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🔊 “Annemarie von Matt” Je ne m’ennuie jamais, on m’ennuie, au Centre culturel Suisse, Paris, du 11 octobre au 15 novembre 2020 (prolongĂ©e jusqu’au 24 janvier 2021)

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“Annemarie von Matt”
Je ne m’ennuie jamais, on m’ennuie

au Centre culturel Suisse, Paris

du 11 octobre au 15 novembre 2020 (prolongĂ©e jusqu’au 24 janvier 2021)

Centre culturel Suisse

PODCAST - Interview de Claire Hoffmann,
responsable de la programmation arts visuels du Centre culturel suisse et co-commissaire de l'exposition, par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 9 octobre 2020, durée 11'57. © FranceFineArt.

PODCAST –  Interview de Claire Hoffmann, responsable de la programmation arts visuels du Centre culturel suisse et co-commissaire de l’exposition,

par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 9 octobre 2020, durĂ©e 11’57, © FranceFineArt.


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Annemarie von Matt
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© Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, prĂ©sentation presse de l’exposition, le 9 octobre 2020.

Portrait d’Annemarie von Matt, sans date, photographie, 6,1 x 9 cm, Kantonsbibliothek Nidwalden.
Portrait d’Annemarie von Matt, sans date, photographie, 6,1 x 9 cm, Kantonsbibliothek Nidwalden.
Annemarie von Matt, Mutter mit Kind / Die Nicht AnsprechBAR / Mùre et enfant / L’inabordable, 1940-1961, argile, peint et inscrit, 24,5 x 16 x 10 cm, Nidwaldner Museum, Stans. Photo : Christian Hartmann.
Annemarie von Matt, Mutter mit Kind / Die Nicht AnsprechBAR / Mùre et enfant / L’inabordable, 1940-1961, argile, peint et inscrit, 24,5 x 16 x 10 cm, Nidwaldner Museum, Stans. Photo : Christian Hartmann.
Annemarie von Matt, Iselin III, 1944, encre sur papier, 30,9 x 38,9 cm, Nidwaldner Museum, Stans. Photo: Christian Hartmann.
Annemarie von Matt, Iselin III, 1944, encre sur papier, 30,9 x 38,9 cm, Nidwaldner Museum, Stans. Photo: Christian Hartmann.
Annemarie von Matt, Eva Henn Blutzger-Photo / Photo Blutzger, 1967. Photographie par Eva Henn, peinte par Annemarie von Matt, 8,9 x 12 cm, Kantonsbibliothek Nidwalden. Photo: Christian Hartmann.
Annemarie von Matt, Eva Henn Blutzger-Photo / Photo Blutzger, 1967. Photographie par Eva Henn, peinte par Annemarie von Matt, 8,9 x 12 cm, Kantonsbibliothek Nidwalden. Photo: Christian Hartmann.
Sophie Jung, Woman Standing, 2019.
Sophie Jung, Woman Standing, 2019.
Manon Wertenbroek, Untitled, 2020, Latex, tissu, colliers de serrage, chaünes, 152 × 49 cm. Photo: Christian Hartmann.
Manon Wertenbroek, Untitled, 2020, Latex, tissu, colliers de serrage, chaünes, 152 × 49 cm. Photo: Christian Hartmann.
Manon Wertenbroek, Clown, 2019 © de l’artiste.
Manon Wertenbroek, Clown, 2019 © de l’artiste.

Extrait du communiquĂ© de presse :


Commissaires :
Patrizia Keller (Nidwaldner Museum) et Claire Hoffmann (CCS)



Avec : Mathis Altmann, Sophie Jung, Judith Keller, Simone Lappert, Quinn Latimer, CĂ©line Manz, Sam Porritt, Davide-Christelle Sanvee, Manon Wertenbroek.




