge le coĂ»t de la rĂ©alisation de la planche. L’un et l’autre, et leurs Ă©pouses respectives, se partagent pour moitiĂ© le fruit de la vente des gravures. Ce commerce semble avoir Ă©tĂ© particuliĂšrement lucratif : il aurait rapportĂ© aux dires de Greuze quelque 300 000 livres.

SECTION 6 : LA LEÇON DE L’HISTOIRE. LE FILS FACE AU PÈRE
La figure du pĂšre, comme contre-point de celle de l’enfant, est centrale dans l’oeuvre de Greuze. C’est prĂ©cisĂ©ment autour de l’image paternelle que le peintre rĂ©alise ses compositions les plus ambitieuses, les plus théùtrales, les plus tragiques aussi. Le pĂšre, fĂ»t-il la figure de l’autoritĂ© au XVIIIe siĂšcle, est souvent chez Greuze affaibli, malade, alitĂ©, voire mort. Ce temps du dĂ©clin intĂ©resse l’artiste parce qu’il permet d’utiliser tous les ressorts du pathos pour traduire le sublime en peinture, autrement dit la forme d’expression la plus Ă©levĂ©e dans l’ordre du Beau. Mais par ces scĂšnes Ă©mouvantes, oĂč l’horreur se conjugue Ă  l’effroi, le peintre invite Ă  mĂ©diter le rĂŽle du pĂšre dans l’harmonie de la famille, mais aussi sa responsabilitĂ© dans ses dĂ©sĂ©quilibres, voire dans son anĂ©antissement. Si le pĂšre, entourĂ© de ses enfants et ses petits-enfants, est vertueux dans La PiĂ©tĂ© filiale (Saint-PĂ©tersbourg, musĂ©e de l’Ermitage), il est dans le Septime SĂ©vĂšre et Caracalla la figure opposĂ©e : le mauvais pĂšre qui, par ses dĂ©ficiences Ă©ducatives, a produit un fils monstrueux. Dans le pendant du Fils ingrat et du Fils puni (Paris, musĂ©e du Louvre), le pĂšre semble ĂȘtre la victime de l’impiĂ©tĂ© du fils, mais la folle fureur qu’il exprime sur son visage lors de l’inacceptable dĂ©part du fils, invite Ă  se demander si lui aussi n’a pas sa part de responsabilitĂ© dans l’égarement du fils.

Greuze intime, Acte III. Le scandale du Septime SévÚre et Caracalla.
La prĂ©sentation du morceau de rĂ©ception de Jean-Baptiste Greuze Ă  l’AcadĂ©mie royale de peinture et de sculpture le 23 aoĂ»t 1769, avec treize ans de retard, reprĂ©sente l’un des Ă©pisodes les plus douloureux de la vie du peintre. Contre toute attente, le sujet prĂ©sentĂ© n’est pas l’une de ses scĂšnes domestiques qui ont contribuĂ© Ă  sa renommĂ©e, mais une histoire de l’antiquitĂ© romaine : l’empereur Septime SĂ©vĂšre reprochant Ă  son fils Caracalla d’avoir tentĂ© de l’assassiner durant les campagnes d’Angleterre. Le peintre reprĂ©sente l’instant oĂč l’empereur convoque son fils pour le confronter Ă  l’atrocitĂ© de son acte : « si tu dĂ©sires de me tuer, tue-moi ici », lui aurait-il dit en pointant l’épĂ©e posĂ©e sur la table. Loin de mettre en image le courage du pĂšre indiffĂ©rent Ă  la mort, Greuze reprĂ©sente la faute de l’empereur. Car ce dernier, en refusant de condamner son fils criminel, se rend responsable de la dĂ©cadence de l’Empire romain. Le coup d’éclat recherchĂ© par Greuze en prĂ©sentant cette toile pour se faire reconnaĂźtre comme peintre d’histoire est un Ă©chec. L’AcadĂ©mie accepte de recevoir le peintre, mais seulement dans sa spĂ©cialitĂ©, comme peintre de genre, estimant son tableau « de la plus grande mĂ©diocritĂ© ». Sans doute, l’institution se refuse d’admettre l’esthĂ©tique rĂ©volutionnaire de la toile, soigneusement composĂ©e et austĂšre, qui annonce l’art nĂ©o-classique de Jacques-Louis David, mais aussi la portĂ©e morale du sujet, qui pouvait ĂȘtre compris comme une critique des princes privilĂ©giant leurs intĂ©rĂȘts privĂ©s au dĂ©triment de ceux de la nation. HumiliĂ©, Greuze quitte dĂ©finitivement l’AcadĂ©mie et expose dĂšs lors ses tableaux dans son propre atelier.