L’exposition met en dialogue l’oeuvre d’Annemarie von Matt (1905 – 1967) avec neuf artistes et autrices contemporaines tĂ©moignant de l’actualitĂ© des questions qu’aborde cette artiste. La voix d’Annemarie von Matt, qui mĂȘle dessin, assemblage, photographie, mise-en-scĂšne de soi et Ă©criture obsessionnelle, est drĂŽle, empreinte d’une conscience critique acĂ©rĂ©e de la sociĂ©tĂ© conservatrice et d’un besoin d’expression qui subvertit largement les limites sociĂ©tales et artistiques de son temps.





Annemarie von Matt,  Je ne m’ennuie jamais on m’ennuie


extrait de la brochure de l’exposition par Claire Hoffmann



Annemarie von Matt (1905-1967), artiste mĂ©connue et prolifique, est prĂ©sentĂ©e Ă  Paris pour sa premiĂšre exposition hors de Suisse, accompagnĂ©e de huit artistes et autrices contemporaines qui dĂ©couvrent et questionnent Annemarie von Matt et son oeuvre, lui rĂ©pondent. Dans sa pratique dĂ©bordante se mĂȘlent peinture, dessin, sculpture, art appliquĂ©, assemblage, photographie, mise-en-scĂšne de soi et Ă©criture obsessionnelle. Sa voix, pleine d’humour, est empreinte d’une conscience critique de la sociĂ©tĂ© conservatrice dans laquelle elle se sent enfermĂ©e, elle est marquĂ©e par une approche ludique du langage, et par un besoin de s’exprimer librement qui subverti les limites sociĂ©tales et artistiques de son temps.



L’exposition reflĂšte l’aspect fragmentaire et dispersĂ© de l’oeuvre, et ne prĂ©tend pas donner une vision exhaustive de cette vaste activitĂ© mais invite plutĂŽt Ă  s’en approcher, via les performances, installations, dessins ou textes de Mathis Altmann, Sophie Jung, Judith Keller, Simone Lappert, Quinn Latimer, CĂ©line Manz, Sam Porritt, Manon Wertenbroek. Des mĂ©thodes de travail similaires et un intĂ©rĂȘt commun pour certains sujets permettent de rapprocher ces huit artistes de la pratique d’Annemarie von Matt. 



NĂ©e en 1905 dans un milieu modeste en Suisse centrale, Annemarie von Matt est formĂ©e Ă  diffĂ©rentes techniques d’arts appliquĂ©s dans un studio d’orfĂšvrerie Ă  Lucerne avant de rejoindre la scĂšne artistique de la ville. Pendant les annĂ©es 1930 elle connaĂźt un certain succĂšs pour ses dessins, sculptures et peintures, reçoit des commandes publiques, participe Ă  des expositions et ses oeuvres sont acquises par la ConfĂ©dĂ©ration Suisse et par la ville de Lucerne. En 1935 elle se marie Ă  l’artiste Hans von Matt. Le couple s’installe Ă  Stans, petite ville au coeur de la Suisse centrale. TrĂšs vite, Annemarie von Matt se heurte aux attentes liĂ©es Ă  la vie conjugale et mĂ©nagĂšre qui contredisent son besoin d’espace et de temps pour sa propre pratique artistique. Dans de nombreuses notes elle dĂ©plore et dĂ©nonce la situation politique et sociale des femmes qu’elle considĂšre comme une « prison ». Souvent, elle trouve refuge dans leur chalet de montagne sur le col du BrĂŒnig, prĂšs de Lucerne, pour de longues phases de solitude et de travail. Pour satisfaire son besoin de distance, elle invente des mots tels que « maladie de sursaturation des humains » et souligne en rouge dans son agenda ses crĂ©neaux de solitude (all. allein).