SECTION 7 : INNOCENCE PERDUE ET DESTINS BRISÉS
Parmi les oeuvres de Greuze, les reprĂ©sentations de jeunes filles constituent sans doute ses crĂ©ations les plus virtuoses. Qu’il suffise d’observer le jeu raffinĂ© des textures — satin, gaze, peau de porcelaine — et des couleurs — blanc, crĂšme, rose pĂąle — dans la Jeune fille Ă  la colombe ou La Cruche cassĂ©e. Mais si la jeune fille radieuse Ă  la blanche colombe, allĂ©gorie de l’innocence et de la puretĂ©, semble sereine, La Cruche cassĂ©e cache quant Ă  elle une rĂ©alitĂ© dramatique. Tout au long de sa carriĂšre, le peintre interroge le basculement dans l’Ăąge adulte, le temps de l’innocence, l’éveil Ă  l’amour, mais aussi le danger des prĂ©dateurs, jeunes sĂ©ducteurs et vieillards concupiscents. La jeune fille Ă  la cruche cassĂ©e, qui vient d’ĂȘtre abusĂ©e, n’est plus qu’un corps figĂ©, les mains crispĂ©es, tentant de retenir des fleurs qu’elle a dĂ©jĂ  mĂ©taphoriquement perdues. Sa beautĂ© est Ă  l’image de la puretĂ© de son Ăąme, mais son regard, dans sa troublante fixitĂ©, est dĂ©finitivement ailleurs, telle cette cruche cassĂ©e Ă  jamais vidĂ©e de son eau pure. Dans le Paris du XVIIIe siĂšcle, celui du moins de la richesse, des amateurs d’art et des grands seigneurs, Greuze invitait Ă  voir ce qu’il Ă©tait plus commode d’ignorer.

Greuze intime, Acte IV. Les infortunes du peintre.
Au tournant des annĂ©es 1780, alors que le peintre a plus de 50 ans et que sa renommĂ©e s’émousse, ses relations avec son Ă©pouse, Anne-Gabrielle Babuty, se tendent. Le peintre lui reproche d’avoir dĂ©tournĂ© des sommes considĂ©rables provenant des recettes du commerce des gravures. Il ne peut vĂ©rifier les comptes, les registres comptables ayant Ă©tĂ© dĂ©truits : « Mais Madame, pourquoi avez-vous dĂ©chirĂ© les registres ? », lui aurait-il demandĂ©. « Parce que cela m’a plu et que je n’ai point de compte Ă  vous rendre », lui aurait-elle rĂ©pondu.
Mais surtout, il l’accuse de l’avoir trompĂ© avec de nombreux amants et d’avoir nĂ©gligĂ© l’éducation de leurs filles. On ne connait malheureusement pas les reproches que son Ă©pouse pouvait Ă©galement lui avoir fait. Le couple se sĂ©pare en 1785 et divorce en 1793, presque aussitĂŽt que la loi les y autorise. Les deux filles de l’artiste, l’une et l’autre formĂ©es Ă  l’art de peinture, restent auprĂšs de leur pĂšre. RuinĂ© financiĂšrement Ă  la fin de sa vie, Greuze n’intĂ©resse plus et les commandes se font rares. « J’ai tout perdu, or le talent et le courage » Ă©crit-il en 1801. Greuze meurt pauvre, dĂ©laissĂ©, mais entourĂ© de ses deux filles, dans son atelier, le 21 mars 1805.