RÉCUP, RÉCIT, RÉ-ORGANISATION, RECOMMENCEMENT



Sans jamais cesser de crĂ©er, Annemarie von Matt abandonne de plus en plus au cours des annĂ©es 1940 la forme aboutie de l’oeuvre. Elle s’oriente vers une approche ouverte : collectionner, assembler, commenter, Ă©crire, regrouper, travailler sur la combinaison d’objets, d’images et de textes. Elle relie des objets entre eux, sans vouloir figer l’oeuvre dans une forme achevĂ©e, ni l’arrĂȘter Ă  une date, Ă  une technique ou Ă  un statut d’original unique. Cette pratique questionne de maniĂšre conceptuelle et matĂ©rielle la notion d’oeuvre, et reconnait le temps (d’une vie) comme facteur crĂ©ateur. Ces mĂ©thodes prĂ©figurent des courants et rĂ©flexions artistiques reconnus et Ă©tablis Ă  partir des annĂ©es 1960. 



Une particularitĂ© de l’oeuvre d’Annemarie von Matt se trouve dans l’utilisation d’objets trouvĂ©s et dĂ©tournĂ©s : un nid d’oiseau dans un caquelon Ă  fondue, des os d’animaux devenus bracelets, une fiole remplie de graines de pavot somnifĂšres ou de sel (Sel de la sagesse). Tous ces objets sont accompagnĂ©s de bribes de textes, commentaires, souvenirs, parfois complĂ©tĂ© et retravaillĂ©s Ă  des annĂ©es de distance. Elle considĂšre le potentiel d’oeuvre, de narration ou de mĂ©tamorphose inhĂ©rent Ă  tout objet. Ainsi, tout mĂ©rite d’ĂȘtre gardĂ© et conservĂ© – mĂȘme des Ă©pluchures de crayon, des vieux boutons Ă  pression ou une corde ombilicale de son chat. La sculpture en bois Femme-conserve (1943), qui garde tout dans son tablier, personnifie ce trait de l’artiste.

Sophie Jung elle aussi collectionne et assemble des objets quotidiens. L’idĂ©e qu’il n’y aurait qu’une maniĂšre de mettre de l’ordre Ă©tant incomprĂ©hensible pour elle, elle invente diffĂ©rentes catĂ©gories pour arranger et rĂ©arranger les choses. Ainsi, les saliĂšres et le paquet de nĂ©ons de Alarming New Records (2019), deux rĂ©ceptacles de matiĂšre blanche (sel/lumiĂšre) en verre, peuvent Ă©voquer des rĂ©fĂ©rences allant de la sphĂšre domestique Ă  des colonnes anthropomorphes… Sophie Jung active ses installations de rĂ©cits personnels et poĂ©tiques sous forme de performances et piĂšces audio. L’artiste se compare elle-mĂȘme Ă  un perroquet qui saisit et s’approprie les mots, rĂ©cite et combine des assonances, rĂ©pĂšte Ă  l’infini jusque Ă  en perdre le sens – et en laisser Ă©merger un autre. Les bribes de chant et poĂ©sie sonore prĂ©sentĂ©es dans l’exposition sont inspirĂ©es des textes d’Annemarie von Matt.

Mathis Altmann utilise toutes sortes de restes et rejets de la sociĂ©tĂ© de « surconsommation ». Des sculptures miniatures semblent arrachĂ©es au tissu urbain, rĂ©vĂ©lant derriĂšre les façades des entrailles lugubres, verso des apparences. Il s’intĂ©resse tout particuliĂšrement aux conditions de travail redĂ©finies sous l’égide du lifestyle Ă  l’ùre numĂ©rique, oĂč les termes vantĂ©s de communautĂ©, de bien-ĂȘtre et de loisir masquent des situations de travail prĂ©caire (tĂ©lĂ©travail, espaces de co-working). MĂȘme si les conditions de travail aujourd’hui se distinguent fortement de la situation en Suisse centrale au milieu du siĂšcle dernier, le flou autour de la dĂ©finition du travail trouve un Ă©cho dans la notion de travail domestique, dit re-productif (vs. productif), de soin et d’entretien non rĂ©munĂ©rĂ© et auquel Annemarie von Matt s’est tant opposĂ© pour pouvoir travailler Ă  son art. Elle compte ses heures : « Je suis une femme de 20 heures » (1965/1966/1967), « Je ne fais rien, cela me prend tout mon temps » (1962).

Le travail d’Annemarie von Matt, que l’on pourrait qualifier d’éphĂ©mĂšre et fluide, est aussi itĂ©ratif. Elle utilise la rĂ©pĂ©tition et la variation dans ses dessins comme dans ses textes. La machine Ă  dessin de Sam Porritt imite ce flux de processus de travail crĂ©atif infini et jamais satisfait. Duty of Care qui oblige le personnel du Centre culturel suisse Ă  ramasser les tas de dessins Ă  intervalles rĂ©guliers, rend visible un travail de soin (angl. care), l’obligation et la responsabilitĂ© qu’une institution (et son personnel) devraient porter envers les oeuvres d’art – et envers les artistes. Les dessins « piĂšges » de Sam Porritt, Ă  premiĂšre vue de simples formes gĂ©omĂ©triques, cachent souvent une ambiguĂŻtĂ© humoristique. Cela caractĂ©rise aussi son approche du langage au travers de laquelle des affirmations et truismes perdent leur logique : « Wouldn’t it be awful if everything was great ? ».



LE LANGAGE, MATIÈRE MALLÉABLE

Chez Annemarie von Matt l’écriture tient une place importante. Le langage est pour elle une masse mallĂ©able. Tout comme avec les objets, elle utilise et assemble des « mots trouvĂ©s » dans les dialectes et dans un allemand littĂ©raire, des bribes d’un français appris pendant un court sĂ©jour en Romandie en tant qu’aide-mĂ©nagĂšre, reprend Ă  son compte des aphorismes, crĂ©e des nĂ©ologismes. Ces notes se trouvent sur des feuillets et bouts de papiers Ă©pars ou sont attachĂ©s Ă  un objet qu’elles Ă©toffent ainsi avec l’anecdote de leur propre crĂ©ation, des protocoles ou instructions performatives.

Des correspondances de longue durĂ©e la relient Ă  ses quelques ami.e.s, son mari Hans von Matt et son amant Josef Vital Kopp. Cette relation intense et ambiguĂ« avec le prĂȘtre Josef Vital Kopp Ă  partir de 1940 dĂ©clenche une production d’oeuvres et Ă©crits et prolifique ainsi qu’un Ă©change de lettres, parfois longues de plusieurs mĂštres en lettres pliĂ©es et plusieurs dizaines de pages.

Les autrices invitĂ©es Ă  rĂ©agir aux Ă©crits d’Annemarie von Matt se sont notamment intĂ©ressĂ©es Ă  cette maniĂšre presque sculpturale de traiter le langage et Ă  la permĂ©abilitĂ© entre des observations philosophiques et intimes. Dans de petits livrets Ă  feuilleter, Judith Keller consigne des aphorismes, poĂšmes et phrases, s’appropriant une forme courte souvent utilisĂ©e par Annemarie von Matt, la citant parfois tout Ă  fait. Le poĂšme de Simone Lappert blanche-neige insoumise (widerstehwittchen) part d’un nĂ©ologisme d’Annemarie von Matt qui transforme Blanche Neige en rebelle (all. widerstehen = rĂ©sister, Schneewittchen = Blanche Neige). La poĂšte, Ă©ditrice et performeuse Quinn Latimer adresse des lettres Ă  Annemarie von Matt. Elle s’y interroge sur les processus de crĂ©ation et sur le dĂ©veloppement d’une voix artistique, sur les liens aux autres intimes ou aliĂ©nants, et sur la situation de femme artiste.



METAMORPHOSES, IDENTITÉS + SUCCESSIONS

Les modes d’expression d’Annemarie von Matt sont intimement liĂ©s Ă  sa vie, Ă  sa condition de femme artiste au milieu du 20Ăšme siĂšcle et au milieu de la Suisse. Experte de la mĂ©tamorphose, elle se crĂ©e des soi, des alter-ego, s’adonne Ă  la mascarade et maitrise une mise-en-scĂšne de sa propre image – d’artiste, de femme, d’amante, de femme au foyer Ă  contrecoeur, de personnage fictif, de solitaire.

Dans ses photographies et objets, Manon Wertenbroek s’intĂ©resse aux constructions et aux reprĂ©sentations des identitĂ©s. Ces formes d’autoportraits, comme des figures fictives et fantastiques, peuvent ĂȘtre revĂȘtues et protĂ©ger le «moi» du regard extĂ©rieur, comme une armure, ou retirĂ©es comme une mue.

Au cours des annĂ©es 1950 Annemarie von Matt se retire progressivement d’une visibilitĂ© publique, Ă©vitant de plus en plus toute situation sociale, telle que fĂȘtes costumĂ©es ou carnaval, tant apprĂ©ciĂ©es auparavant. Ce dĂ©sir d’ĂȘtre seule contraste avec une ouverture simultanĂ©e au monde : Ă  travers la radio, le journal et la littĂ©rature, elle suit de prĂšs les Ă©vĂ©nements gĂ©opolitiques. Le prĂ©sent se mĂȘle au passĂ©, l’intime au monde : dans son calendrier sont ainsi recensĂ©s les anniversaires de naissance de ses ami.e.s et de sa famille aux cĂŽtĂ©s de ceux de personnages cĂ©lĂšbres tels que Platon, Goethe, le Pape ou la date de la mort de Mussolini (Anniversaires de toutes sortes de personnes).

Son travail est redĂ©couvert grĂące Ă  son mari, Hans von Matt, qui trie et conserve sa succession aprĂšs sa mort en 1967 (la collection des oeuvres plastiques est conservĂ©e au Nidwaldner Museum, ses Ă©crits Ă  la bibliothĂšque cantonale de Nidwalden). Hans von Matt prĂ©sente les oeuvres les plus « conventionnelles » telles que les dessins, peintures et motifs religieux dans une exposition et un catalogue en 1969. Il faudra attendre encore quelques annĂ©es pour que l’intĂ©gritĂ© de son oeuvre hĂ©tĂ©rogĂšne, avec ses aspects plus fragiles, humoristiques, visionnaires, soient apprĂ©ciĂ©e.

Est-ce que la maniĂšre dont l’oeuvre est transmise, rangĂ©e, prĂ©sentĂ©e, contextualisĂ©e aprĂšs son dĂ©cĂšs correspond Ă  l’intention de l’artiste ? Quel est la trace que laisse son mari – artiste lui aussi – dans la gestion de la succession de sa femme ? CĂ©line Manz pose ses questions Ă  une thĂ©rapeute de couple pour faire une analyse de ces mĂ©canismes et tĂącher de comprendre ce qui se passe lorsque la voix artistique d’une artiste femme est portĂ©e par un systĂšme patriarcal et dominant (mari, curateurs, historiens de l’art).

Encore aujourd’hui, Annemarie von Matt reste difficile Ă  classer. Elle a souvent Ă©tĂ© comparĂ©e Ă  d’autres femmes : Frida Kahlo, Sonja Sekula, Paula Modersohn-Becker, Meret Oppenheim ou Else Lasker-SchĂŒler – des artistes cherchant leurs voix / voies dans un contexte dominĂ© par les hommes. Le travail d’Annemarie von Matt peut aussi ĂȘtre mis en relation avec des mouvements artistiques conceptuels des 1960 et 1970 qui abolissent les conceptions traditionnelles de l’oeuvre, Ă©largissent la notion de crĂ©ation en favorisant le processus, le fragment, l’éphĂ©mĂšre. On retrouve aussi plus tard chez Dieter Roth, Annette Messager, Christian Boltanski, ou Ilya Kabakov ces approches radicales et visionnaires, une narration mi-documentaire mi-fictionelle, et la biographie comme point de dĂ©part d’une investigation dans la subjectivitĂ©. Et finalement, comme le montre cette exposition, sa pratique comme les sujets qu’elle aborde, font encore Ă©cho pour toute une nouvelle gĂ©nĂ©ration d’artistes.